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Full text of "Traité des obligations selon les règles tant du for de la conscience que du for extérieur"

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TRAITE 

DES 

OBLIGATIONS, 

SELON    LES     REGLES 

TANT  DU  FOR  DE  LA  CONSCIENCE  , 

Que  du  For   extérieur. 

houveîle  Edition  revue  ,    corrigée  &  confidèrablj.* 
ment  augmentée  par  l'Auteur» 


TOME    PREMIER. 

*  0.  M.  i        >©*        '  «WÛlHErfe^ 

A     PARIS;  €lJ- 

Chez  D  I  b  u  r  E   l'aîné,   Quai  des  JU$l(ftfdfi#/\ffy' 
à  l'Image  S.  Paul. 

A     ORLEANS, 

Chez  J.  Rouzeau-Montaut  ,  Imprimeur  du  Roi* 
de  la  Ville  ,  &  de  l'Univerfité. 


M.    PLf...I.,V  V 
^w  Jppr^miàr^^fHfiïï^du  Roi» 

IBLIOTHECA 


.Y 


TA  BLE 

DES    CHAPITRE!^* 

A }  racles  ,  Sellions  &  Paragraphes  9 
contenus  dans  le  premier  Tome. 


PREMIERE   PARTIE. 

T^\  E  ce  qui  appartient  à  Veffence  des 

JL-X  Obligations ,  &  de  leurs  effets ,  Pag.  < 

Chap.  I.  De  ce  qui  appartient  à  l'ejjenu  des 

Obligations,  ibid. 

Sec.  I.  Des   Contrats  ,  6 

ART.  I.  Ce  que  cejlquun  Contrat  ;  en  quoi 

ildiffeiede  lapollicitation ,  &  des 

chojes  quon  doit  principalement 

dijtingu,r  dans  chaque  Contrat , 

7 

§.  I.   Ce  que  c'ejl  qiïun  Contrat  ,     ibid. 

§.  II.  En  quoi  le  Contrat  dijfere-t-il  de  la. 

Pollicitation  ,  o 

§ .  III.  Des  trois  chojes  quon  doit  diflin  met 

dans  chaque  Contrat  9  1 1 

Art.  II.  Divifion  des  Contrats  ,  18 

ART.  III.  Des  différens  vices  qui  peuvent  fe 

rencontrer  dans  les  Contrats ,  i& 
Tome  I,  *  ij 


ïv  TABLE 

§.   I.   De  l'Erreur ,  27 

■§.  IL  Du  défaut  de  liberté  9  34 

§.  III.  Du  Dol,  42 

§.  IV.  I}e  la.  léjîon  entre  Majeurs  ,  4  j 

§,  V.  De  la  léjîon  entre  Mineurs  9  51 
§.  VI.  Du  défaut  de  caufe  dans  un  Contrat  7 

§.  VIL  Du  défaut  de  lieu  dans  laperfonno. 
qui  promet ,  61 

Art.  IV.  Des  perfonnes  qui  font  capables 
ou  non  de  contr acier  9  63 

ART.  V.  'De  ce  qui  peut  être  V objet  des 
Contrats ,  Que  ce  ne  peut  être  qu'  une 
chofe  qui  concerne  les  parties  con- 
tractantes ,  fuivant  la  règle  quon 
ne  peut  valablement  Jiipuler  ni 
promettre  que  pour  foi  ,  70 

§.  I.  Quelles  font  les  raifons  du  principe 
qu'on  ne  peut  jiipuler  ,  ni  pro- 
mettre pour  un  autre  ,  72 

§.  IL  Plujîeurscas,  dans  lef quels  nous  Jli- 
puions  ou  promettons  effeclive- 
ment pour  nous-mêmes  ?  quoique 
la  convention  faffe  mention  d'un 
autre  ,  76 

§,  III.  Que  ce  qui  concerne  une  autre  per- 
fonne  9  que  les  parties  contractant 
tes  peut  être  le  inode ,  ou  la  condi- 
tion d'une  convention  9  quoiqu'il 
ne  puiffe  en  être  £  objet ,  9 1 

§»  IV,   Qu 'on  peut  Jiipuler  &  promettre  p  ai 


DES     CHAPITRES      v 

U  miniflere  d'un  tiers  ,  &  que  ce 
n  ' yefï pus  JIi vider  ni  promettre  pour 
un  autre  ,  9  S 

ART.  VI.  De  V effet  des  Contrats 9  107 

Art.  VII.  Règles  pour  l'interprétation  des 
conventions  ,  112 

Art.  VIII.  Du  ferment  que  les  Parties  con- 
tractantes ajoutent  quelquefois  à 
leurs  conventions  ,  123 

SEC .  II.  Des  autres  caufes  des  Obligations  , 

.m 

§.  I.  Des  quajl '-  Contrats ,  ibid. 

§.  II.  Des  Délits  &  quafi-  Délits  y   137 
§.  III.  De  la  Loi ,  142 

Sec.  III.  Des  perfonnes  entre  le/quelles  peut 
fubfifter  une  Obligation ,        1 44 
SEC.  IV.  De  ce  qui  peut  faire  t  objet  &  la 
matière  des  Obligations  ,       147 
§.  I.   Thefe  génér aie  fur  ce  qui  peut  être  F  ob- 
jet des  Obligations  ,  ib'd. 
§.  II.   Quelles  chofes  peuvent  cire  V objet 
d'une  Obligation ,  148 
§.  III.  Quels  faits  peuvent  être  V objet  des 
Obligations  ,  kj 

Chap.  II.    TT%  E  V  effet  des  Obligations  , 

jLJ  159 

Art.I.  De  V effet  des   Obligations  de   la 

part  du   débiteur ,  ibid. 

§.  I.  De  C  Obligation  de  donner ,      ibid. 


*iij 


; 


TABLE 

§.  II.  De  l'obligation  défaire  ou  de  ne  pas 
faire  9  164 

ART.  II.  De  l'effet  de  l'Obligation  par  rap- 
port au  créancier  9  \6y 

§.  I.  Du  cas  auquel  V  Obligation  confifle 
à  donner  ?  168 

§.  II.  Du  cas  auquel  l'Obligation  confijle. 
à  faire  ou  ne  pas  faire ,         1 7  j 

ART.  III.  Des  dommages  &  intérêts  refultants 
foit  de  l'inexécution  des  Obliga- 
tions ,  foit  du  retard  apporté  à 
leur  exécution  9  176 

PARTIE    II. 

7~*\  Es  différentes  efpeces  d'Obligations  , 

JLS  J  2,01 

Chap.  I.  Expojition  générale  des  différentes 
efpeces  d'Obligations  y         ibid. 
§.  I.  Première  Divifion  ,  ibid. 

§.  II.  Deuxième  Divifion  ,  204 

§.  III.  ///.  IK  &  V.  Vivifions ,       205 
§.   IV.   Sixième  Divifion  9  208 

§.  V.  Septième  Divifion  ,  209 

§.  VI.  Huitième  Divifion  ,  212 

§.  V IL IX. X. XL  & XII,  Divifions, \b\d. 

ÇHAP.  II.  "T\  E  la  première  Divifion  des 
JLs  Obligations  >  en  Obliga- 
tions civiles  &  en  Obligations 
naturelles  y  %  1  $ 


DES     CHAPITRES,  vîj 

CHAP.  III.    r\  Es  différentes  modalités 
JL^/  fous  hj quelles  les  Obliga- 
tions peuventê.trecontraclées,  iiy 

ART.  I.  Des  conditions  fufpenfi\ es ,  &  des 
Obligations  conditionelles ,  ibid. 

§.  I.    Quefl-ce  qu'une  condition  &fes  diffé- 
rentes efpeces ,  242. 

§.  II.   Ce  qui  peut  faire  une  condition  qui 
fufpende  une  Obligation  ,     225 

§.  III.  Quand  les  conditions  font-elles  cen- 
fées  accomplies ,  230 

§.  IV.  DeCindivifibilité  de  t 'accompli/Je- 
ment  des  conditions ,  245 

§.  V.  De  r effet  des  conditions  ,  248 

§.  VI.  Lorfqrf une  Obligation  a  été contraclée 
fous  plufïeurs  conditions  ,  effil 
néceffaire  que  toutes  s'accomplit 

fcnt,  251 

Art.  II.  Des  conditions  réfolutoires ,  &  des 
Obligations  ré/blubles  fous  une 
certaine  condition,  &  de  celle  dont 
la  durée  ejl  limitée  à  un  certain 
temps,  252, 

Art.  III.  Du  terme  de  payement ,        255 
§.   I.   Ce  que  c'efl  que  ce  terme  de  payement 
&  fes  différentes  efpeces  ,     ibid. 
§.   II.  De  P effet  du  terme  &  en  quoi  il  diffère 
de  la  condition  ,  256 

§.  III.    Des  cas  auxquels  la  dette  peut  être 
exigée  avant  le  terme  ,  259 

*  IV 


vîîj  TABLE 

§.  IV.  Du  terme  joint  aux  conditions ,  245 
Art.  IV.  Du  lieuconvcnu  pour  le  payement  y 

ART.  V  .  Dis  Obligations  ccntraclees  avec  la 
clame  de  pouvoir  payer  à  uneper- 
fonne  indiquée  ,  ou  avec  celle  de 
payer  une  certaine  chofe  ,  à  la 
place  de  la  chofe  due  ,  265 

Art.  VI.  Des  Obligations  alternativet^zôj 

Art.  VII.  Des  Obligations  folidaires  entre 
plu fieurs  créanciers  ,  2 80 

Art.  VIII.  De  la  folidité  de  la  part  des  débi- 
teurs ,  283 

§.  I.  Ce  que  cejl  au  Obligation  folidaire  de 
la  part  des  débiteurs  ,  ibicL 

§.  II.  En  quels  cas T Obligation  de  plujieurs 
débiteurs  ejl-elle  réputée folidaire  y 

287 

§ .  III.  Des  effets  de  la  folidité  entre  plufieurs 
débiteurs  ,  292 

§.  IV.   De  la  remife  de  la  folidité  ,       302 

§«  V.  De  la  ceffion  des  actions  du  créancier , 
qua  droit  de  demander  un  debi' 
teur  folidaire  qui  paye  le  total , 

§.  VI.  Des  aUicns  que  le  débiteur  folidaire 
qui  a  payé  fans  fubrogation  ypeut 
avoir  dejor.  chef >  contre  f es  codé- 

i    'ZUT S  , 


DES    CHAPITRES.       U 

CHAP.IV.  J~*\E  quelques  efpeces  parti- 

J_^S  culieres     d'Obligations  , 

confidérées  par  rapport  aux  cho- 

fes  qui  en  font  f  objet  ,       330 

Sec.  I.  De  F  Obligation  d'une  chofe  indéter- 
minée d'un  certain  genre  ,       331 

SEC.  II.  Des  Obligations  dividuelles  &  des 
Obligations  individuelles  ,    3  40 

Art.  I.  Quelles  Obligations  font  dividuelles , 
&  quelles  Obligations  font  indi- 
viduelles ,  ibid. 

§.  I.  Qjïefil-cequ  une  Obligation  dividueU 
le  ,  &  une  Obligation  indivi- 
duelle }  ibid. 

§.  II.  Des  différentes  efpeces  a"  indivijibilité  1 

346 
§.  III.  P lufieurs  efpeces  particulières  a"  Obli- 
gations à  regard  defquelles   on 
demande  fi  elles  font  divi/ibles  ou 
indivifîbles  ,  351 

De  V  Obligation  de  livrer  une  pièce  de  terre  9 

ibid. 
De  V  Obligation  d'une  corvée  ou  journée  9 

35  4 

De  ^Obligation  défaire  quelque  Ouvrage  y 

3  56 
De  C Obligation  de  donner  une  certaine fom- 

me  léguée  pour  la  conflruclion  d'un  Hôpi- 
tal ,   ou  pour  quelque  autre  fin  ,        ibid» 
ART.  II.  De  la  nature  &  des  effets  des  Obli- 

*    V 


x  TABLE 

galions   divijibles  ,  3  ey 

§.  I.  Principes  Généraux  9  ibid. 

§.  II.  Modifications  du  premier  effet  delà  di- 
vijion de  rObligation  du  côté  du 
débiteur  ,  y<<^ 

§.  III.  Du  fécond  effet  de  la  divijion  delà 
dette  ,  qui  conjifle  en  ce  quelle 
peut  être  payée  par  parties  ,  376 

§.  IV.  Du  cas  auquel  la  divijion  de  la  de:U 
fe  fait  9  tant  de  la  part  du  créan- 
cier ,  que  du  débiteur  ,  385 

§.  V.  Si  la  réunion  des  portions  rfoit  des 
héritiers  du  créancier ,  foit  des 
héritiers  du  débiteur ,  en  une  feule 
perfonne  rfait  ceffer  la  faculté  de. 
payer  la  dette  par  parties ,      386 

§.  VI.  Différence  entre  la  dette  deplufieurs 
corps  certains,  &  celle  deplujieurs 
chofes  indéterminées  ?  touchant  la 
manière  dont  elles  fe  divifent  , 

39 1 

Art.  NI.  De  la  nature  &  des  effets  des  Obli- 
gations individuelles  9.  3  93 

§.  I.  Principes  généraux  fur  la  nature  des 
Obligations  individuelles  y    ibid. 

§.  II.  De  r effet  de  Vindivifibilité  de  t Obli- 
gation in  dando  aut  in  faciendo, 
par  rapport  aux  héritiers  du  créan- 
cier ,  ^         397 

§.  III.  De  l'effet  des  Obligations  in  dando 
aut  in  taciendo  ,par  rapport  aux 


DES     CHAPITRES,      x/ 

héritiers  du  débiteur  ,  40 1 

§.  IV.  De  L'effet  des  Obligations  indivifibles 

in  non  faciendo ,  408 

CHAP.  V.  JT\  Es  Obligations  pénales  , 
i  J  4ix 

Art.  I.  De  la  nature  des  Obligations  péna- 

les>         .  .4M 

§.   I.  Premier  Principe  ,  ibid. 

§.   IL  Deuxième  Principe  ,  416 

§.    III.   Troifieme  Principe  9  ibid. 

Quatrième  Principe  ,  417 

Cinquième  Principe  ,  422 

Art.  II.  Quand  y  a-t-il  lieu  à  l'ouverture 
de  P  Obligation  pénale  ,       429 

§.  I.  Du  cas  auquel  la  daufe  pénale  a  été 
ajoutée  à  t  Obligation  de  ne  pas 
faire  quelque  chofe  ,  ibid. 

§.  II.  Du  cas  auquel  la  claufe  pénale  a  été 
ajoutée  à  t Obligation  de  donner 
ou  de  faire  quelque  chofe  ,    4^1 

Art.  III.  Si  le  débiteur  peut  en  s* acquittant 
par  parties  de  [on  Obligation  9 
éviter  la  peine  pour  partie  ,  434 

Art.  IV.  Si  la  peine  efl  encourue  pour  le  to- 
tal &  par  tous  les  héritiers  du 
débiteur ,  par  la  contravention  de 
Vun  d'eux  ,  440 

§.  I.  Décifion  de  la  queflion  à  V égard  des 
Obligations  indivifibles  9      441 

§.  II,  Décifion  de  la  queflion  à  l 'égard  des. 


xij  TABLE 

Obligations   divijibles  \        447 
ART.  V.  Si  la  peine  ejl  encourue  pour  le  to- 
tal ,  &  envers  tous  les  héritiers  du 
créancier  ,  par  la  contravention 
faite  envers  Cun  d7eux  y        460 

CHAP.  VI.  T\  Es  Obligations  acceffoires 
JL^  desfidéju[jeurs ,  &  autres 
qui  accèdent  à  celle  £un  princi~ 
pal  débiteur ,  46  2 

Sec  I.  De  la  nature  du  cautionnement  :  dé* 
finition  des  cautions  des  fidéjuf- 
Jeurs  ?  &  les  Corollaires  qui  en 
dérivent,  463 

Sec.  II.  Divijion  des  fidéjujjeurs  ou  eau- 
dons  ?  502 

Sec.  III.  Des  qualités  que  doivent  avoir  les 
cautions ,.  5  04 

§.  I.  Des  qualités  que  doit  avoir  une  per- 
Jonne  pour  contracter  un  caution- 
nement ,  ibid. 

§.  IL  Des  qualités  requifes  pour  qu  une  per- 
sonne f  oit  reçue  à  être  caution , 

§.  III.  Des  cas  auxquels  un  débiteur  ejl  tenu 
de  donner  une  nouvelle  caution 
à  la  place  de  celle  qui  a  reçue , 

Sec.  IV.  Pour  qui ,  envers  qui  >  pour  quelle 
Obligation ,  &  comment  le  cau- 
tionnement peut-il  être  fait,  5 1 J 


DES   CHAPITRES,     xiij 

S.   I.   Pour  qui  &   envers  quiy  ibid. 

§.  II.  Pour  quelle  Obligation  ,  517 

§.  III.  Comment  fe  contractent  les  caution- 
nements ,  ^2.3 
SEC.  V.  De  retendue  du  cautionnement, 

5M 
SEC.  VL  De  quelle  manière  s  éteignent  les 
cautionnemens ,  &  des  différentes 
exceptions  que  la  loi  accorde  aux 
cautions  ,  5  29 

ART.  I.  De  quelle  manière  s'éteignent  les 
cautionnemens  ,  ibid. 

ART.  II.  De  V exception  de  difcuffion,  532 
£.   I.   Origine  de  ce  droit  ,  ibid. 

§.  II.  Quelles  cautions  peuvent  oppofer  l'ex- 
ception de  difcuffion  ,  533 
§.  III.  En  quel  cas  le  créancier  efi-il  obligé 
à  la  difcujjîon  ,  &  quand? ex- 
ception de  difcuffion  doit-elle  être 
oppojée ,      ^                 .          535 
§.  IV.  Quels  biens  le  créancier  eji-il  obligé  de 
difeuter  ,  538 
§.  V.  Aux  dépens  de  qui  doit  fe  faire  la  dif- 
cuffion ,                                  543 
§.  VI.  Le  créancier  qui  a  manqué  à  faire  la 
difcuffion  ,  ejl-il  tenu  de  Vinfol- 
vabilité  du  débiteur  ,             ibid. 
Art.  III.  De  l'exception  de  divifion,  546 
§.  I.    Origine  de  ce  droit  9                  ibid» 
§.  II.  Qui  font  ceux  qui  peuvent  ou  non 
oppofer  F  exception  de  divijion^t 

547 


xiv  TABLE 

§.  III.  Qui  font  ceux  entre  qui  la  dette 
doit  être  divijée  ,  548 

§.  IV.  Un  cautionnement  peut-il  fe  divifer 
avec  une  caution  qui  na  pas  va- 
lablement contracté  9  &  avec  une 
caution  mineure ,  552 

§.  V.  Quand  l'exception  de  divifion peut- 
elle  être  oppofêe  ,  555 

§.  VI.  De  r effet  de  l'exception  de  divijïon  9 

Art.  IV.  D  la  cejjion  d'actions  ouf  abroga- 
tion que  le  créancier  efl  tenu  d'ac- 
corder au  fidéjufflur  qui  le  paye  9 

560 

SEC.  VIL  Du  droit  qrfa  la  caution  contre  le 
principal  débiteur  &  contre  fes 
cofidéjuffeurs ,  561 

Art.  L  Du  recours  de  la  caution  contre  le 
débiteur  principal  après  quelle  a 
payé,  i  562 

§.  I.  Quelles  font  les  actions  qiHa  la  caution 
contre  le  débiteur  principal ,  après 
quelle  a  payé  9  ibid. 

§.  IL  Quel  payement  donne  lieu  à  ces  ac- 
tions ,  533 

§.  III.  Trois  conditions  pour  que  le  paye- 
ment fa't  par  la  caution  donne 
lieu  à  t  action  contre  le  débiteur 
principal,  564 

Première  Condition  ,  565 

Deuxième  Condition  9  56^ 


DES    CHAPITRES.      x? 

Troifieme  Condition  ,  569 

§.  IV.  Quand  la  caution  qui  a  payé  peut- 
elle  exercer fon  recours  ,  ibid* 
§.  V.  Lorfquil  y  a  plufieut s  débiteurs  prin- 
cipaux ,  la  caution  a-t-elle  aclion 
contre  chacun  d'eux ,  6*  pour 
combien  ,  5  70 

Art.  II.  Des  cas  auxquels  la  caution  a 
aclion  contre  le  débiteur principal ', 
même  ayant  qiielle   ait  payé  , 

57* 
Art.  III.  Si  la  caution  d'une  rente  peut 

obliger   le    débiteur  au  rachat  9 

577 

Art.  IV.  Des  actions  de  la  caution  contre 
fes  cofidéjuffeurs  ,  5  90 

S£C.  VIII.  De  plujîeurs  autres  efpeces  d'O- 
bligations accefjo'v es ,  $97 
Art.  I.  De  f  Obligation  de  ceux  qiion  ap- 
pelle en  Droit  Mandatores  9  ibid* 
Art.  II.  De  l'Obligation  des  Commettants  , 

607 
§.  L  En  quelfens  les  Commettants  accè- 
dent aux  obligations  des  Contrats 
de  leurs  prépofés  ?  &  en  quoi  ils 
différent  des  autres  débiteurs  ac- 
cejjoires ,  608 

§.  II.  En  quels  cas  y a-t-illieuâl 'obligation 
acceffoire  des  commettants  ,610 
§.  III,  De  r effet  des  obligations  acceffoires 
des  Commettants  )  6iz 


xvj     TABLE  DES  CHAPITRES. 

§.  IV.  De  F  Obligation  accffo'ne  des  Corn* 
mettants  qui  naît  des  délits  de 
leurs  prépofés  ,  6 1  6 

§.  V.  Des  Pères  de  famille  &  des  Maîtres , 

617 

Sec.  DERN.  Du  Pacl  conjlitutœ pecuniœ  , 

610 

§ .  I .  De  ce  qui  efl  néceffaire  pour  la  validité 
du  pacl  conftitutae  pecuniae  , 

62.6 

§.  II.  Si  le  pacl  conftitutae  pecuniae  ren- 
ferme nécefjairement  un  terme 
dans  lequel  on  promet  payer  , 

636 

§.  III.  Si  on  peut  par  le  pacl  conftitutae 
pecuniae  s'obliger  à  plus  que  et 
qui  efl  du  ,  ou  à  autre  chofe  que 
ce  qui  efl  dû  ,  ou  s  y  obliger  a" une 
différente  manière  ,  637 

§.  IV.  De  l'effet  du  pacl  conftitutae  pecu- 
niae, &  de  ^obligation  qui  en 
naît ,  64J 

§.  V.  De  Cefpece  de  pacl  par  lequel  on  pro- 
met au  créancier  de  donner  cer- 
taines sûretés ,  662 

Fin  de  la  Table  des  Chapitres. 


TRAITÉ 


TRAITÉ 

DES 

OBLIGATIONS. 

—  ■  »■ 

.Article    préliminaire. 

i.  Ml     lr  E  terme  &  Obligation  a  deux 

1  lignifications. 

Dans  une  lignification  éten- 

-  due  ,  lato  fenfu,  il  efl  fyno- 
nyme  au  terme  de  devoir,  &c  il  comprend 
les  Obligations  imparfaites ,  aufli-bien  que 
les  Obligations  parfaites. 

On  appelle  Obligations  imparfaites 5  les 
Obligations  dont  nous  ne  fommes  compta- 
bles qu'à  Dieu  ,  &  qui  ne  donnent  au- 
cun droit  à  perfonne  pour  en  exiger  l'ac- 
complifTement  :  tels  font  les  devoirs  de 
charité  ,  de  reconnoifTance  ;  tel  eft  par 
exemple  l'obligation  de  faire  l'aumône  de 
Tom,  I%  A 


i  Traite' 

fon  fuperflu;  cette  obligation  eft  une/ 
véritable  obligation ,  &c  un  riche  pèche 
très  -  grièvement ,  lorfqu'il  manque  à 
l'accomplir  ;  mais  c'eft  une  obligation 
imparfaite  ,  parce  qu'il  n'en  eft  compta- 
ble qu'à  Dieu  feul  :  îorfqu'il  s'acquitte 
de  cette  obligation  ,  le  pauvre  à  qui  il 
fait  l'aumône  ne  la  reçoit  pas  comme 
une  dette  ,  mais  comme  un  pur  bienfait. 
Il  en  eft  de  même  des  devoirs  de  la  recon- 
noiftance  :  celui  qui  a  reçu  quelque  bien- 
fait fignalé ,  eft  obligé  de  rendre  à  fon 
bienfaiteur  tous  les  fervices  dont  il  eft  ca- 
pable ,  lorfqu'il  en  trouve  Poccafion  ;  il 
pèche  &.  il  fe  déshonore,  quand  il  y  man- 
que ;  mais  fon  bienfaiteur  n'a  aucun  droit 
d'exiger  de  lui  ces  fervices  ;  &C  lorfqu'il 
les  lui  rend  ,  ce  bienfaiteur  reçoit  de  lui 
à  fon  tour  un  véritable  bienfait.  Si  mon 
bienfaiteur  avoit  droit  d'exiger  de  moi 
que  je  lui  rendifte  dans  la  même  occafion 
les  mêmes  fervices  qu'il  m'a  rendus  ,  ce 
ne  feroit  plus  un  bienfait  qu'il  m'auroit 
fait ,  mais  un  vrai  commerce  ;  &c  les  fer-» 
vices  que  je  lui  rendrois  ne  feroient  plus 
de  ma  part  reconnoifjhncc ,  la  reconnoif- 
fance  étant  efTentiellement  volontaire. 

Le  terme  tf  Obligation  dans  un  fens  plus 
propre  &C  moins  étendu  ne  comprend  que 
les  Obligations  parfaites  qu'on  appelle 
aufli  cngagemens  pcrfonnds ,  qui  donnent 


des  Obligations.  5 
à  celui  envers  qui  nous  les  avons  con- 
tractés ,  le  droit  d'en  exiger  de  nous  l'ac- 
complifTement  ;  &  c'efl  de  ces  fortes 
d'Obligations  dont  il  s'agit  dans  ce  Traité. 
Les  Jurifconfultes  définirent  ces  Obli- 
gations ou  Engagemens  perfonnels  :  un  ) 
lien  de  droit  qui  nous  aftreint  envers  un 
autre  à  lui  donner  quelque  chofe ,  ou  à 
faire  ou  ne  pas  faire  quelque  chofe  ,  Vin- 
culum  juris  quo  neceffztate  adjlringimur 
allcujus  rd  folvendœ.  Inftit.  tit.  de  oblig. 
Obligationum  fubjîantia  conjiftit  ut  alium 
nobis  obflringat ,  ad  dandum  aliquid  veL 
faciendum  ,  vd  ptœjlandum.    L.   3.  ff.  de 

oblig. 

Ces  termes  vinculum  juris ,  ne  convien- 
nent au'à  l'Obligation  civile  :  PObliea- 
tion  purement  naturelle  ,  qui  efl  folius 
aquitatis  vinculum  ,  efl  aufli ,  quoique 
dans  un  feris  moins  propre ,  une  Obliga- 
tion parfaite  ;  car  elle  donne ,  finon  dans 
le  for  extérieur,  au  moins  dans  le  for 
de  la  confeience  ,  à  celui  envers  qui 
elle  efl  contractée  ,  le  droit  d'en  exiger 
TaccomplirTement  ;  au  lieu  aue  FOb-ipa- 
tion  imparfaite  ne  donne  pas  ce  droit. 
V,  infrà  N.   I97. 

Nous  diviferons  ce  Traité  des  Obliga- 
tions en  quatre  parties  :  nous  verrons 
dans  la  première  ce  qui  appartient  à 
l'effence  des  Obligations ,  &c  leurs  effets, 

Aij 


4  Tr.   des    Oblig, 

Dans  la  féconde ,  les  différentes  divï* 
fions ,  &  les  différentes  efpeces  d'Obli- 
gations. 

Dans  la  troifieme  ,  les  manières  dont 
s'éteignent  les  Obligations ,  &c  les  fins  de 
non-recevoir ,  ou  prefcriptions  contre  le 
droit  qui  en  réfulte. 

Nous  ajouterons  une  quatrième  partie 
fur  la  preuve  tant  des  Obligations  ,  que 
de  leur  payement. 


-X-       -*• 


Part.  i.     Chap.  I.  5 

PARTIE     PREMIERE. 

De  ce  qui  appartient  a  l'essence 

des    Obligations ,    &  de  leurs  effets* 


CHAPITRE    PREMIER.' 

DE  CE  QUI  APPARTIENT  A  L'ESSENCE 

des   Obligations, 

2.  T  L  eft  de  l'eflence  des  Obligations  , 

jI  i°.  Qu'il  y  ait  une  caufe  d'où  naiffe 
rObligation.  i°.  Des  personnes  entre  lef- 
quelles  elle  fe  contra&e.  30.  Quelque 
chofe  qui  en  foit  l'objet. 

Les  caui'es  des  Obligations  font  les 
contrats  ,  les  quafi-contrats  ,  les  délits  9 
les  quafi-délits  ;  quelquefois  la  loi  ou 
l'équité  feule. 

Nous  traiterons ,  1  °.  Des  contrats  qui 
font  la  caufe  la  plus  fréquente  d'où  naif- 
fent  les  Obligations. 

20.  Des  autres  caufes  des  Obligations. 

30.  Des  perfennes  entre  qui  elles  fe 
contractent. 

40.  Des  çhofes  qui  en  peuvent  être 

r°bJet^\VE 

A  iij 

I    0. 


S  Tr,    des    Oblig, 

Section     première, 
Des  Contrats, 

Nous  verrons  i°.  ce  que  c'eft  qu'un 
Contrat  ;  en  quoi  il  diffère  de  la  polli- 
citation ,  8z  quelles  font  les  chofes  qu'on 
doit  principalement  diffinguer  dans  cha- 
que Contrat.  20.  Nous  rapporterons  les 
différentes  divifions  des  Contrats.  30. 
Nous  traiterons  des  vices  généraux  qui 
.peuvent  fe  rencontrer  dans  les  Contrats. 
40.  Des  perfonnes  qui  peuvent  ou  ne 
peuvent  pas  contracter.  50.  De  ce  qui 
peut  être  l'objet  des  contrats  :  nous  fe- 
rons voir  que  ce  ne  peut  être  qu'une 
chofe  qui  concerne  les  parties  contrac- 
tantes ,  fuivant  la  règle  qu'on  ne  peut 
valablement  ilipuler  ni  promettre  que 
pour  foi ,  règle  que  nous  tâcherons  d'ex- 
pliquer &C  de  développer.  6°.  Nous 
traiterons  des  effets  des  Contrats.  70. 
Nous  donnerons  des  règles  pour  l'inter- 
prétation des  Contrats.  8°.  Nous  traite- 
rons du  ferment  que  les  parties  ajou- 
tent quelquefois  à  leurs  conventions, 


Part.  I.  Chap.  I.    7 

Article  premier. 

Ce  que  cefî  quun  Contrat  ;  en  quoi  il  diffère 
de  lapollicitation,  &  des  chofes  quon  doit 
principalement  dijlinguer  dans  chaque 
Contrat, 

§.  i. 

Ce  que  cejl  qu'un  Contrat* 

3.  Un  Contrat  eft  une  efpece  de  con- 
vention. Pour  favoir  ce  que  c'efr.  qu'un 
Contrat  ,  il  efl  donc  préalable  de  favoir 
ce  que  c'eft  qu'une  convention. 

Une  convention  ou  un  pacte  (  car  ce 
font  termes  fynonymes  )  eil  le  confente* 
ment  de  deux  ou  de  plufieurs  perfonnes  , 
ou  pour  former  erïtr'elîes  quelque  enga- 
gement ,  ou  pour  en  réfoudre  un  précé- 
dent ,  ou  pour  le  modifier  ?  Duorum  vel 
plurium  in  idem  placitum  confenfus.  L.  1. 
§.   1.  ffl  de  pacl.  Domat.  p.  1.  1.  1.  t.  1. 

L'efpece  de  convention  qui  a  pour 
objet  de  former  quelque  engagement  efl 
celle  qu'on  appelle  Contrat.  Les  princi- 
pes du  Droit  Romain  fur  les  différentes 
efpeces  de  pactes  ,  &:  fur  la  diftinclion 
des  contrats  &  des  fimples  pactes  ,  n'é- 
tant  pas  fondés  fur  le  Droit  naturel ,  & 
étant  très-éloignés  de  fa  fimpliciîé  ?  ne 

A  iv 


8  Tr.   des    Oblig. 

foRt  pas  admis  dans  notre  Droit  :  ceux 
qui  feront  curieux  de  les  favoir  pourront 
conflilter  le  titre  de  paciisin  Pand.  Jujlin. 
ou  ils  font  détaillés. 

De-là ,  il  fuit  que  dans  notre  Droit  on 
ne  doit  point  définir  le  Contrat ,  comme 
le  définirent  les  interprètes  du  Droit 
Romain;  Conventio  nomen  habens  à  jure 
tivili ,  vel  caufam  ;  mais  on  le  doit  dé- 
finir :  Une  convention  par  laquelle  les 
deux  parties  réciproquement,  ou  feule- 
ment l'une  des  deux,  promettent  &t  s'en- 
gagent envers  l'autre  à  lui  donner  quel- 
que chofe ,  ou  à  faire  ou  ne  pas  faire 
quelque  chofe. 

J'ai  dit  promettent  &  s'engagent,  car  il 
n'y  a  que  les  promettes  que  nous  faifons 
avec  l'intention  de  nous  engager ,  &  d'ac- 
corder à  celui  à  qui  nous  les  faifons  ,  le 
droit  d'en  exiger  l'accompliffement,  qui 
forment  un  contrat  Se  une  convention. 

Il  y  a  d'autres  promettes  que  nous  fai- 
fons de  bonne  foi  Se  avec  la  volonté  ac- 
tuelle de  les  accomplir ,  mais  fans  une 
intention  d'accorder  à  celui  à  qui  nous 
les  faifons  ,  le  droit  d'en  exiger  l'accom- 
pliffement ,  ce  qui  arrive  lorfque  celui 
qui  promet  déclare  en  même  temps  qu'il 
n'entend  pas  néanmoins  s'engager  ,  ou 
lorfque  cela  réfulte  des  circonttances  ou 
des  qualités  de  celui  qui  promet ,  &  de 


Part.  I.    C  h  a  p.  I.  9 

celui  à  qui  la  promette  eft  faite.  Par  exem- 
ple ,  lorsqu'un  père  promet  à  ion  fils  qui 
étudie  en  Droit ,  de  lui  donner  de  quoi 
faire  dans  les  vacances  un  voyage  de  ré- 
création ,  <?n  cas  qu'il  emploie  bien  fon 
temps  ;  il  eft  évident  que  le  père  en  fai- 
fant  cette  promette  ,  n'entend  pas  con- 
tracter envers  fon  fils  ,  un  engagement 
proprement  dit. 

Ces  promettes  produifent  bien  une 
Obligation  imparfaite  de  les  accomplir, 
pourvu  qu'il  ne  foit  furvenu  aucune  caufe, 
laquelle  fi  elle  eût  été  prévue  eût  empê- 
ché de  faire  la  promette  ;  mais  elles  ne 
forment  pas  d'engagement,  ni  par  con- 
féquent  de  Contrat. 

s-  i  1. 

En    quoi    le    Contrat  diffère- 1- il  de    la 
Pollicitation. 

4.  La  définition  que  nous  avons  don- 
née du  Contrat  ?  fait  connoître  cette  dif- 
férence. Le  Contrat  renferme  le  concours 
des  volontés  de  deux  perfonnes  ,  dont 
l'une  promet  quelque  chofe  à  l'autre  ,  &C 
l'autre  accepte  la  promette  qui  lui  eft 
faite.  La  Pollicitation  eft  la  promette  qui 
n'eft  pas  encore  acceptée  par  celui  à  qui 
elle  eft  faite  ;  Pollïcitatio  ejl  folius  offe- 

A  v 


7o  Tr.    des    Oblig. 

rends  promifjiim.  L.  3 .  jf\  de  Pollicîtat. 
La  Pollicitation  aux  termes  du  pur  Droit 
naturel  ne  produit  aucune  Obligation  pro- 
prement dite  ,  &  celui  qui  a  fait  cette 
promefïe  peut  s'en  dédire,  tant  que  cette 
promefTe  n'a  pas  été  acceptée  par  celui 
à  qui  elle  a  été  faite  ;  car  il  ne  peut  y 
avoir  d'Obligation ,  fans  un  droit  qu'ac- 
quiert la  perfonne  envers  qui  elle  eil 
contractée  contre  la  perfonne  obligée  ; 
or ,  de  même  que  je  ne  peux  pas  par  ma 
feule  volonté  transférer  à  quelqu'un  un 
droit  dans  mes  biens  ,  fx  fa  volonté  ne 
concourt  pour  l'acquérir  ;  de  même  je 
ne  peux  pas  par  ma  promefTe  accorder  à 
quelqu'un  un  droit  contre  ma  perfonne  % 
jufqu'à  ce  que  fa  volonté  concoure  pour 
l'acquérir  par  l'acceptation  qu'elle  fera 
de  ma  promefTe  ;  Grot.  de  jure  bel.  & 
pac.  L.  2.  cap.  n.  ^.  3. 

Quoique  la  Pollicitation  ne  foît  pas 
obligatoire  dans  les  purs  termes  du  Droit 
naturel  ,  néanmoins  le  Droit  civil  qui 
ajoute  au  Droit  naturel ,  avoit  rendu  chez 
les  Romains  obligatoires  en  deux  cas. 
les  Pollicitations  qu'un  citoyen  faifo.it 
à  fa  ville.  iQ.  Lorfqu'il  avoit  eu  un  jufte 
fujet  de  les  faire  ,  put  à ,  en  confidéra- 
îjon  de  quelque  magiftrature  municipale 
qui  lui  avoit  été  déférée  ob  honorent* 
%v,  Lorfqu'il  avoit  commencé  de  les  met* 


P  A  R  T.  I.      C  H  A  P.  I.  II 

tre  à  éxecution,   L.    i.    §.  i.    &  2.  jfl 

d.  t. 

On  ne  doit  plus  mettre  en  queftion 
s'il  y  a  des  Pollicitations  obligatoires 
dans  notre  Droit  François  ;  l'Ordonnan- 
ce de  173  1.  art.  3.  ayant  déclaré  qu'il 
n'y  auroit  plus  que  deux  manières  de  dif- 
poier  de  fes  biens  à  titre  gratuit,  la  do- 
nation entre-vifs  ,  &:  le  teilament  :  il 
s'enfuit   qu'elle  rejette  la  Pollicitation. 

s-  IIL 

Des  trois  chofes  qu'on  doit  dijlinguer  dans 
chaque  Contrat. 

5.  Cujas  ne  dirtinguoit  dans  les  Con- 
trats ,  que  les  chofes  qui  font  de  l'erTence 
du  Contrat ,  &  celles  qui  lui  font  acci- 
dentelles. La  diftin&ion  qu'ont  faite  plu- 
fieurs  Jurifconfultes  du  dix-feptieme  fie- 
cle  ,  eft  beaucoup  plus  exacte  :  ils  diftin- 
guent  trois  différentes  chofes  dans  cha- 
que Contrat ,  celles  qui  font  de  l'efTence 
du  Contrat ,  celles  qui  font  feulement 
de  la  nature  du  Contrat ,  &  celles  qui 
font  purement  accidentelles  au  Contrat. 

6.  Les  chofes  qui  font  de  l'efTence  du 
Contrat ,  font  celles  fans  lefquelles  ce 
Contrat  ne  peut  fubfifter  ;  faute  de  l'une 
de  ces  chofes ,  ou  il  n'y  a  pas  du  tout 

A  vj 


il  Tr.    des   Oblig. 

de  Contrat ,    ou  c'efl  une  autre  efpecé 

de  Contrat.  I 

Par  exemple  ;  il  eft  de  Peffence  du 
Contrat  de  vente  qu'il  y  ait  une  chofe 
qui  foit  vendue ,  &c  qu'il  y  ait  un  prix 
pour  lequel  elle  foit  vendue  ;  c'en1  pour- 
quoi fi  je  vous  ai  vendu  une  chofe  que 
nous  ignorions  avoir  cefTé  d'exifier ,  i! 
n'y  aura  pas  de  Contrat ,  L.  57.  ff.  du 
contr.  cmpt.  ne  pouvant  pas  y  avoir  de 
Contrat  de  vente  ,  fans  une  chofe  qui 
ait  été  vendue.-  Pareillement,  fi  je  vous 
ai  vendu  une  chofe  pour  le  prix  qu'elle  a 
été  vendue  à  mon  parent  de  la  fuccefïion 
duquel  elle  m'eft  venue  ,  6c  qu'il  fe  trou- 
ve que  cette  chofe  ne  lui  avoit  pas  été 
vendue ,  mais  lui  avoit  été  donnée ,  il  n'y 
aura  pas  de  Contrat ,  parce  qu'il  n'y  a 
pas  un  prix  qui  efr.  de  l'eilence  du  Con- 
trat de  vente. 

Dans  les  exemples  que  nous  venons 
de  rapporter,  le  défaut  de  l'une  des  cho- 
fes ,  qui  font  de  l'efTence  du  Contrat , 
empêche  qu'il  n'y  ait  en  tout  de  Contrat  ; 
quelquefois  ce  défaut  change  feulement 
l'efpece  du  Contrat. 

Par  exemple ,  étant  de  l'efTence  du 
Contrat  de  vente  qu'il  y  ait  un  prix  qui 
confrfte  en  une  fomme  de  deniers  que 
l'acheteur  paye  ou  s'oblige  de  payer  au 
vendeur  ;  s'il  efl  porté  par  un  traité  que 


Part.  I.    Chap.  I.  i$ 

j*aî  fait  avec  vous,  que  je  vous vendois 
mon  cheval  pour  un  certain  livre  que 
vous  vous  obligiez  de  me  donner  pour 
le  prix  dudit  cheval;  ce  traité* ne  ren- 
fermera pas  un  Contrat  de  vente  ,  ne  pou- 
vant pas  y  avoir  de  Contrat  de  vente  fans 
un  prix  qui  confifte  en  une  fomme  d'ar- 
gent ;  mais  le  traité  n'erl:  pas  pour  cela 
nul  ;  il  contient  une  autre  efpece  de  Con- 
trat ,  lavoir  un  Contrat  d'échange. 

Pareillement ,  étant  de  l'effence  du 
Contrat  de  vente  ,*  non  pas  à  la  vérité 
que  le  vendeur  s'oblige  précifément  à 
transférer  à  l'acheteur  la  propriété  de  la 
chofe  vendue  ,  dans  le  cas  auquel  il  n'en 
feroit  pas  le  propriétaire  ;  mais  au  moins 
qu'il  ne  la  retienne  pas  ,  s'il  en  eil  le 
propriétaire  :  fi  nous  fouîmes  convenus  , 
que  je  vous  vends  un  certain  héritage 
pour  une  certaine  fomme  &.  pour  une 
certaine  rente  que  vous  vous  obligez  de 
me  payer,  duquel  héritage  je  m'oblige 
de  vous  faire  jouir ,  à  la  charge  néan- 
moins que  la  propriété  de  l'héritage  de- 
meurera pardevers  moi  ;  cette  conven- 
tion ne  renferme  pas  à  la  vérité  un  Con- 
trat de  vente  ,  étant  contre  l'effence  de 
ce  Contrat  que  le  vendeur  retienne  la 
propriété  ;  mais  il  renferme  un  Contrat 
de  bail  :  c'eft  ce  que  dit  Labeo  en  la  loi 
£q.  §.  3.  ff.  de  cont,  empt.  Nemo  potejl  yi- 


14         Tr.    des   Ob  li  g. 

deri  rem  vendidijfe  de  cujus  donùnio  id  agi-' 
tur  ,  ne  ad  emptorem  tranfeat  ;  fed  hoc  aut 
locatio  eji ,  aut  aliud  genus  contractas. 

Pareillement ,  étant  de  l'eiTence  des 
Contrats  de  prêt,  de  mandat ,  &:  de  dé- 
pôt qu'ils  foient  gratuits  :  fi  je  vo.us  ai 
prêté  une  chofe  ,  à  la  charge  que  vous 
me  payeriez  une  certaine  fomme  pour 
l'ufage  de  cette  chofe  ;  ce  ne  fera  pas  un 
Contrat  de  prêt  ;  mais  ce  fera  un  autre 
'efpece  de  Contrat  ;  favoir ,  un  Contrat  de 
louage.  Par  la  même  raifon  ,  fi  en  accep- 
tant la  procuration  que  vous  m'avez  don- 
née ,  ou  le  dépôt  d'une  chofe  que  vous 
m'avez  confiée ,  j'ai  exigé  de  vous  une 
certaine  fomme  pour  la  récompenfe  du 
foin  que  je  donnerois  à  la  garde  du  dé- 
pôt ,  ou  à  la  geftion  de  l'affaire  que  vous 
m'avez  confiée  ,  le  Contrat  ne  fera  pas 
un  Contrat  de  dépôt ,  ni  un  Contrat  de 
mandat  ;  mais  ce  fera  un  Contrat  de 
louage ,  par  lequel  je  vous  loue  mes  foins 
pour  la  geïtion  de  votre  affaire  ,  ou  pour 
la  garde  de  votre  dépôt. 

7.  2°.  Les  chofes  qui  font  feulement 
de  la  nature  du  Contrat  font  celles  qui, 
fans  être  de  Peffence  du  Contrat ,  font 
partie  du  Contrat ,  quoique  les  parties  ' 
contractantes  ne  s'en  foient  point  expli- 
quées ,  étant  de  la  nature  du  Contrat 
que  ces  chofes  y  foient  renfermées  ÔC 
fous-entendues. 


Part.  I.    C  h  a  p.  I.  iy 

Ces  choies  tiennent  un  milieu  entre 
les  choies  qui  font  de  l'efTence  du  Con- 
trat, &c  celles  qui  font  accidentelles  au 
Contrat  ;  &  elles  différent  des  unes  6c 
des  autres. 

Elles  différent  des  chofes  qui  font  de 
l'eiîence  du  Contrat  ,  en  ce  que  le  Con- 
trat peut  fubfifter  fans  elles  ,  &£  qu'elles 
peuvent  être  exclufes  du  Contrat  par  la 
convention  des  parties  ;  &  elles  différent 
des  chofes  accidentelles  au  Contrat ,  en 
Ce  qu'elles  font  partie  du  Contrat ,  fans 
avoir  été  exprefTément  convenues  :  c'eft 
ce  qui  s'éclaircira  par  des  exemples.  Dans^ 
le  Contrat  de  vente  ,  l'obligation  de  ga- 
rantie que  le  vendeur  contracte  envers 
l'acheteur  eft  de  la  nature  du  Contrat  de 
vente  ;  c'eft  pourquoi  le  vendeur  con- 
tracte en  vendant  cette  obligation  envers 
l'acheteur,  quoique  les  parties  contrac- 
tantes ne  s'en  foient  pas  expliquées  ,  &C 
qu'il  n'en  foit  pas  dit  le  moindre  mot 
dans  le  Contrat  ;  mais  cette  obligation 
étant  de  la  nature ,  &  non  de  l'effence 
du  Contrat  de  vente  ,  le  Contrat  de  vente 
peut  fubfifter  fans  cette  obligation  ; .  &C  fi 
par  le  Contrat  on  eft  convenu  que  le 
vendeur  ne  fera  pas  obligé  à  la  garantie 
de  la  chofe  vendue  ,  la  convention  fera 
valable  ,  &  ce  Contrat  ne  laiiTera  pas 
d'être  un  véritable  Contrat  de  vente  a 


16         Tr.    des    Oblig. 
quoique  le  vendeur  ne  foit  pas  obligé  à 
la  garantie, 

C'eft  aufïï  une  chofe  qui  eu.  de  la  na- 
ture du  Contrat  de  vente  ,  qu'aufïi-tôt 
que  ce  Contrat  a  reçu  fa  perfection  par 
le  confentement  des  parties  ,  quoiqu'a- 
vant  la  tradition  ,  la  choie  vendue  foit 
aux  rifques  de  l'acheteur  ;  &:  que  fi  elle 
vient  à  périr,  fans  la  faute  du  vendeur, 
la  perte  en  doive  tomber  fur  l'acheteur , 
qui  ne  fera  pas  pour  cela  déchargé  du 
prix  :  mais  comme  cela  eft  de  la  nature 
feulement ,  &  non  de  l'effence  du  Con- 
trat de  vente  ,  on  peut  en  contractant 
convenir  du  contraire. 

Il  eit  de  la  nature  du  Contrat  de  prêt  à 
ufage,  que  l'emprunteur  foit  tenu  de  la 
faute  la  plus  légère  ,  à  l'égard  de  la  chofe 
qui  lui  a  été  prêtée  ;  il  contra  de  cette 
obligation  envers  le  prêteur  par  la  na- 
ture'même  du  Contrat,  &  fans  que  les 
parties  s'en  foient  expliquées  en  contrac- 
tant; mais  comme  cette  obligation  eitde 
la  nature ,  &  non  de  l'erlence  du  Con- 
trat du  prêt  à  ufage ,  on  peut  l'exclure 
par  une  claufe  du  Contrat ,  &  convenir 
que  l'emprunteur  fera  tenu  d'apporter 
feulement  de  la^  bonne  foi  pour  la  con- 
fervation  de  la  chofe,  &C  qu'il. ne  fera 
pas  refponfable  des  accidens  qui  arrive- 
roient  par  fa  négligence  &:  fans  malice. 


Part.  I.    C  h  a  p.  I.  17 

Il  eft  auiïï  de  la  nature  de  ce  Contrat , 
que  la  perte  de  la  chofe  prêtée  ,  lors- 
qu'elle arrive  par  une  force  majeure  , 
tombe  fur  le  prêteur  ;  mais  comme  cela 
eft  de  la  nature ,  &  non  de  Feffence  du 
Contrat ,  on  peut  par  une  claufe  du  Con- 
trat charger  l'emprunteur  de  ce  rifque 
jufqu'à  ce  qu'il  ait  rendu  la  chofe. 

On  peut  apporter  une  infinité  d'autres 
exemples  ,  fur  les  différentes  efpeces  de 
Contrats. 

8. 30.  Les  chofes  qui  font  accidentelles 
au  Contrat ,  font  celles  qui  n'étant  pas 
de  la  nature  du  Contrat ,  n'y  font  ren- 
fermées que  par  quelque  claufe  particu- 
lière ajoutée  au  Contrat. 

Par  exemple  ,  le  terme  accordé  par  le 
Contrat  pour  le  payement  de  la  chofe  ou 
de  la  fomme  due  ,  la  faculté  qui  y  eft  ac- 
cordée de  payer  cette  fomme  en  plusieurs 
parties ,  celle  de  payer  quelqu'autre  chofe 
à  la  place ,  ou  de  payer  entre  les  mains 
d'une  autre  perfonne  que  du  créancier , 
&:  autres  femblables ,  font  chofes  acci- 
dentelles au  Contrat,  parce  qu'elles  ne 
font  renfermées  dans  le  Contrat  qu'au- 
tant qu'elles  font  ftipulées  par  quelque 
claufe  ajoutée  au  Contrat. 

Dans  le  Contrat  de  vente  d'une  rente  , 
l'obligation  par  laquelle  le  vendeur  fe 
rend  refponfable  de  la  folvabilité  des  dé- 


iS  Tr,    dés    Oblig. 

biteurs  tant  que  la  rente  durera ,  eft  une 
chofe  accidentelle  au  Contrat  ;  car  le 
vendeur  ne  contracte  pas  cette  obliga- 
tion par  la  nature  du  Contrat ,  il  ne  la 
contracte  qu'en  vertu  d'une  claufe  parti- 
culière ajoutée  au  Contrat ,  qui  eft  celle 
qu'on  appelle  la  claufe  de  fournir  &  faire 
valoir  ;  &  cette  claufe  ,  quoiqu'afïez  fré- 
quente dans  les  Contrats  de  vente  de 
rente  ,  y  doit  être  exprimée ,  &  ne  s'y 
fupplée  point. 

On  peut  apporter  une  infinité  d'autres 
exemples. 

Article    IL 

Divïjion   des    Contrats. 

9.  Les  divifions  que  le  Droit  Pvomain 
fait  des  Contrats ,  en  Contrats  nommés 
&  Contrats  innommés  ;  en  Contrats  bonœ 
fidei ,  &  Contrats  jiricii  Juris  ,  n'ont  pas 
lieu  parmi  nous. 

Celles  reçues  dans  notre  Droit  font,  1  °. 
celles  en  Contrats  fynallagmaîiques  ou 
bilatéraux ,  &:  en  Contrats  uni-latéraux. 

Les  Synallagmatiques  ou  bilatéraux  font 
ceux  par  lefquels  chacun  des  contra&ans 
s'engage  envers  l'autre.  Tels  fontles  Con* 
îrats  de  vente  ,  de  louage  ,  &c. 

Les  Uni- latéraux  fonteeuxpar  lefquels  il 
n'y  a  que  l'un  des  contra  clans  qui  s'engage 
envers  l'autre,comme  dans  le  prêt  d'argent. 


Part.  I.     Chap.  I.  19 

Entre  les  Contrats  fynallagmatiques  ou 
bilatéraux ,  on  diftingue  ceux  qui  le  font 
parfaitement ,  &C  ceux  qui  le  font  moins 
parfaitement.  Les  Contrats  qui  font  par- 
faitement fynallagmatiques  ou  bilatéraux 
font  ceux  dans  lefquels  l'obligation  que 
contracte  chacun  des  contrattans  eft  éga- 
lement une  obligation  principale  de  ce 
Contrat;  tels  font  les  Contrats  de  vente, 
de  louage  ,  de  fociété,  &c.  Par  exemple, 
dans  le  Contrat  de  vente  ,  l'obligation 
que  le  vendeur  contracte  de  livrer  la  cho- 
fe  ,  &  celle  que  l'acheteur  contracte  de 
payer  le  prix ,  font  également  obligations 
principales  du  Contrat  de  vente.  Les  Con- 
trats qui  font  moins  parfaitement  fynal- 
lagmatiques %  font  ceux  dans  lefquels  il 
n'y  a  que  l'obligation  de  l'une  des  parties 
qui  foit  l'obligation  principale  du  Con- 
trat ;  tels  font  les  Contrats  de  mandat , 
de  dépôt ,  de  prêt  à  ufage  ,  de  nantifTe- 
ment  :  dans  ces  Contrats  ,  l'obligation 
que  contracte  le  mandataire  de  rendre 
compte  de  fa  commiflion ,  celles  que  con- 
tractent le  dépofitaire  ,  l'emprunteur,  ou 
le  créancier  de  rendre  la  chofe  qui  leur 
a  été  donnée  à  titre  de  dépôt ,  de  prêt 
à  ufage ,  ou  de  nantinement ,  font  les 
feules  obligations  principales  de  ces  Con- 
trats :  celles  que  contracte  le  mandant , 
ou  celui  qui  a  donné  la  chofe  en  dépôt, 


/ 


ao         Tr.   des   Oblig. 

ou  en  nantuTement ,  ou  qui  l'a  prêtée , 
ne  font  que  des  obligations  incidentes , 
auxquelles  donne  lieu  depuis  le  contrat , 
la  dépenfe  qui  a  été  faite  par  l'autre  par- 
tie pour  Pexécution  du  mandat ,  ou  pour 
la  confervation  de  la  chofe  donnée  à  titre 
de  prêt ,  de  dépôt ,  ou  de  nantiffement. 
Au  lieu  que  l'adion  qui  naît  de  l'obli- 
gation principale  s'appelle  Aciio  dirccia  , 
celle  qui  naît  de  ces  obligations  inciden- 
tes fe  nomme  Aciio  contraria, 

10.  iv.  On  divife  les  Contrats  en  ceux 
qui  fe  forment  par  le  feul  confentement 
des  parties  ,  &  qui  pour  cela  font  appel- 
lés  Contrats  confenfuels ,  tels  que  la  ven- 
te, le  louage  ,  le  mandat ,  &cc.  &  ceux 
ou  il  erl:  néceflaire  qu'il  intervienne 
quelque  chofe  outre  le  confentement  ; 
tels  font  les  Contrats  de  prêt  d'argent , 
de  prêt  à  ufage  ,  de  dépôt ,  de  nantifTe- 
ment,  qui  par  la  nature  du  Contrat  exi- 
gent la  tradition  de  la  chofe  qui  eft  l'ob- 
jet de  ces  conventions  ;  on  les  appelle 
Contrats  réels. 

1 1.  Quoique  le  feul  confentement  des 
parties  fufnfe  pour  la  perfection  des  Con- 
trats confenfuels  ;  néanmoins  fi  les  par- 
ties ,  en  contractant  une  vente ,  ou  un 
louage  ,  ou  quelqu'autre  efpece  de  mar- 
ché ,  font  convenues  d'en  paner  un  adle 
pardevant  Notaires ,  avec  intention  que 


P  jtRT.  I.     CHAP.  I.  21 

le  marché  ne  feroit  parfait  &  conclu  que 
lorfque  l'acte  auroit  reçu  fa  forme  entière 
par  la  fignature  des  parties  &:  du  Notai- 
re ,  le  Contrat  ne  recevra  effectivement 
fa  perfection  que  lorfque  l'acte  du  No- 
taire aura  reçu  la  fienne  ;  &  les  parties, 
quoique  d'accord  fur  les  conditions  du 
marché ,  pourront  licitement  fe  dédire 
avant  que  l'acte  ait  été  figné.  C'eft  la  dé- 
cifion  de  la  fameufe  loi ,  Contracius  1 7. 
cod.  de  fid.  injlr.  qui  fe  trouve  aufïi  aux 
inflit.  tit.  de  cont.  empt.  Mais  fi  en  ce  cas 
l'acte   ou  instrument  eft  requis  pour  la 
perfection  du  Contrat ,  ce  n'eft  pas  par 
la  nature  du  Contrat ,  qui  de  foi  n'exige 
pour  fa  perfection  que  le  feul  confente* 
ment  des  parties  ;  mais  c'eft  parce  que 
les  parties  contractantes  l'ont  voulu ,  Se 
qu'il  eft  permis  aux  parties  qui  contrac- 
tent ,  de  faire  dépendre  leur  obligation  , 
de  telle  condition  que  bon  leur  femble. 
Obfervez  que  la  convention  ,    qu'il 
fera  patte  acte  devant  Notaires  d'un  mar- 
ché ,  ne  fait  pas  par  elle-même  dépen- 
dre de  cet  acte  la  perfection  du  marché  ; 
il  faut  qu'il  paroifTe  que  l'intention  des 
parties  ,   en  faifant  cette  convention  ,  a 
été  de  l'en  faire  dépendre  ;    c'eft  pour- 
quoi il  a  été  jugé  par  un  Arrêt  de  M95  » 
rapporté  par  Mornac  ad  d.  L.  17.  qu'une 
partie  ne  pouvoit  fe  dédire  d'un  traité  de 


24  Tr.  des   Oblig? 

vente  fait  fous  les  fignaturcs  des  pafties, 
quoiqu'il  y  eût  la  clanfe  ,  qull  en  feroit 
parlé  a£re  pardevant  Notaires  ,  tk.  que 
cet  adte  n'eût  pas  encore  été  pafîe  ;  parce 
qu'on  ne  pouvoit  pas  conclure  de  cette 
claufe  feule  ,  que  les  parties  euflent  voulu 
faire  dépendre  de  l'acte  devant  Notaires 
la  perfection  de  leur  marché,  cette  claufe 
ayant  pu  être  ajoutée  feulement  pour  en 
afïiirer  davantage  l'exécution  9  par  les  hy- 
pothèques que  donne  un  a£te  devant  No- 
taire ,  &.  à  caufe  du  rifque  qu'un  a&e 
fous  fignatures  privées  court  de  s'égarer. 

Mais  lorfque  le  marché  eft  verbal ,  il 
eft.  plus  facile  à  la  partie  à  qui  on  en 
demande  l'exécution ,  de  s'en  dédire  en 
foutenant  que  le  marché  n'étoit  que  pro- 
jeté jufqu'à  la  fignature  de  l'acte  devant 
Notaire  qu'on  étoit  convenu  d'en  paffer  ; 
parce  que  les  marchés  dont  l'objet  ex- 
cède cent  livres  ,  ne  pouvant  fe  prou- 
ver par  témoins ,  &:  n'y  ayant  par  con- 
féquent  en  ce  cas  d'autre  preuve  du  mar- 
ché ,  que  cette  déclaration  ,  elle  doit  être 
prife  en  fon  entier;  comme  nous  le  ver- 
rons en  la  partie  quatrième,  N.  799. 

Lorfqif  il  y  a  un  a£le  fous  fignatures 
privées  d  un  marché  qui  n'a  pas  reçu  fa 
perfection  entière  par  les  fignatures  de 
toutes  les  perfonnes  exprimées  par  l'adte, 
quelqu'une  d'elles  s'étant  retirée  fans  ft- 


PartI.    C  h  a  p.  I.  ij 

gner ,  celles   qui  ont  figné  peuvent  le 
dédire ,  Se  font  crues  à  dire  ,  qu'en  fai- 
sant dreffer  cet  acl:e  ,  elles  ont  eu  inten- 
tion de  faire  dépendre  de  la  perfection 
de  cet  acte  ,  leur  convention.  C'eft  fur 
ce  principe  que  par  Arrêt  du   1 5   Dé- 
cembre 1654,  rapporté  par  Soefve  ,  /.  1. 
cent.  4.   chap.  75.  La  vente  d'un  office 
faite  par  une  veuve,  tant  en  fon  nom  que 
comme  tutrice  de  fon  fils*  mineur,  à  un 
particulier,    par  un  acte  fous  fignatures 
privées ,  fut  déclarée  imparfaite  ,  &  ce 
particulier  ,  qui  avoit  figné  l'acte  ,  ren- 
voyé de  la  demande  de  la  veuve  ,   aux 
fins  d'exécution  de  cet  acte  ;   parce  que 
l'acte  n'avoit  point  reçu  toute  fa  perfec- 
tion ,  n'ayant  pas  été  figné  par  le  cura- 
teur du  mineur ,  qui  avoit  été  nommé 
dans  l'acte  ,  comme  y  comparoiffant  pour 
le  mineur,  quoiqu'il  y  fût  inutile. 

1 2.  La  troifieme  divifion  des  Contrats  9 
cft  en  Contrats  interpelles  de  part  &  d'au- 
tre ,  Contrats  de  bienfaifance  ,  et  Con- 
trats mixtes. 

Les  Contrats  intéreflés  de  part  &  d'au- 
tre font  ceux  qui  fe  font  pour  l'intérêt  &C 
l'utilité  réciproque  de  chacune  des  par- 
ties ;  tels  font  les  Contrats  de  vente  , 
d'échange  ,  de  louage  ,  de  conftitution  de 
rente  ,  de  fociété ,  6c  une  infinité  d'autres. 

Les  Contrats  de  bienfaifance  font  ceux 


Ï4         Tr,   des   Oblig, 
qui  ne  fe  font  que  pour  l'utilité  de  l'une 
des  parties  contractantes  ;  tels  font  le  prêt 
à  ufage  ,  le  prêt  de  confomption ,  le  dé- 
pôt ,  6c  le  mandat. 

Les  Contrats  par  lefquels  celle  des  par- 
ties qui  fait  un  bienfait  à  l'autre ,  exige 
d'elle  quelque  chofe  qui  efï  au-deffous  de 
la  valeur  de  ce  qu'elle  lui  donne  ,  font 
des  Contrats  jnixtes  ;  telles  font  les  do- 
nations faites  fdus  quelque  charge  impo- 
fée  au  donataire. 

13.  Les  Contrats  intérefïes  de  part& 
d'autre  fe  fubdivifent  en  Contrats  commu- 
ta tifs  ,  6c  Contrats  aléatoires. 

Les  Contrats  corn  mutât ifs  font  ceux  par 
lefquels  chacune  des  parties  contractan- 
tes donne  6c  reçoit  ordinairement  l'équi- 
valent de  ce  qu'elle  donne  ;  tel  eft  le 
Contrat  de  vente  ;  le  vendeur  doit  don- 
ner la  chofe  vendue  &  recevoir  le  prix , 
qui  en  eft  l'équivalent;  l'acheteur  doit 
donner  le  prix ,  6c  recevoir  la  chofe 
vendue  ,   qui  en  eu  l'équivalent. 

On  les  diftribue  en  quatre  clalfes  :  Do 
ut  des  ,  FACIO  utficias ,  FACIO  ut  des  , 
Do  ut  fzcias. 

Les  Contrats  aléatoires  font  ceux  par 
lefquels  l'un  des  contraclans  fans  rien 
donner  de  fa  part ,  reçoit  quelque  chofe 
de  l'autre  ,  non  par  libéralité  ,  mais 
comme  le  prix  du  rifque  qu'il  a  couru  ; 

tous 


Part.  I.  Chap,  I.  15 
tous  les  jeux  ibnt  des  Contrats  de  cette 
nature ,  auiïi  bien  que  les  gageures  ,  &C 
les  Contrats  d'afîurance. 

14.  Une  quatrième  divifion  des  Con- 
trats, eft  en  Contrats  principaux  &  Con- 
trats acccjjoires.  Les  Contrats  principaux 
font  ceux  qui  interviennent  principale- 
ment ,  6c  pour  eux-mêmes  :  les  Contrats 
acceffoires ,  font  ceux  qui  interviennent 
pour  affurer  l'exécution  d'un  autre  Con- 
trat ;  tels  font  les  Contrats  de  caution- 
nement &£  de  nantiffement. 

15.  Une  cinquième  divifion  de  Con- 
trats ,  eft  en  ceux  qui  font  afîujettis  par 
le  Droit  civil  à  certaines  règles  ou  à  cer- 
taines formes ,  &  ceux  qui  fe  règlent  par 
le  pur  Droit  naturel. 

Ceux  qui  font  affujettis  parmi  nous 
à  certaines  règles  ou  à  certaines  formes  , 
font  le  Contrat  de  mariage ,  le  Contrat 
de  donation ,  le  Contrat  de  lettre  de  chan- 
ge ,  le  Contrat  de  conftitution  de  rente  : 
les  autres  conventions  ne  font  félon  nos 
mœurs  affujetties  à  aucunes  formes  ni  à 
aucunes  règles  arbitraires  preferites  par 
la  Loi  civile  ;  &c  pourvu  qu'elles  ne  con- 
tiennent rien  de  contraire  aux  loix  &  aux 
bonnes  moeurs ,  &  qu'elles  interviennent 
entre  perfonnes  capables  de  contracter  , 
elles  font  obligatoires  &c  produifent  une 
action.  Si  nos  loix  ordonnent  que  celles 
Tome  /,  B 


16  Tr.  des  Oblig. 
dont  Fobjet  excède  la  fomme  de  cent  li* 
vres  foient  rédigées  par  écrit ,  elles  n'ont 
en  vue  en  cela  que  de  régler  la  manière 
dont  elles  doivent  être  prouvées ,  dans 
les  cas  où  Ton  difconviendroit  qu'elles 
fuiTent  intervenues  ;  mais  leur  intention 
n'eft  pas  que  l'écrit  foit  de  la  fubftance 
de  la  convention  ;  elle  eft  fans  cela  va- 
lable ,  &  les  contra&ans  qui  ne  nient  pas 
qu'elle  foit  intervenue  ,  peuvent  être 
contraints  de  l'exécuter  ;  on  peut  même 
ordinairement  déférer  le  ferment  décifoi- 
re  à  celui  qui  en  difconviendroit  ;  l'écrit 
n'eft  nécelTaire  que  pour  la  preuve  ,  &C 
non  pour  la  fubftance  de  la  convention. 

Article    III. 

JDes  differens  vices  qui  peuvent  fe  rencontrer 
dans  les  Contrats» 

16.  Les  vices  qui  peuvent  fe  rencontrer 
dans  les  Contrats  font  l'erreur ,  la  violen- 
ce ,  le  dol,  la  lefion,  le  défaut  de  caufe 
dans  l'engagement ,  le  défaut  de  lien. 
Nous  traiterons  de  ces  différens  défauts  , 
dans  autant  de  paragraphes  féparés. 

A  l'égard  des  vices  qui  réfultent  de 
l'inhabilité  de  quelques-unes  des  parties 
contractantes  ,  ou  de  ce  qui  fait  l'objet 
des  Contrats ,  nous  en  traiterons  dans  les 
■"'* y  hn  fuivans. 


Part.  I.    Chap.  I.  17 

§•     I. 

De   l'Erreur. 

17.  L'erreur  eu  le  plus  grand  vice  des 
conventions  ;  car  les  conventions  font 
formées  par  le  confentement  des  parties  , 
6c  il  ne  peut  pas  y  avoir  de  confentement, 
lorique  les  parties  ont  erré  fur  l'objet  de 
leur  convention  ,  non  videntur  qui  enanl 
confentire  9  L,  1 1 6.  §.  2.  de  R.juris  ,L,  57. 
de  obligat.  &  acl, 

C'eil  pourquoi  fi  quelqu'un  entend  me 
vendre  une  chofe  ,  6c  que  j'entende  la  re- 
cevoir à  titre  de  prêt  ou  par  préfent ,  il 
n'y  a  en  ce  cas  ni  vente  ,  ni  prêt ,  ni  do- 
nation. Si  quelqu'un  entend  me  vendre 
ou  me  donner  une  certaine  chofe ,  & 
que  j'entende  acheter  de  lui  une  autre 
chofe ,  ou  accepter  la  donation  d'une  au- 
tre chofe  ,  il  n'y  a  ni  vente ,  ni  dona- 
tion :  fi  quelqu'un  entend  me  vendre  une 
chofe  pour  un  certain  prix,  6c  que  j'en- 
tende l'acheter  pour  un  moindre  prix ,  il 
n'y  a  pas  de  vente;  car  dans  tous  ces  cas 
il  n'y  a  pas  de  confentement.  Sive  in 
ipsd  emptione  dijjentiam  ,  Jïve  in  pretio  , 
Jive  in  quo  alio ,  emptio  imperfecla  eji.  Si 
ego  mefundum  emere putarem  Cornelianum , 
tu  mihi  te  vendere  S empronianum  putajii  5 

Bij 


*8  Tr,     DES     ObLIG? 

quia  in  corporc  diffenfimus  ,  empiio  nuîlâ 

ejl  ,    L.  g .  fF.  de  contr.  empt. 

18.  L'erreur  annulle  la  convention, 
non-feulement  lorfqu'elle  tombe  fur  la 
chofe  même  ,  mais  lorfqu'elle  tombe  fur 
la  qualité  de  la  chofe  que  les  contrac- 
tants ont  eu  principalement  en  vue  ,  6c 
qui  fait  la  fubftance  de  cette  chofe  ;  c'efl 
pourquoi  fi ,  voulant  acheter  une  paire 
de  chandeliers  d'argent  >  j'achète  de  vous 
une  paire  de  chandeliers  que  vous  me 
préfentez  à  vendre  ,  que  je  prends  pour 
des  chandeliers  d'argent ,  quoiqu'ils  ne 
foient  que  de  cuivre  argenté;  quand  même 
vous  n'auriez  eu  aucun  deftein  de  me 
tromper ,  étant  dans  la  même  erreur  que 
moi ,  la  convention  fera  nulle ,  parce 
que  l'erreur  dans  laquelle  j*ai  été ,  détruit 
mon  confentement  ;  car  la  chofe  que  j'ai 
voulu  acheter  eft  une  paire  de  chande- 
liers d'argent ,  ceux  que  vous  m'avez  pré- 
fentés  à  vendre  étant  des  chandeliers  de 
cuivre ,  on  ne  peut  pas  dire  que  ce  foit  la 
chofe  que  j'ai  voulu  acheter  ;  c'eft  ce  que 
Julien  décide  en  une  efpece  à  peu  près 
femblable ,  en  la  loi  41.  §.  1.  rT.  d.  t. 
&  Ulpien  en  la  loi  14.  ff.  d*  t.  lorfqu'il 
dit  7  fi  ces  pro  auro  veneat ,   non  valet. 

Il  en  eft  autrement  lorfque  l'erreur  ne 
tombe  que  fur  quelque  qualité  acciden- 
telle de  la  chofe  :  par  exemple,  j'açhetç 


Part.  I.    Chap.  I.  29 

chez  un  Libraire  un  certain  livre  dans  la 
laufîe  perfuafion  qu'il  eft  excellent ,  quoi- 
qu'il ïoit  au-defïbus  du  médiocre  ;  cette 
erreur  ne  détruit  pas  mon  confentement, 
ni  par  conféquent  le  Contrat  de  vente  ; 
la  chofe  que  j'ai  voulu  acheter ,  que  j'ai 
eu  en  vue ,  efl  véritablement  le  livre  que 
le  Libraire  m'a  vendu  &C  non  aucune  au- 
tre chofe  ;  l'erreur  dans  laquelle  j'étois 
fur  la  bonté  de  ce  livre ,  ne  tomboit  que 
fur  le  motif  qui  me  portoit  à  l'acheter , 
&  n'empêche  pas  que  ce  foit  véritable- 
ment le  livre  que  j'ai  voulu  acheter:  or, 
nous  verrons  dans  peu  que  le  motif,  ne 
détruit  pas  la  convention  ;  il  fuffit  que 
les  parties  n'ayent  pas  erré  fur  la  chofe 
qui  en  fait  l'objet ,  &  in  eam  rem  con- 
fenferint. 

19.  L'erreur  fur  la  perfonne  avec  qui 
je  contracte  détruit-elle  pareillement  le 
confentement ,  &  annulle-t-elle  la  con- 
vention ?  Je  penfe  qu'on  doit  décider 
cette  queftion  par  une  diftin&ion.  Tou- 
tes les  fois  que  la  confidération  de  la 
perfonne  avec  qui  je  veux  contra&er, 
entre  pour  quelque  chofe  dans  le  Con- 
trat que  je  veux  faire  ;  l'erreur  fur  la 
perfonne  détruit  mon  confentement ,  & 
rend  par  conféquent  la  convention  nulle  : 
par  exemple  ,  li ,  voulant  donner  ou  prê- 
ter une  chofe  à  Pierre  ,  je  la  donne  ou  je 

#iij 


30  Tr.    des    Oblig. 

la  prête  à  Paul  que  je  prends  pour  Pierre; 
cette  donation  &  ce  prêt  font  nuls  y  par 
défaut  de  confentement  de  ma  part  ;  car 
je  n'ai  pas  voulu  donner  ni  prêter  cette 
chofe  à  Paul ,  je  ne  l'ai  voulu  donner  ou 
prêter  qu'à  Pierre  ;  la  confidération  de 
la  perfonne  de  Pierre  entroit  dans  la  do- 
nation ou  le  prêt  que  je  voulois  faire. 

Pareillement  fi  ,  voulant  faire  faire  un 
tableau  par  Natoire ,  je  fais  marché  pour 
faire  ce  tableau  avec  Jacques  que  je  prends 
pour  Natoire  ?  le  marché  eft  nul  faute  de 
confentement  de  ma  part;  car  je  n'ai  pas 
voulu  faire  faire  un  tableau  par  Jacques , 
mais  par  Natoire  ;  la  confidération  de  la 
perfonne  de  Natoire  &c  de  fa"  réputation 
entroient  dans  le  marché  que  je  voulois 
faire. 

Obfervez  néanmoins  que  fi  Jacques  , 
qui  ignoroit  que  je  le  prenois  pour  Na- 
toire a  ,  en  conféquence  de  cette  conven- 
tion erronnée  ,  fait  le  tableau  ;  je  ferai 
•  obligé  de  le  prendre  &  de  payer ,  fui- 
vant  le  dire  des  experts;  mais  ce  n'eft 
pas  en  ce  cas  la  convention  qui  m'y  obli- 
ge ,  cette  convention  qui  eft  nulle  ne 
pouvant  produire  aucune  obligation  ;  la 
caufe  de  mon  obligation  eft  en  ce  cas  l'é- 
quité qui  m'oblige  à  indemnifer  celui 
que  j'ai  par  mon  imprudence  induit  en 
erreur  :  il  naît  de  cette  obligation ,  une 
action  qui  s'appelle  aciio  in  faclum. 


P  A  R  T.  I.      C  H  A  P.  I.  31 

Nous  avons  vu  que  l'erreur  fur  la  per- 
fonne  annulle  la  convention  ,  toutes  les 
fois  que  la  confidération  de  la  perfonne 
entre  dans  la  convention. 

Au  contraire  lorfque  la  considération 
de  la  perfonne  avec  qui  je  croyois  con- 
tracter n'eft  entrée  pour  rien  dans  le  Con- 
trat ,  &  que  le  Contrat  eft  un  Contrat 
que  j'aurois  également  voulu  faire  avec 
quelque  perfonne  que  ce  fut  ,  comme 
avec  celui  avec  qui  j'ai  cru  contracter; 
le  Contrat  doit  être  valable  :  par  exem- 
ple .  j'ai  acheté  chez  un  Libraire  un  livre 
en  blanc ,  qu'il  s'eft  obligé  de  me  livrer 
relié  ;  quoique  ce  Libraire  en  me  le  ven- 
dant ,  ait  cru  le  vendre  à  Pierre  à  qui 
je  rcffemble  ,  qu'il  m'ait  nommé  du  nom 
de  Pierre  en  me  le  vendant  fans  que  je 
l'aye  défabufé  ;  cette  erreur  en  laquelle 
il  a  été  fur  la  perfonne  à  qui  il  vendoit 
fon  livre  ,  n'annulle  pas  la  convention  , 
&  ne  peut  fonder  le  refus  qu'il  feroit 
de  me  livrer  ce  livre  pour  le  prix  con- 
venu ,  dans  le  cas  auquel  le  Livre  depuis 
le  marché  feroit  enchéri  :  car  quoiqu'il 
ait  cru  vendre  fon  livre  à  Pierre  ,  néan- 
moins comme  il  lui  étoit  indifférent  à  qui 
il  débitât  fa  marchandife ,  ce  n'eft  pas 
précifément  &  perfonnellement  à  Pierre 
qu'il  a  voulu  vendre  ce  livre ,  mais  à  la 
perfonne  qui  lui  donneroit  le  prix  qu'il 

Biv 


32.         T  R.     DES    Oblig, 

demandoit ,  quelle  qu'elle  fût  5  &C  paf 
conféquent  il  eil  vrai  de  dire  que  c'en: 
à  moi  qui  étois  cette  perfonne ,  à  qui  il 
a  voulu  vendre  ion  livre  ,  &  envers  qui 
il  s'efl  obligé  de  le  livrer  :  c'efl  l'avis 
de  Barbeyrac  fur  Puffendorf,  L.  3.  ch. 
6*  n.  7.  Not.  2. 

20.  L'erreur  dans  le  motif  annulle- 
t-elle  la  convention?   PufendorfF,  /.  3. 
chap.  6.  n.  7.  penie  qu'elle   l'annulle  , 
pourvu  que  j'aye  fait  part  à  celui  avec 
qui  je  contraclois  de  ce  motif  erronné 
qui  me  portoit  à  contracter;  parce  au'en 
ce  cas  les  parties  doivent ,  fuivant  fon 
avis  ,  être  cenfées  avoir  voulu  faire  dé- 
pendre leur  convention ,  de  la  vérité  de 
ce  motif ,  comme  d'une  efpece  de  con- 
dition ;   il  rapporte  pour  exemple  ,  le 
cas  auquel  fur  un  faux  avis  de  la  mort 
de  mes  chevaux  ,  j'en  aurois  acheté  ,  en 
faifant  part  dans   la  converfation  à  mon 
vendeur  de  la  nouvelle  que  j'avois  eue  ; 
il  penfe  que  dans  ce  cas ,  lorfque  j'aurai 
eu  avis  de  la  faufleté  de  la  nouvelle ,  je 
pourrai  me  difpenfer  de  tenir  le  marché  , 
pourvu  qu'il  n'ait  pas  encore  été  exécuté 
ni  de  part  ni  d'autre  ,  &  à  la  charge  par 
moi  de  dédommager  le  vendeur,  s'ilfouf- 
froit  quelque  chofe  de  l'inexécution  du 
marché. 

Barbeyrac  fait  très -bien  remarquer 


Part.  I.    Chap.  T.  3? 

Finconféquence  de  cette  raifort  ;  car  s'il 
étoit  vrai  que  nous  eurlions  fait  dépen- 
dre notre  convention  ,  de  la  vérité  de  la 
nouvelle  que  j'a\ois  eue,  la  nouvelle  fe 
trouvant  fauffe  ,  la  convention  feroit  ab- 
folument  nulle  ,  dcfcciu  conditionis  ;  &  le 
vendeur  ne  pourroit  par  conféquent  pré- 
tendre aucuns  dommages  &  intérêts  pour 
fon  inexécution.  Barbeyrac  décide  enfuite 
fort  bien  que  cette  erreur  dans  le  motif 
ne  donne  aucune  atteinte  à  la  conven- 
tion :  en  effet  de  même  que  dans  les  legs , 
la  fauffeté  du  motif  dont  le  teftateur  s'eft 
expliqué ,  n'influe  pas  fur  le  legs  &:  ne 
l'empêche  pas  d'être  valable,  (  inftit.  th.  de 
hgat.  §.  3  2.  /.  72.  §.  6.  ff.  decond.  &  demï) 
parce  qu'il  n'en  eft  pas  moins  vrai  que  le 
teftateur  a  voulu  faire  le  legs  ,  &  qu'on 
ne  peut  pas  conclure  de  ce  qu'il  a  dit  fur 
le  motif  qui  le  portoit  à  léguer  ,  qu'il  a 
voulu  faire  dépendre  fon  legs  de  la  vérité 
de  ce  motif  comme  d'une  condition ,  il 
cela  n'eft  juftifié  d'ailleurs  ;  de  même  & 
à  bien  plus  forte  raifon  doit-on  décider, 
à  l'égard  des  conventions  ,  que  l'erreur 
dans  le  motif  qui  a  porté  l'une  des  par- 
ties à  contracter ,  n'influe  pas  fur  la  con- 
vention ,  &£  ne  l'empêche  pas  d'être  va- 
lable ;   parce  qu'il  y  a  beaucoup  moins 
lieu  de  préfumer  que  les  parties  aye nt 
voulu  faire  dépendre  leur  convention ,  de 

A  v 


34  Tr.  des  Oblig. 
la  vérité  de  ce  motif,  comme  d'une  con- 
dition ;  les  conditions  devant  s'interpré- 
ter prout  fonant ,  &  les  conditions  qui 
n'y  peuvent  être  appofées  que  par  la 
volonté  des  deux  parties ,  devant  s'y  fup- 
pléer  bien  plus  difficilement  que  dans 
les  legs» 

§.     IL 

Du  défaut  de  liberté. 

il.  Le  confentement  qui  forme  les 
conventions  doit  être  libre  ;  fi  le  confen- 
tement de  quelqu'un  des  contractants  a 
été  extorqué  par  la  violence  ,  le  Contrat 
eu.  vicieux  ;  au  refte  comme  le  confente- 
ment quoiqu'extorqué  par  violence  eft 
un  confentement  tel  quel ,  voluntas  coacla 
tfl  voluntas  (  gloffl  ad  L.  it  §.  5.  ff.  quod 
met.  cauf.  )  on  ne  peut  pas  dire  comme 
dans  le  cas  de  l'erreur,  qu'il  n'y  ait 
point  eu  abfolument  de  Contrat  ;  il  y  en 
a  un,  mais  il  eft  vicieux;  &  celui  dont 
le  confentement  a  été  extorqué  par  vio- 
lence ,  ou  bien  fes  héritiers  ou  cefîion- 
naires,  peuvent  le  faire  annuller  &c  ref- 
cinder,  en  obtenant  pour  cet  effet  des 
lettres  de  refcifion. 

Que  fi  depuis  que  la  violence  a  ceffé  , 
il  a  approuvé  le  Contrat,  foit  expreffé- 
jnent ,  foit  tacitement  en  laiffant  paffer 


Part.  I.    Chap.  I.  jj 

le  temps  de  la  reftitution  qui  efï  de  dix 
ans  ,  depuis  que  la  violence  a  ceffé  ;  le 
vice  du  Contrat  eft  purgé. 

ix.  Lorfque  la  violence  a  été  commife 
par  celui  avec  qui  j'ai  contracté  ?  ou  lors- 
qu'il en  a  été  participant ,  la  convention 
n'eft  pas  valable ,  ni  félon  le  droit  civil 
qui  donne  une  action  pour  la  faire  ref- 
cinder ,  ni  même  félon  le  Droit  naturel  ; 
car  quand  on  fuppoferok  qu'il  réfulteroit 
une  Obligation  de  ma  part  envers  vous , 
du  confentement  que  j'ai  donné  au  con- 
trat quoiqu'extorqué  par  violence  ;  l'in- 
juftice  que  vous  avez  commife  envers 
moi ,  en  exerçant  cette  violence ,  vous 
oblige  de  votre  côté  à  m'indemnifer  de 
ce  que  j'en  ai  fouffert  ,  &  cette  indem- 
nité confifte  à  m'acquitter  de  l'Obliga- 
tion que  vous  m'avez  obligé  de  contrac- 
ter ;  d'où  il  fuit  que  mon  Obligation  r 
quand  on  en  fuppoferoit  une  ,  ne  peut 
être  valable  félon  le  Droit  naturel;  c'effc 
la  raifon  que  donne  Grotius  de  Jure  belL 
lib.   2.  cap,  //.  n.  y. 

23.  Lorfque  la  violence  qu'on  a  exer- 
cée contre  moi  pour  me  contraindre  à 
contracter ,  a  été  exercée  par  un  tiers , 
fans  que  celui  avec  qui  j'ai  contracté 
en  ait  été  participant  ;  le  Droit  civil 
ne  laiffe  pas  de  venir  à  mon  fecours  5  &C 
il  lefçlade  toutes  les  Obligations  contraç> 


36         Tr.   des   Oïïlig.j 

tées  par  violence ,  de  quelque  part  q%té 
foit  venue  la  violence  ;  c'efî  ce  qui  ré- 
sulte de  ces  termes  de  la  loi  9.  §.  1.  ff. 
Quod  met.  Prœtor  generaliur  * ,  &  in  REM 
loquitur  :  mais  Grotius  prétend  que  ce 
n'eft  en  ce  cas  que  du  Droit  civil  que  je 
tiens  la  refcifion  de  mon  Obligation  qui 
feroit  valable  dans  les  termes  du  pur 
Droit  naturel;  il  n'y  a  v  félon  lui,  que 
le  Droit  civil  qui  répute  pour  imparfait 
mon  confentement  9  à  caufe  du  trouble 
d'efprit  que  m'a  caufé  la  violence  9  à  peu? 
près  de  la  même  manière  qu'il  réputé 
pour  imparfait  le  confentement  des  mi- 
neurs ,  lorfqu'il  leur  accorde  la  restitu- 
tion contre  leurs  contrats  propter  infirmi- 
tatem  fudicii  ;  mais  félon  cet  auteur ,  aux* 
termes  du  pur  Droit  naturel ,  mon  con- 
fentement quoique  donné  dans  le  trou- 
ble que  caufe  la  violence  ne  laifle  pas 
d'être  un  vrai  confentement  fuffifant  pour 
former  une  Obligation ,  de  même  que 
celui  d'un  mineur  ,  quoiqu'il  n'ait  pas 
encore  toute  la  maturité  d'entendement  y 
que  donne  un  âge  plus  avancé. 

Pufendorf  &  Barbeyrac   penfent  au 

*Ideft:  itnpeiTonaliter  loquitur ,  de  folâ  re,  de  folâ  vî 
illatâ ,  non  attendens  per  quem  illata  fn  ,  an  per  ip£um.cumj 
quo  invitus  contraxi ,  an  per  alium:  c'eft  pourquoi  les  Ba- 
jiliques  ont  retranché  les  tezmesfciente  emptere  qui  fe  trou- 
Vent  dans  la  Loi  5.  cad-  de  bis  qnce  vi,  C?c.  étant  indiffé- 
rent, que  celui  à  qui  j'ai  été  contraint  par  violence  de  vendre^ 
su  eu  connoiflançc  ou  non  de  cette  violente. 


Part.  I.  Chap.  I.  37 
contraire  ,  que  dans  les  termes  même  du 
pur  Droit  naturel ,  lorfque  j'ai  été  con- 
traint par  violence  à  contracter ,  le  con- 
trat ne  m'oblige  point ,  quoique  celui  avec 
qui  j'ai  contracté  n'ait  eu  aucune  part  à 
là  violence. 

Voici  la  raifon  qu'en  apporte  Barbey- 
rac.  Il  eft  vrai  ,  dit-il  qu'un  confente- 
ment  quoiqu'extorqué  par  violence  eu: 
un  consentement ,  coacia  voluntas  volun- 
tas  eft'y  &.  ilfuffit  pour  nous  rendre  cou- 
pables ,  lorfque  nous  confentons  ,  quoi- 
que contraints  y  à  faire  ce  que  la  loi  na- 
turelle défend  ,  ou  à  nous  abftenir  de  ce 
qu'elle  commande  ;  ainfi  un  Chrétien 
etoit  coupable ,  lorfqu'il  facrifîoit  aux 
Idoles  ,  quoiqu'il  y  fût  contraint  par  la 
crainte  de  la  mort  &  des  fupplices  :  mais 
quoique  le  confentement  extorqué  paf 
violence  foit  un  vrai  confentement ,  il  ne 
fuffit  pas  pour  nous  obliger  valablement , 
à  donner  ou  à  faire  ce  que  nous  avons 
promis  à  quelqu'un  ;  parce  que  la  loi  na- 
turelle ayant  fournis  à  notre  choix  libre 
&  fpontanée  ,  tout  ce  qu'elle  permet ,. 
ce  ne  peut  être  que  par  un  confente- 
ment libre  &  fpontanée  ,  que  nous  pou- 
vons nous  obliger  envers  quelqu'un  ,  à 
lui  donner  ou  à  faire,  ce  que  la  loi  na-t 
turelle  nous  permettoit  de  lui  donner  ou 
de  ne  lui  pas  donner  %  de  faire  ou  de  ne 
pas  faire. 


38         Tr.    dès    Oblig, 

La  convention  n'en  eft  donc  pas  moins 
vicieufe  ,  quoique  celui  avec  qui  on  m'a 
forcé  de  faire  cette  convention  ,  n'ait 
pas  eu  de  part  à  la  violence  qui  m'a  été 
faite  ;  car  quoiqu'il  n'y  ait  pas  eu  de  part , 
mon  confentement  n'en  a  pas  moins  été 
imparfait  ;  &c  c'eft  à  cette  imperfection 
de  mon  confentement  que  la  loi  a  égard 
pour  me  délier  de  l'obligation  qu'on  pré- 
tendrait en  réfulter  :  Nequc  enim  lex  adhi-* 
benti  vim  irafcitur  ,  fed  pàjjo  fuccurrit;  & 
iniquum  illi  yidetur  id  ratum  effe  ,  quo<£ 
aliquis  9  non  quia  voluit ,  paclus  efl ,  fed 
quia  coacius  efl  :  nihil  autem  refert  per  quem 
illi  neceffe  fuit  ;  iniquum  enim  ,  quod  ref- 
cinditur ,  facit  pcrfona  ejus  qki  pajjus  efl , 
non  pcrfona  facientis.  Senec,  controver, 
IV.  26. 

24.  Pufendorf  excepte  un  cas  auquel 
l'obligation ,  quoique  contractée  par  l'im- 
preffion  de  la  crainte ,  que  me  caufe  la 
violence  qu'on  exerce  fur  moi ,  ne  laiffe 
pas  d'être  valable;  c'eftle  cas  auquel  j'au- 
rois  promis  quelque  chofe  à  quelqu'un 
pour  qu'il  vînt  à  mon  fecours ,  &:  qu'il 
me  délivrât  de  la  violence  qu'un  autre 
exercoit  fur  moi  :  par  exemple  ,  fi  étant 
attaqué  par  des  voleurs  ,  j'apperçois  quel- 
qu'un à  qui  je  promets  une  fomme  pour 
qu'il  me  vienne  délivrer  d'entre  leurs 
ïiïains  ;  cette  obligation  y  quoique  cm- 


P  A  R  T.   I.     CHAP.   I.  J9 

tractée  fous  l'impreffion  de  la  crainte  de 
la  mort ,  fera  valable.  C'eft  aufîi  la  dé- 
ciiion  de  la  Loi  $.  §.  i.  jff\  Qjiod  met, 
cntf.  Eleganter  Pomponius  ait  :jî  qub  mu- 
gis te  de  vi  hojiium  vel  latronum  tuerer  9 
aliquid  à  te  accepero ,  vel  te  obligavero  y 
non  debere  me  hoc  ediclo  tenzri. .  .  .  ego  enim 
Qpcrœ  potiîis  meœ,  mercedem  accepijje  videor. 

Néanmoins  û  j'avois  promis  une  fom- 
me  excefîive  ,  je  pourrois  faire  réduire 
mon  obligation  à  la  fomme  à  laquelle 
on  apprecieroit  la  jufte  récompenfe  du 
fervice  qui  m'a  été  rendu. 

25.  La  violence  qui  fait  pécher  le 
contrat ,  par  défaut  de  liberté  ?  doit ,  fé- 
lon les  principes  du  Droit  Romain  ,  être 
une  violence  capable  de  faire  imprefïion 
fur  une  perfonne  courageufe  ,  metus  non 
vani  hominis  9  fed  qui, in  homine  conflan- 
lijjîmo  cadat ,  L,  6*  ffl  diclo  litulo. 

Il  faut  que  la  partie  qui  prétend  avoir 
été  forcée  à. contracter  >  ait  été  intimidée 
par  la  crainte  d'un  grand  mal ,  metu  ma- 
joris  malita'tis ,  L,  5.  ffl  d.  tit.  foit  en  fa 
propre  perfonne  y  foit  en  celle  de  fes  en- 
fans  ,  ou  de  quelqu'autre  de  (es  proches  y 
nam  nihil  interefi  infe  quis  veritusjit  9  an 
in  liberis  fuis  ,  L.  S.  §.  3.  d.  tit.  Il  faut 
que  ce  foit  un  mal  qu'elle  ait  été  mena- 
cée d'endurer  fur  le  champ ,  fi  elle  ne 
faifoit  ce  qu'on  lui  propofoit ,  metum  pr*- 


.,/' 


4ô         T r.    des    Oblig. 
fentem ,  non  fufpicioncm  inferendi  cjus  ,  L, 
9.  jff.  diclo  titulo, 

Lorfque  les  menaces  dont  quelqu'un 
s'eft  fërvi  pour  me  faire  contracter  avec 
lui  quelqu'engagement ,  ne  font  que  me- 
naces vagues  Se  pour  l'avenir,  dont  je 
me  fuis  vainement  intimidé  ,  quoique  , 
félon  le  principe  du  Droit  Pvomain  ,  le 
contrat  ne  foit  pas  eftimé  pécher  en  ce 
cas  par  le  défaut  de  liberté  dans  le  con- 
fentement ,  il  ne  faut  pas  en  conclure 
que  cette  manœuvre  doive  être  impunie, 
Se  que  le  contrat  doive  fubfifter.  La  Loi 
7.  ffl  d.  tit.  dit  bien ,  Si  qui  s  meticulofus 
rem  nullam  frujîrà  timuerit  9  PER  hoc 
EDI  C  TU  M  non  rcjlituitur.  Mais  elle  ne 
dit  pas  abfolument  non  rcfiituitur  :  fi  le 
contrat  ne  pèche  pas  en  ce  cas  par  le 
défaut  de  ce  que  les  loix  jugent  requis  , 
pour  la  liberté  du  confentement ,  il  pè- 
che par  le  défaut  de  la  bonne  foi ,  qui 
doit  régner  dans  tous  les  contrats. 

Cette  manœuvre  dont  s'eft  fervi  celui 
avec  qui  j'ai  contracté  ,  eft  une  injuftice 
qui  l'oblige  envers  moi  à  la  réparation  du 
tort  qu'elle  m'a  caufé ,  &  c'eft  dans  la 
refeinon  du  contrat  que  confifte  la  répa- 
ration du  tort  :   Grotius  y  diclo  loco. 

Que  fi  c'eft  par  le  fait  d'un  tiers  que  je 
me  fuis  lahTé  vainement  intimider;  &  que 
celui  avec  qui  j'ai  contracté  ?  n'y  ait  au- 


P  A  R  T.   I.     C  H  A  P.  I.  41 

fcune  part ,  le  contrat  fera  valable ,  & 
j'aurai  feulement  l'action  de  dolo  contre 
celui  qui  m'a  intimidé. 

Tous  ces  principes  du  Droit  Romain 
font  très-juftes  ck  pris  dans  le  Droit  natu- 
rel ,  fauf  que  celui  qui  ne  reconnoit  d'au- 
tre crainte  fuffifante  pour  faire  pécher 
un  contrat  par  défaut  de  liberté  ,  que 
celle  qui  eft  capable  de  faire  impreffion 
fur  l'homme  le  plus  courageux  ,  eft  trop 
rigide  ,  &  ne  doit  pas  être  parmi  nous 
fuivi  à  la  lettre;. mais  on  doit  en  cette 
matière  avoir  égard  à  l'âge ,  au  fexe  &C 
à  la  condition  des  perfonnes  ;  &  telle 
crainte  qui  ne  feroit  pas  jugée  fuffifante 
pour  avoir  fufHfamment  intimidé  l'efprit 
d'un  homme  d'un  âge  mûr ,  &t  d'un  mi- 
litaire ,  &  pour  faire  en  conféquence  res- 
cinder le  contrat  gif  il  auroit  fait ,  peut 
être  jugée  fuffifante  à  l'égard  d'une  fem- 
me ou  d'un  vieillard.  Voyez  Brunneman 
ad  L.  6.  ffl  quod  met.  c.  &  les  Docteurs 
par  lui  cites. 

26.  La  violence  qui  peut  donner  lieu 
à  la  refcifion  du  contrat  doit  être  une 
violence  injurie  ,  adverfus  bonos  mores  , 
Z.  3.  §.  i.ff.d.  tit.  Les  voies  de  droit 
ne  peuvent  jamais  parler  pour  une  vio- 
lence de  cette  efpece  ,  c'eft  pourquoi  un 
débiteur  ne  peut  jamais  fe  pourvoir  con- 
tre un  contrat  qu'il  a  fait  avec  fon  créan- 


^2  Tr.  des  Oblic. 
cier ,  fur  le  feuî  prétexte  qu'il  a  été  in- 
timidé par  les  menaces  que  ce  créan- 
cier lui  a  faites  d'exercer  contre  lui  les 
contraintes  par  corps  qu'il  avoit  droit 
d'exercer ,  ni  même  fur  le  prétexte  qu'il 
a  fait  ce  contrat  en  prifon,  lorfque  le 
créancier  a  eu  droit  de  l'emprifonner  ;  la 
Loi  22.  ff.  quod  met.  eau),  qui  dit  :  qui  in 
carcerem  quem  detrufit  ut  aliquid  ei  extorque- 
ret ,  quicquid  ob  hanc  caufam  ficlum  efl  , 
nullius  momenîi  eji ,  doit  s'entendre  d'un 
emprifonnement  injurie.  V.  WifTenbach , 
P.  i.  difp.  13./;.  22. 

27.  La  crainte  de  déplaire  à  un  père  , 
à  une  mère ,  ou  autres  perfonnes  à  qui 
on  doit  des  égards ,  n'eit  pas  non  plus 
une  crainte  qui  rende  vicieux  le  contrat 
fait  par  l'impreflion  de  Cette  efpece  de 
crainte,  L.  %%.  ff,  de  Rit,  nupt.  L>  26.  §. 
i.jf*  de  pign.  &  hyp.  Duaren  ad  h.  T.  & 
WifTenbach,  difp.  13.  th.  13  ,  &c.  Mais 
fi  celui  qui  a  une  perfonne  fous  fa  puii- 
fance  avoit  employé  les  mauvais  traite- 
mens  ou  les  menaces  pour  le  forcer  à 
contracter  ,  le  contrat  pourrait ,  félon  les 
circonflances  ,  être  fujet  à  refcifion. 

S- m. 

Du   Dot. 

18.  On  appelle  Dol  toute  efpece  d'ar- 
tifice dont  quelqu'un  fe  fert  pour  tromper 


P  A  R  T.  I.      C  H  A  P.  I.  45 

lin  autre.   Labto  définit  dolum  ,    omntm 
calliditatzm  ,  fallaciam  ,  machinationem  , 
ad  circamvtnundum  ,  falLndum ,  decipien- 
dum  alurum ,adhibitam .  L.  i .  §.  i.ff.dtdoL 
19.  Lorfqu'une  partie  a  été  engagée  à 
contracter  par  le  Dol  de  l'autre  ,  le  con- 
trat n'eft  pas  absolument  &  effentielle- 
ment  nul ,   parce  qu'un  confentement , 
quoique  furpris  ,  ne  laiffe  pas  d'être  con- 
fentement ;  mais  ce  contrat  eft  vicieux, 
&  la  partie  qui  a  été  furprife  peut  dans 
les  dix  ans,  en  prenant  des  lettres    de 
refcifion,  le  faire  refcinder,  parce  qu'il 
pèche  contre  la  bonne  foi  qui  doit  ré- 
gner dans  les  contrats,  Ajoutez  que  û  ma 
promeffe  m'engage  envers  vous ,  le  Dol 
que  vous  avez  commis  envers  moi ,  en 
furprenant  de  moi  cette  promeffe ,  vous 
engage  à  m'indeïnnifer ,   &  par  confé- 
quent  à  me  décharger  de  cette  promeffe. 
30.  Dans  le  for  intérieur  on  doit  re- 
garder comme  contraire  à  cette  bonne 
foi  ,  tout  ce  qui  s'écarte  tant  foit  peu 
de   la  fincérité  la  plus  exacte  &:  la  plus 
fcnipuleufe  ;  la  feule  dirTimuîation  fur  ce 
qui  concerne  la  choie  qui  fait  l'objet  du 
marché,  que  la  partie  avec  qui  je  con- 
tracte auroit  intérêt  de  favoir ,  eft  con- 
traire à  cette  bonne  foi  ;  car  nous  étant 
commandé  d'aimer  notre  prochain  autant 
que  nous-mêmes ,  il  ne  peut  nous  être 


%4         Tr.   des  Obltg. 

permis  de  lui  rien  cacher,  de  ce  que 
nous  n'aurions  pas  voulu  qu'on  nous  ca- 
chât ,  fi  nous  eufîions  été  à  fa  place. 
Cette  matière  a  été  traitée  au  long  en  notre 
Traité  du  contrat  de  vente ,  Part,  x.  ck.z. 
Part.  3.  S  tel.  2. 

Dans  le  for  extérieur  une  partie  ne  fe- 
roit  pas  écoutée  à  fe  plaindre  de  ces  lé- 
gères atteintes  que  celui  avec  qui  il  a 
contracté  auroit  donné  à  la  bonne  foi  ; 
autrement  il  y  auroit  un  trop  grand  nom- 
bre de  conventions  qui  feroient  dans  le 
cas  de  la  refcifion  ;  ce  qui  donneroit  lieu 
à  trop  de  procès  ,  &  cauferoit  un  dé- 
rangement dans  le  commerce  ;  il  n'y  a 
que  ce  qui  bleffe  ouvertement  la  bonne 
foi ,  qui  foit  dans  ce  for ,  regardé  comme 
un  vrai  Dol  fumTant  pour  donner  lieu  à 
la  refeilion  du  contrat  ;  telles  que  toutes 
les  mauvaifes  manœuvres ,  6c  tous  les 
mauvais  artifices  qu'une  partie  auroit  em- 
ployés pour  engager  l'autre  à  contrac- 
ter ,  &  ces  mauvaifes  manœuvres  doi- 
vent être  pleinement  juflifîées.  Dolutn 
nonnijî  perfpïcuis  indiciis  probari  convertit* 
X.  6.  cod.  de  dol.  mal. 

3 1 .  Il  n'y  a  que  le  Dol  qui  a  donné 
lieu  au  contrat ,  qui  puiffe  donner  lieu 
à  la  refcifion  ;  c'efl-à-dire  le  Dol  par 
lequel  Tune  des  parties  a  engagé  l'autre 
à  contracter,  qui  n'auroit  pas  contracté 


Part.  I.    Chap.  I.  45 

fans  cela  ;  tout  autre  dol  qui  intervient 
dans  les  contrats,  donne  feulement  lieu 
à  des  dommages  &  intérêts  ,  pour  la  ré- 
paration du  tort  qu'il  a  caufé  à  la  partie 
qui  a  été  trompée. 

32.  Il  faut  auffi  pour  que  je  puiffe 
faire  refcinder  mon  engagement ,  que  le 
dol  qu'on  a  employé  pour  me  porter  à 
contracter  ,  ait  été  commis  par  la  per- 
fonne  avec  qui  j'ai  contracté ,  ou  du 
moins  qu'elle  en  ait  été  participante  :  s'il 
a  été  commis  fans  fa  participation ,  & 
que  je  n'aye  pas  d'ailleurs  fouffert  une 
léfion  énorme,  mon  engagement  efl va- 
lable ,  &  n'eft  pas  fujet  à  refcifion  ;  j'ai 
feulement  action  contre  le  tiers  qui  m'a 
trompé ,  pour  mes  dommages  6c  intérêts, 

s- IV- 

De  la  UJlon  entre  Majeurs. 

3  3 .  L'équité  doit  régner  dans  les  con* 
t'entions ,  d'où  il  fuit  que  dans  les  con- 
trats intéreffés  dans  lefquels  l'un  des  con- 
traclans  donne  ou  fait  quelque  chofe  , 
pour  recevoir  quelqu'autre  chofe  com- 
me le  prix  de  ce  qu'il  donne  ou  de  ce 
qu'il  fait  ,  la  léfion  que  fouffre  l'un  des 
contra&ans ,  quand  même  l'autre  n'auroit 
recours  à  aucun  artifice  pour  le  tromper^ 


46  Tr.  des  Oblig. 
eu  feule  fiiffifante  par  elle-même  pour 
rendre  ces  contrats  vicieux.  Cari' équité 
en  fait  de  commerce  confiflant  dans  l'éga- 
lité ,  dès  que  cette  égalité  tû  Méfiée  ,  & 
que  l'un  des  contractons  donne  plus  qu'il 
ne  reçoit  ;  le  contrat  e#  vicieux  ,  parce 
qu'il  pèche  contre  l'équité  qui  y  doit 
régner. 

D'ailleurs  il  y  a  de  l'imperfe&ion  dans 
le  conientement  de  la  partie  léfée  ;  car 
elle  n'a  voulu  donner  ce  qu'elle  a  donné 
par  le  contrat ,  que  dans  la  fauffe  fup- 
pofition ,  que  ce  qu'elle  recevoit  à  la  pla- 
ce ,  valait  autant  que  ce  qu'elle  don-; 
noit  ;  &:  elle  étoit  dans  la  difpofition  , 
de  ne  \  ouioir  le  donner ,  fi  elle  eût  fçu 
que  ce  qu'elle  recevoit ,  valoit  moins. 

Au  refte,  il  faut  obferver  i°.  que  le 
prix  des  chofes  ne  confifle  pas  ordinaire- 
ment dans  un  point  indivifible  ;  il  a  une 
certaine  étendue ,  fur  laquelle  il  efl  per- 
mis aux  contraftans  de  fe  débattre  ;  &  il 
.n'y  a  pas  de  léfion  ,  ni  par  conféquent 
d'iniquité ,  dans  un  contrat ,  à  moins  que 
ce  que  l'un  des  contraclans  a  reçu ,  ne 
foit  au-deffus  du  plus  haut  prix  de  la  chofe 
qu'il  a  donnée ,  ou  au-defîbus  du  plus  bas, 
Voy.  notre  Traité  du  contrat  de  vente  > 
N«  242. 

34.  20.  Quoique  toute  léfion  quelle 
qu'elle  foit,  rende  les  contrats  iniques  y 


Part.  T.  Chap.  I.  47 
&  par  conséquent  vicieux  ,  &  que  le  for 
intérieur  oblige  à  fuppléef  le  jufté  prix  ; 
néanmoins  dans  le  for  extérieur  ,  les  ma- 
jeurs ne  font  point  écoutés  à  fe  plaindre 
de  leurs  conventions ,  pour  caufe  de  lé- 
fion  ,  à  moins  qu'elle  ne  foit  énorme  , 
ce  qui  a  été  fagement  établi  pour  la  su* 
reté  &  la  liberté  du  commerce  ,  qui  exige 
qu'on  ne  puiile  facilement  revenir  con- 
tre les  conventions  ;  autrement  nous  n'o- 
ferions  contracter,  dans  la  crainte  que 
celui  avec  qui  nous  aurions  contracté 
s'imaginant  avoir  été  léfé ,  ne  nous  fît 
par  la  fuite  un  procès. 

On  eflime  communément  énorme  la 
léfion  qui  excède  la  moitié  du  jufle  prix  ; 
celui  qui  a  fouffert  cette  léfion  peut  dans 
les  dix  ans  du  contrat ,  en  obtenant  des 
lettres  de  refcifion  ,  en  demander  la  nul- 
lité. V.  fur  cette  a&ion  refcifoire  notre 
Traité  du  contrat  de  vente,  P.  5 .  c.  2 .  S.  2. 

3  5.  Il  y  a  néanmoins  certaines  conven- 
tions dans  lefquelles  l'égalité  efl  plus  par- 
ticulièrement requife  ,  tels  que  font  les 
partages  entre  cohéritiers  ou  coproprié- 
taires, Molin.  de  ufur.  Quœji.  14.77.  182. 

A  l'égard  de  ces  conventions  il  fuffit 
que  la  léfion  excède  le  quart  du  jufte 
prix  ,  pour  qu'elle  donne  lieu  à  la  refti- 
tution. 

C'eft  ce  que  les  praticiens  appellent  lé- 


48  Tr.    des   ObliG. 

fion  du  tiers  au  quart ,  c'en>  à-dire  une  lé- 
fion  qui  roule  entre  le  tiers  &:  le  quart 
qui  peut  ne  pas  aller  tout-à-fait  jufqu'au 
tiers  ,  mais  qui  doit  au  moins  excéder  le 
quart  :  par  exemple  ,  fi  j'ai  été  léfé  dans 
un  partage  dans  lequel  il  auroit  dû  me  re- 
venir douze  mille  livres  pour  mon  lot ,  il 
n'eft  pas  né  ce  flaire  pour  que  je  puifie  me 
pourvoir  contre,  que  la  léiion  que  j'ai 
foufferte  aille  jufqu'à  la  fomme  de  quatre 
mille  livres  qui  eft  le  tiers  de  ce  que  j'au- 
rois  dû  avoir ,  il  fuffit  qu'elle  excède  celle 
de  trois  mille  livres  qui  en  eft.  le  quart. 
Imbert.  enchirid.  au  titre  divif.  &  partage 
mal  fait. 

36.  Au  contraire  il  y  a  certaines  con- 
ventions contre  lefquelles  les  majeurs  ne 
peuvent  être  reftitués  ,  pour  caufe  de  lé- 
sion quelque  énorme  qu'elle  foit. 

Telles  font  les  transactions  fuivant  l'E- 
dit  de  François  II.  du  mois  d'Avril  1 560. 
On  appelle  tranfa&ions  les  conventions 
qui  fe  font  fur  des  prétentions  pour  lef- 
quelles il  y  avoit  entre  les  parties  procès 
mû ,  ou  prêt  à  mouvoir. 

La  raifon  de.  l'Edit  fe  tire  de  la  nature 
particulière  de  ces  conventions.  Dans 
les  autres  contrats  inttrejjes ,  chacun  des 
contraclans  a  intention  de  recevoir  au- 
tant qu'il  donne ,  &  de  ne  rien  relâcher  de 
ce  qui  lui  appartient  :  fon  confèntement 

n'efl; 


P  A  R  T.   I.      C  H  A  P.   ï.  49 

n'eft  donc  pas  entièrement  parfait ,  lorf- 
qli'il  elt  lefé  ,  puifqu'én  ce  cas  il  part 
d'une  erreur  dans  laquelle  il  eft  ,  qu'il  re- 
çoit autant  qu'il  donne  ;  &  c'eft  fur  le 
fondement  de  ce  défaut  dans  fon  confen- 
tement ,  qu'il  eft  admis  à  fe  faire  reftituer 
contre  le  contrat.  Au  contraire  dans  les 
Tranfaclions ,  par  la  nature  même  de  ces 
conventions ,  les  contra&ans  ont  inten- 
tion d'éviter  un  procès  ,  même  aux  dé- 
pens de  ce  qui  leur  appartient. 

De  ces  principes  ,  il  fuit  que  la  difpofï- 
tion  de  l'Edit  ne  doit  pas  être  étendue  à 
des  conventions  ,  qui  ne  décideroient 
aucune  conteftation  ?  &  qui  par  exemple 
ne  contiendroient  autre  chofe  qu'un  par- 
tage ,  encore  bien  qu'elles  euffent  été 
qualifiées  par  le  Notaire  de  Tranfacilon  > 
car  ce  n'eft  pas  le  nom  que  le  Notaire 
donne  à  l'a&e ,  mais  la  nature  de  l'acte  , 
qui  en  doit  régler  l'effet. 

37.  On  n'admet  guère  non  plus  la  res- 
titution pour  caufe  de  léfion  dans  les  con- 
trats ,  dans  lefquels  le  prix  de  la  chofe 
qui  en  fait  l'objet  étant  très-incertain  , 
il  eft  difficile,  ou  prefqu'impofTible  de 
déterminer  quel  en  eft  le  jufte  prix  ,  8c 
de  juger  par  conféquent  s'il  y  a  léfion 
au-delà  de  la  moitié  du  jufte  du  prix. 

Tel  eft  le  contrat  de  vente  de  droit? 
fucceflifs  ;  car  l'incertitude  des  dette* 
Tome  L  C 


50  Tr.  des  Oblig, 
qui  peuvent  furvenîr,  rend  très-inceN 
tain  le  prix  des  droits  fuccefîifs. 
.  Tels  font  tous  les  contrats  aléatoires  ; 
car  quoique  les  rifques  dont  fe  charge 
par  ces  contrats  l'un  des  contraôans , 
ïbient  quelque  chofe  d'appréciable  à 
prix  d'argent ,  il  faut  avouer  néanmoins 
qu'il  eft  très-difficile  de  déterminer  que! 
en  eft  le  jnfte  prix  :  c'eft  pour  cette  rai- 
fon  qu'on  n'admet  guère  la  refcifïon  pour 
caufe  de  léfion ,  dans  les  conftitutions 
de  rentes  viagères  ,  dans  les  contrats 
d'amirance  ,  ckc. 

3  8.  Un  acheteur  qui  acheté  un  héritage 
plus  de  moitié  au-delà  du  jufte  prix  ,  n'eft 
pas  auffi  admis  à  la  reftitution  ,  lorfque 
ce  qui  excède  le  prix  intrinfeque ,  efr.  le 
prix  de  l'arTeclion  :  c'eït.  ce  que  nous 
avons  expliqué  dans  notre  Traité  du  con- 
trat de  vente  ,  Part.  2.  ch.  2.  art.  4.  g.  2. 

39.  Les  contrats  qui  n'ont  pour  objet 
que  des  chofes  mobiliaires  ,  ne  font  pas 
au ffi  fujets  à  refcifïon  pour  la  feule  caufe 
de  léflon  quelle  qu'elle  foit.  La  Coutume 
d'Orléans,  art.  446.cn  aune  difpofition. 

La  raifon  de  ce  droit  peut  être ,  que 
nos  pères  faifoient  conûfter  la  richefTe 
dans  les  biens-fonds  ,  &  faifoient  peu  de 
cas  des  meubles  :  de-là  vient  que  dans  la 
plupart  des  matières  de  notre  Droit  Fran- 
çois, les  meubles  font  peu  confidérés. 


P  A  îl  T.  ï.      C  H  A  P.  î.  Y* 

îl  y  a  encore  une  autre  raifon  tirée  du 
troquent  commerce  des  choies  mobiliai- 
res  qui  parlent  ibuvent  en  plufieurs  mains 
en  peu  de  temps.  Ce  commerce  feroit 
troublé ,  fi  on  admettoit  la  reltifution 
pour  caufe  de  léfion  à  l'égard  des  meu- 
bles. 

On  n'admet  pas  non  plus  la  refritution 
pour  caufe  de  léfion  contre  les  baux  à 
ferme  ou  à  loyer  des  héritages  ;  car  ces 
baux  ne  renferment  qu'une  difpofition 
des  fruits  de  l'héritage  ,  qui  font  quel- 
que choie  de  mobilier. 

§.  v. 

De  la  léfion  entre  Mineurs. 

40.  Tout  ce  que  nous  venons  de  dire 
fur  la  léfion ,  a  lieu  à  l'égard  des  majeurs  j 
mais  les  mineurs  font  admis  à  la  reftitu- 
tion  contre  leurs  conventions  ,  non-feu- 
lement pour  caufe  de  la  léfion  énorme  ^ 
mais  pour  quelque  léfion  que  ce  foit  , 
&  ils  y  font  admis ,  même  à  l'égard  des 
conventions  contre  lcfcuelles  nous  avons 
dit  que  les  majeurs  n'étoyent  point  admis 
à  la  reltitution ,  telles  que  les  tranfaoj 
tions. 

L'Ordonnance  de  1539.  art.  134.  a  1Ï-. 
pute  le  temps  dans  lequel  ils  d  rivent  de- 


jx         Tr.    des    Obiig, 
mander  cette  reftitution  ;  elle  ne  permet 
pas  de  les  y  recevoir ,  après  qu'ils  ont 
accompli  l'âge  de  trente- cinq  ans. 

Obfervez  que  l'Ordonnance  n'a  pas  dit 
dans  les  dix  ans  après  la  majorité  ,  parce 
qu'il  y  a  des  Provinces  où,  on  eft  majeur 
à  vingt  ans  ,  comme  en  Normandie  ;  elle 
a  voulu  à  cet  égard  égaler  tous  les  ci- 
toyens ,  &  qu'ils  fuffent  tous  reflituables, 
jufqu'à  l'âge  de  trente-cinq  ans  accomplis. 
41.  Il  y  a  certaines  conventions  contre 
lefquelles  les  mineurs  capables  de  contrac- 
ter, c'efl-àdire  émancipés,  ne  fontpas  refti- 
tués  non  plus  que  les  majeurs  pour  la  feule 
caufe  de  léfion  ;  telles  font  les  conven- 
tions pour  l'aliénation  ,  ou  l'acquifition 
des  chofes  mobiliaires  ;  la  Coutume  d'Or- 
léans en  l'article  446.  en  a  une  difpofi- 
tion. 

Nous  n'en  dirons  pas  davantage ,  de- 
vant traiter  cette  matière  dans  un  Traité 
particulier. 

§.  VI. 

Du  défaut  de  caufe  dans  le  Contrat. 

41.  Tout  engagement  doit  avoir  une 
caufe  honnête.  Dans  les  contrats  intéref* 
fis ,  la  caufe  de  l'engagement  que  con- 
tracte l'une  des  parties,  eft  ce  que  l'au- 
tre partie  lui  donne ,  ou  s'engage  de  lui 


PartI.    Chap.  ï.  5? 

donner ,  ou  le  rifque  dont  elle  fe  charge. 
Dans  les  contrats  de  Bunfaifancc ,  la  li- 
béralité que  Tune  des  parties  veut  exer- 
cer envers  l'autre  ,  efl  une  caufe  fuffi- 
fante  de  l'engagement  qu'elle  contracte 
envers  elle.  Mais  lorfqu'un  engagement 
n'a  aucune  caufe ,  ou ,  ce  qui  efl  la  mê- 
me choie  ,  lorfque  la  caufe  pour  laquelle 
il  a  été  contracté  efl  une  caufe  faufTe ,  l'en- 
gagement eil  nul ,  &  le  contrat  qui  le 
renferme  efl  nul  :  par  exemple ,  û  croyant 
faufTement  vous  devoir  une  fomme  de 
dix  mille  livres  qui  vous  avoit  été  léguée 
par  le  teflament  de  mon  père  ,  qui  a  été 
révoqué  par  un  codicile  dont  je  n'avois 
pas  connoifTance  ,  je  me  fuis  engagé  de 
vous  donner  un  certain  héritage  en  paye- 
ment de  cette  fomme  ;  ce  contrat  efl  nul , 
parce  que  la  caufe  de  mon  engagement, 
qui  étoit  l'acquittement  de  cette  dette , 
efl  une  caufe  qui  s'efl  trouvée  fauffe  ; 
c'efl  pourquoi  la  faufTeté  de  la  caufe  étant 
reconnue  ,  non-feulement  vous  ne  pou- 
vez avoir  d'adtion  pour  vous  faire  livrer 
l'héritage  ;  mais  fi  je  vous  Pavois  déjà 
livré  ,  j'aurois  aclion  pour  vous  le  faire 
rendre,  tic  cette  adlion  s'appelle  condic- 
tio  fine  causa,  vid.  th.  ff]  de  coud.  Jinz 
causa. 

43.  Lorfque  la  caufe  pour  laquelle  l'en- 
gagement a  été  contracté  ?  efl  une  caufe 

C  iij 


ff  Tr.  ©es  Oblig. 
qui  bleffe  la  juftke  ,  la  bonne  foi ,  ou  le* 
bonnes  mœurs  ,  cet  engagement  eft  nul  , 
ainfi  que  le  contrat  qui  le  renferme.  Ce 
principe  fert  à  décider  une  qu^ftion  qui 
ie  préfente  fouvent  :  une  terre  feigneu» 
riale  a  été  faifie  réellement  fur  un  débi- 
teur, &  adjugée  par  décret;  la  partie 
faifie  a  une  convention  avec  l'adjudica- 
taire qu'il  lui  donneroitune  certaine  fom- 
*ne  pour  qu'elle  lui  remit  les  titres.  On 
demande  fi  cette  convention  eft  valable  ? 
JLa  décision  dépend  de  fa  voir  fi  la  caufe 
de  cette  convention  bleffe  la  juftice.  Il 
eft  certain  qu'elle  la  bleffe  ;  car  les  titres 
d'une  Seigneurie  font  un  acceffoire  de 
cette  Seigneurie ,  comme  les  clefs  le  font 
d'une  maifon  ;  or ,  il  eft  de  la  nature  des 
chofes  acceffoires  qu'elles  appartiennent 
à  celui  à  qui  la  chofe  principale  appar- 
tient ;  accejforia  fcquunlur  j us  ac  dominium 
rd  principalis  :  les  titres  appartiennent 
donc  à  l'adjudicataire  ;  l'adjudication  en 
lui  transférant  la  propriété  de  la  Seigneu- 
rie ,  lui  a  transféré  celle  des  titres  :  la 
partie  faifie  lorfqu'elle  a  hypothéqué  cette 
Seigneurie  ,  a  confenti  qu'à  défont  de 
payement,  le  créancier  pût  la  vendre  par 
décret ,  &  elle  s'eft  dès  lors  obligée  à 
la  délaiffer ,  avec  les  titres  ,  à  l'adjudica- 
taire ,  comme  û  elle  l'eût  vendue  elle-* 
même  :  çlle  ne  peut  donc  fans  injuftiçg 


Part.  I.    Chap.  I.         $ï 

les  retenir  ;  la  convention  par  laquelle 
elle  exige  de  l'adjudicataire  de  l'argent 
pour  les  lui  remettre ,  a  donc  une  caufe 
qui  bleffe  la  juftice ,  ce  qui  la  rend  nulle  ; 
c'eft  pourquoi  ,  non-feulement  elle  ne 
donne  aucune  action  à  la  partie  faifie  , 
po-ii*  exiger  la  fomme  qui  lui  a  été  pro- 
inife  ;  mais  fi  l'adjudicataire  l'avoit  payée, 
il  auroit  action  contr'elle  pour  la  répéter. 

43.  Obfervez  à  l'égard  de  cette  a&ion , 
qu'on  doit  bien  diftinguer  ,  fi  la  caufe 
pour  laquelle  on  a  promis  quelque  choie, 
blefToit  la  juftice  ou  les  bonnes  mœurs  , 
du  côté  feulement  de  la  partie  qui  ftipu- 
loit ,  ou  de  la  part  des  deux  parties  :  un 
exemple  du  premier  cas ,  eft  celui  que 
nous  venons  de  rapporter  ci-defTus  :  lorf- 
que  le  faifi  a  ftipulé  une  certaine  fomme 
de  l'adjudicataire  pour  qu'il  remette  les 
titres  ;  ce  n'eftque  de  la  part  du  fam*  que 
la  juftice  eft  bleftee,  l'adjudicataire  n'a 
de  fon  côté  bleffé  ni  la  juftice  ni  les  bon- 

c;  mœurs  ,  en  promettant  cette  fomme 
pour  avoir  des  titres  dont  ilavoit  befoin, 
6c  qu'on  ne  vouloit  pas  lui  remettre  fans 
cela;  c'en1  dans  ce  cas  &  dans  les  fem- 
bhbles ,  qu'il  y  a  lieu  à  la  répétition  de 
ce  qui  a  été  donné  en  exécution  de  la 
convention. 

Un  exemple  du  fécond  cas  ,  eft  lorf- 
iju'un  officier  a  promis  une  certaine  fom- 

C  iv 


56         Tr.    des    Oblig. 

me  à  un  foldat  ,  s'il  fe  battoit  en  duel  con- 
tre un  foldat  d'un  autre  Régiment;  la 
caufe  de  cet  engagement  blefle  les  bonnes 
mœurs  de  la  part  des  deux  parties  ;  car 
l'officier  n'a  pas  moins  bleiTé  les  loix  &C 
les  bonnes  moeurs  ,  en  faifant  cette  pro- 
meuve à  ion  foldat,  que  le  foldat  à  qui 
il  l'a  faite.  Ce  fécond  cas  convient  avec 
le  premier,  en  ce  que  de  même  que  dans 
le  premier  cas ,  l'engagement  eft  nul , 
ayant  une  caufe  qui  blefTe  les  bonnes 
mœurs  ;  &  en  conféquence  il  n'en  peut 
naître  aucune  action  ,  &  le  foldat  qui 
s'eil  battu  en  duel,  ne  peut  exiger  de 
ion  officier  la  fomme  qu'il  lui  a  promife 
pour  cela  ;  mais  ce  fécond  diffère  du  pre- 
mier ,  en  ce  que ,  û  en  exécution  de  ce 
contrat,  quoique  nul,  l'officier  a  payé 
la  fomme  convenue ,  il  n^en  aura  pas  la 
répétition  comme  dans  le  cas  précédent  ; 
car  l'officier  qui  a  promis  la  récompenfe 
n'ayant  pas  moins  péché  contre  les  loix 
&c  les  bonnes  mœurs  ,  que  le  foldat  à  qui 
il  l'a  promife  ,  il  eiï  incligne  du  fecours 
des  loix  pour  la  répétition  de  la  fomme» 
Cette  double  décifion  eil  aux  termes 
des  loix  mêmes.  Ubi  dantis  &  acciphnds 
turpltudo  verfatur,  nonpojfe  repctl  dlclmus... 
Quotlcs  auum  acclpicntls  turpltudo  vcrfatur^ 
repeti potefi ,  L.  3.  &  L.  4.  §.  i.  ff.de  con* 
dut.  ob  turp.  cauf. 


Part.!.    C  h  a  p.  I.         57 

44.  Il  iv cil  pas  douteux ,  iiiivant  ce  que 
nous  venons  d'établir,  que  fi  j'ai  promis 
quelque  choie  à  quelqu'un  pour  commet- 
tre un  crime;  putà,  pour  donner  des  coups 
de  bâton  à  quelqu'un  qui  eft  mon  ennemi, 
je  ne  luis    -as  obLge  dans  le  for  extérieur 
de  tenir  certe  promette  :   il  y  a  plus  de 
difficulté  à  l'égard  du  for  de  la  conscien- 
ce. Grotius  11.  xi.  prétend  que  ces  pro- 
mettes ne  font  pas  à  la  vérité  obligatoi- 
res tant  que  le  crime  n'a  pas  été  com- 
mis ,  &  que  jufqu'à  ce  temps  celui  qui  a 
fait  la  promette  peut  s'en  dédire  en  don- 
nant un  contrordre  à  celui  à  qui  il  l'a 
faite  ;    mais  qii'auiîi-tôt  que  le  crime  a 
été  commis  ,   la  promette  devient  obli- 
gatoire par  le  droit  naturel ,  &  dans  le 
for  de  la  confeience  :  fa  raifon  eit  que 
cette  promette  eu  vicieufe  en  ce  qu'elle 
ett  un  appas  au  crime  ;  or  ce  vice  cette 
lorfque  le  crime  evt  commis  &  confommé: 
le  vice  de  cette  promette  n'exiftant  plus , 
rien  n'empêche  qu'elle  ne  produife  fon 
effet,  qui  eft  d'obliger  à  l'accompliffe- 
ment ,  celui  qui  l'a  faite.  Il  rapporte  l'e- 
xemple du  patriarche  Juda ,  qui  s'acquit- 
ta de  la  promette  qu'il  avoit  faite  à  Tha- 
mar  pour  jouir  d'elle. 

Pufendorf  penfe  au  contraire  ,  qu'une 
promette  faite  à  quelqu'un ,  pour  lui  faire 
commettre  ua  crime  ,  n'ett  pas  plus  obli- 

Cv 


5$  Tr."  des  Obli g; 
gatoire  ,  après  qu'il  l'a  commis  ,  qu'au- 
paravant ;  parce  que  la  récompenfe  du 
crime  que  renferme  l'accompliffement 
d'une  telle  promeffe  ,  après  que  le  cri- 
me a  été  commis  ,  eft  une  chofe  qui  n'eft 
pas  moins  contraire  au  droit  naturel  &C 
aux  bonnes  mœurs ,  que  l'invitation  au 
crime.  Si  après  le  crime  commis  ,  l'ac- 
compliffement  de  la  promeffe  ne  peut 
plus  être  un  appas  pour  le  commettre  , 
il  peut  encore  être  un  appas  pour  en  com- 
mettre d'autres  :  d'ailleurs  toute  obliga- 
tion fuppofe  un  droit  dans  laperfonne  en- 
vers qui  elle  a  été  contractée  ;  lorfque 
j'ai  promis  quelque  chofe  à  quelqu'un 
pour  commettre  un  crime  ,  l'acceptation 
qu'il  a  faite  de  la  promeffe  n'en1  pas  moin* 
criminelle  de  fa  part,  que  la  promeffe 
même  ;  or  un  crime  peut-il  faire  acqué- 
rir un  droit  ?  Peut-on  penfer  que  la  loi 
naturelle  doive  favorifèr  les  fcélérats  juf- 
qu'à  leur  affurer  le  falaire  de  leurs  for- 
faits. Ces  raifons  me  déterminent  pour 
l'avis  de   Pufendorf. 

45.  Je  foufcris  pareillement  à  la  déci- 
fion  qu'il  donne  enfuite ,  que  fi  j'ai  vo- 
lontairement payé  après  le  crime  com- 
mis ,  ce  que  j'avois  promis  à  quelqu'un 
pour  le  commettre  ,  je  n'ai  pas  plus  de 
droit  de  le  répéter,  félon  les  règles  du 
for  de  la  confcience ,  que  félon  celles  du 
for  extérieur ,  quoique  j'aie  payé  en  cç 


Par  t.  I.    C  h  a  p.  I.  59 

t as  une  choie  que  je  ne  devois  pas  ;  il  eft 
bien  vrai  que  la  loi  naturelle  6k  le  droit 
civil  accordent  la  répétition  de  ce  qu'on 
a  payé  fans  le  devoir ,  lorfque  le  paye- 
ment a  été  fait  par  erreur  :  on  fuppofe  en 
ce  cas  que  le  payement  a  été  fait  fous 
une  efpece  de  condition  qu'il  y  auroit 
lieu  à  la  répétition  ,  au  cas  qu'on  décou- 
vrit que  la  choie  n'étoit  pas  due  :  quoi- 
que cette  condition  n'ait  pas  été  formelle, 
elle  étoit  virtuelle,  elle  eft  conforme  à 
la  difpofition  de  volonté,  en  laquelle  étoit 
celui  qui  a  payé;  l'équité  qui  ne  permet 
pas  de  profiter  de  l'erreur  d'un  autre  pour 
s'enrichir  à  fes  dépens  ,  fait  luppofer 
cette  condition  ;  mais  on  ne  peut  faire 
une  pareille  fuppofition  dans  l'efpece  dont 
il  s'agit.  Celui  qui  paye ,  paye  avec  une 
parfaite  connoifTance  de  la  caufe  pour 
quoi  il  paye  ;  il  ne  peut  par  conféquent 
retenir  aucun  droit  pour  répéter  la  chofe 
dont  il  s'eft  exproprié  volontairement  , 
&  avec  une  parfaite  connoifTance  de  cau- 
fe ;  il  eft  vrai  qu'il  eft  contre  le  droit  na- 
turel ,  que  quelqu'un  foit  récompensé  de 
fon  crime  ,  &  que  le  repentir  que  doit 
avoir  celui  qui  l'a  commis  ,  doit  le  por- 
ter à  abdiquer  la  récompenfe  qu'il  en  a 
reçue  ;  mais  cela  ne  forme  qu'une  obli- 
gation imparfaite ,  telle  que  celle  dont 
nous  avons  parlé  au  commencement  de 

C  vj 


6o         Tr.    des    Oblig. 

ce  Traité  ,'»•■*.  qui  ne  donne  aucun 

droit  à  une  autre  perfonne. 

46.  Une  promeffe  a-t-elle  une  caufe  lici- 
te ,  lorfqu'elle  eft.  faite  à  quelqu'un  pour 
qu'il  donne  ou  faffe  une  chofe  qu'il  étoit 
déjà  obligé  de  donner  ou  de  faire  ?  Pu- 
fendorf  diitingue  très-bien  fur  cette  ques- 
tion, l'obligation  parfaite  &  l'obligation 
imparfaite.  Lorfque  l'Obligation  n'étoit 
qu'une  obligation  imparfaite  ,  la  promeffe 
a  une  caufe  licite ,  6c  elle  eft  obligatoire  : 
par  exemple ,  fi  j'ai  promis  quelque  chofe 
à  quelqu'un  pour  qu'il  me  rendît  un  fer- 
vice  ,  quoique  la  reconnoiffance  des  bien- 
faits qu'il  a  voit  reçus  de  moi ,  l'obligeât 
à  me  rendre  ce  fervice  gratuitement, 
néanmoins  la  promeffe  que  je  lui  ai  faite, 
a  une  caufe  licite ,  &  elle  eff  obligatoire  ; 
car  n'ayant  aucun  droit  d'exiger  de  lui 
ce  fervice ,  il  a  pu  licitement ,  quoique 
indécemment ,  exiger  de  moi  que  je  lui 
promiffe  quelque  chofe ,  pour  me  faire 
acquérir  le  droit  que  je  n'a  vois  pas  d'exi- 
ger ce  fervice. 

Au  contraire ,  lorfque  l'obligation  eft 
une  obligation  parfaite ,  la  promeffe  que 
je  fais  à  mon  débiteur  de  lui  donner  quel- 
que chofe ,  pour  qu'il  faffe  ce  qu'il  étoit 
obligé  de  faire ,  eft  une  promeffe  nulle  , 
&  qui  a  une  caufe  illicite ,  lorfque  c'efl 
lui  qui  a  exigé  de  moi  que  je  lui  û&  cette 


P  A  R  T.  I.     C  H  A  P.  I.  6  ï 

promette  ;  telle  eu  celle  dont  il  a  été 
parlé  ci-deiTus  ,  qu'un  adjudicataire  fait 
à  la  partie  faifie ,  pour  qu'il  lui  remette 
les  titres  du  bien  qui  lui  a  été  adjugé  ; 
car  étant  obligé  de  les  remettre  ,  c'eft 
de  fa  part  une  exaction  ,  que  de  faire  pro- 
mettre quelque  chofe  pour  cela. 

Mais  quoique  l'obligation  foit  une  obli- 
gation parfaite  ;  fi  la  promette  que  j'ai 
faite  à  mon  débiteur  pour  qu'il  fît  ce 
qu'il  étoit  obligé  de  faire  ,  efr.  une  pro- 
mette que  j'ai  faite  volontairement ,  fans 
qu'il  Tait  exigée  ;  la  promette  eft  valable, 
ck  a  une  cauie  licite  ,  &  honnête  ;  la  caufe 
n'étant  autre  chofe  en  ce  cas  qu'une  libé- 
ralité, que  j'ai  voulu  exercer  envers  lui. 

§•  vu. 

Du  défaut  de  lien  dans  la  perfonne  qui 
promet. 

47.  Il  eft  de  l'effence  des  conventions 
qui  confident  à  promettre  quelque  chofe, 
qu'elles  produifent  dans  la  perfonne  qui 
a  fait  la  promette  ,  une  obligation  qui 
l'oblige  à  s'en  acquitter;  d'où  il  fuit  que 
n'y  ayant  rien  de  plus  contradictoire  avec 
cette  obligation ,  que  l'entière  liberté  qui 
lui  feroit  laiffée  de  faire  ou  de  ne  pas 
faire  ce  qu'elle  a  promis  ,  la  convention 


f?2  Tr.    des    Oblig, 

qui  lui  laiiTeroit  cette  entière  liberté  , 
feroit  absolument  nulle  par  défaut  de  lis 72. 
Si  donc,  par  exemple ,  je  convenois  avec 
vous  de  vous  donner  une  chofe  ,  au  cas 
que  cela  me  plût ,  la  convention  feroit  ab- 
folument  nulle. 

Les  Jurifconfuîtes  Romains  penfoient 
qu'il  en  étoit  autrement  de  la  convention 
par  laquelle  quelqu'un  promettoitde  faire 
quelque  chofe  lorfquil  le  voudroit^  ils 
penfoient  que  ces  termes  ne  laiffoient  pas 
au  choix  de  celui  qui  avoit  fait  la  pro- 
mefTe  ,  de  faire  ou  de  ne  pas  faire  ce 
qu'il  avoit  promis  ,  qu'ils  ne  laiffoient 
.  à  fon  choix  que  le  temps  auquel  il  le 
feroit ,  &  qu'ainfi  la  convention  étoit  va- 
lable ,  &  oblige  oit  fes  héritiers  s'il  étoit 
mort  avant  que  de  l'avoir  accomplie  ,  L. 
46.  §.2.  &  3.  jf.  de  vcrb.  oblig  Mais  il 
y  a  lieu  de  croire  que  cette  diftin£tion 
îubtile  ne  feroit  point  admife  parmi  nous , 
&:  que  cette  convention  ne  feroit  pas  plus 
valable  que  l'autre. 

48.  Il  y  a  une  vraie  obligation  lorfque 
je  promets  de  vous  donner  quelque  chofe, 
Ji  je  le  juge  raifonnabk.  Car  il  n'eil:  pas 
laifTé  à  mon  choix  de  vous  le  donner,  ou 
de  ne  vous  le  pas  donner ,  puifque  je  fuis 
obligé  ,  au  cas  que  cela  foit  raifonnable , 
£.   11.  §.  j.  kg.  30. 

Enfin  quoique  j'aie  promis  une  chofe 


Part.  I.    Chap.  I.  63 

fous  une  condition  poteftative  ,  de  ma- 
nière qu'il  dépende  de  ma  volonté  de 
Paccomplir ,  ou  de  ne  la  pas  accomplir;- 
comme ,  ii  je  vous  ai  promis  dix  piftoles , 
en  cas  que  j'allaiîe  à  Paris  ,  la  conven- 
tion eft  valable  ;  car  il  n'eft  pas  entière- 
ment en  mon  pouvoir  de  ne  les  pas  don- 
ner ,  puifque  je  ne  puis  m'en  difpenfer, 
qu'en  m'abft'enant  d'aller  à  Paris  :  'il  y  a 
donc  de  ma  part  une  obligation  &  un  vé- 
ritable engagement ,  L.  3 .  jf.  de  légat,  z°? 

Article    IV. 

Des  perfonnes  qui  font  capables  ou  non 
de  contracter, 

49.  L'efTence  de  la  convention  confif- 
tant ,  comme  nous  l'avons  vu ,  dans  le 
confentement ,  il  s'enfuit  qu'il  faut  être 
capable  de  confentir  ,  &  par  conféquent 
avoir  l'ufage  de  la  raifon  ,  pour  être  ca- 
pable de  contracter. 

Il  eft  donc  évident  que  nî  les  enfans  ," 
ni  les  infenfés  ?  ni  les  fous  pendant  que 
dure  leur  folie  ?  ne  peuvent  contracter 
par  eux-mêmes;  mais  ces  perfonnes  peu- 
vent contracter  par  le  miniftere  de  leurs 
tuteurs ,  ou  curateurs ,  comme  nous  le 
verrons  en  l'article  fuivant ,  §.  4. 

11  eft  évident  que  l'ivreiTe^  lorsqu'elle 


^4          Tr.   des   Oblig. 

va  jufqu'au  point  de  faire  perdre  l'ufage 
de  la  raifon  ,  rend  la  perfonne  qui  eft  en 
cet  état ,  pendant  qu'il  dure  ,  incapable 
de  contracter,  puifqu  elle  le  rend  incapa- 
ble de  confentement. 

Les  Corps  &:  Communautés,  les  Fabri- 
quas ,  les  Hôpitaux ,  ckc.  qui  ne  font 
que  perfonnes  civiles  ,  ne  peuvent  con- 
trarier par  eux-mêmes ,  mais  ils  peuvent 
COMtra&er  par  le  miniftere  de  leurs  Syn- 
dics ou  Adminiftrateurs. 

50.  il  y  a  des  perfonnes  qui  étant  par 
la  nature  capables  de  contracter ,  en  font 
rendues  incapables  par  la  loi  civile  ;  telles 
font,  dans  le  pays  coutumier,  les  femmes 
mariées,  lorfqu'elles  ne  font  pas  auforifées 
de  leurs  maris  ou  par  Jultice  ;  car  c'eft  un 
effet  de  la  puivTance  maritale  que  la  femme 
ne  puiiTe  rien  faire  que  dépendamment  de 
lui ,  &  autorifée  par  lui  ;  d'où  il  fuit  que 
fans  cette  autorisation  elle  eft  incapable 
de  faire  aucune  convention ,  &  qu'elle 
ne  peut  ni  s'obliger  envers  les  autres ,  ni 
obliger  les  autres  envers  elle.  Nous  avons 
traité  cette  matière  en  notre  introduction 
au  T.  10.  de  la  Coutume  d'Orléans,  ch.  8. 

Ce  n'eft.  auiTi  que  la  loi  civile  qui  rend 
les  interdits,  pour  caufe  de  prodigalité, 
incapables  de  s'obliger  en  contractant  ; 
car  ces  perfonnes  favent  ce  qu'elles  font , 
le  confentement  qu'elles  donnent  efi  un 


Part.  T.    Chap,  I.         65 

vrai  confentement;  ce  qui  fuffit  pour  for- 
mer un  contrat. 

5 1.  De-là  naît  une  différence  entre  ces 
Interdits  ,  &C  ceux  qui  font  interdits  pour 
folie.  Tous  les  contrats  prétendus  faits 
par  un  fou ,  quoi  qu'avant  fon  interdic- 
tion, font  nuls  ,  fi  on  peut  juftifler  ,  que 
dès  le  temps  du  contrat ,  il  étoit  fou  ;  car 
c'eft,  fa  folie  qui  feule  &  par  elle-même 
le  rend  incapable  de  contracter ,  indé 
pendamment  de  la  Sentence  d'interdic- 
tion ,  qui  fert  feulement  à  conftater  fa 
folie  :  au  contraire  ,  les  contrats  faits  par 
un  prodigue  avant  fon  interdiction,  font 
valables  ,  quoiqu'il  fût  dès-lors  prodigue; 
car  ce  n'efi:  que  la  Sentence  d'interdic- 
tion qui  le  rend  incapable  de  contracter. 

Néanmoins  fi  j'avois  contracté  avec  un 
prodigue  ,  quoiqu'avant  fon  interdiclîon, 
en  achetant  de  lui  quelque  chofe  ,  ou  en 
lui  prêtant  de  l'argent,  ayant  connoiffan- 
ce  qu'il  ne  vendoit  ou  n'empruntoit,  crue 
pour  employer  incontinent  à  fes  débau- 
ches le  prix  de  la  chofe  ,  ou  la  fomme 
prêtée  ;  le  contrat  feroit  nul  dans  le  for 
de  la  confeience  ,  &  je  ne  pourrois  en 
confeience  retenir  la  chofe  qu'il  m'a  ven- 
due ,  ni  exiger  de  lui  la  fomme  que  je  lui 
ai  prêtée  ;  car  en  lui  fourniffant  feiemment 
de  l'argent  pour  perdre  en  débauches,  je 
lui  ai  caufé  un  tort  qui  m'oblige  envers 


%6  Tr.  des  Oéltg, 
lui  à  le  réparer ,  en  n'exigeant  pas  de  lût 
la  fomme  qu'il  a  reçue  de  moi  pour  la 
perdre  en  débauches  ,  &  en  lui  rendant 
îa  cliofe  qu'il  m'a  vendue  ;  cela  efî  con- 
forme à  ce  qui  efî  dit  en  la  fin  de  la  loi 
8.  ff.  pro  cmpt,  qu'on  ne  doit  pas  regarder 
comme  acheteur  de  bonne  foi ,  celui  qui 
a  acheté  quelque  chofe  d'unlibertin,ayant 
connoifiance  qu'il  ne  vendoit  que  pour 
en  porter  le  prix  à  des  femmes  de  mau- 
vaife  vie  ;  nlji  fortlis  qui  à  luxwiofo ,  & 
prouvas  fcono  daturo  pecuniam  9  fervos 
en  lit ,  non  ufu  c  api  et. 

Ces  décifions  font  bonnes  pour  le  for 
de  la  confeience  ;  mais  dans  le  for  exté- 
rieur une  perfonne  majeure  &  non  inter- 

e  ,  ne  feroit  pas  recevable  à  fe  pour- 
voir contre  une  vente  ou  un  emprunt 

telle  auroit  fait,  en  difant  que  celui 
avec  qui  elle  a  contracté ,  favoit  qu'elle 
ne  vendoit  ou  empruntent ,  que  pour  per- 
dre l'argent  en  débauches. 

52.  Ce  n'efl  auffi  que  le  droit  civil  qui 
infirme  les  obligations  que  des  mineurs  , 
fous  puifTance  de  tuteur ,  contractent  fans 
l'autorité  de  leur  tuteur,  lorfqu'au temps 
du  contrat ,  ils  font  dans  un  âge  allez 
avancé  ,  &  ont  un  ufage  furnfant  de  leur 
raifon,  pour  comprendre  toute  l'étendue 
de  l'engagement  qu'ils  contractent  ;  c'eft 
pourquoi  les  mineurs  peuvent  bien,  mê- 


Part.!.    C  h  a  p.  ï.        6? 

fhe  dans  le  for  de  la  conicience ,  ufer  du 
bénéfice  des  lettres  de  refcifion  que  les 
loix  leur  accordent ,  contre  les  contrats 
dans  lefqueis  ils  ont  été  léfés  ,  l'équité 
naturelle  ne  permettant  pas  que  celui  qui 
a  contracté  avec  eux  profite  de  leur  dé- 
faut d'expérience  ;  mais  ils  ne  peuvent 
dans  le  for  de  la  confcience  avoir  recours 
au  bénéfice  de  ces  lettres  ,  qui  leur  efl 
offert  dans  le  for  extérieur ,  pour  fe  dif- 
penfer  de  rendre  un  argent  qu'ils  ont  re- 
çu &  qu'ils  ont  difîipé  ,  lorfqu'au  temps 
qu'ils  ont  contracté  ,  ils  avoient  un  ufage 
niffifant  de  leur  raifon ,  &c  pourvu  que 
celui  qui  leur  a  prêté  l'argent ,  ait  fait 
le  prêt  de  bonne  foi ,  fans  prévoir  qu'ils 
employeroient  en  folles  dépenfes  l'argent 
ou'il  leur  prêtoit.  C'eft.  le  fentiment  de 
la  Placette  ,  cité  par  Barbeyrac  en  fes 
notes  fur  Pufendorf. 

Il  nous  refte  à  obferverune  différence 
entre  l'incapacité  des  interdits  &C  des  mi- 
neurs ,  &  celle  des  femmes  qui  font  fous 
pui,rance  de  mari  :  celles-ci  font  abfolu- 
ment  incapables  de  contracter  fans  être 
autorifées  ,  elles  ne  peuvent  pas  plus  9 
{ans  cela  ,  obliger  les  autres  envers  elles 
en  contractant ,  que  s'obliger  elles-mê- 
mes ;  elles  ne  peuvent  pas  même  accep- 
ter une  donation  qui  leur  feroit  faite  ^ 
Qrdontit  d$  173 1  ,  art,  9,  au  contraire  ^ 


Tr.  des    Oblig. 

les  interdits  pour  prodigalité  ,  &  les  mi- 
neurs qui  commencent  à  avoir  quelque 
ufage  de  raifon  ,  font  plutôt  incapables 
de  s'obliger  en  contractant  ,  qu'ils  ne  font 
incapables  abfolument  de  contracter  ;  ils 
peuvent  en  contractant  fans  l'autorité  de 
leur  tuteur  ,  ou  curateur ,  obliger  les  au- 
tres envers  eux,  quoiqu'ils  ne  puiffent 
s'obliger  envers  les  autres  ,  placuit  melio- 
rem  condilionem  liccrc  eis  facere  etiam  jint 
tutcris  autorïtate ,  injlit.  tit.  de  autor.  tut* 
Is  cul  bonis  interdiclum  ejl ,  Jîipulando  jibï 
acquirit ,    L.  6.  ff\  de  verb.  oblig.  La  rai- 
fon de  cette  différence  eu  que  la  puilTan- 
ce  des  tuteurs  &t  des  curateurs  n'eft  éta- 
blie qu'en  faveur  des  mineurs  &  des  in- 
terdits ;  l'affiftancé  des  tuteurs  &c  cura- 
teurs n'eft.  requife  ,  Iorfque  ces  perfonnes 
contractent,  que  pour  l'intérêt  de  ces  per- 
fonnes, &C  dans  la  crainte  au'elles  ne  foient 
trompées  ;    c'efl  pourquoi  elle  devient 
fuperflue ,  toutes  les  fois  qu'elles  font  leur 
condition   meilleure  ;    au  contraire  ,  la 
puiflance  du  mari ,   fous  laquelle  eft  la 
femme  ,  n'étant  pas  établie  en  faveur  de 
la  femme  ,  mais  en  faveur  de  fon  mari  \ 
le  befom  qu'elle  a  de  requérir  l'autorifa- 
tion  de  fon  mari  pour  contracter ,  n'étant 
pps  requis  pour  l'intérêt  de  la  femme,  mais 
comme  une  déférence  qu'elle  doit  à  fon 
mari ,  elle  ne  peut  contracter  en  aucune 


Part.  I.    C  hap.  I.  69 

manière ,  (bit  à  ion  avantage ,  foit  à  fou 
désavantage ,  fans  l'autorité  de  fon  mari, 
L'Ordonnance  de  173 1.  n'a  donné  au- 
cune atteinte  au  principe  que  nous  venons 
d'établir,    qu'un  mineur  peut ,  fans  l'au- 
torité de  fon  tuteur  >  faire  fa  condition 
meilleure  ;  c'eïr.  mal-à-propos  que  Furgol 
foutient  que  fuivant  l'art.  7.  de  cette  Or- 
donnance ,  les  mineurs  ne  peuvent  plus, 
fans  l'autorité  de  leurs  tuteurs  ,  accepter 
les  donations  qui  leur  font  faites.  Cet  ar- 
ticle n'a  décidé  autre  chofe  ,  finon  que 
les  père,  mère  &  autres  afcendans  ,  fans 
être  tuteurs  de  leurs  enfans,  &;  fans  avoir 
par  conféquent  aucune  qualité  pour  gérer 
leurs  affaires  ,  pouvoient  néanmoins  ac- 
cepter les  donations  faites  à  leurs  enfans 
mineurs  9  aufïï  valablement  que  le  peut 
un  tuteur ,  l'affection  naturelle  fuppléant 
en  cela  à  la  qualité  qui  leur  manque  ; 
mais  de  ce  que  l'Ordonnance  permet  par 
cet  article  à  ces  perfonnes  d'accepter  les 
donations  faites  à  leurs  enfans ,  il  ne  s'en- 
fuit pas  qu'elle  défende  aux  mineurs  de 
les  accepter  par  eux-mêmes  ,    lorfqu'ils 
ont  l'ufage  de  la  raifon.    Foy.  notre  in* 
trod.  au  titre  des  donations  de  la   Coutu- 
me £  Orléans  ?  n,  j  /. 


70         Tr.   des   Ontidi 

Article    V, 

Z)e  ce  qui  peut  être  ?  objet  des  contrats.  Qui 
ce  ne  peut  être  quune  chùfe  qui  concerna 
les  parties  contractantes ,  fuivant  la  règle: 
quon  ne  peut  valablement  (lipuler  ni 
promettre  que  pour  foi* 

53.  Les  Contrats  ont  pour  objet  ou 
des  chofes  que  l'une  des  parties  contrac- 
tantes ftipiile  qu'on  lui  donnera  ,  &  que 
l'autre  partie  promet  de  lui  donner ,  ou 
quelque  fait  que  l'une  des  parties  contrac- 
tantes flipule  que  Ton  fera  ,  ou  qu'on  ne 
fera  pas  ,  &  que  l'autre  partie  promet  de 
«faire  ou  de  ne  pas  faire. 

Quelles  font  les  chofes  que  l'une  des 
parties  peut  (lipuler  qu'on  lui  donne  , 
&  que  l'autre  partie  peut  s'engager  de 
donner  ?  Quels  font  les  faits  que  l'une 
des  paities  peut  flipuler  qu'on  fafTe  ou 
qu'on  ne  faite  pas ,  Si  que  l'autre  partie 
peut  s'engager  de  faire  ou  de  ne  pas 
faire  ?  C'eft  ce  que  nous  verrons ,  infrà 
chapitre  2.  article  2.  où  nous  traiterons 
de  ce  qui  peut  être  l'objet  des  obliga- 
tions ,  nous  y  renvoyons  pour  ne  pas 
répéter. 

Nous  nous  contenterons  de  dévelop- 
per ici  un  principe  touchant  ce  qui  peut; 


P  ART.  I.      CHAP.  f.  7ï 

être  l'objet  des  contrats  :  ce  principe  eft 
qu'il  n'y  a  que  ce  ay.e  Tune  des  parties 
c  mtraôantes  ftipule  pour  elle-même  ,  &c 
pareillement ,  qu'il  n'y  a  que  ce  que  l'au- 
tre partie  promet  pour  elle-même  ,  qui 
puirle  être  l'objet  d'un  contrat  :  Alterijli- 
pul^ri  nemo  potcfl  Injtit.  de  inut.  (lipuL 
§.  18.  Ntc  pacijcendo  ,  nec  Ugem  dlcendoy 
ncc  ftipulando,  qwfquam  alteri  cavere  potefl. 
L.  73.  §.  fin.  ff.  de  R.  J.  verfâ  vice  que. 
alium  fa'âiuum  promijît  videtur  in  cd  tjjh 
caufd  ut  non  teneatur  niji  pœnam  ipfe  pro- 
mijerit.  Infiit.  D.  T.  §.  20.  Alius  pro  allô 
promittens  daturum  faciurumve  non  obliga- 
tur  ;  nam  de  Ce  quemque  pramiturt  opor-* 
Un.  L.  83  jf.  de  v.  oblig. 

Pour  développer  ce  principe ,    nous 
verrons  dans  un  premier  §.  quelles  en. 
font  les  raifons  ;    dans  un  fécond  nous 
rapporterons  plufieurs  cas  dans  lesquels 
nous  ftipulons  &  promettons  effective- 
ment pour  nous-mêmes ,  quoique  la  con- 
vention fafTe  mention  d'un  autre  ;  dans 
un  troisième  ,    nous  remarquerons  que 
ce  qui  concerne  un  autre  que  les  parties 
contra  étantes  ,  peur  être  le  mode  ou  la 
condition   d'-.me  convention  ,  quoiqu'il 
n'en  puiffe  pas  être  l'objet  ;  dans  un  qua- 
trième ,  nous  obfc  >  erons  qu'on  peit  con- 
tracter  par  le  miniftere  d'un  tiers  ,   ô£ 
que  ce  n'eft  pas  ftipuler  ni  promettre  poux 
un  autre. 


jz         Tr,    des    Oblig. 

§.     I. 

Quelles  font  les  raiforts  du  principe ,  quon  ne 
peut  jlipulcr  y  ni  promettre  pour  un  autre* 

54.  Lorfque  j'ai  ftipulé  quelque  chofe 
de  vous  pour  un  tiers ,  la  convention  eil 
nulle  ;  car  vous  ne  contractez  par  cette 
convention  aucune  obligation  ni  envers 
ce  tiers  ,  niejivers  moi.  Il  eft  évident 
que  vous  n  en  contractez  aucune  envers 
ce  tiers  ;  car  c'efl  un  principe  que  les 
conventions  ne  peuvent  avoir  d'effet 
qu'entre  les  parties  contractantes ,  & 
qu'elles  ne  peuvent  par  conséquent  ac- 
quérir aucun  droit  à  un  tiers  qui  n'y  étoit 
pas  partie ,  comme  nous  le  verrons  ci- 
après  :  vous  ne  contractez  non  plus  par 
cette  convention  aucune  obligation  ci- 
vile envers  moi  ;  car  ce  que  j'ai  ftipulé 
de  vous  pour  ce  tiers ,  étant  quelque  cho- 
fe à  quoi  je  n'ai  aucun  intérêt  qui  puiffe 
être  appréciable  à  prix  d'argent ,  il  ne 
peut  réfulter  aucuns  dommages  &  inté- 
rêts envers  moi ,  du  manquement  de  vo- 
tre promette  ;  vous  y  pouvez  donc  man* 
quer  impunément  :  or ,  rien  n'eft  plus 
contradictoire  avec  l'obligation  civile  , 
que  le  pouvoir  d'y  contrevenir  impuné- 
ment; c'eil  ce  que  veut  dire  Ulpien, 

lorfqu'il 


Part.  I.     Chap,  I.  73 

lorfqu'il  dit  ;  alitri  fiipulari  ncmb  potcji , 
inventa  funt  enim  obiigjtiones  ad  hoc  ut 
unuj  qui/que  fibi  acquirat  quoi  fiui  intenjl*9 
eut  cru  m  ut  al  il  detur  nihil  interejî  mea.  L» 
38.   §.  17.  jff'.'  de  verb.  obi. 

S  5.  Cette  première  partie   de  notre 
principe  ,   qu'il  n'y  a  que  ce  que  Tune 

s  parties  ftipule  pour  elle-même  ,  qui 
puirfe  être  l'objet  d'une  obligation ,  n'a 
lieu  que  dans  le  for  extérieur,  &  à  l'é- 
gard des  obligations  civiles  :  mais  dans 
le  for  de  la  confeience  ,   lorique  je  luis 
convenu  avec  vous  ,  que  vous  donneriez 
quelque  chofe  à  un  tiers  ,  ou  que  vous 
feriez  quelque  chofe  en  faveur  d'un  tiers , 
la  convention  en1  valable  :  quoique  l'in- 
térêt que  j'y  prends  ne  foit  pas  un  inté- 
rêt appréciable  à  prix  d'argent  ,    il   ne 
lai  (Te  pas  d'être  un  véritable  intérêt  :  ho- 
minls  enim  intereji ,  alterum  hominem  bérle- 
ficîo  afjîci  ;  &  cet  intérêt  de  pure  affeclîon 
pour  ce  tiers  ,  me  donne  un  droit  furh- 
iant  pour  exiger  de  vous  dans  le  for   de 
la  confeience  ,    l'accomplnTement  de  la 
promefTe  que  vous  m'avez  faite  pour  ce 
tiers,  &:  pour  vous  rendre  coupable  ,  fi 
vous  refufez  de  l'accomplir ,  lorfque  vous 
avez  le  pouvoir  de  le  faire ,   &  que  le 
tiers  veut  bien  accepter  ce  que  vous  m'a- 
vez promis  de  lui  donner.  Il  eft  vrai  que 
mon  intérêt  n'étant  pas  appréciable  à  prix 
Tome  /,  D 


74  Tr.  des  Oblig. 
d'argent ,  &C  ne  pouvant  par  conféquent 
être  l'objet  d'une  condamnation  ,  je  ne 
pourrai  exiger  de  vous  dans  les  tribuaux 
aucuns  intérêts  ni  dommages,  fi  vous  man- 
quez à  votre  promerTe  ;  mais  ce  pouvoir 
que  vous  avez  d'y  manquer  impunément 
dans  le  for  extérieur  ,  eft  un  obflacle  à  l'o- 
bligation civile ,  6c  il  n'empêche  pas  l'obli- 
gation naturelle.  Grotius,  L  z.c.n.n.  1 8. 

Obfervez  que  l'obligation  naturelle  qui 
réfuïte  de  cette  convention  ,  par  laquelle 
j'ai  flipulé  que  vous  donneriez  quelque 
chofe  à  un  tiers  ,  eft  une  obligation  qui 
eil  contractée  envers  moi ,  &  non  pas 
envers  ce  tiers ,  lorfque  c'eft  en  mon 
nom  ,  ôc  non  au  nom  du  tiers  que  je 
fuis  convenu  de  cela  avec  vous  ;  c'efl 
pourquoi  je  peux  vous  en  décharger  fans 
îe  cpnfentement  de  ce  tiers.  Grotius  ibid. 
Pufindorf. 

Mais  li  c'étoit  au  nom  du  tiers  comme 
ayant  charge  &  me  faifant  fort  de  lui ,  que 
nous  ferions  convenus  que  vous  lui  don- 
neriez ,  ou  feriez  pour  lui  quelque  chofe , 
ce  feroit  ce  tiers  qui  feroit  cenfé  avoir 
contracté  avec  vous  par  mon  miniftere , 
&:  non  pas  moi.  Voyz^  infrà  le  §.  4 

56,  La  féconde  partie  de  ce  principe  , 
qu'on  ne  peut  promettre  que  pour  foi- 
même  eft:  évidente  ;  car  lorfque  j'ai  pro- 
mis qu'un  autrç  vous  donneront  quelque 


Part.  I.    Chap.  ï,  75 

chofe  ou  feroit  quelque  chofe  ,  fans  me 
taire  fort  de  lui ,  ni  rien  promettre  de 
ma  part  ;  cette  convention  ne  peut  obli- 
ger ni  ce  tiers  ni  moi.  Elle  ne  peut  obli- 
ger le  tiers  ;  car  il  n'eft.  pas  en  mon  pou- 
voir d'obliger  un  autre  fans  fon  fait  ;  elle 
ne  m'oblige  pas  non  plus  ;  car  puifqu'on 
iiippofe  que  j'ai  promis  pour  un  autre  & 
non  pour  moi ,  je  n'ai  pas  entendu  m'o- 
bli|  er. 

Au  relie ,  on  préfume  facilement  que 
celui  qui  a  promis  qu'un  tiers  donneroit, 
ou  feroit  quelque  chofe  ,  n'a  pas  entendu , 
pure  de  alio  promit tere ,  mais  qu'il  a  enten- 
du promettre  aufîi  de  fe ,  c'eûVà-dire  pro- 
mettre qu'il  fe  faifoit  fort  de  ce  tiers , 
quoique  cela  ne  foit  pas  exprimé. 

En  ce  cas  la  convention  efr.  valable , 
&I  elle  oblige  celui  qui  a  promis  ,  aux 
dommages  &  intérêts  réfultans  de  l'ine- 
xécution de  ce  dont  il  s'eû  fait  fort.  L. 
8i.  ff\  de  verb.  oblig. 

Lorfqu'en  promettant  le  fait  d'un  au- 
tre ,  vous  vous  foumettez  à  payer  une 
certaine  peine,  ou  même  fimplement  aux 
dommages  &  intérêts  en  cas  d'inexécu- 
tion ,  il  n'eft.  pas  douteux  qu'en  ce  cas 
vous  n'avez  pas  entendu  promettre  fim- 
plement le  fait  d'un  autre  ,  &  de  alio  tan- 
tiim  promit  tere ,  mais  que  vous  avez  en-, 
tendu  vous  faire  fort  de  lui ,  &  de  te  pio- 

Dij 


y6  Tr.   des    Oblig.' 

mittere  ;  c'eft  pourquoi  Ulpien  dit  :  fi  quis 
velit  alienum  facïum  promiture ,  pœnam  vel 
quanti  ea  res  cjl  pot eji  promiture.  L.  38. 
§.  z.ff.  d.  t.  ' 

$.  I  ï. 

Pluficurs  cas  ,  dans  Icfquels  nous  flipulons 
ou  promettons  effèclivement pour  nous-mè~ 
mes  ,  quoique  la  convention  fajje  mention 
£un  autre. 

Premier     Cas. 

« 
57.  Ce  n'eft.  pas  ftipuler  pour  un  autre, 
que  de  dire  que  la  chofe  ou  la  fomme 
que  je  ftipule  fera  délivrée  ou  payée  à 
un  tiers  défigné  par  la  convention.  Par 
exemple  ,  fi  par  le  contrat  je  vous  vends 
un  tel  héritage  pour  la  fomme  de  mille 
livres  ,  que  vous  payerez  à  Pierre  ,  je  ne 
ftipule  point  pour  un  autre  ;  c'en1  pour  moi 
&  non  pour  Pierre  que  je  ftipule  cette 
fomme  de  mille  livres  :  Pierre  n'eft.  dans 
la  convention  que  comme  une  perfonne 
à  qui  je  donne  pouvoir  de  la  recevoir 
pour  moi  &c  en  mon  nom  ;  c'efl  ce  que 
les  Romains  appelloient ,  adjecïusfolutio- 
nis  gratid  ,  dont  nous  traiterons  infrd  P. 
3.  ch.  /.  art.  2.  §.  4. 

Ce  n'eft.  pas  en  fa  perfonne ,  mais  en 
la  mienne  que  réfide  la  créance  de  cette 


PartI.    C  h  a  p.  I.  77 

fomme  ;  lorfqiwi  la  reçoit ,  c'eft  de  ma 
part  6c  en  mon  nom  qu'il  la  reçoit  ;  &C 
en  la  recevant ,  il  fe  forme  entre  lui  & 
moi  ,  ou  un  contrat  de  mandat ,  fi  mon 
intention  étoit  qu'il  m'en  rendît  compte, 
ou  une  donation  fi  mon  intention  étoit 
de  la  lui  donner. 

Second     Cas. 

58.  Ce  n'eft  pas  ftipuler  pour  un  autre, 
mais  pour  moi ,  quoique  je  ftipule  qu'on 
fera  quelque  choie  pour  un  tiers ,  fi  j'ai 
un  intérêt  perfonnel  6c  appréciable  à  prix 
d'argent  que  cela  fe  fafTe  ;  put  à ,  fi  je  fuis 
moi-même  obligé  envers  ce  tiers  à  le 
faire  :  par  exemple ,  û  m'étant  obligé  en- 
vers Jacques  à  lui  reconstruire  dans  Tef- 
pace  d'un  certain  temps  fa  maifon  qui 
menace  ruine ,  6c  ayant  d'autres  ouvra- 
ges à  faire  ,  je  fais  marché  avec  un  Ma- 
çon ,  pour  qu'il  reconftruife  dans  ledit 
temps  la  maifon  de  Jacques  ,  je  fuis  cenfé 
ftipuler  plutôt  pour  moi  que  pour  Jacques, 
6c  la  convention  eft  valable  ;  car  étant 
obligé  envers  Jacques  à  cette  reconstruc- 
tion ,  6c  tenu  de  fes  dommages  6c  inté- 
rêts ,  fi  elle  ne  fe  fait  pas  dans  le  temps 
marqué  ,  j'ai  un  \rai  intérêt  perfonnel 
qu'elle  fe  fafTe  ;  c'eft  pourquoi  en  ftipu- 
iant  qu'on  reconftruife  la  maifon  de  Jac- 

D  iij 


yS  Tr.  des  Oblig. 
ques  ,  ce  n'eft  que  verbo  tenus  en  ce  cas 
que  je  ftipule  pour  Jacques  ,  re  ipfâ  &C 
dans  la  vérité  ,  je  flipule  pour  moi  &  à 
mon  profit  ;  fi  fiipukr  alu  cùm  mua  inte~ 
rejfet...  ait Marcellus ,  Jîipulationem  valere. 
L.  38.  §.  20.  21.  2.1.  ff.  de  rerb.  obligat. 

59.  Quand  même  avant  le  marché  que 
j'ai  fait  avec  le  Maçon  pour  la  reconf- 
truclion  de  la  maifon  de  Jacques ,  je  n'au- 
rois  pas  été  obligé  envers  Jacques  à  lui 
reconftruire  fa  maifon ,  &c  que  je  n'aurois 
eu  par  conféquent  aucun  intérêt  perfon-* 
nel  à  cette  reconstruction  ,  néanmoins 
comme  par  ce  marché  que  j'ai  fait,  je 
gère  les  affaires  de  Jacques  ,  &c  que  je 
lui  deviens  en  conféquence  comptable  de 
cette  geflion  ;  dans  le  temps  même  de 
la  convention  ,  que  j'ai  avec  le  Maçon 
pour  la  conftru£tion  de  la  maifon ,  je 
commence  à  avoir  intérêt  à  cette  reconf- 
tru&ion  dont  je  fuis  comptable  envers 
Jacques;  d'où  il  fuit  que  même  en  ce 
cas  je  fuis  cenfé  ïHpuler  pour  moi  plu- 
tôt que  pour  Jacques  ,  &  que  la  conven- 
tion efl  valable  ;  puifque  j'ai  un  intérêt 
perfonnel ,  que  le  Maçon  faffe  bien  ce 
que  j'ai  fripulé  qu'il  fît. 

60.  Mais  li  je  ftipule  en  mon  nom  qu'on 
faffe  quelque  chofe  pour  un  tiers  ,  fans 
qu'avant  le  temps  de  la  convention  j'aye 
eu ,  ôc  fans  que  j'aye  encore  au  temps 


Part.  I.  Chap.  I.  79 
de  la  convention  aucun  intérêt  perfon- 
nel  que  cela  le  faffe  ;  c'eft  en  ce  cas  vrai- 
ment ftipuler  pour  un  autre  ,  &c  une  telle 
convention  n'eft  pas  valable  dans  le  for 
extérieur  :  par  exemple  ,  fi  par  un  pur 
intérêt  d'arfetlion  pour  Jacques  ,  j'ai  con- 
vention avec  le  propriétaire  de  la  maifoti 
qui  eft  vis-à-vis  les  fenêtres  de  Jacques  y 
qu'il  fera  blanchir  le  devant  de  fa  maifon 
pour  éclairer  les  chambres  de  Jacques  , 
cette  convention  ne  donnera  aucun  droit 
ni  à  Jacques  qui  n'y  étoitpas  partie,  ni  à 
moi  qui  n'ayant  aucun  intérêt  perfonnel 
&  appréciable  à  prix  d'argent  à  l'exécution 
de  cette  convention ,  ne  peux  prétendre 
aucuns  dommages  &c  intérêts  réfultans  de 
fon  inexécution. 


Troisième     Cas. 


61.  C'efl  ftipuler  ou  promettre  pour 
nous-mêmes  &  non  pour  autrui,  lorfque 
nous  ftipulons  ou  promettons  pour  nos 
héritiers  ,  puifqu'ils  font  en  quelque  fa- 
çon la  continuation  de  nous  mêmes  :  hères 
ptrfonam  defuncli  fujlinet  ;  c'eft  pourquoi 
il  n'eft  pas  douteux  ,  que  nous  pouvons 
ftipuler  pour  nos  héritiers ,  heredl  caverc 
conceffum  ejl ,  L.  10.  ff.  de  pacl.  dot,  L. 
3#.  §.  14-  ff.   de  verb.  oblig. 

62.  Obfervez  que  nous  ftipulons' vala- 
blement, lorfque  nous  ftipulons  pour  nos 

D  iv 


s 


8o  Tr.    des    Oblig. 

héritiers  en  tant  que  nos  héritiers  ;  mais 
û  nous  fcip nions  pour  un  tel ,  quand  mê- 
me ce  tel  par  la  fuite  devienclroit  notre 
héritier ,  la  ftipulation  ne  feroit  pas  pour 
cela  valable  ,  L.  17.  §.  4.  f.  de  p  a  cl. 

Julien  a  porté  la  rigueur  de  ce  prin- 
cipe ,  jufqu'à  décider  que  lorfqu'un  dé- 
biteur étoit  convenu  avec  fon  créancier , 
qu'il  n'exigeroit  pas    la  fomme  qui  lui 
étoit  due ,  ni   de  lui ,  ni  d'une  telle  fa 
fille ,  la  flipulation  n'étoitpas  valable  par 
rapport  à  fa  fille  ,  quoiqu'elle  foit  deve- 
nue héritière  du  débiteur.  D.  §.  4.  Bru- 
nsman  ad  D.  L.  eu.  d'avis  avec  raifon  , 
que  cette  décifion  trop  littérale  ne  doit 
pas  être  fuivie  ;  car  lorfque  je  flipule  de 
mon  créancier  qu'il  n'exigera  ni  de  moi , 
ni  de  ma  fille  une  telle  ,  la  fomme  que  je 
lui  dois ,  il  eft  vifible  que  je  ftipule  cela 
pour  ma  fille  ,  dans  le  cas  auquel  elle  en 
feroit  débitrice  ;   or  ,  elle  ne  le  devien- 
dra qu'en  devenant  mon  héritière  :  je  ili- 
pule  donccela  pour  le  cas  auquel  ma  fille 
fera  devenue  mon  héritière  ,  &c  par  con- 
féquent  je  fuis  cenfé  ftipuler  pour  ma  fille 
en  fa  future  qualité  de  mon  héritière, 
quoique  cela  ne  foit  pas  exprimé. 

On  peut  d'autant  plus  s'écarter  de  cette 
décifion  de  Julien  ,  qu'il  paroît  que  les 
Jurifcorifultes  Romains  n'ont  pas  été  d'un 
fentiment  unanime   fur  cette  queftion; 


Part.  I.    Chap.  I.  Si 

Celfe  paroît  avoir  pente  différemment  en 
la  loi  33.  (f.  de  pa'à. 

63.  Non-feulement  nous  pouvons  va- 
lablement ïtipuler  pour  nos  héritiers  , 
mais  nous  ibmmes  cenfés  ordinairement 
l'avoir  fait,  quoique  cela  ne  foit  pas  ex- 
primé :  qui  pacifeitur  ,  fibi  ,  herediquefuo 
pacifei  intclligitur. 

Cette  règle  fouffre  exception.  1  °.  Lors- 
que ce  qui  fait  l'objet  de  la  convention  9 
eft  un  fait  qui  eu  perfonnel  à  celui  envers 
qui  l'obligation  eft  contractée  ;  comme 
lorfqueje  fais  marché  avec  un  barbier  qu'il 
viendra  me  rafer  deux  fois  la  fémaine  à 
ma  campagne  pendant  la  vacance.  20.  Elle 
reçoit  exception  à  l'égard  de  la  claufe  des 
contrats  de  mariage,  par  laquelle  la  fem- 
me ïtipule  la  reprife  de  fon  apport ,  en  cas 
de  renonciation  à  la  communauté.  Nous 
avons  traité  amplement  de  cette  claufe  en 
notre  introduction  au  titre  de  la  Commu- 
nauté de  la  Coût.  d'Orl.  c.  2.  a.  2.  §.  5. 
30.  Enfin,  lorfqu'on  s'efl  expliqué  clai- 
rement par  la  convention ,  que  celui  qui 
s'obligeoit  ne  s'obligeoit  qu'envers  la  per- 
fonne  avec  laquelle  il  contra&oit ,  &C  non 
envers  les  héritiers;  mais  il  faut  que  cela 
foit  expliqué  clairement  dans  la  conven- 
tion :  au  refte  de  ce  que  la  perfonne  en- 
vers qui  je  contracte  quelqu'engagement 
eft  nommée  par  la  convention ,  il  ne  s'en- 

Dv 


Si  Tr.  des  Oblig. 
fuit  pas  que  l'intention  des  parties  ait  été 
de  reftreindre  à  fa  perfonne  le  droit  qui 
en  réfulte  ;  on  doit  penfer  au  contraire 
qu'elle  n'eït  nommée  que  pour  marquer 
avec  qui  la  convention  eSt  faite  \phrumqut 
perfona  pacio  inferitar ,  non  ut  perfonalc 
paclum  fiât  ,  fed  ut  demojijlretur  cum  quo 
paclum  fiât.  L.  7.  §.  8.  wijjembach  ad  tit, 
ff.  de  pacl.  n°.  7. 

64.  Nous  pouvons  auSTi  restreindre 
notre  Stipulation  à  l'un  d'entre  nos  hé- 
ritiers :  non  obftat  uni  tantîim  ex  heredibus 
provideri ,  fi  hères  faclus  fit ,  cœteris  autetn 
non  confiai ,  L.  33.  ff.  de  pacl.  Par  exem- 
ple ,  fi  j'étois  convenu  avec  mon  créan- 
cier qu'il  ne  pourroit  exiger  fa  dette  ni 
<le  moi  ni  de  ma  fille  une  telle  ,  &z  que  je 
laiffaSTe  pour  héritiers  cette  fille  &  un 
fils  ,  la  convention  n'auroit  d'effet  que 
par  rapport  à  ma  fille ,  comme  y  étant 
feule  comprife  ,  ck  le  créancier  pourroit 
exiger  fa  dette  de  mon  fils  pour  la  part  * 
pour  laquelle  il  eSt  mon  héritier.  D.  £. 

33- 

Il  ne  faut  pas  néanmoins ,  de  ce  qu'une 

perfonne  a  Stipulé  nommément  pour  un 
tel  fon  héritier  ,  en  inférer  toujours  que 
l'intention  des  parties  contractantes  a  été 
de  restreindre  la  Stipulation  à  cette  per- 

*   C'elt  mal  à  propos  que  la  Glofle  dit  que  le  créancier 
pourra  lui  demander  le  total]  Cujas  a  relevé  cette  erreur. 


Part.  I.     Chap.'I.  83 

forme  ;  il  y  a  bien  lieu  de  l'inférer,  ft 
lors  de  la  convention ,  celui  qui  a  flipulé 
de  cette  manière  favoit  devoir  avoir  d'au- 
tres héritiers  ;  car  en  ce  cas  il  ne  paroît  pas 
d'autre  raifon  pour  laquelle  il  auroit  fli- 
puié  nommément  pour  un  tel ,  que  celle 
de  reilreindre  la  flipulation  à  ce  tel.  Au 
contraire  ,  fi  celui  qui  a  flipulé  pour  un 
tel  fon  héritier ,  a  voit,  lors  de  la  conven- 
tion ,  lieu  de  croire  ,  que  ce  tel  devoit 
être  un  jour  fon  héritier  unique  ;  il  y  a 
en  ce  cas  lieu  de  p enfer  que  ce.n'efl  que 
par  pure  énonciation  que  ce  tel  a  été 
nommé  dans  la  convention ,  &  non  dans 
la  vue  de  reftreindre  à  fa  perfonne  l'effet 
de  la  flipulation  :  c'efl  ce  que  Papinien  en- 
feigne  dans  l'efpece  fuivante. 

Ayant  marié  ma  fille,  à  qui  j'avoîs 
promis  une  dot  dont  je  faifois  rente  ;  dans 
la  penfée  où  j'étois  que  je  n'aurois  pas 
d'autres  enfans  que  cette  fille  qui  fe  trou- 
voit  pourvue  ,  &  dans  le  deffein  où  j'é- 
tois d'inflituer  un  jour  mon  frère  pour 
mon  unique  héritier ,  j'ai  flipulé  par  la 
conflitution  de  dot,  qu'au  cas  où  ma  fille 
mourroit  fans  enfans  pendant  le  mariage  , 
(  auquel  cas  la  dot ,  félon  le  droit  du  di- 
gefle  ,  étoit  acquife  en  entier  au  mari ,  ) 
mon  frère  mon  héritier ,  pourroit  rete- 
nir la  dot  pour  moitié  ;  depuis  m'étant 
furvenu  d'autres  enfans    que  j'ai  laides 

D  vj 


84  Tr.    des    Oblig. 

pour  mes  héritiers,  &  le  cas  de  la  mort 
de  ma  fille  fans  enfans  durant  fon  mariage 
étant  arrivé ,  il  y  a  eu  queftion  fi  mes  en- 
fans  mes  héritiers ,  pouvoient  en  vertu 
de  la  convention  retenir  la  moitié  de  la 
dot.  La  raifon  de  douter  fe  tiroit  de  ce 
que  la  ftipulation  étoit  faite  nommément 
pour  mon  frère  ,  d'où  il  pouvoit  paroître 
qu'elle  étoit  reflreinte  à  fa  perfonne  ,  & 
au  cas  où  il  auroit  été  mon  héritier;  mais 
Papinién  décide  que  mes  enfans  font  fon- 
dés à  retenir  la  moitié  de  la  dot ,  en  vertu 
de  la  convention  ;  parce  qu'en  ftipulant 
cette  rétention  au  profit  de  mon  frère 
mon  héritier ,  j'étois  cenfé  par  ce  terme  , 
mon  héritier ,  l'avoir  ftipulée  au  profit  de 
mes  héritiers  quels  qu'ils  fuflent ,  &:  n'a- 
voir nommé  mon  frère  cfii'enunùativk ,  &Z 
pour  marquer  qu'il  étoit  celui  que  je 
croyois  devoir  être  mon  héritier.  Ea  con- 
yentio  lïberis  pojleàfzifceptis  &  hercdibus  tef- 
tamento  reliclis  proderit ,  cîim  inter  contra- 
hentes  id  aclum  fit ,  ut  heredibus  confulatur  , 
&  Mo  tempore  quo  pater  aliosfiUos  non  ha- 
buit ,  in  fratrcm  fuum  judicinm  fuprtmum 
contuiijje  videatur ,  L.  40.  §>fin.ff.  de  paci. 
C'eft  pourquoi  Cujas  ad  Papinian.  fur 
cette  loi ,  penfe  que  cette  décifion  auroit 
lieu,  quels  qu'euflfent  été  les  héritiers 
que  j'aurois  laifles ,  quand  môme  ce  n'euf- 
fent  pas  été  mes  enfans. 


Part.  I.    C  h  a  p.  î.         85 

Il  refte  à  obierver  qu'on  peut  bien , 
lorfque  je  ftipule  de  mon  créancier  qu'il 
n'exigera  pas  ce  que  je  lui  dois ,  reitrein- 
dre ,  la  convention  à  l'un  de  mes  héritiers, 
à  l'effet  qu'il  n'y  ait  que  lui  qui  foit  dé- 
chargé de  la  dette  pour  la  part  dont  il  en 
avoit  été  tenu ,  comme  nous  l'avons  vu 
fuprà  ;  mais  lorfque  je  ftipule  de  quelqu'un 
qu'il  me  donnera  une  certaine  fomme 
d'argent ,  ou  quelqu'autre  chofe  divifible , 
je  ne  peux  pas  reftreindre  la  convention 
à  l'un  de  mes  héritiers ,  à  l'effet  de  faire 
pavïer  pour  le  total  à  lui  feul  la  créance 
qui  réfulte  de  la  convention.  Sciendum  eji 
qubd  dari  (iipuhmur ,  non  pojje  per  nos  uni 
ex  heredibus  adquiri  ^fed  necejje  eji  omnibus 
adquiri ,  *   L.   13J.  §.  fin.  ff.  de  V.  oblig. 

6  5 .  C'eft  une  conféquence  de  notre  prin- 
cipe ,  que  nous  ne  pouvons  ftipuler  vala- 
blement pour  quelqu'un  ,  qu'entant  qu'il 
fera  un  jour  notre  héritier ,  &  dans  la 
qualité  de  notre  héritier  qu'il  doit  avoir 
un  jour  ;  d'où  il  fuit  qu'il  ne  peut  nous 
fuccéder  pour  le  total  au  droit  qui  réfulte 

*  Ce  qui  eft  dit  fed  neceflle  eji  omnibus  àefuiri ,  doit  s'en- 
tendre du  cas  auquel  la  reftriétion  à  l'un  des  héritiers,  n'a 
.  éré  faite  que  ('.ans  la  vue  de  faire  paffer  à  cet  héritier,  à 
l'exclu fion  des  autres,  le  total  de  la  créance,  &  non  dans 
la  v  e  de  décharger  le  débiteur  :  mais  je  peux  valablement 
convenir ,  que  fi  je  n'ai  pas  exigé  la  dette  de  mon  vivant, 
mon  débiteur  n'en  fera  tenu  après  ma  mort  que  pour  la 
part  a  laquelle  fuccéd.-ra  l'un  de  mes  héritiers,  cV  qu'il  en 
fera  déeturgé  pout  les  parts  de   mes  autres  héritiers. 


86  Tr.    des   Oblig, 

de  cette  convention  ;  mais  pour  la  part 
feulement  pour  laquelle  il  fera  notre  hé- 
ritier. 

Il  en  eft  autrement  à  l'égard  des  con- 
ventions qui  ont  pour  objet  quelque 
chofe  d'indivifible  ,  telles  que  font  la  plu- 
part de  celles  qui  font  in  facundo  ;  car 
comme  dans  ces  conventions  chacun  des 
héritiers  fuccede  pour  le  total  à  la  créance 
qui  en  réfulte,  par  la  nature  de  cette 
créance  qui  n'eft  pas  fufceptible  de  par- 
ties ;  je  peux,  en  ftipulant  nommément 
pour  un  tel ,  l'un  de  mes  héritiers ,  le  faire 
fuccéder  feul  pour  le  total  à  la  créance 
qui  en  réfulte  ;  at  cum  quid  ficri  jlipula- 
mur ,  unius  perfonam  recle  comprehendi ,  D, 
L.  737.  §.  8.  Par  exemple,  fi  dans  la 
vente  d'un  héritage  que  j'ai  faite  à  un 
peintre ,  il  y  avoit  une  claufe  portant  que 
par  forme  de  pot  de  vin  ,  il  s'obligeoit 
envers  moi  &  envers  un  tel ,  l'un  de  mes 
enfans  &  héritiers  futurs  ,  de  nous  faire 
un  tableau  de  la  circoncifion  de  N.  S.  d'une 
telle  hauteur, &  que  je  ftnTe  mort  avant 
qu'il  fe  fût  acquitté  envers  moi  de  cette 
obligation^  celui  de  mes  enfans  ,  qui  eft 
nommé  dans  la  convention ,  fuccéderoit 
feul  pour  le  total  à  cette  créance  contre 
le  peintre  ;  fauf  néanmoins  que  dans  nos 
coutumes ,  qui  ne  permettent  pas  à  un 
père  d'avantager  l'un  de  fes  enfans ,  ve- 


P  A  R  T.  I.     C  H  A  P.  î.  87 

nant  à  la  fucceiîion  plus  que  les  autres  , 
il  feroit  obligé  d'en  récompenser  tes  co- 
héritiers pour  leurs  parts. 

66.  De  même  que  nous  fommes  cen- 
(és  ilipuler  pour  nos  héritiers  tout  ce  que 
nous  ltipulons  ;  de  même  nous  fommes 
cenfés  promettre  pour  nos  héritiers ,  &C 
les  engager  à  tout  ce  que  nous  promet- 
tons ;  à  moins  que  ce  qui  fait  l'objet  de 
notre  obligation  ,  ne  foit  un  fait  qui  nous 
foit  perfonnei ,  ou  qu'il  y  ait  une  claufe 
à  ce  contraire. 

Pareillement  dans  les  obligations  divi- 
fibles  ,  de  même  que  nous  ne  pouvons  fti- 
puler  pour  quelqu'un  qu'autant  &  pour 
la  part  qu'il  fera  notre  héritier  ;  de  même 
nous  ne  pouvons  obliger  quelqu'un  de 
nos  héritiers  que  pour  la  part  pour  la- 
quelle il  fera  notre  héritier  :  c'eft  pour- 
quoi inutilement  un  débiteur  compren- 
droit-il  nommément  dans  la  convention 
un  tel  qui  doit  être  l'un  de  fes  héritiers; 
car  il  ne  fera  tenu  de  la  dette  que  comme 
les  autres  héritiers  qui:  n'y  ont  pas  été 
compris.  Te  &  Titïiun  heredem  tuum  decem 
daturum  [pondes  ?  Titii  perfonà  fupervacuh 
comprehenfa  ejl  ;  Jive  enimjo lus  hères  exti- 
uru  y  infolidum  tenebitur  :  Jive  pro  parte  , 
todem  modo  quo  cœteri  coheredes  ejus  ,  L» 
i6.  §.  /.  fi  de  Verb.obl. 


88        T  r.    des    Oblig. 
Quatrième    Cas. 

67.  Ce  que  nous  ftipulons  par  rapport 
à  une  chofe  qui  nous  appartient,  nous  le 
pouvons  valablement  ftipuler ,  non-feule- 
ment pour  nous  &C  nos  héritiers ,  mais 
pour  tous  nos  fuccefTeurs  à  titre  fingulier 
à  cette  chofe  ;  lefquels  font  compris  fous 
le  terme  d'ayant-caufe,  ufité  dans  les  con- 
trats ;  ce  n'eft  point  en  ce  cas  ftipuler  pour 
un  autre. . .  Par  exemple ,  je  peux  valable- 
ment convenir ,  que  vous  ne  ferez  jamais 
valoir  contre  moi,  ni  contre  mes  héritiers 
ou  ayant-caufc ,  les  droits  de  Ja  fubftitu- 
tion  qui  pourroit  être  un  jour  ouverte  à 
votre  profit ,  par  rapport  à  un  tel  héritage  ; 
&  cette  convention  a  effet ,  même  par 
rapport  à  ceux  qui  acquerroient  parla  fuite 
de  moi  cet  héritage  à  titre  fingulier. 

Cela  efl  indubitable  à  l'égard  de  ceux 
qui  1  acquerroient  a  titre  onéreux  ;  car 
étant  tenu  envers  eux  à  la  garantie  ,  j'ai 
intérêt  que  vous  ne  leur  apportiez  aucun 
trouble  dans  cet  héritage,  ce  qui  fuffit  pour 
que  ce  que  je  ftipule  pour  eux,  je  fois 
cenfé  le  ftipuler  pour  moi  ,fuprà  n°.  58, 
Mais  la  décifion  a  lieu  aufîi  à  l'égard  de 
ceux  qui  acquerroient  de  moi  par  la  fuite 
à  titre  de  donation,  L.  /7-§.  S.ff.ck paci, 
quoique  je  ne  fois  pas  tenu  envers  eux  de 


P  ART.    I.      CHAP,    I.  89 

la  garantie  ;  car  l'intérêt  que  j'ai  de  con- 
ter la  libre  difpolition  de  ma  chofe , 
eft  liirKfant,  pour  que  je  puiffe  valable- 
ment convenir  avec  vous  que  vous  ne 
ferez  aucun  trouble  à  ceux  envers  qui  je 
jugerai  à  propos  d'en  difpofer ,  à  quelque 
titre  que  ce  foit. 

68.  Dans  cette  convention  Se  les  au- 
tres fembîables  ,  que  nous  faifons  par  rap- 
port aux  choies  qui  nous  appartiennent  9 
non-feulement  nous  pouvons  ftipuler  va- 
lablement pour  nos  ayant-caufe  :  mais 
lis  fommes  cenies  l'avoir  fait,  quoique 
cela  ne  foit  point  exprimé  ,  foit  que  la 
convention  foit  conçue  in  rem,  comme 
lorfqu'il  eft  dit  par  une  tranfaclion  parlée 
entre  nous ,  que  vous  vous  engagez  à  ne 
jamais  faire  valoir  les  prétentions  que  vous 
pourrie^  avoir  par  rapport  à  un  tel  héritage  9 
fans  dire  contre  qui  ;  foit  que  la  conven- 
tion foit  conçue  in  perfonam ,  comme 
lorfqu'il  eft  dit  que  vous  vous  engagez 
à  m  jamais  faire  valoir  contre  M  OI  vos  pré- 
tentions ,  par  rapport  à  un  tel  héritage  :  en 
l'un  &  l'autre  cas,  je  fuis  cenfé  avoir  fti- 
pulé  pour  tous  mes  fuccefleurs  même  à 
titre  fingulier  ,  même  à  titre  de  donation. 
Paclum  conventum  cumvenditore  ,  (î  in  rem 
conflituatur  ,  fecundUm  Proculi  fententiam  , 
&  emptori  prodejl. . .  .  Seenndùm  autem  Sa- 
bini  fententiam  9  etiamji  in  perfonam  con- 


90         Tp.    des    Oblig, 
ctptum  efi  9  &  in  tmptorem  ,   qui  hoc 

ejje  exijiimjt  ,  \ ::  ncm  ju.. 

ftiïU  .::,  L.  /-.  §.  5.  ffl de paB.  La  raifon 
eit  qu'en  :  ?our  moi ,  je  fuis  cenie 

ftipuler  pour  tous  ceux  qui  me  repreien- 
tent  ;  or  non-feulement  mes  héritiers  , 
mais  tous  ceux  oui  me  fuccederont  mc- 
diatement ,  ou  immédiatement ,  &  à  quel- 
qu  ?  titre  que  ce  foit ,  à  l'héritage  qui  a  fait 
L'objet  de  fa  convention ,  me  représentent 
par  rapport  à  cet  héritage. 

.  Que  fi  j\  lié  nommément 

pou  ....    crois  pas  cenfé 

avoir  étendu  ma  inpulation  à  mes  avant- 
cauiè,  c'elt-à-dire  à  ceux  : [ui  me  iuccé- 
deroient  à  t:: re  fing  .  lier  :  en  ce  cas  ,  ûp- 
clujîo  unius ,  fit  exclufio  alterius  ;  Fexpr::- 
fion  de  mes  hênù  :  Lut  les  aurres  litc- 

cefleurs  :  Par  exemple ,  fi  par  une  tra:> 
facfion  avec  le  v  .  .ir  de  qui  mon  hé- 
ritage relevé  en  heî ,  ^e  fins  convenu  avec 

te  toutes  les  ::is  que  mon  fief  tom- 
heroît  en  rachat,  il  ne  pourroit  exi: 

n  .  plus  d'une  piftole  pour  ion 
jit  de  rachat  ;  cette  conventionné  pro- 
filera pas  à  des  tiers  ,  qui  auroient  acquis 
de  moi,  ou  de  mes  héritiers  .  ..  titre  : 
gulier  :  il  en  feroit  autrement  fi  dans  la 
claufe  il  n'etoit  pas  parle  d'héritiers,  & 
qu'il  fin  dil  uidéfinimc  ne  toutes  les 

fois  que  le  fief  tomberoit  en  rachat,  le 


Part.  I.    Chap.  I.  91 

Seigneur  ne  pourroit  exiger  plus  d'une 
piilole  ;  ou  qu'après  le  terme  d' héritiers  9 
on  eut  ajouté  un  &c.  En  l'un  &L  l'autre  cas , 
la  claufe  ^'étendroit  à  tous  les  ayant-caufe. 

§.  m. 

Que  ce  qui  concerne  une  autre  perfon ne ,  qut 
Les  parties  contractantes  peut  être  le  mode, 
ou  la  condition  d'une  convention  y  quoi- 
qu'il ne  puijfe  pas  en  être  P objet, 

70.  Donner  à  un  tiers  ,  faire  quelque 
chofe  pour  un  tiers ,  &  généralement  tout 
ce  qui  ne  concerne  point  l'intérêt  per- 
fonnel  de  la  partie  qui  le  ffipule  ,  ne  peut 
à  la  vérité  être  l'objet  du  contrat ,  mais 
cela  peut  être  in  conditione  aut  in  modo, 

Ainii  je  ne  peux  pas  à  la  vérité  ftipuler 
utilement  en  mon  nom,  que  vous  ferez 
préfent  à  Jacques  du  Thefaurus  de  Meer- 
man  ;  parce  que  c'eftftipuler  pour  autrui; 
c'eft  fripuler  une  chofe  à  laquelle  je  n'ai 
aucun  intérêt  ;  mais  je  peux  utilement  fti- 
puler,  quefi  dans  un  tel  temps  vous  ne 
faites  pas  préfent  à  Jacques  du  Thefaurus 
de  Meerman  ,  vous  me  payerez  vingt  pif- 
toles  pour  le  pot  de  vin  d'un  marché  que 
nous  faifons  enfemble  ;  car  en  ce  cas  ,  le 
préfent  que  vous  devez  faire  à  Jacques  , 
n'eft  qu'une  condition  ;  l'objet  de  la  fti- 


91  Tr.  des  Oblig. 
pulation  eït  que  vous  me  donnerez  la  fom- 
me  de  vingt  piïïoles  ;  &  cette  fomme  que 
je  ftipule ,  efr  une  chofe  que  je  flipule  pouf 
moi  &  que  j'ai  intérêt  d'avoir.  Cela  efl 
conforme  à  ce  qu'enfeigne  Juitinien  ,  Tit. 
de  inut.Jiipul.  §.  20.  Alteri  Jlipuuiri  nemo 
poteji.  .  .  plané  Ji  quis  veiit  hoc  faare ,  pœ- 
nam  fiipulari  conveniet ,  ut  niji  ita  factum 
fit  ut  cjl  comprchenfum  ,  committatur  pœnce 
Jlipulatio  etiam  ci  cujus  nihil  interejl. 

7 1 .  Ce  qui  concerne  l'intérêt  d'un  tiers 
peut  aurli  être  in  modo,  c'eft-à-dire  que 
quoique  je  ne  puhTe  pas  directement  iti- 
puler  ce  qui  concerne  l'intérêt  d'un  tiers, 
néanmoins  je  peux  aliéner  ma  chofe  ,  à 
la  charge  que  celui  à  qui  je  la  donne  fera 
quelque  chofe  qui  concerne  l'intérêt  d'un 
tiers.  Par  exemple ,  quoique  je  ne  puiffe 
pas  fHpuler  en  mon  nom  directement , 
que  vous  ferez  préfent  du  Thefaurus  de 
Meerman  à  Jacques ,  je  peux  vous  don- 
ner utilement  une  fomme  ou  tout  autre 
chofe ,  à  la  charge  que  vous  ferez  à  Jac- 
ques ce  préfent. 

Suivant  les  principes  de  l'ancien  Droit 
Romain ,  l'effet  de  cette  condition  fe  bor- 
noit  à  ce  que  faute  par  vous  d'accomplir 
la  charge  5  fous  laquelle  vous  avez  reçu 
de  moi  une  fomme  ou  autre  chofe ,  j'é- 
tois  en  droit  de  répéter  de  vous  ce  que  je 
vous  avois  donné  ;  car  ne  vous  l'ayant 


Par  t.  I.     C  h  a  p.  I.         95 

donne  ,  &c  vous  ne  l'ayant  reçu  qu'à  cette 
charge  ,  il  s'eft  formé  entre  nous  une  con- 
vention implicite ,  que  vous  me  reftitue- 
riez  la  choie,  ii  vous  n'accompliriez  pas 
la  charge  fous  laquelle  je  vous  l'ai  don- 
née ;  d'où  n'ait  le  droit  de  répéter  la  cho- 
fe ,  par  une  action  que  les  loix  appellent 
condicïio  ,  (  feu  repetitio  )  ob  caufam  dati  f 
causa  non  feeutd. 

Au  refte  luivant  les  principes  de  cet 
ancien  Droit,  le  tiers  qui  n'avoit  pas  été 
partie  au  contrat  de  donation ,  par  lequel 
je  vous  donnois  quelque  chofe ,  à  la  char- 
ge que  vous  feriez  quelque  chofe  qui 
l'intéreflbit,  ou  à  la  charge  que  vous  lui 
donneriez  quelque  chofe ,  n'avoit  aucune 
action  contre  vous  pour  le  demander;  Se 
cela  étoit  fondé  fur  ce  principe  ,  que  les 
contrats  n'ont  d'effet  qu'entre  les  parties 
contractantes  ;  d'oii  il  fuit  qu'il  ne  peut 
naître  d'un  contrat  aucun  droit  à  un  tiers 
qui  n'y  a  pas  été  partie  :  mais  fuivant  les 
conftitutions  des  Empereurs,  les  tiers  en 
faveur  defquels  le  donateur  appofe  une 
charge  à  fa  donation  ,  ont  une  action  con- 
tre le  donataire  pour  le  contraindre  à 
cuter;  c'eff.  ce  que  nous  apprenons 
de  la  loi  3 .  Ccd.  de  d-mat;  quxfub.  mod. 

72.  Cet  engagement  que  contracte  le 
donataire  envers  ce  tiers  ,  d'accomplir  la 
charge  fous  laquelle  la  donation  a  été  fai- 


94  Tr.  des  Oblig,' 
te  ,  &  d'où  naît  cette  a&ion ,  eft  un  enga- 
gement qui  n'eft  pas  à  la  vérité  propre- 
ment formé  par  le  contrat  de  donation  ; 
ce  contrat  ne  pouvant  pas  par  lui-même , 
&C  proprid  vu  tut e ,  produire  un  engage- 
ment envers  un  tiers  ,  &  donner  un  droit 
à  un  tiers  qui  n'y  étoit  pas  partie  ;  c'cft 
l'équité  naturelle  qui  forme  cet  engage- 
ment ;  parce  que  le  donataire  ne  peut  fans 
blefler  l'équité,  &  fans  fe  rendre  coupa- 
ble de  perfidie  ,  retenir  la  chofe  qui  lui  a 
été  donnée  ,  s'il  n'accomplit  pas  la  char- 
ge fous  laquelle  la  donation  lui  a  été  faite, 
&:  à  laquelle  il  s'eft  fournis  en  acceptant 
la  donation.  C'eft  pourquoi  l'action  qui 
eft  accordée  à  ce  tiers  ,  eft  appellée  en  la 
loi  3.  ci-defius  citée  ,  aciio utilis ,  qui  eft  re 
nom  que  les  Jurifconfultes  Romains  don- 
noient  aux  actions  qui  n'avoient  pour 
fondement  que  l'équité  ;  qtiœ  contra  fub- 
tilitatcm  juris  ,  ut'ditate.  ita  exigente ,  ex 
fold  œquitate  concedebaniur. 

73.  De-là  naît  une  autre  queftion,  qui 
eft  de  fçavoir ,  fi  vous  ayant  donné  une 
chofe  à  la  charge  de  la  reftltuer  à  un  tiers 
dans  un  certain  tems ,  ou  de  lui  donner 
quel  qu'autre  chofe ,  je  peux  vous  remet- 
tre cette  charge ,  fans  l'intervention  de 
ce  tiers  qui  n'étoit  pas  partie  à  l'aele  ,  & 
qui  n'a  pas  accepté  la  libéralité  que  j'exer- 
çois  envers  Ini ,  en  vous  impofant  cette 


Part.  I.    Chap.  I.  95 

charge  :  les  Auteurs  ont  été  partagés  fur 
cetie  queilion.  Grotius  de  jure  belli  &  pa- 
cis  ti.  ix.  19.  décide  pour  l'affirmative  : 
cYit.  auiîi  l'avis  de  Bartole  ,  de  Duaren  Se 
de  pluiieurs  autres  Docleurs ,  &  en  par- 
ticulier celui  de  Ricard,  trait,  des fubjlit. 
p.  i.ch.  4.  La  raifon  fur  laquelle  ils   fe 
fondent ,  eft  que  le  tiers  n'étant  pas  in- 
tervenu dans  la  donation ,  l'engagement 
que  le  donataire  contracte  de  donner  à 
ce  tiers ,  en  acceptant  la  donation  fous 
cette  charge ,  efl  contracté  par  le  con-, 
cours  des  volontés  du  donateur  &  du  do- 
nataire feulement  ;  6c  par  conséquent  peut 
fe  réfoudre  par  un  confentement  contraire 
des  mêmes  parties ,  fuivant  ce  principe  de 
droit  ,  nïhiltam  naturale  ejl ,  quœque  eodem 
modo  difjolvi  quo  colligata  funt  ;  le  droit 
qui  eft  acquis  à  ces  tiers,  efl  donc  ,  fé- 
lon ces  auteurs ,  un  droit  qui  n'efl  pas  ir- 
révocable ;  parce  qu'étant  formé  par  le 
feul  confentement  du  donateur  &  du  do- 
nataire ,  fans  l'intervention  du  tiers ,  ce 
droit  eftfujet  à  être  détruit  par  la  deflruc- 
tion  de  ce  confentement,  qu'opérera  un 
confentement  contraire  des  mêmes  par- 
ties ;  ce  droit  ne  devient  irrévocable ,  que 
lorfque  la  mort  du  donateur  empêchant 
qu'il  ne  puiffe  déformais  intervenir  un 
confentement  contraire  ,  le  confentement 
qui  a  formé  ce  droit  ceffe  de  pouvoir  être 
détruit 


96  T  R.     DES      ObLIG. 

L'opinion  contraire  a  aufîi  (es  défen- 
feurs  ;  c'en1  celle  de  Fachinœus ,  Controv. 
Vlii.  89.  &.  des  Docteurs  par  lui  cités. 
Les  raifons  fur  lesquelles  ces  Auteurs  fe 
fondent  font ,  que  la  clauie  de  l'acte  de 
donation  qui  contient  la  charge  impofée 
au  donataire  ,  de  donner  quelque  chofe 
à  un  tiers  ,  renferme  une  féconde  dona- 
tion ,  ou  une  donation  fîdéiconimifTaire , 
que  le  donateur  fait  à  ce  tiers.  Cette  fé- 
conde donation,  ians  l'intervention  de  ce 
tiers  à  qui  elle  eft  faite ,  reçoit  fon  en- 
tière perfection  par  l'acceptation  que  le 
premier  donataire  fait  de  la  donation  fous 
cette  charge  ;  puifque  par  cette  accepta- 
tion ,  il  contracte  envers  ce  tiers ,  fans 
qu'il  intervienne  à  l'acte ,  un  engagement 
d'accomplir  cette  charge  dans  fon  temps  : 
de  cet  engagement  naît  un  droit  qu'ac- 
quiert ce  tiers ,  d'exiger  en  fon  temps 
l'accbmplifTement  de  cette  charge  :  ce 
droit  eft  un  droit  irrévocable  ,  &  il  ne 
doit  pas  être  au  pouvoir  du  donateur  d'en 
décharger  le  premier  donataire  au  préju- 
dice du  droit  acquis  à  ce  tiers;  car  la  claufe 
qui  renferme  cette  féconde  donation  ,  ou 
donation  fidéicommiftaire  ,  faite  à  ce  tien 
par  le  donateur ,  étant  une  claufe  qui  fait 
partie  d'un  acte  de  donation  entre- vifs , 
la  donation  fidéicoaimifTaire  renfermée 
dans  cette  claufe  ,  eft  de  même  nature  , 

& 


Par  t.  I.    Chap,  I.  97 

&:  eft  par  conféquent  une  donation  entre- 
vifs &:  par  conféquent  irrévocable  ;  il  ne 
doit  donc  plus  être  au  pouvoir  du  dona- 
teur de  la  révoquer ,  en  déchargeant  le 
premier  donataire  de  la  charge  qu'il  lui 
a  impofée  ,  &  de  rengagement  qu'il  a 
contracté  envers  ce  fécond  donataire,  A 
l'égard  des  règles  de  droit  qu'on  oppofe  , 
eu z que  eodern  modo  dijjolvuntur  quo  colli- 
gata  funt  :  qu<z  confenfu  contrahuntur  con- 
fenfu  diffolvuntur  :  ces  règles  ont  lieu  en- 
tre les  parties  contractantes  feulement, 
ck  non  au  préjudice  d'un  droit  qui  auroit 
été  acquis  à  un  tiers  ;  c'eft.  ce  qui  re- 
faite de  la  loi  dernière ,  ff.  de  paci.  qui 
décide  que  la  caution  qui  a  acquis  un 
droit  de  fin  de  non-recevoir,  par  le  pael 
intervenu  entre  le  créancier  &  le  débi- 
teur principal ,  ne  peut  être  malgré  elle 
dépouillée  de  ce  droit,  par  un  pact.  con« 
traire  des  mêmes  parties. 

Ce  dernier  fentiment  a  été  confirmé 
par  la  nouvelle  Ordonnance  des  fubftitu- 
tions  ,  part.  1.  art.  11.  &  12.  Mais  les 
queflions  décidées  par  cette  Ordonnance 
n'étant  que  pour  l'avenir ,  la  queftion  de- 
meure entière  pour  ce  qui  fe  feroit  paiTé 
avant  l'Ordonnance. 

Nous  traiterons  plus  amplement  des 
donations  fidéicommiflaires  que  ces  clau- 
fes  renferment ,  dans  un  Traité  particu- 
Tom.  I,  E 


98         Tr.    des    Oblig; 
ter  des  donations  que  nous  devons  don- 
ner. 

§.  v. 

Qu'on  peut  Jilpuler ,    &  promettre  par  U 
minijiere  d'un  tiers  ,    &  que  ce  7iefi  pas 
Jlipuler  ni  promettre  pour  un  autre. 

74.  Ce  que  nous  avons  dit  jufqu'à  pré- 
fent ,  que  nous  ne  pouvions  rien  flipuler 
ni  promettre ,  que  pour  nous-mêmes ,  Se 
non  pour  un  autre  ,  s'entend  en  ce  fens 
que  nous  ne  le  pouvons  ,  lorfque  nous 
contractons  en  notre  nom  ;  mais  nous  pou- 
vons prêter  notre  miniriere  à  une  autre 
personne  ,  pour  contracter  pour  elle  ,  fti- 
puier  &  promettre  pour  elle  ;  &  en  ce 
cas  ce  n'eft  pas  proprement  nous  qui  con- 
tractons ;  mais  c'eiï  cette  perfonne  qui 
contra  cle  par  notre  miniftere. 

Ainfi  un  tuteur  ,  lorf  qu'il  contracte  en 
cette  qualité  ,  peut  ftipuler  &  promettre 
pour  fon  mineur  ;  car  c'eft  le  mineur  qui 
eft  cenfé  contra cler ,  ftipuler  &  promettre 
lui-même  par  le  miniftere  de  fon  tuteur; 
la  loi  donnant  un  caraclere  au  tuteur  qui 
fait  réputer  le  fait  du  tuteur ,  pour  le  fait 
du  mineur  dans  tous  les  contrats  qui  con- 
cernent Fadminiftration  de  la  tutelle. 

Ii  en  eft  de  même  d'un  curateur  ôc  de 
tout  autre  adminiftrateur  légitime  ;  il  en 


Part.  I.    Chap.  L  99» 

eft  de  interne  d'un  Procureur  ;  car  la  pro- 
curation que  lui  a  donnée  celui  au  nom 
duquel  il  contracte  ,  fait  regarder  celui 
qui  a  donné  la  procuration  comme  con- 
tractant lui-même  par  le  miniftere  de  ce 
procureur. 

75.  Si  je  contracte  au  nom  d'une  per* 
fonne  qui  ne  m'avoit  point  donné  de  pro- 
curation ,  fa  ratification  la  fera  pareille- 
ment réputer  comme  ayant  contracté  elle- 

Bme  par  mon  miniftere  ;  car  la  ratifica- 
tion équipolle  à  procuration  ,  ratihabido 
mandato  comparatur. 

Si  elle  ne  ratifie  pas ,  la  convention' 
eft  nulle  à  fon  égard  ;  mais  fi  je  me  fuis 
fait  fort  d'elle  ;•  fi  j'ai  promis  de  la  faire 
ratifier;  cette  promerfe  dé  la  faire  rati- 
fier eft  une  convention  que  j'ai  eue  en 
mon  nom  avec  la  perfonne  avec  qui  j'ai 
contracté,  par  laquelle  "je  '  me  fuis  en 
mon  nom  obligé  envers  elle ,  au  rapport 
de  cette  ratification  ;  &£  faute  par  moi  de 
la  rapporter,  en  fes  dommages  &  inté- 
rêts ,  c'eft- à-dire  ,  entoutce^ru'eile  fouf- 
fre  ou  manque  de  gagner ,  par  le  défaut 
de  ratification. 

76.  Pour  que  quelqu'un  foit  cenfé  avoir 
contracté  par  le  miniftere  de  fon  tuteur, 
curateur  ,  adminiftrateur ,  &c.  il  faut  que 
le  contrat  n'excède  pas  le  pouvoir  de  ces 
perfonnes.  Par  exemple,  fi  un  tuteur  en 
^A  E  ij 

0  ..1    ' 


ïoo  Tr,  des  Oblig/ 
fa  qualité  de  tuteur  avoit  fans  le  décret  du 
Juge ,  vendu  quelque  bien  immeuble  de 
fon  mineur ,  le  mineur  ne  feroit  pas  cenfé 
avoir  fait  ce  contrat  par  fon  miniftere  ; 
&  il  n'en  téfulteroit  aucune  obligation 
contre  lui ,  la  vente  des  immeubles  étant 
une  chofe  qui  excède  le  pouvoir  des  tu- 
teurs. 

Pareillement ,  pour  que  quelqu'un  foit 
cenfé  avoir  contracté  par  le  miniftere  de 
fon  procureur ,  il  faut  que  le  procureur  fe 
foit  renfermé  dans  les  bornes  de  fa  procu- 
ration ;  s'il  les  a  excédées  ,  celui  au  nom 
duquel  il  a  contracté  ,  n'eft  pas  cenfé 
avoir  .contracté  par  fon  miniftere ,  à 
moins  qu'il  n'ait  ratifié. 

77.  Il  n'eft  pas  douteux  qu'un  procu- 
reur excède  les  bornes  de  fa  procuration , 
lorfqu'il  fait  autre  chofe  que  ce  qui  y  eft 
contenu,  quand  même  cela  feroit  plus 
avantageux.  Par  exemple  ,  fi  j'ai  donné 
procuration  à  quelqu'un  pour  m'acheter 
une  certaine  terre  pour  un  certain  prix, 
6c  qu'il  en  acheté  une  autre  en  mon  nom, 
êc  comme  fe  difant  avoir  procuration  de 
moi  ;  quoique  ce  marché  foit  plus  avan- 
tageux ,  il  ne  m'obligera  point ,  &  je  ne 
ferai  point  cenfé  avoir  fait  ce  marché  par 
fon  miniftere  ,  à  moins  que  je  ne  veuille 
bien  le  ratifier;  I.  5.  §.  z.ff.  mandat. 

78.  Un  procureur  a  excédé  aufli  les 


Part.  I.  Chap.  I,  101 
bornes  de  l'a  procuration ,  lorfqu'il  a  fait 
en  mon  nom  le  contrat  que  je  lui  avois 
donné  pouvoir  de  faire ,  mais  à  des  con- 
ditions plus  défavantageufes  que  celles 
que  je  lui  avois  prefcrites  par  ma  pro- 
curation. Par  exemple ,  fi  je  lui  avois 
donné  procuration  pour  acheter  une  cer- 
taine terre  pour  le  prix  de  28000  liv. 
6c  qu'il  Tait  achetée  en  mon  nom  pour 
28200  liv.  je  ne  ferai  point  cenfé  avoir 
contracté  par  fon  miniftere ,  &  je  ne  ferai 
point  obligé  par  le  contrat  ;  parce  qu'il 
a  excédé  les  bornes  de  fon  pouvoir  en 
achetant  à  un  prix  plus  cker  que  celui 
que  j'avois  prefcrit. 

Néanmoins  s'il  ofFroit  de  me  mettre 
au  même  état  auquel  je  ferois  ,  s'il  s'étoit 
renfermé  dans  les  bornes  de  la  procura- 
tion; par  exemple  ,  fi  dans  l'efpece  ci- 
deffus  ,  il  ofFroit  de  m'indemnifer  de  loo 
liv.  je  ferois  obligé  de  ratifier.  L.  3.§.  2. 
&  L.  4.  ff.  mand. 

Il  eft  évident  qu'un  procureur  ne  peut 
être  cenfé  avoir  excédé  les  bornes  de  la 
procuration,  lorfqu'il  a  contracté  à  des 
conditions  plus  avantageufes  que  celles 
qui  lui  étoient  prefcrites.  1.  5.  §.  5.  J^T 
dici»  tit, 

79.  Pour  que  je  fois  cenfé  avoir  con- 
tracté par  le  miniftere  de  mon  procureur , 
&  que  le  contrat  qu'il  a  fait  en  mon  nom 

E  iij 


$02  TR.      t)ES     ÔbLIG. 

m'oblige ,  il  fufKt  que  le  contrat  n'excède 
pas  ce  qui  eft  contenu  dans  le  pouvoir 
qu'il  a  fait  apparoir  à  celui  avec  lequel  il 
a  contracté  ;  &  il  ne  ferviroit  de  rien  de 
rapporter  un  autre  pouvoir  contenant 
des  inftructions  fecretes  qu'il  n'auroit  pas 
fuivies  :  ce  pouvoir  fecret  me  donne  bien 
une  action  en  dommages  &  intérêts  con- 
tre mon  procureur ,  pour  n'avoir  pas  fui- 
vi  les  inftructions  fecretes  que  je  lui  avois 
données  ;  mais  il  ne  peut  me  dégager  en- 
vers celui  avec  qui  il  a  contracte  entmon 
nom  ,  conformément  au  pouvoir  appa- 
rent qu'il  lui  a  repréfenté  ;  autrement  il 
n'y  auroit  aucune  sûreté^  contracter  avec 
des  abfens. 

80.  Par  la  même  raifon,  quoique  la 
procuration  finirTe  par  la  révocation  -9 
néanmoins  fi  mon  procureur  contracte  en 
mon  nom  avec  quelqu'un  depuis  la  révo- 
cation ,  mais  avant  qu'elle  ait  été  connue 
à  celui  avec  qui  il  contracte  ,  je  ferai 
cenfé  a\  oir  contracté  par  fon  minute re  , 
ôc  ce  contrat  m'obligera. 

81.  Pareillement,  quoique  le  mandat 
finifle  par  la  mort  de  celui  qui  le  donne , 
ÔZ  qu'il  paroifte  répugner  que  je  puiffe 
être  cenfé  avoir  contracté  par  le  miniftere 
de  celui  qui  depuis  ma  mort  a  contracté 
en  mon  nom  ;  néanmoins  s'il  a  contracté 
en  mon  nom  depuis  ma  mort ,  mais  avant 


PartI.  Chap.L  103 
qu'elle  pût  être  connue  dans  le  lieu  où  . 
le  contrat  s'eil:  fait ,  ce  contrat  obligera 
ma  fucceiiion ,  comme  fi  j'avois  effecti- 
vement contracté  par  le  miniftere  de  ce 
procu  eur. 

On  peut  pour  cette  déciiion  &C  pour  la 
précédente  ,  tirer  argument  de  ce  qui  efl 
décidé  en  Droit ,  que  le  paiement  fait  à 
un  procureur  eiï  valable ,  quoique  depuis 
la  mort  du  mandant ,  ou  depuis  la  révo- 
cation du  mandat  ;  fi  la  mort  &:  la  révo- 
cation n'étoient  pas  connues  ,  L.  12.  §. 
2,  &  L.  3  2..jfT  de  folut. 

82.  Nous  contractons  par  le  miniflere 
d'un  autre  ,  non-  feulement  lorfque  quel- 
qu'un nous  prête  purement  fon  miniftere, 
en  contractant  en  notre  nom  ,  &  non  au 
fien  ;  comme  lorfque  nous  contractons 
par  le  minifïere  de  nos  tuteurs ,  curateurs, 
procureurs  ,  &c.  qui  contractent  en  leur 
qualité  de  tuteur  ,  curateur ,  procureur  , 
ôcc.  &  non  en  leur  propre  nom.  Nous 
fommes  aufTi  cenfés  contracter  par  le  mi- 
niftere  d'un  autre ,  quoiqu'il  contracte 
lui-même  en  fon  nom ,  lorfqu'il  contracte 
pour  des  affaires  auxquelles  nous  l'avons 
prépofé  ;  car  en  le  prépofant  à  ces  affai- 
res ,  nous  fommes  cenfés  avoir  adopté 
&  approuvé  d'avance  tous  les  contrats 
qu'il  feroit  pour  les  affaires  auxquelles 
nous  l'avons  prépofé ,   comme  fi  nous 

E  iv 


104  T  R»     D  E  s     ÛBLIG. 

avions  contracté  nous-mêmes  ;  &:  nous 
fommes  cenfés  avoir  accédé  à  toutes  les 
obligations  qui  en  réfultent. 

C'eft  fur  ce  principe  qu'eft  fondée  l'ac- 
tion exercitoria ,  que  ceux  qui  ont  contrac- 
té avec  le  Capitaine  d'un  navire ,  pour 
des  affaires  relatives  à  la  conduite  de  ce 
navire ,  ont  contre  l'Armateur  proprié- 
taire du  navire  3  qui  a  prépofé  ce  Capi- 
taine. 

C'en1  fur  le  même  principe  que  font 
fondées  ,  l'action  injîitoria ,  que  ceux  qui 
ont  contracté  avec  le  prépofè  à  un  com- 
merce ou  à  une  manufacture  ,  pour  des 
affaires  relatives  à  ce  commerce,  ont  con- 
tre le  commettant  -9  &  Faction  utilis  inf- 
titoria  ,  qui  a  lieu  pour  les  contrats  faits 
avec  un  prépofé  à  quelqu'autre  efpece 
d'affaires  que  ce  foh% 

Nous  traiterons  de  c  e  actions ,  infrà  y 
part.  z.  ckap.  GifeSL  8. 

Obfervez  une  différence  entre  tous  ces 
prépofés ,  &  les  tuteurs ,  curateurs ,  pro- 
cureurs ,  fyndics ,  administrateurs ,  fabri- 
ciers  ,  &:c.  lorfque  ces  prépofés  contrac- 
tent ,  ce  font  eux-mêmes  qui  contractent 
&  qui  s'obligent  ;  leurs  comme ttans  font 
feulement  cenfés  accéder  à  leurs  con- 
trats ,  &  aux  obligations  qui  en  réfultent  ; 
au  lieu  que  les  autres  ne  font  pas  cenfés 
contracter  eux-mêmes  ,  mais  feulement 


Part.  I.  Chap.  I.  io? 
prêter  leur  miniftere  pour  contrarier  ,  à 
ceux  qui  font  fous  leur  tutele  ou  cura- 
tele  ,  ou  dont  ils  ont  la  procuration  ,  ou 
aux  corps  dont  ils  font  les  fyndics ,  ou 
aux  hôpitaux  &  fabriques  ,  dont  ils  ont 
l'adminiftration  ;  c'cft  pourquoi  ce  ne 
font  pas  eux  qui  s'obligent ,  mais  ceux 
qui  contractent  par  leur  miniftere. 

83.  Nous  fommes  aufti  cenfés  contrac- 
ter par  le  miniftere  de  nos  aflbciés  ,  lors- 
qu'ils contractent ,  ou  font  cenfés  con- 
tracter pour  les  affaires  de  la  fociété  ;  car 
en  contractant  fociété  avec  eux  ,  &  leur 
permettant  la  geftion  des  affaires  de  la 
fociété  ;  nous  fommes  cenfés  avoir  adop- 
té &  approuvé  d'avance  tous  les  contrats 
qu'ils  feroient  pour  les  affaires  de  la  fo- 
ciété ,  comme  û  nous  euftbns  contracté 
nous-mêmes  conjointement  avec  eux  ;  &C 
nous  avons  accédé  d'avance  à  toutes  les 
obligations  qui  en  réfuhent. 

Obfervez  qu'un  aftbcié  eft  cenfé  con- 
tracter pour  les  affaires  de  la  fociété, 
toutes  les  fois  qu'il  ajoute  à  fa  fignature 
ces  mots  &  Compagnie ,  quoique  par  la 
fuite  ,  le  contrat  n'ait  pas  tourné  au  pro- 
fit de  la  fociété.  Par  exemple ,  s'il  a  em- 
prunté une  fomme  d'argent  de  quelqu'un, 
à  qui  il  en  a  donné  un  billet ,  avec  ces 
mots  &  Compagnie  à  la  fin  de  fa  fignature  ; 
quoiqu'il  ait  employé  cet  argent  à  fes 

E  v 


106  Tr.  des  Oblig. 
affaires  particulières  ,  ou  qu'il  l'ait  perdu 
au  jeu;  il  ne  laiffe  pas  d'être  cenfé  avoir 
contracté  pour  les  affaires  de  la  fociété  , 
&  d'obliger  en  conféquence  (es  affociés , 
comme  étant  cenfés  avoir  fait  l'emprunt 
conjointement  avec  lui ,  &:  contracté  par 
fon  miniftere  :  car  fes  affociés  doivent 
s'imputer  d'avoir  contracté  une  fociété 
avec  un  affocié  infidèle  ;  mais  ceux  qui 
contractent  avec  lui  ne  doivent  pas  être 
trompés ,  &  fouffrir  de  fon  infidélité. 

La  fignature  &  Compagnie  n'obligeroit 
pas  néanmoins  mes  affociés,  s'il  paroiffoit 
par  la  nature  même  du  contrat ,  qu'il  ne 
concerne  pas  les  affaires  de  la  fociété  ; 
comme  fi  j'avois  mis  cette  fignâture  à  la 
fin  d'un  bail ,  d'un  héritage  qui  m'appar- 
tient ,  &  que  je  n'ai  pas  mis  en  fociété. 

Lorfque  l'afîbcié  n'a  pas  figné  &  Corn-* 
pagnie ,  il  eft  cenfé  avoir  contracté  pour 
fes  affaires  particulières  ,  &  il  n'oblige 
pas  fes  affociés  ,  à  moins  que  le  créan- 
cier ne  juftifie  d'ailleurs  quil  a  contracté 
au  nom  de  la  fociété  ,  &  que  le  contrat 
concernoit  effectivement  les  affaires  de  la 
fociété. 

84.  Une  femme  commune  en  biens  avec 
fon  mari ,  eft  auffi  cenfée  contracler  avec 
lui  &  par  fon  miniftere  dans  tous  les  con- 
trats que  fon  mari  fait  durant  la  commu- 
nauté ,  &  accéder  à  toutes  les  obligations 


Par  t.  I.    C  h  a  p.  I.         107 

qui  en  réfultent ,  pout  la  part  qu'elle  a 
dans  la  communauté ,  à  cette  condition 
néanmoins  ,  qu'elle  ne  fera  tenue  que 
jufqu'à  concurrence  de  ce  qu'elle  aman- 
de ra  de  ladite  communauté. 

Article     VI. 

De  F  effet  des  Contrats. 

85.  Les  contrats  produifent  des  obli- 
gations ;  nous  renvoyons  fur  ce  qui  con- 
cerne l'effet  de  ces  obligations,  à  ce  que 
nous  en  dirons  infrà  chap.  2.  en  traitant 
en  général  de  l'effet  des  obligations;  nous 
obferverons  feulement  un  principe  qui 
eft  particulier  à  l'effet  des  contrats  &  de 
toutes  les  conventions. 

Ce  principe  eft  qu'une  convention  n'a 
d'effet  qu'à  l'égard  des  chofes  qui  ont  fait 
l'objet  de  la  convention ,  &  feulement 
entre  les  parties  contractantes.  Animad- 
venendum  eji  ne  conventio  in  alla  re  facla. 
aut  cum  alla  pafond  ,  in  aliâ  re  9  aliâve 
petfond  noceat.  L.  ij.  §,  4.  ff.  de  paciis. 

86.  La  raifon  de  la  première  partie  de 
ce  principe  eft  évidente.  La  convention 
étant  formée  par  la  volonté  des  parties 
contractantes  ,  elle  ne  peut  avoir  d'effet 
que  fur  ce  que  les  parties  contractantes 
ont  voulu  3  &  ont  eu  en  vue. 

E  vj 


io8       Tr.   des    Oblig. 

On  peut  apporter  pour  exemple  de  cet- 
te première  partie  de  ce  principe  ,  les  fti- 
pulations  de  propres.  Lorf qu'en  apportant 
par  mon  contrat  de  mariage  une  certaine 
Jomme  à  la  communauté,  j'ai  ftipulé  que 
le  furplus  de  mes  biens  me  demeureroit 
propre  ;  cette  convention  n'aura  pas  l'ef- 
fet d'exclure  de  la  communauté  ,  le  mo- 
bilier des  fuccefÏÏons  qui  m'écherront 
pendant  le  mariage  ;  parce  qu'elle  n'a  eu 
pour  objet  que  d'exclure  de  la  commu- 
nauté le  furplus  des  biens  que  j'avois  lors 
démon  mariage.  Voye^ d'autres  exemples , 
in  l.  27.  §.  7.  /.  47.  §.  .1.  /.  56,  if.  depac- 
tis  &  pajjîm. 

87-  La  raifon  de  la  deuxième  partie  du 
principe  n'eft  pas  moins  évidente  ;  l'obli- 
gation qui  naît  des  conventions,  &  le 
droit  qui  en  réfulte  étant  formés  par  le 
eonfentement  &  le  concours  des  volon- 
tés des  parties ,  elle  ne  peut  obliger  un 
tiers  ,  ni  donner  de  droit  à  un  tiers,  dont 
la  volonté  n'a  pas  concouru  à  former  la 
convention. 

La  loi  2  J.  cod.  de  paciis ,  nous  fournit 
un  exemple  de  cette  féconde  partie  de 
notre  principe.  Je  fuis  convenu  avec  mon 
cohéritier  qu'il  fe  chargeroit  feul  d'une 
certaine  dette  de  la  fucceffion  ;  cette  con- 
vention n'empêchera  pas  le  créancier  de 
cette  dette  de  l'exiger  de  moi,  à  raifort 


P  A  R  T.   I.      CHAP.   î.  109 

de  la  part  pour  laquelle  je  fuis  héritier  ; 
car  cette  convention  ne  peut  avoir  aucun 
erFet  vis-à-vis  de  ce  créancier  qui  n'y  étoit 
pas  partie.  Dzbitorum  paclionibus ,  credi- 
torum  paitio  nec  tolli  >  nec  minui  potefî.  D, 
I.  On  peut  apporter  une  infinité  d'autres 
exemples  :  ce  n'eft  pas  une  chofe  con- 
traire à  ce  principe ,  qu'un  afîbcié  en  con- 
tractant, oblige  fes  afîbciés,  un  prépofé 
ion  commettant ,  un  mari  fa  femme  ;  car 
comme  nous  l'avons  vu  à  l'article  précé- 
dent ,  ces  perfonnes  font  cenfées  avoir 
été  elles-mêmes  parties  contractantes  par 
le  miniftere  de  leur  afîbcié,  de  leur  pré- 
pofé ,  de  leur  mari. 

88. 11  fembleroit  qu'on  pourroit  oppo- 
fer  avec  plus  de  fondement  contre  notre 
principe ,  ce  qui  s'obferve  à  l'égard  des 
contrats  d'attermoyement,  lorfqu'un  dé- 
biteur qui  fe  dit  hors  d'état  de  faire  hon- 
neur à  (es  dettes  ,  a  fait  une  convention 
avec  les  trois  quarts  de  fes  créanciers  (  ce 
qui  s'eftime  non  pro  numéro  perfonarum  , 
fed  pro  cumulo  debiti  ).  Cette  convention 
qui  contient  des  termes  &c  des  remifes 
accordés  au  débiteur  ,  peut  être  oppofée 
-aux  autres  créanciers ,  quoiqu'ils  n'ayent 
pas  été  parties  au  contrat ,  &  le  débiteur 
peut ,  en  les  aflîgnant ,  faire  déclarer  com- 
mune avec  eux  la  convention ,  fauf  qu'elle 
ne  pourra  préjudicier  à  leurs  hypothe- 


ïio       Tr.    des    Oblig, 

ques  &  privilèges ,  s'ils  en  ont.  Voye^ 

l'Ordonnance  de  1673.  tltt  ^CI*  artt  ^'  ^' 
7.  8.  &  L.  7.  §.  /£.  L.  8.L.  g.L.  10.ff.de 
pacl.  ^ 

Ceci  n'eft  pourtant  pas  proprement 
une  exception  à  notre  principe  ;  car  ce 
n'eft  pas  la  convention  faite  avec  les  trois 
quarts  des  créanciers  ,  qui  oblige  per  fe  y 
par  rçlle-même  &  par  fa  propre  vertu ,  les 
autres  créanciers ,  qui  n'ont  point  été  par- 
ties ,  à  faire  les  remifes  qui  y  font  por- 
tées ;  cette  convention  ne  fert  qu'à  faire 
connoïtre  au  juge,  que  c'eft  l'intérêt  com- 
mun dés  créanciers  que  cette  convention 
foit  exécutée  par  tous  les  créanciers  ;  la  • 
préfomption  étant  que  ce  grand  nombre 
de  créanciers  ne  s'eft  réuni  à  accorder 
ces  remifes  ,  que  parce  qu'il  étoitdel'in- 
térêt^ommun  des  créanciers  de  les  accor- 
der ,  pour  avoir  le  paiement  du  reriant  ; 
&  comme  il  n'eft  pas  jufte  que  la  rigueur 
de  quelques  créanciers  nuife  à  l'intérêt 
commun  des  créanciers  ,  le  Juge  les  con- 
damne à  accéder  à  la  convention ,  &c  à 
accorder  au  débiteur  les  remifes  &tes  ter- 
mes qui  y  font  portés  :  m^is  ce  n'eft  pas 
la  convention  à  laquelle  ils  n'ont  pas  été 
parties  ,  qui  les  oblige  à  accorder  ces  re- 
mifes &  ces  termes  ;  c'eft  l'équité  feule 
qui  forme  en  eux  cette  obligation  ,  &  qui 
les  oblige  à  accéder  à  cette  convention y 


Par  t.  I.  C  h  a  p.  I.         nr 

étant  contre  l'équité,  que  par  une  rigueur 
contraire  à  leurs  propres  intérêts ,  ils  em- 
pêchent l'avantage  commun  des  créan- 
ciers. 

89.  Notre  principe ,  que  les  conven- 
tions n'ont  d'effet  qu'entre  les  parties 
contractantes ,  lbuffre  une  efpece  d'excep- 
tion à  l'égard  des  cautions  ;  car  les  con- 
ventions qui  interviennent  entre  les  créan- 
ciers Se  le  débiteur  principal ,  profitent 
aux  cautions ,  quoiqu'elles  n'y  ayent  pas 
été  parties  ;  &c  elles  leur  font  acquérir 
contre  le  créancier,  les  mêmes  droits-, 
qu'elles  font  acquérir  au  débiteur  princi- 
pal. Nous  en  verrons  laraifon  infrap.  2. 
ch.  G. 

90.  Notre  principe  fouffre  encore  une 
autre  efpece  d'exception ,  à  l'égard  des 
fubiiitutions  portées  par  un  acte  de  do* 
nation  entre-vifs  :  car  lors  de  l'événement 
qui  y  donne  ouverture  ,  les  peribnnes  ap- 
pellées  à  ces  fubftitutions ,  quoiqu'elles 
n'ayent  pas  été  parties  dans  Facle  qui  les 
renferme  ,  acquièrent  le  droit  de  deman- 
der au  donataire  qui  en  eft  grevé ,  ou  à  fa 
fuccefîion  ,  les  chofes  qui  y  font  compri- 
fes  :  voyez  ce  que  nous  avons  dit,fufrà 
en  l'article  précédent  §.  3. 


in       Tr.    des    Oblis,1 
Article    VIL 

Règles  pour  l'interprétation  des  Conventions, 
Première    Règle. 

91.  On  doit  dans  les  Conventions  ré- 
chercher  quelle  a  été  la  commune  inten- 
tion des  parties  contractantes,  plus  que 
le  fens  grammatical  des  termes. 

In  conventionibus  contrahentium  volun- 
tatem  potins  ,  quam  verbafpeclari  placuit  , 
L.zicj.jf.  de  verbor.Jignif. 

Voyez  un  exemple  de  cette  règle  dans 
la  loi  citée. 

En  voici  un  autre  :  vous  teniez  à  loyer 
de  moi  un  petit  appartement  dans  une 
maifon  dont  j'occupois  le  reile  ;  je  vous 
ai  fait  un  nouveau  bail  en  ces  termes  ij'ai 
donné  a  loyer  à  un  tel  MA  MAISON  pour 
tant  d'années ,  pour  le  prix  porté  au  précédent 
bail  :  ferez- vous  fondé  à  prétendre  que  }e 
vous  ai  loué  toute  ma  maifon  ?  Non  ;  car 
quoique  ces  termes  ma  maifon ,  dans  leur 
fens  grammatical ,  lignifient  la  maifon  en- 
tière &  non  un  (impie  appartement  ;  néan- 
moins il  efl  vifible  que  notre  intention 
n'a  été  que  de  renouveller  le  bail  de  l'ap- 
partement que  vous  teniez  de  moi ,  Se 
cette  intention  dont  on  ne  peiVt  douter 
doit  prévaloir  aux  termes  du  bail. 


p  a  r  t.  i.    c  h  a  p.  i.       1 1  j 
Seconde    Règle. 

91.  Lorfqu'une  claufe  eft  fufceptible 
de  deux  fens  ,  on  doit  plutôt  l'entendre 
dans  celui  dans  lequel  elle  peut  avoir 
quelque  effet ,  que  dans  celui  dans  le- 
quel elle  n'en  pourroit  avoir  aucun. 

Quoties  in  fiipulationibus  ambigua  or  a* 
tïo  cfi ,  commodijjimum  efi  id  accipi  quo  res 
de  qua  agitur  in  tutb  fit  y  L.  80.  de  verb» 
oblig. 

Par  exemple  ;  s'il  eft  dit  à  la  fin  d'un 
a&e  de  partage  :  il  a  été  convenu  entre  Pierre 
&  Paul ,  que  Paul  pourroit  pajjer  fur  fes 
héritages  ;  quoique  ces  termes  fes  hérita- 
gts ,  dans  le  fens  grammatical  ,  puiflent 
s'entendre  aufîi  bien  de  ceux  de  Paul ,  que 
de  ceux  de  Pierre  ;  néanmoins  il  n'eft  pas 
douteux  qu'ils  doivent  s'entendre  de  ceux 
de  Pierre  ;  autrement  la  claufe  n'auroft  au- 
cun effet  ;  Paul  n'ayant  pas  eu  befoin  de 
ftipuler  qu'il  pourroit  paffer  fur  fes  pro- 
pres héritages. 

Troisième    Règle. 

9^.  Lorfque  dans  un  Contrat ,  des  ter- 
mes font  fufceptibles  de  deux  fens  ,  on 
doit  les  entendre  dans  le  fens  qui  convient 
le  plus  à  la  nature  du  Contrat. 


îi4        Tr.    des    Oblig. 

Par  exemple  ,  s'il  étoit  dit  par  un  acte  9 
que  je  vous  ai  loué  pour  neuf  ans  un  cer- 
tain héritage  pour  la  lomme  de  300.  liv. 
tes  termes ,  Lafomme  de  300.  liv.  ne  s'en- 
tendent pas  d'une  fomme  de  300.  liv.  une 
fois  payée ,  mais  d'une  fomme  annuelle 
de  300.  liv.  pour  chacune  des  neuf  an- 
nées que  durera  le  bail ,  étant  de  la  natu- 
re du  Contrat  de  louage ,  que  le  prix  con- 
fifte  dans  une  ferme  annuelle. 

Il  en  feroit  autrement  s'il  étoit  évident 
que  la  fomme  de  300.  liv.  eft  la  valeur 
des  neuf  années  de  ferme  ,  puta ,  parce 
que  par  les  baux  précédents  ,  l'héritage 
n'avoit  été  affermé  que  pour  le  prix  de 
30.  ou  40.  livres  de  ferme  annuelle. 

Voici  un  autre  exemple  de  la  règle  :  par 
un  bail  à  ferme ,  il  efl  dit ,  que  je  vous  ai 
loué  un  certain  héritage  à  la  charge  de 
300.  liv.  de  ferme  aunuelle  ,  &  des  répa- 
rations ;  ces  termes  &  des  réparations  ;"  doi- 
vent s'entendre  des  locatives  ;  les  fermiers 
&:  locataires  n'étant  tenus  que  de  celles- 
là  ,  fuivant  la  nature  du  Contrat. 

Quatrième    Règle. 

94.  Ce  qui  peut  paroître  ambigu  dans 
un  Contrat ,  s'interprète ,  par  ce  qui  efl 
d'ufage  dans  le  pays  \Jemper  in  ftlpulatio- 
nibus  &  in  cœteris  contratîibus  id  fequimur 


P  A  R  T.  I.     C  H  A  P.   I.  1 1  ? 

4juod  aclum  efi ,  aut  jl  non  appanat  quod 
aclum  cfl ,  erit  confequcns  ut  id  fequamur 
quodinregionc  in  quâ  aclum  cjlfrcqucntatur9 
L.  34.  ffl  de  regulis  Juris. 

Suivant  cette  règle  ,  fi  j'ai  fait  marché 
avec  un  vigneron  à  une  «certaine  fomme 
par  an  ,  pour  cultiver  ma  vigne  ,  fans 
m'expliquer  fur  le  nombre  de  labours 
qu'il  donneroit ,  nous  fommes  cenfés  être 
convenus  qu'il  donneroit  le  nombre  de 
labours ,  qu'on  a  coutume  de  donner  dans 
le  pays. 

Cinquième    Règle. 

95.  IAifage  efl  d'une  fi  grande  autorité 
pour  l'interprétation  des  conventions  , 
qu'on  fous-entend  dans  un  Contrat  les 
claufes  qui  y  font  d'ufage  ,  quoiqu'elles 
ne  foient  pas  exprimées  ,  In  contraclibus 
tacite  veniunt  ea  quœ  funt  moris  &  corz- 
fuetudinis. 

Par  exemple  ,  dans  le  Contrat  de  loua- 
ge d'une  maifon ,  quoiqu'on  n'ait  pas  ex- 
primé que  le  loyer  feroit  payable  par 
demi-termes ,  à  la  St.  Jean  &  à  Noël ,  & 
que  le  locataire  feroit  obligé  à  faire  les 
réparations  locatives  ,  ces  claufes  y  font 
fous-entendues. 

Pareillement  dans  un  contrat  de  vente, 
quoique  la  çlaufe  que  le  vendeur  fera  te- 


ti6       Tr.  des    Oblig; 

nu  de  défendre  &de  garantir  l'acheteur  J 
des  évitions  ,  n'y  foit  pas  exprimée ,  el- 
le y  en1  fous-entendue. 

Sixième    Règle. 

96.  On  doit  interprêter  une  claufe  , 
par  les  autres  claufes  contenues  dans  l'ac- 
te ,  foit  qu'elles  précédent ,  ou  qu'elles 
fuivent. 

La  loi,  126.  ff.  de  verb.Jign.  fournit 
un  exemple  de  cette  règle.  Dans  l'efpece 
de  cette  loi ,  il  étoit  dit  dans  un  contrat 
de  vente ,  par  une  première  claufe ,  que 
l'héritage  étoit  vendu  uti  optityus  maxi- 
mus ,  c'eft-à-dire ,  franc  de  toutes  charges 
réelles  :  par  une  féconde  claufe ,  il  étoit 
dit ,  que  \t  vendeur  n'entendoit  être  ga- 
rant que  de  fes  faits  :  cette  féconde  claufe 
fert  à  l'interprétation  de  la  première,  & 
en  reftraint  la  généralité  des  termes  à  ce 
fens  ;  que  le  vendeur ,  par  cette  première 
claufe ,  n'a  entendu  promettre  &  afTurer 
autre  chofe ,  finon  qu'il  n'a  voit  impofé 
aucunes  charges  fur  cet  héritage  ,  &  qu'il 
étoit  franc  de  toutes  celles  qu'il  eut  pu 
y  impofer ,  mais  non  pas  afTurer  qu'il  fut 
franc  de  celles  qui  avoient  été  impofées 
par  fes  auteurs  dont  il  n'avoit  pas  de  c$n- 
noifiance. 


p\ 


Part.  I.    C  h  a  p.  I.        117 
Septième     Règle. 

97.  Dans  le  doute  ,  une  claufe  doit 
s'interpréter  contre  celui  qui  a  ftipulé 
quelque  chofe ,  &  à  la  décharge  de  celui 
qui  a  contracté  l'obligation. 

In  fiipulaùonlbus  cum  quxrltur  quld 
aclurn  fit  ,  vtrba  centra  Jllpulatorem  in- 
urpretandafunt,  L.  38.  §•  18.  ffi.  de  verb, 
oblig. 

Fere  fuundùm  promiffbrem  interpretamur. 
L.  99.^  d.  tit.  Le  créancier  doit  s'impu- 
ter de  ne  s'être  pas  mieux  expliqué. 

Par  exemple  ,  fi  par  un  bail  à  ferme  il 
étoit  dit  que  le  fermier  livreroit  au  bailleur 
en  certain  temps,  une  certaine  quantité  de 
bled  de  ferme  annuelle  ,  fans  qu'il  fut  dit 
où  la  tradition  de  vroit  s'en  faire ,  la  claufe 
doit  s'entendre  en  ce  fens  qu'elle  devra 
fe  faire  en  la  maiion  du  fermier ,  à  ceux 
qui  y  viendront  chercher  le  bled  de  la 
part  du  bailleur  ;  ce  fens  étant  celui  qui 
eft  le  plus  à  la  décharge  du  fermier  qui 
a  contracté  l'obligation.  Lorfque  le  bail- 
leur veut  que  le  bled  lui  foit  rendu  dans 
le  grenier,  il  doit  s'en  expliquer  parle 
bail. 

Huitième    Règle. 

98.  Quelque  généraux  que  foient  les 


n8       Tr.    des    Oblige 

termes  dans  lefquels  une  Convention  efl 
conçue  ,  elle  ne  comprend  que  les  chofes 
fur  lefquelies  il  paroît  que  les  parties  con- 
tractantes fe  font  propofé  de  contracter , 
&:  non  pas  celles  auxquelles  elles  n'ont 
pas  penlé.  Inïquum  eji perimi pacfo  ?  id  de 
quo  cogitatum  non  efl  ,  L,  y.  §.  fin,  ffl 
de  tranf. 

Suivant  cette  règle  fi  nous  avons  tran- 
figé  enfemble  fur  toutes  nos  prétentions 
refpectives ,  &  que  nous  en  ayons  com- 
pote à  une  fomme  que  vous  vous  êtes 
obligé  de  me  payer  ?  au  moyen  de  quoi 
nous  nous  fommes  tenus  quittes  de  part 
&  d'autre  de  toutes  chofes  :  cette  tran- 
fadlion  ne  préjudicie  pas  aux  droits  que 
j 'a  vois  contre  vous  ,  dont  je  n'a  vois  pas 
pu  avoir  connoiiTance  lors  de  la  tranfac- 
tion.  His  tantùm  tranfaciio  obejî  de  quibus 
aclum  probatur  :  non  porrlgitur  ad  ea  quo~ 
rum  acliones  competere  pojlcà  compertum 
cfi ,  d.  L  9.  §.  fin. 

Par  exemple  ,  fi  un  légataire  a  compo-t 
fé  avec  l'héritier  à  une  fomme  pour  fes 
droits  réiultans  du  teftament  du  défunt, 
il  ne  ïera  pas  exclus  de  la  demande  d'un 
autre  legs  à  lui  fait  par  uu  codicile  qui 
n'a  paru  que  depuis  la  tranfa&ion ,  Z.  3« 
§.  1.  L.  12.  ffl  de  trqnfacl. 


Part.  I.    C  h  a  p.  I.        ïi$^ 
Neuvième     Règle. 

99.  Lorfque  l'objet  de  la  convention  ^ 
eft  une  univerfalité  de  chofes ,  elle  com- 
prend toutes  les  chofes  particulières  qui 
composent  cette  univerfalité  ,  même  cel- 
les dont  les  parties  n'avoient  pas  de  con- 
noiflance. 

On  peut  apporter  pour  exemple  de 
cette  règle  ,  la  convention  par  laquelle  je 
compofe  avec  vous  ,  à  une  certaine  fom- 
me  ,  pour  vous  abandonner  ma  part  dans 
une  hérédité;  cette  convention  comprend 
toutes  les  chofes  qui  en  font  partie ,  foit 
qu'elles  ayent  été  ou  non  à  notre  connoif- 
fance  ,  notre  intention  ayant  été  de  trai- 
ter de  tout  ce  qui  la  compofoit  ;  c'efl 
pourquoi  il  eft  décidé  que  je  ne  puis  pas 
être  admis  à  revenir  contre  la  convenu 
tion ,  fur  le  prétexte  qu'il  s'eft  trouvé 
depuis  la  convention,  beaucoup  de  cho- 
fes dépendantes  de  la  fuccefïion ,  qui  n'é- 
toient  pas  à  ma  connoifTance.  Sub  prœ- 
textu  fpecierum  pofi  repertarum  ,  generall 
tranfaciione  finita  refcindi  prohibent  jura  9 
L.  29.  cod.  de  cran/ a  ci. 

Pourvu  néanmoins  que  ces  chofes  nç 
m'ayent  pas  été  cachées  par  mon  cohé- 
ritier ,  avec  qui  j'ai  traité  de  ma  part  en 
la  fuccefïion ,  6c  qui  avoit  ces  chofe% 


iiô  Tr.  des  Oblige 
pardevcrs  lui;  car  en  ce  cas,  c'eftun 
dol  de  fa  part  qui  donne  lieu  à  revenir 
contre  la  convention  ;  c'eft  pourquoi  il 
eft  dit  en  la  même  loi  :  error  circà  pro- 
prietatem  rei  apud  alium  EXTRA  PERSO* 
NAS  TRANSIÇENTIUM  ,  tempore  tran* 
factionis  ,  confiitutœ  ,  nilùl  potefl  nocere. 

Notre  règle  étant  fondée  fur  la  pré- 
fomption  que  les  parties  qui  traitent  d'une 
univerfalité  de  chofes ,  ont  intention  de 
traiter  de  toutes  les  chofes  qui  la  compo- 
fent  ,  foit  qu'elles  en  ayent  connoif- 
fance  ou  non  ;  elle  fouffre  exception  , 
lorfqu'il  p'aroît  au  contraire ,  que  les  par- 
ties n'ont  entendu  traiter  que  des  chofes 
contenues  fous  cette  univerfalité  ,  qui 
étoient  à  leur  connoiffance  ;  comme  lors- 
qu'elles ont  traité  relativement  à  un  in- 
ventaire ;  putà ,  fi  par  un  acle  entre  mon 
cohéritier  &  moi ,  il  eït  dit  que  je  lui  cède 
pour  une  certaine  fomme  ,  ma  part  dans 
tout  le  mobilier  de  la  fuccefîion  compris 
dans  l'inventaire  ou  fuivant  l'inventaire  ; 
il  eft  clair  en  ce  cas  que  notre  intention 
n'a  été  de  traiter  que  de  ce  qui  eft  com- 
pris dans  l'inventaire ,  &c  non  de  ce  qui 
a  été  omis  ,  &c  n'étoit  pas  encore  à  notre 
connoiffance, 


Dixième 


P  A  R  T.   I.      C  H  A  P.   I.  î  1$ 

Dix.ieme     Règle. 

ioo.  Lorfque  dans  un  contrat  on  a  ex- 
prime un  cas ,  pour  le  doute  qu'il  auroit 
pu  y  avoir ,  fi  rengagement  qui  réfulte 
du  contrat  s'étendoit  à  ce  cas  ;  on  n'eft 
pas  cenfé  par  là  avoir  voulu  reftreindre 
l'étendue  ,  que  cet  engagement  a  de  droit,' 
à  tous  ceux  qui  ne  font  pas  exprimés. 

Quœ  dubitationis  tolUndœ  caufd ,  con~ 
tracllbus  inferuntur ,  jus  commune  non  Ice» 
dunt  ,  L.  Xi.jflde  regu/is  juris  ?  L.  (£• 
Mand. 

Voyez  un  exemple  de  cette  règle  en 
la  fufdite  loi  56.  d'où  elle  eft  tirée  :  en 
voici  un  autre.  Si  par  un  contrat  de  ma- 
riage il  eft  dit  ;  Les  futurs  époux  feront 
en  communauté  de  biens  ,  dans  laquelle 
communauté  entrera  le  mobilier  des  fuc- 
cefîions  qui  leur  écheront;  cette  claufe 
n'empêche  pas  que  toutes  les  autres  cho- 
fes  qui  de  droit  commun  entrent  dans  la 
comunauté  conjugale  ,  n'y  entrent ,  n'é- 
tant ajoutée  que  pour  lever  le  doute  que 
les  parties  peu  inftruites  ont  cru  qu'il 
pourroit  y  avoir ,  û  le  mobilier  des  fuc- 
se  fiions  y  de  voit  entrer. 


Tome  /, 


f!2        Tr.    des    Oblig. 
Onzième    Règle. 

ioi.  Dans  les  contrats,  de  même  que 
dans  les  teftamens ,  une  claufe  conçue  au 
pluriel ,  fe  diftribue  fouvent  en  plufieurs 
claufe  s  fingulieres. 

Par  exemple ,  û  par  le  contrat  de  do- 
nation que  j'ai  fait  à  Pierre  &  à  Paul 
mes  domeftiques ,  d'un  certain  héritage  , 
il  eft  dit ,  à  la  charge  qu  après  leur  mort 
fans  enfans  ,  ils  le  ref  hueront  au  dona- 
teur ou  à  fa  famille  ;  cette  claufe  conçue 
au  pluriel,  fe  diftribue  en  ces  deux  claufes 
fingulieres  ,  à  la  charge  que  Pierre  après 
fa  mort  fans  enfans  ,  refituera  V héritage 
pour  la  part  qu'il  a  eu  ,  au  donateur ,  &c, 
&  pareillement ,  à  la  charge  que  Paul  après 
fa  mort  fans  enfans ,  refituera  ,  &c,  Arg. 
L.  78.  §.  7.  ff.  ad  fc.  Trebel. 

Douzième    Règle. 

102.  Ce  qui  eft  à  la.  fin  d'une  phrafe 
fe  rapporte  ordinairement  à  toute  la 
phrafe  ,  &  non  pas  feulement  à  ce  qui 
précède  immédiatement,  pourvu  néan- 
moins que  cette  fin  de  phrafe ,  con- 
vienne en  genre  &  en  nombre  à  toute  la 
phrafe. 

Par  exemple ,  fi  dans  le  contrat  de 


Part.  I.     C  h  a  p.  t.        113 

vente  d'une  métairie,  il  eu  dit  qu'elle  efl 
vendue  avec  tout  ce  qui  s'y  trouve  de 
bleds  ,  menus  grains ,  fruits  ,  &  vins  , 
qui  y  ont  été  récoltés  cette  année  ,  ces 
termes  ,  qui  y  ont  été  récoltés  cette  année  -, 
fe  rapportent  à  toute  la  phrafe ,  &  non 
pas  feulement  aux  vins  ;  &  en  confé- 
quence  les  bleds  vieux  ne  font  pas  moins 
exceptés  de  la  vente  que  les  vins  vieuXé 
Il  en  feroit  autrement  s'il  étoitdit,  &  le 
vin  qui  y  a  été  recueilli  cette  année  ;  ces 
termes  ,  qui  y  a  été  recueilli  cette  année  , 
qui  font  au  fmgulier ,  ne  fe  rapportent 
qu'au  vin ,  &  non  pas  au  refle  de  la  phrafe, 
n'étant  pas  concordans  en  nombre.  V,  in 
Pand.  Jujlin.  tit.  de  leg.  n,   189.  &  190, 

Article    VIII. 

Du  ferment  que  les  parties  contractantes 
ajoutent  quelquefois  à  leurs  conventions. 

103.  Les  Parties  contra  clames  em- 
ployent  quelquefois  le  ferment  pour  afïii- 
rer  davantage  l'accomplifTement  futur  des 
engagemens  qu'elles  contractent. 

Le  ferment  dont  il  efl  ici  queflion  efl: 
un  a£te  religieux  par  lequel  une  perfonne 
déclare  qu'elle  fe  foumet  à  la  vengeance 
de  Dieu ,  ou  qu'elle  renonce  à  fa  mifé- 
ricorde ,  fi  elle  n'accomplit  pas  ce  qu'elle 

F  ij 


124        Tr.   des    Obltg." 

a  promis  ;  c'eft  ce  qui  réiulte  de  ces  for* 
mules  j  ainfi  Dieu  me  foit  en  garde  ou  en 
aide  :  je  veux  que  Dieu  me  punijje  Ji  jz 
manque  a  ma  parole 9  &c. 

104.  Les  prétentions  des  gens  d'Eglife 
avoient  autrefois  rendu  bien  commun 
l'ufage  du  ferment  dans  tous  les  contrats  ; 
ils  prétendoient  que  la  connoiflance  de 
toutes  les  contestations  fur  l'exécution 
des  contrats  qui  étoient  confirmés  par 
ferment  appartenoit  au  juge  d'Eglife  ;  par* 
ce  que  le  ferment  étant  un  acle  de  reli- 
gion ,  oc  le  refus  d'exécuter  une  obliga- 
tion confirmée  par  ferment ,  étant  un  vio- 
lement  de  la  religion  du  ferment ,  la  re« 
Ik'.ion  paroiffoit  intéreffée  dans  les  con- 
têftations  fur  l'exécution  de  ces  engage- 
mens ,  ce  qui  devoit  les  rendre  de  la 
compétence  du  juge  d'Eglife. 

C'eft  pourquoi  les  Notaires  qui  étoient 
gens  d'Eglife ,  ne  manquoient  pas  d'infé- 
rer dans  les  contrats  qu'ils  paffoient,  que 
les  parties  avoient  fait  ferment  de  ne  con- 
trevenir à  aucune  claufe  du  contrat  & 
de  les  exécuter  fidèlement ,  afin  d'affii- 
rer  aux  Jnçes  d'Eglife  la  connoiflance  de 
l'exécution  du  contrat  :  ce  ftyle  fe  voit 
encore  dans  plufeurs  anciens  a£tes. 

Il  y  a  très-long-temps  que  les  gens  d'Egli- 
fe ont  été  forcés  d'abandonner  ces  préten- 
4Jgns  auxquelles  l'ignorance  avoitdonnq 


Part.  I.  Chap.  I.  ny 
lieu  ;  Se  l'ufage  des  fermens  a  ceffé  clans 
les  contrats  dos  particuliers  ;  néanmoins 
comme  il  arrive  encore  quelquefois  que 
des  personnes  empîoyent  le  ferment  pour 
afîiirer  l'accompliftement  futur  de  leurs 
promettes  ;  il  ne  fera  pas  hors  de  propos 
d'examiner  fommairement  quel  peut  être 
l'effet  de  ce  ferment. 

105.  Ce  ferment  n'a  que  peu  ou  point 
d'effet  dans  le  for  extérieur;  car  ,  ou  l'o- 
bligation eft.  valable  par  elle-même  dans 
le  for  extérieur  ,ou  elle  ne  l'eftpas  ;  lorf- 
qu'elle  eft  valable  par  elle-même  ,  le  fer- 
ment ëft  ftiperftu  ;  puifque  fans  qu'il  inter- 
vienne ,  le  créancier  envers  qui  elle  a  été 
contractée ,  a  action  contre  fon  débiteur 
pour  en  exiger  l'accompliffement  ;  le  fer- 
ment n'ajoute  rien  à  cette  action,  &  ne 
donne  pas  plus  de  droit  au  créancier , 
qu'il  en  auroit  eu  ,  s'il  n'eût  pas  été  inter- 
pofé. 

Lorfque  l'obligation  par  elle-même 
n'eft  pas  valable  dans  le  for  extérieur ,  6c 
eft  de  celles  pour  lefquelles  la  Loi  civile 
a  jugé  à  propos  de  dénier  Faction ,  le  fer- 
ment eft  pareillement  de  nul  effet  dans  le 
for  extérieur  ;  caria  loi  civile  n'en  dénie 
pas  moins  l'action  au  créancier. 

Par  exemple,  un  cabaretier  ne  laifTe 
pas  d'être  non-recevable  à  demander  en 
juftice  à  des  domiciliés  le  payement  des 

F  iij 


n6  Tr.  des  Oblig. 
dépenfes  faites  en  fon  cabaret;  un  joueur 
ne  laiffe  pas  d'être  non-recevable  à  de- 
mander le  payement  d'une  dette,  du  jeu  ; 
quoique  dans  Fun  &  dans  l'autre  cas  le 
débiteur  fe  foit  obligé  par  ferment  de 
payer.  La  raifon  eu  que  le  ferment  étant 
un  acceffoire  de  l'engagement  y  la  loi  qui 
réputé  nul  l'engagement ,  doit  par  une 
conféquence  néceffaire  réputer  nul  le  fer- 
ment ,  fuivant  cette  règle  de  droit  :  quum 
principalis  caufa  non  confijlit  ;  ne  ea  quident 
quœ  fequuntur  locum  habent  y  L.  129.  §.  1. 
g.dtRIJ. 

Ajoutez  qu'il  ne  doit  pas  dépendre  des 
particuliers  en  interpofant  le  ferment ,  de 
rendre  valables  des  engagemens  ,  que  la 
loi  civile  a  jugé  à  propos  de  réprouver f 
&:  d'éluder  par  ce  moyen  la  loi. 

106.  Suivant  les  loix  Romaines ,  le  fer- 
ment que  Tune  des  parties  fait  d'entrete- 
nir la  convention ,  n'a  à  la  vérité  aucun 
effet \  lorfqu'elle  efl  nulle,  par  rapporta 
ce  qui  en  efl  l'objet ,  qui  eft  en  foi  quel- 
que chofe  d'illicite ,  L.  7.  §.  /  G.ff.  depaci. 
ou  par  rapport  à  la  violence  qu'on  y  a 
employé ,  auth.  Sacramenta  ?  cod.  jî  adv. 
vend.  Mais  lorfqu'elle  n'efl:  attaquable  que 
pour  caufe  de  minorité  de  l'une  des  par- 
ties contractantes,  le  ferment  que  le  mi- 
neur ,  qui  a  exécuté  la  convention ,  fait  de 
pe  pas  fe  pourvoir  contre ,  a  l'effet  de  l'y 


P  A  R  T.   I.      CHAP.    I.  1 1? 

rendre  non-recevable.  C'eft  ce  que  décide 
Alexandre  Sévère,  dans  Pefpece  de  la 
vente  d'un  héritage  faite  par  un  mineur, 
qui  s'étoit  engagé  envers  l'acheteur,  de  ne 
pas  revenir  contre  :  me  perfidiœ ,  lui  ré- 
pond l'Empereur,  neeperjurii  mcauthorem 
tibi  futuriim  fperarc  debuifli  ,  L.  i.  cod.  Ji 
adv.  vend. 

Automne  ,  fur  cette  loi  nous  apprend  , 
que  cette  décifion  n'eft  pas  fuivie  dans 
notre  pratique  Françoife  ;  la  raifon  eft 
qu'autrement  les  loix  qui  fubviennent  aux 
mineurs, feroient  toujours  éludées  ,  étant 
facile  à  ceux  qui  contractent  avec  eux  de 
leur  faire  interpofer  ce  ferment.  La  coutu- 
me de  Bretagne,  art.  471.  décide  for- 
mellement que  les  contrats  des  mineurs 
ne  font  pas  valables  par  leur  ferment. 

C'eft  principalement  dans  le  for  de  la 
confeience  ,  que  le  ferment  par  lequel 
quelqu'un  s'eft  engagé  à  l'accompliffe- 
ment  de  ce  qu'il  a  promis ,  peut  avoir 
quelque  effet.  Il  a  cet  effet  de  rendre 
plus  étroite  l'obligation ,  &  de  rendre 
plus  coupable  celui  qui  y  conrevient  ;  car 
celui  qui  s'étant  engagé  par  ferment  man- 
que volontairement  à  fon  engagement , 
ajoute  à  l'infidélité  qui  réfulte  de  toute 
contravention  volontaire  à  un  engage- 
ment ,  le  crime  de  parjure. 

1 07.  Le  ferment  a  cet  effet ,  lorfque 

F  iv 


»i$      Tït.    dés    Oblig; 

l'engagement  eu  en  foi  valable ,  au  moïrlj 
dans  le  for  de  la  confcience  ;  mais  fi  l'en- 
gagement étoit  nul  ,  même  dans  le  for 
«de  la  confcience  ,  le  ferment  qu'on  auroit 
fait  de  l'accomplir  fera-t-il  nul.  ?  C'ell:  ce 
que  nous  allons  examiner  en  parcourant 
les  difFérens  vices  qui  peuvent  rendre 
nuls  les  engagemens. 

Lorfque  l'engagement  eu  nul  par  rap- 
port à  ce  qui  en  fait  l'objet  ;  putà  ;  lorf- 
que quelqu'un  s'eft  obligé  a  donner  une 
chofe  qui  eft  hors  du  commerce  ;  ou  lorf- 
qu'il  s'eft  obligé  à  faire  quelque  chofe  qui 
cfl  impoffible  ;  il  eu  évident  que  le  fer- 
înent  qu'on  a  fait  de  l'accomplir  ,  ne  peut 
pas  être  obligatoire ,  ni  avoir  aucun  effet. 

Tous  conviennent  aufîi  que  le  ferment 
d'accomplir  un  engagement  illicite  ,  n'eft 
pas  obligatoire,  qu'on  pèche  en  faifant 
ce  ferment ,  &  qu'on  pécheroit  double- 
ment en  l'accompliffant  :  en  ce  cas  fce- 
lus  ejl  fi  de  s. 

Cette  décifion  a  lieu ,  non-feulement 
lorfque  la  chofe  eu  illicite  par  le  Droit 
naturel  ;  mais  même  lorfqu'elle  eu  illicite 
par  le  Droit  civil  ;  car  nous  fommes  obli- 
gés en  confcience  d'obéir  à  la  loi  civile , 
&  le  ferment  ne  peut  nous  difpenfer  de 
cette  obligation. 

Lorfque  le  vice  d'erreur  dont  nous 
avons  traité  fu'pxà  ,  art.  3.  §.  j^t  rend  la 


Part  T.    C  h  xp.  I.         129 

convention  nulle  ,  elle  rend  pareillement 
nul  le  ferment  dont  elle  feroit  accompa- 
gnée :  car  la  convention  étant  abfolument 
nulle  ,  il  i-Cen  peut  naître  aucun  engage- 
ment que  le  ferment  puiffe  confirmer. 

108.  Il  y  a  plus  de  difficulté  à  l'égard 
d'un  vice  de  violence.  Grotius  convient 
qu'une  promerle  qui  a  été  extorquée  par 
une  violence  injurie,  n'oblige  point  celui 
.qui  l'a  faite  ,  à  l'accomplir  ;  parce  que  , 
quand  il  feroit  vrai  qu'il  naîtroit  de  cette 
promeiTe  une  obligation  qui  donneroit 
un  droit  contre  moi  à  celui  à  qui  je  l'ai 
faite  -,  il  feroit  de  fon  côté ,  pour  répara- 
tion de  la  violence  injuile  qu'il  a  exercée 
contre  moi ,  tenu  de  m'acquitter.  Mais 
îorfque  cette  promefTe  extorquée  par 
une  violence  injurte  ,  a  été  confirmée  par 
ferment  9  quoique  pareillement  extorqué  , 
Grotius  prétend  que  je  fuis  en  confcien- 
ce  obligé  de  la  tenir;  £>arce  que  fi  je  ne 
fuis  pas  obligé  de  la  tenir  vis-à-vis  de 
celui  à  qui  je  l'ai  faite  ,  par  les  raifons  ci- 
deflus  rapportées,  je  m'y  trouve  obligé  en- 
vers Dieu ,  à  qui  je  fuis  cenfé  l'avoir  pro- 
mis par  le  ferment  que  j'ai  fait  ;  c'eft  pour- 
quoi fi  je  n'accomplis  pas  cette  promerTe, 
lorfqu'il  efl  en  mon  pouvoir  de  le  (aire  , 
je  me  rends  coupable  de  parjure.  G  rot, 
Lib.  z.  ckap.  13.  n.  14. 

Le  même  Auteur  obferve  que  l'héritier 

Fv 


130  Tr.  des  Oblig. 
de  celui  qui  a  fait  ce  ferment  n'eft  pas  te- 
nu de  l'obligation  qui  en  réfulte  ;  parce 
que  mon  héritier  qui  fuccede  à  ma  per- 
fonne  civile ,  &  qui  me  repréfente  entant 
que  membre  de  lafociété  civile  ,  fuccede 
bien  à  mes  obligations  contractées  envers 
les  hommes  dans  le  commerce  de  la  fo- 
ciété  civile  ;  mais  il  ne  fuccede  pas  à  mes 
obligations  envers  Dieu.  lbid.  n.  17. 

109.  St.  Thomas ,  1 1 .  2.  Q.  89.  art.  7. 
a  aum*  penfé  qu'une  promette ,  quoiqu'ac- 
compagnée  de  ferment,  n'étoit  pas  à  la 
vérité  obligatoire  vis-à-vis  de  celui  qui 
l'a  voit  extorquée  par  une  violence  in- 
jufte ,  mais  qu'elle  l'étoit  devant  Dieu  Se 
dans  le  for  de  la  confcience  ;  que  cette 
obligation  n'étoit  pas  à  la  vérité  fondée 
fur  aucun  vœu  ou  fur  aucune  promeffe , 
mais  qu'elle  étoit  fondée  fur  le  refpeéï 
dû  au  faint  nom  de  Dieu  qui  étoit  violé  , 
lorfque  nous  n'accomplifîions  pas  ce 
que  nous  avions  promis  par  ce  faint 
nom. 

Il  apporte  néanmoins  ce  tempérament , 
qu'après  que  j'ai  fatisfait  à  mon  ferment 
«n  payant  la  chofe  que  l'on  m'a  forcç 
de  promettre  par  ferment,  je  peux  en 
pourfuivre  en  juftice  la  répétition  ,  fi 
je  peux  prouver  la  violence  qu'on  m'a 
faite. 

Ce  tempérament  fouffre  difficulté  ;  car 


Part.  I.  Chap,  ï.  131 
eft-ce  véritablement  payer  une  chofe  Ô£ 
Satisfaire  à  fbn  ferment,  que  de  la  payer  dU 
cis  causa,  &  dans  l'intention  de  répéter 
ce  qu'on  a  payé  ?  C'eft  pourquoi  Grotius 
réfute  ce  fentiment.  Probare  non  pojjum  , 
dit-il ,  quod  à  quibufdam  traditum  ejl ,  eum 
qui  prœdoni  quicquam  promiferit ,  momen- 
tanée Jolutione  pojje  defungi  ;  ità  ut  liceat 
quod  folvit  recuperare  ;  verba  enim  jura- 
menti  quoad  Deum  Jîmplicijjîmï  ,  &  cum 
ejfeclufunt  accipienda.  d.  cap.  13.  n,  15. 

1 1  o.  Les  Papes  ont  auïîi  décidé  qu'une 
promette  accompagnée  de  ferment ,  quoi- 
qu'extorquée  par  une  violence  injurie  , 
obligeoit  devant  Dieu  ;  c'eïr.  la  décifion 
d'Alexandre  III.  au  ch.  8.  extra  de  jurejur. 
Céleftin  III.  ch.  15.  d.  t.  dit  que  les  Papes 
lorfqu'ils  abfolvent  du  viole  ment  de  ce 
ferment ,  n'entendent  pas  porter  ceux  qui 
ont  fait  de  pareils  fermens  à  les  violer  , 
mais  feulement  ufer  d'indulgence  pour  ce 
violement ,  qui  doit  être  traité  avec  l'in- 
dulgence que  méritent  les  fautes  véniel- 
les ,  &  non  pas  puni  avec  la  rigueur  que 
méritent  les  fautes  mortelles.  Non  eis  di- 
caïur  ut  juramenta  non  fervent  ^fidji  non  ea 
atunderint ,  non  ob  hoc  tanquam  pro  mor~ 
tali  crimine  puniendi. 

ni.  Pufendorf  IV.  2.  8.  penfe  au 
contraire  qu'une  promefle  extorquée  par 
violence,  quoique  confirmée  par  ferment, 

F  vj 


132       T  r;    des    Oblige 

n'eft  pas  plus  obligatoire  devant  Dietï 
que  devant  les  hommes.  Ses  raifons  font ,' 
1  °.  qu'un  tel  ferment ,  lorfqu'il  eu  adreffé 
à  la  perfonne  à  qui  je  promets  une  chofe, 
n'eft  qu'une  attefïation  folemnelle  &c  re- 
ligieufe  de  ta  promefie  que  je  fais  à  cette 
perfonne  ;  mais  ce  n'efl  pas  un  vœu  j  il 
ne  contient  pas  une  promefTe  particulière 
que  je  faffe  à  Dieu  d'accomplir  la  promef- 
fe que  j'ai  faite  à  cette  perfonne  ,  ni  par 
conféquent  aucune  obligation  envers 
Dieu.  2a.  Quand  même  on  concevroit 
dans  ce  ferment  ?  une  efpece  de  vœu  que 
je  ferois  à  Dieu  d'accomplir  la  prtfmefTe 
que  j'ai  faite  ;  ce  vœu  ne  feroit.pas  obli- 
gatoire envers  Dieu  ;  car  de  même  que 
les  promeifes  qu'on  fait  aux  hommes ,  ne 
font  obligatoires  qu'autant} qu'elles  font 
acceptées  par  ceux  à  qui  on  les  fait  ;  de 
même  les  vœux  que  l'on  fait  à  Dieu  y 
n'obligent  point  envers  Dieu  ,  qu'autant 
qu'on  peut  croire  que  Dieu  les  agrée  & 
les  accepte:  or  peut -on  croire  que  ce 
foit  une  chofe  agréable  à  Dieu,  &  que 
Dieu  agrée ,  qu'un  innocent  fe  dépouille 
de  fes  biens  au  profit  d'un  fcélérat ,  qui 
a  extorqué  fa  promeffe ,  par  une  violence 
injufte  qu'il  lui  a  faite. 

A  l'égard  du  refpeft  dû  au  faint  Nom 
de  Dieu ,  fur  lequel  faint  Thomas  fonde 
l'obligation  de  tenir  ce  qui  a  été  promis 


Part.  T.    CffAi».  T.         il* 

**  If/ 

par  ferment;  on  ne  peut  pas  à  la  vérité 
diiconvenir  que  c'eït  manquer  au  reipecl 
du  au  faint  Nom  de  Dieu ,  &c  pécher  griè- 
vement, que  de  promettre  avec  ferment, 
quoique  par  violence  ,  ce  qu'on  n'a  pas 
intention  de  tenir;  puifque  c'eft  faire  fer- 
vir  le  faint  nom  de  Dieu  à  un  menfonge  * 
&  Pufendorf  n'en  fçauroit  difconvenir. 
Mais  après  que  ce  ferment  a  été  fait , 
foit  que  la  perfonne  eût  véritablement 
alors  l'intention  d'accomplir  fa  promette  , 
auquel  cas  il  n'y  a  pas  eu  de  péché*,  foit 
que  dès  ce  terrtps  ,  elle  n'eût  pas  cette  in- 
tention ,  auquel  cas  elle  a  péché  en  faifant 
ce  ferment  ;  le  violement  de  ce  ferment 
ne  paroît  pas  à  Pufendorf  être  de  même 
un  péché ,  &  une  chofe  contraire  au  cul- 
te de  Dieu.  Le  repentir  que  doit  avoir 
la  perfonne  d'avoir  fait  le  ferment ,  avec 
intention  de  ne  pas  tenir  fa  promette  , 
peut  paraître  exiger  qu'elle  donne  ce 
qu'elle  a  promis  ;  6c  dans  le  cas  auquel 
elle  avoit  alors  l'intention  de  le  donner,, 
la  crainte  qu'elle  peut  avoir  de  fcandalifer 
les  foibles  ,  peut  aufli  la  porter  à  donner 
ce  qu'elle  a  promis  de  donner  ;  mais  dans 
ces  cas  ,  Pufendorf  penfe  qu'elle  fera 
mieux  de  l'appliquer  à  des  œuvres  pies  , 
que  de  le  donner  à  celui  qui  a  extorqué 
dVJe^la  promette  qu'elle  lui  a  faite  ;  à 
qui  cela  n'ett  pas  dû ,  &c  qui  s'en  fer vir oit 
pour  continuer  fes  crimes, 


134       Tr.   des  Oblig, 

i  1 2.  Il  nous  refte  à  dire  un  mot  du 
dol.  Il  n'eft  pas  douteux  qu'une  promette, 
quoiqu'atteftée  par  ferment ,  qui  m'a  été 
furprife  par  le  dol  de  celui  à  qui  je  l'ai 
faîte ,  n'eft  pas  plus  obligatoire  vis-à-vis 
de  lui ,  que  le  feroit  une  promette  extor- 
quée par  violence  ;  car  fon  dol  ne  l'oblige 
pas  moins  envers  moi  à  m'en  acquitter, 
que  l'y  obligeroit  la  violence.  Mais  ce 
ferment  oblige-t-il  devant  Dieu  à  tenir  fa 
promette  ?  Dans  le  fyftême  de  Pufendorf 
qui  penfe  que  celui  extorqué  par  vio- 
lence ,  n'oblige  pas  ;  celui-ci  ne  doit  pas 
obliger  non  plus.  En  adoptant  le  fenti- 
ment  de  Grotius ,  &  des  autres  qui  pen- 
fent  que  le  ferment  extorqué  par  vio* 
lence  oblige ,  il  n'en  faut  pas  toujours 
conclure  que  celui  qui  a  été  furpris  par 
le  dol  de  celui  à  qui  la  promette  a  été 
faite ,  oblige  pareillement  ;  car  lorfqu'il 
eft  confiant  que  ce  ferment  a  pour  fonde- 
ment la  fairtTe  fuppofition  de  quelque 
fait ,  fans  quoi  la  promette  n'auroit  pas 
été  faite;  Grotius  ibid.  n,  4.  convient  que 
le  ferment  n'a  aucun  effet  même  devant 
Dieu.  La  raifon  de  cette  différence  eft 
que  celui  qui  promet  ?  quoique  contraint, 
promet  abfolument  y  &  fans  faire  dépen- 
dre fa  promette  d'aucune  condition;  au 
lieu  que  celui-ci  a  intention  de  faire  dé- 
pendre fa  promette  en  quelque  façon  de 


Part.  I.     Chap.  I.       rj? 

la  vérité  du  fait  qu'il  fuppofe ,  &  qui  y 
iert  de  fondement. 

Section     II. 

Des  autres  caufes  des  Obligations. 

§.  i. 

Des  quafi- Contrats, 

.  1 1 3»  On  appelle  quafi-Contrat ,  le  fait 
d'une  perfonne  permis  par  la  loi ,  qui 
l'oblige  envers  un  autre  ,  ou  oblige  une 
autre  perfonne  envers  elle  ,  fans  qu'il  in- 
tervienne aucune  convention  entr'elles. 

Par  exemple  ,  l'acceptation  qu'un  héri* 
lier  fait  d'une  fucceffion  efl:  un  quafi-Con- 
trat vis-à-vis  des  légataires  ;  car  c'eft  un 
fait  permis  par  les  Ioix  ,  qui  oblige  cet 
héritier  envers  les  légataires,  à  leur  payer 
les  legs  portés  par  le  teftament  du  dé- 
funt, fans  qu'il  foit  intervenu  aucune  con- 
vention entre  cet  héritier ,  &  les  léga- 
taires. 

Un  autre  exemple  de  quafi-Contrat, 
c'eft  lorfque  quelqu'un  paye  par  erreur 
de  fait,  une  chofe  qu'il  ne  doit  pas.  Le 
paiement  de  cette  chofe  eft  un  fait  qui 
oblige  celui  qui  l'a  reçue  ,  à  la  rendre  à 
celui  qui  l'a  payée  ;  quoiqu'on  ne  puiffe 
pas  dire  qu'il  foit  intervenu  en  ce  cas  en- 
tr'eux  aucune  convention  pour  la  restitu- 
tion de  cette  chofe, 


£?£       Tr,    0és    Oblig; 

La  geflion  que  quelqu'un  fait  des. affai- 
res d'un  abfent  qui  ne  l'en  a  point  char- 
gé ,  eu  aufïl  un  quafi- Contrat  qui  l'oblige 
à  en  rendre  compte ,  fk  oblige  l'abfent 
envers  lui  à  l'indemnifer  de  K>ut  ce  qu'il 
a  débourfé. 

Il  y  a  quantité  d'autres  exemples  de 
quafi-Contrats  que  nous  pailbns  fous  fi- 
lence. 

114.  Dans  les  contrats,  c'efl  le  con- 
fentement  des  parties  contractantes  qui 
produit  l'obligation  ;  dans  les  quafi-Con- 
trats ,  il  n'intervient  aucun  confentement, 
&  c'eil  la  loi  feule  ou  l'équité  naturelle 
qui  produit  l'obligation  ,  en  rendant  obli- 
gatoire le  fait  d'où  elle  réfuîte.  C'efl  pour 
cela  que  ces  faits  font  appelles  quafi-Con* 
trats  ;  parce  que  fans  être  des  contrats  , 
ni  encore  moins  des  délits ,  ils  produifent 
des  obligations  comme  en  produifent  les 
contrats. 

115.  Toutes  perfonnes  ,  même  les  en- 
fans  6c  les  infenfés  qui  ne  font  pas.  capa7 
blés  de  confentement,  peuvent,  par  le 
quaïi-contrat  qui  réfulte  du  fait  d'un  au- 
tre ,  être  oî^ligées  envers  lui ,  &  l'obliger 
envers  elles  ;  car  ce  n'eil  pas  le  confen- 
tement  qui  forme  ces  obligations  ?  &  el- 
les fe  contractent  par  le  fait  d'un  autre  , 
fans  aucun  fait  de  notre  part.  L'ufage  de 
ïa  raifon  eft  à  la  vérité  requis  dans  la  per? 


l'Aftt.  I.    C  tf  A  P.  f.  r^'7 

nne  dont  le  fait  forme  un  quafi-contrat , 
nais  il  n'eft  pas  requis  dans  les  perfon- 
ries  par  qui ,  ou  envers  qui ,  les  obliga- 
tions qui  reluirent  de  ce  fait ,  font  con- 
tractées. 

Par  exemple ,  fi  quelqu'un  a  géré  les 
affaires  d'un  enfant ,  ou  d'un  infenfé ,  cet- 
te geftion  qui  eft  un  quafi-contrat  oblige 
cet  enfant  ou  cet  infenfé  ,  à  tenir  compte 
à  celui  qui  a  géré  fes  affaires  ,  de  ce  qu'il 
a  utilement  dépenfé ,  &  oblige  récipro- 
quement envers  lui  celui  qui  a  géré  (es 
affaires ,  à  rendre  compte  de  fa  geftion. 

Il  en  eft  de  même  des  femmes  qui  font 
fous  puiiTance  de  mari  ;  elle  peuvent  de 
cette  manière  être  obligées  envers  les  au- 
tres ,  &  obliger  les  autres  envers  elles,fans 
être  autorifées  de  leurs  maris  ;  car  la  loi 
qui  leur  défend  de  s'obliger  ni  de  rien  faire 
que  dépendamment  de  leurs  maris,  &l  avec 
leur  autorité ,  n'annulle  que  ce  qu'elles 
feroient  fans  fon  autorité ,  6c  non  pas  les 
obligations  qui  font  formées  fans  aucua 
iait  de  leur  pan. 

§.   IL 

Des  Délits  &  quafï-Dilits. 

1 16.  Les  Délits  font  la  troisième  caufe 
fepii  produit  les  obligations  ?  ck  les  quafi- 
JPclits  la  quatrième. 


138       Tr.    des    Oblig; 

On  appelle  Délit  le  fait  par  lequel  une 
perfonne  par  dol  ou  malignité ,  caufe  du 
dommage  ou  quelque  tort  à  un  autre. 

Le  quaJî-Délit  eil  le  fait  par  lequel  une 
perfonne  fans  malignité  ?  mais  par  une 
imprudence  qui  n'eft  pas  excufabîe ,  caufe 
quelque  tort  à  un  autre. 

1 17.  Les  Délits  ou  quafi-Déîits  diffé- 
rent des  quafi-contrats  3  en  ce  que  le  fait 
d'où  réfulte  le  quaii-contrat  eu  un  fait 
permis  par  les  loix,  au  lieu  que  le  fait  qui 
forme  le  Délit  ou  quafi-Délit ,  eft  un  fait 
condamnable. 

1 1 8.  Il  réfulte  de  la  définition  que  nous 
avons  donnée  des  Délits  &C  quafi-Délits, 
qu'il  n'y  a  que  les  perfonnes  qui  ont  l'u- 
fage  de  la  raifon  ,  qui  en  foient  capables  ; 
car  celles  qui  ne  le  font  pas  ,  tels  que  font 
les  enfans  ék:  les  infenfés ,  ne  font  capa* 
blés  ni  de  malignité  ,  ni  d'imprudence. 

C'eft  pourquoi  fi  un  enfant  ou  un  fou 
fait  quelque  chofe  qui  caufe  quelque  tort 
à  quelqu'un ,  il  n'en  réfulte  aucune  obli- 
gation en  la  perfonne  de  cet  enfant  ou 
de  ce  fou  ;  car  ce  fait  n'eft  ni  un  Délit , 
ni  un  quafi-Délit ,  puifqu'il  ne  renferme 
ni  imprudence,  ni  malignité  ,  dont  ces 
fortes  de  perfonnes  ne  font  pas  fufeep- 
tibles. 

On  ne  peut  pas  précifément  définir 
l'âge  auquel  les  hommes  ont  l'ufage  de 


Part.  I.  Chap.  L  139 
la  raifon ,  &  font  par  conféquent  capa- 
bles de  malignité  ,  les  uns  l'ayant  plutôt 
que  les  autres  ;  cela  doit  s'eflimer  par  les 
circonftances  :  mais  dès  qu'une  perfonne 
a  l'ufage  de  la  raifon ,  &  qu'on  apperçoit 
dans  le  fait  par  lequel  elle  a  caufé  quel- 
que tort  à  un  autre  ,  de  la  réflexion  &  de 
la  malignité  ,  le  fait  eft  un  Délit ,  &  la 
perfonne  qui  l'a  commis ,  quoiqu'elle  n'ait 
pas  encore  atteint  l'âge  de  puberté  ,  con- 
tracte l'obligation  de  réparer  le  tort  qu'elle 
a  caufé  ;  de  là  naît  cette  maxime.  Nemi- 
mm  in  ddiclis  mas  txcufat  ;  l'imprudence 
s'excufe  bien  plus  facilement  dans  les  jeu- 
nes gens. 

1 1 9.  Quoique  l'yvrefTe  faife  perdre  l'u- 
fage de  la  raifon,  une  perfoni  e  ne  laifTe 
pas  d'être  obligée  à  la  réparation  du  tort 
qu'elle  fait  à  quelqu'un  dans  l'état  d'y- 
vreffe  ;  car  c'eft  fa  faute  de  s'être  mife 
volontairement  dans  cet  état,  &c  en  cela 
un  homme  yvre  diffère  des  enfans  Se  des 
infenfés  ,  auxquels  on  ne  peut  imputer 
aucune  faute. 

1 20.  Il  n'efl  pas  douteux  qu'un  inter- 
dit pour  caufe  de  prodigalité  ,  s'oblige  à 
la  réparation  du  tort  qu'il  caufe  par  les 
délits  ou  quafi-délits  qu'il  commet ,  quoi- 
qu'il ne  puiffe  contracter  aucune  obliga- 
tion en  contractant.  La  raifon  de  cette  dif- 
férence eft  évidente  :  ceux  avec  qui  il  a 


T  R.     DÈS     ÔBLÎG. 
contracté  doivent  s'imputer  d'avoir  cori^ 
tracté  avec  lui ,  une  interdiction  étant  pu- 
blique tk  devant   par  conféquent  leur 
être  connue  ;  mais  on  ne  peut  rien  impu- 
ter à  ceux  à  qui  il  a  caule  quelque  tort 
par  {es  délits  ou  quafi-délits  ,  ils  ne  doi- 
vent pas  îbuffrir  de  fon  interdiction  ,  elle 
ne    doit  pas  procurer  l'impunité  de  fes 
délits.  Cette  raifqn  fert  aufîi  à  décider 
qu'un  interdit  peut  être  condamné  à  des 
am  p. des  pécuniaires  pour  {es  délits  ou 
quàfi~ délits  ;  contre  l'avis  de  la  Gloffe  ad 
L.  fi  q7vs  7.  cod.  unÛ  vi  ;   de  Bartoîe  ai 
L.  1    qui  bonis ,  6.  ff.  de  verb.  obL   &l   de. 
quelques  autres  Docteurs  ,    qui    difent 
que  poteji  quidem  fe   ob/igare  ad  pxnam 
corpr  ralem^fed  non  ad pœnam puuniariam  % 
quia  resfuas  alienare  non  poteji  ;  car  l'in- 
terdiction neft  établie  que  pour  l'empê- 
cher de  contracter  témérairement ,  &  non 
pour  lui  procurer  l'impunité  de  fes  délits. 
Tout  ce  que  nous  venons  de  dire  des 
interdits  reçoit  application  à  l'égard  des 
mineurs  pubères ,  ou  voifins  de  la  puber- 
té ,    qui   font  encore  fous  puiffance  de 
tuteur,  fauf  que  les  fautes  dimpruden- 
ce  ,  que  nous  appelions  quafi-dèlits ,  s'ex- 
Cufent  plus  facilement  dans  ces  perfonnes, 
que  dans  les  majeurs  interdits  pour  pro- 
digalité. 

m.  Non-feulement  la  perfonne  qui  a 


P  ART.  ï.       C  H  A  P,   I.  141 

commis  le  délit  ou  le  quafi-délit ,  eft  obli- 
gée à  la  réparation  du  tort  qu'elle  a  cau- 
ic  ;  celles  qui  ont  fous  leur  puiflance  cette 
peribnne  ,  tels  que  font  les  pères  ,  mères, 
tuteurs,  précepteurs  font  tenus  de  cette 
obligation  ,  lorique  le  délit  ou  quafi-dé- 
lit  a  été  commis  en  leur  préfence  ,  &C  gé- 
néralement lorique  pouvant  l'empêcher 
elles  ne  l'ont  pas  fait;  mais  fi  elles  n'ont  pu 
l'empêcher ,  elles  n'en  font  point  tenues, 
Nullum  crimèn  patitur  ïs  qui  non  prohiba  , 
quum  prokiberc  non  pouji ,  L.    109.  ff.  de 
TtguL  Jur.  quand  même  le  délit  auroit  été 
commis  à  leur  vu  6c  fçu  ;  culpd  caret  qui 
feit ,  fed prohibere  non potejl  ?  L.  ^o.ff.  d.t. 
On  rend  aufli  les  maîtres  refponfables 
du  tort  caufé  par  les  délits  &  quafi-délits 
de  leurs  ferviteurs  ou  ouvriers  qu'ils  em- 
ployent  à  quelque  fervice  :  ils  le  font  me* 
me  dans  le  cas  auquel  il  n'auroit  pas  été 
en  leur  pouvoir  d'empêcher  le  délit  ou 
quafi-délit  ,  lorfque  les  délits  ou  quafi- 
délits  font  commis  par  lefdits  ferviteurs 
ou  ouvriers  dans  l'exercice  des  fonctions 
auxquelles  ils  font  employés  par  leurs 
maîtres  ,    quoiqu'en  l'abfence   de  leurs 
maîtres  ;  ce  qui  a  été  établi  pour  rendre 
les  maîtres  attentifs  à  ne  fe  fervir   que 
de  bons  domefHques. 

A  l'égard  des  délits  ou  quaf  -délits^ 
commettent  hors  de  leurs  fonction! 
maîtres  ïïqïi  font  point  refponfabh 


142       Tr.    des    Oblig. 

i  22.  Obfervez  que  ceux  qui  font  tenus 
de  l'obligation  d'un  délit  commis  par  une 
autre  perfonne,  auquel  ils  n'ont  point 
concouru,  en  font  tenus  différemment  de 
l'auteur  du  délit  ;  quoique  celui-ci  foit 
contraignable  par  corps  au  paiement  de 
la  fomme  à  laquelle  il  aura  été  condamné 
pour  la  réparation  du  tort  qu'il  a  caufé , 
lorfque  le  délit  efl  de  nature  à  donner  lieu 
à  cette  contrainte  :  les  perfonnes  qui  en 
font  refponfables  ,  ne  le  font  que  civile- 
ment, &  ne  peuvent  être  contraintes  que 
par  faifie  de  leurs  biens ,  &  non  par  em- 
prifonnement  de  leurs  perfonnes. 

§•  m. 

De   la    Loi. 

123,  La  Loi  naturelle  efl  la  caufe  ait 
moins  médiate  de  toutes  les  Obligations; 
car  fi  les  Contrats ,  Délits  &  quafi-Délits 
produifent  des  Obligations ,  c'eft  primi- 
tivement ,  parce  que  la  Loi  naturelle  or- 
donne que  chacun  tienne  ce  qu'il  a  pro- 
mis ,  &  qu'il  répare  le  tort  qu'il  a  com- 
mis par  fa  faute. 

.  C'eft  aufli  cette  même  Loi  qui  rend 
obligatoires  les  faits  d'où  il  réfulte  quel- 
que obligation ,  &  qui  font  pour  cet  effet 
appelles  auafi  -  Contrats  ,  comme  nous 
l'avons  déjà  remarqué. 


Part.  I.    Chap.  T.        145 

II  v  a  des  obligations  qui  ont  pour  feule 
&  unique  caufe  immédiate  la  Loi  ;  par 
exemple  ,  ce  n'cft  en  vertu  d'aucun  con- 
trat ni  quafi-contrat ,  que  les  enfans ,  lors- 
qu'ils en  ont  le  moyen,  font  obligés  de 
fournir  des  alimens  à  leurs  père  &C  mère , 
qui  font  dans  l'indigence  :  c'eft  la  Loi 
feule  qui  produit  en  eux  cette  obligation. 
•  L'obligation  que  contracte  la  femme 
de  reftituer  la  fomme  qu'elle  a  empruntée 
fans  l'autorité  de  fon  mari ,  lorfque  cette 
fomme  a  tourné  à  fon  profit,  n'eft  point 
non-plus  formée  par  aucun  contrât ,  ni 
quafi-contrat  ;  car  le  contrat  de  prêt  qui 
lui  a  été  fait  de  cette  fomme  fans  l'auto- 
rité de  fon  mari  étant  nul ,  ne  peut  par 
lui-même  produire  aucune  obligation  : 
quod  nullum  ejî  ,  nullum  producit  effèc- 
tum  ;  fon  obligation  eft  donc  produite 
par  la  loi  naturelle  feule  qui  ne  permet 
pas  que  quelqu'un  s'enrichifTe  aux  dé- 
pens d'autrui  :  neminem  œquum  tfl  cum 
altcrius  damno  locupletari ,  L,  106.  ff*dt 
Reg.  Jur. 

L'obligation  en  laquelle  eft.  le  proprié- 
taire d'une  maifon  de  la  ville  d'Orléans 
de  vendre  à  fon  voifin  la  communauté  de 
fon  mur  qui  fépare  les  deux  maifons , 
lorfque  ce  froifin  veut  bâtir  contre ,  eft 
une  obligation  qui  a  pour  feule  &  unique 
caufe  la  loi  municipale  qui  en  a  une  dif- 
pofition. 


:i44       Tr.   des    Oblig." 

On  peut  rapporter  beaucoup  d'auffë* 
exemples  d'obligations  qui  ont  pour  feulç 
6c  unique  caufe  la  Loi. 

i 

Ces  obligations  produifent  une  ac~tioj| 
que  Ton  appelle  ?  condiclio  ex  Ugz% 

Section      III. 

Des  perfonnes  entre  kfqiulles peut  fubjî (1er. 
une  Obligation. 

124.  Il  ne  peut  y  avoir  d 'obligation! 
fans  deux  personnes,  l'une  qui  ait  con- 
tracté l'obligation ,  &C  l'autre  envers  qui 
elle  foit  contractée. 

Celui  au  profit  duquel  elle  a  été  con- 
tractée s'appelle  créancier ,  celui  qui  l'a 
contraclée  s'appelle  débiteur. 

iz<>.  Quoiqu'il  foit  de  l'effence  de  l'o- 
bligation qu'il  y  ait  deux  perfonnes  ,  dont 
l'une  foit  créancier  ck  l'autre  débiteur  ; 
néanmoins  l'obligation  ne  fe  détruit  pas 
par  la  mort  de  l'une  ou  de  l'autre  ;  car 
cette  perfonne  eft  cenfée  furvivre  à  elle- 
même  dans  la  perfonne  de  fes  héritiers 
qui  fuccédent  à  tous  (es  droits  &  à  tou- 
tes fes  obligations. 

1 26.  Quand  même  le  créancier  ou  le 
débiteur  ne  laifTeroit  aucun  héritier ,  il 
ne  laifTeroit  pas  d'être  cenfé  furvivre  à 
lui-même ,  par  fa  fuçceffion  vacante  ;  car* 

U 


Par  t.  T.  Chap.  I.  14^ 
la  fuccefîion  vacante  d'un  défunt  le  repré- 
sente ,  tient  lieu  de  fa  perfpnne  ,  & 
fuccede  en  tous  Tes  droits  comme  en  tou- 
tes les  obligations  :  kereditas  perforiez  de- 
funcli  victm  fufiinet ,  &  cette  perfonne 
fictive  ,  foit  du  créancier,  foit  du  débiteur 
iuffit  pour  faire fubiiflcr  l'obligation  après 
la  mort ,  foit  de  l'un ,  foit  de  l'autre. 

Non  -  feulement  une  obligation  peut 
continuer  de  fubfifter  dans  la  perfonne 
fictive  d'une  fuccefîion  vacante ,  ou  en- 
vers une  telle  perfonne  fictive  ;  il  y  a 
même  certaines  obligations  qui  peuvent 
être  contractées  par  une  telle  perfonne 
fictive ,  ou  envers  une  telle  perfonne  fic- 
tive. 

Par  exemple  ,  lorfqu'un  curateur  créé 
à  une  fuccefîion  vacante  ,  adminifïre  les 
biens  de  cette  fuccefîion ,  il  contracte  en- 
vers la  perfonne  fictive  de  la  fuccefîion 
vacante ,  l'obligation  de  rendre  compte 
de  fa  geflion  ;  &  vice  versa  cette  perfonne 
fictive  de  la  fuccefîion  vacante ,  contracte 
envers  ce  curateur,  l'obligation  de  lui 
faire  raifon  de  ce  Qu'il,  lui  en  a  coûté 
pour  fa  geflion. 

On  peut  apporter  plufieurs  autres  exem- 
ples d'obligations  contractées  par  une  fuc- 
cefîion vacante  ;  telle  eft  celle  qu'elle 
contracte  envers  le  Ciiré  qui  a  enterré 
le  défunt ,  pour  le  paiement  de  fes  droits 
Tome  I.  G 


146  Tr.  des  Oblig. 
de  funérailles.  Vice  versa,  fi  quelqu'un 
vole  quelque  effet  d'une  fuccefîion  va- 
cante v  ou  y  caufe  quelque  dommage  , 
il  en  réfulte  des  obligations  qu'il  con- 
tracte envers  la  fucceiïion  vacante. 

127.  Les  corps  &  communautés  font 
des  efpeces  de  perfonnes  civiles  ,  qui  peu- 
vent contracter  des  obligations  ,  &  en- 
vers qui  on  en  peut  contracter, 

1 28.  Il  eft  clair  que  les  fous  ,  les  infen- 
fés ,  les  erifans  ne  font  pas  capables  de 
contracter  les  obligations  qui  naiffent  des 
délits  ou  des  quafi-délits  ,  ni  de  contrac- 
ter par  eux-mêmes  celles  qui  naiïfent 
des  contrats  ,  puifqu'ils  ne  font  pas  ca- 
pables de  confentement ,  fans  lequel  il 
ne  peut  y  avoir  ni  conventions,  ni  délit 
ou  quaii-délit  ;  mais  ils  font  capables  de 
contracter -toutes  les  obligations  qui  fe 
contractent  fans  le  fait  de  la  perfonne  qui 
la  contracte.  Par  exemple  ,  fi  quelqu'un 
a  géré  utilement  les  affaires  d'un  fou , 
d'un  infenfé  ,  d'un  enfant  ;  cet  enfant , 
cet  infenfé  ,  ce  fou  contracte  l'obligation 
de  rembourfer  cette  perfonne  de  ce  qu'il 
lui  en  a  coûté  pour  cette  geftion  ,  com-t 
n%e  on  l'a  déjà  vu ,  N.  115.  Ils  contrac- 
tent auiïi  toutes  les  obligations  que  leurs 
tuteurs  &  curateurs  contractent  pour  eux 
&  en  leur  nom ,  N.  74. 

Par  le  Droit  Romain ,  il  ne  fe  pouvoit 


Par  t.  I.  Chap.  I.  147 
contra&er  d'obligation  entre  le  père  oc 
Tentant  qui  étoit  fous  la  puiifance  ,  fi  ce 
n'étoit  ex  certis  caufis  ,  put  à  ex  causa  Caf- 
trenjis  peculii.  La  raifon  eit  que  l'enfant 
qui  étoit  fous  cette  puiffance  ,  ne  pour- 
voit extra  lias  caufas  rien  avoir  en  pro- 
pre, &  acquéroit  à  fon  père  tout  ce  qu'il 
acquéroit.  La  puiffance  paternelle  n'ayant 
point  dans  notre  Droit  cet  effet ,  rien 
n'empêche  qu'un  père  contracte  des  obli- 
gations envers  fes  enfans ,  ck  que  {qs  en- 
fans  en  contractent  envers  lui. 

Section    IV. 

De  ce  qui  peut  faire  l'objet  &  la  matière 
des  obligations. 

1 29.  Il  ne  peut  y  avoir  d'obligation  , 
qu'il  n'y  ait  quelque  chofe  qui  foit  dû 
qui  en  faffe  l'objet  &  la  matière. 

§.     I. 

Tkefe  générale  fur  ce  qui  peut  être  V objet 
des  obligations, 

1 3  o.  L'objet  d'une  obligation  peut  être 
ou  une  chofe  proprement  dite  ,  (tes)  que 
le  débiteur  s'oblige  de  donner  ;  ou  un  fait 
(faclum  )  que  le  débiteur  s'oblige  de  faire 

G'ii 


148  T  R.     DES     ObLIG, 

ou  de  ne  pas  faire  :  c'eit  ce  qui  réfuïté* 
de  la  définition  que  nous  avons  donnée 
de  l'obligation. 

Non-feulement  les  chofes  mêmes  (r:s) 
peuvent  être  l'objet  d'une  obligation  ,  le 
fimple  ufage  d'une  chofe  ,  ou  la  fimple 
poftefîion  de  la  chofe ,  en  peut  être  l'objet. 
Par  exemple,  lorfque  quelqu'un  loue  fa 
chofe  ,  c  eu  Pufage  de  fa  chofe  plutôt 
que  la  chofe  même,  qui  efl:  l'objet  de 
l'obligation  qu'il  contracte. 

Lorfque  quelqu'un  s'oblige  à  me  don- 
ner quelque  chofe  en  nantifTement ,  c'eft 
plutôt  la  poiTefîion  de  la  chofe  ,  que  la 
chofe  même  qui  efl:  l'objet  de  fon  obli- 
gation. On  peut  apporter  mille  autres 
exemples. 

§.  n. 

Quelles  chofes  peuvent  être  V objet  d'une 
obligation. 

131.  Toutes  les  chofes  qui  font  dans 
le  commerce  peuvent  être  l'objet  des 
obligations. 

Non-feulement  un  corps  certain  &c  dé- 
terminé,  comme  un  tel  cheval ,  peut  être 
l'objet  d'une  obligation  :  quelque  chofe 
d'indéterminé  peut  aura*  §n  être  l'objet; 
comme  lorfque  quelqu'un  s'engage  à  me 
donner  un  cheval  fans  déterminer  quel 


P   \ .  R  T.    î.      C.HAP,   I.  I49 

cheval.  Il  foui  ne  m  noin  >  que  la  chofein- 
déttrm  l'objet  de  l'obligation, 

ait  dan  Germination  une  certaine 

conûde  i:ùon  morale  :  oportet  ut  genirs 
tur  9  hcbe.it  certain  finitlomm  > 
comme  lorsqu'on  a  promis  un  cheval , 
une  v  ache  ,  un  chapeau  en  général  ;  mais 
fi  l'indétermination  de  la  choie  eft  tel- 
le ,  qu'elle  la  réduife  prefque  à  rien  , 
il  n'y  aura  pas  d'obligation  ,  faute  de 
choie  qui  en  foit.  l'objet  ck  la  matière  ; 
parce  que ,  dans  l'ordre  moral ,  prefque 
rien  ,  eft  regardé  comme  rien.  Par  exem- 
ple :  de  l'argent ,  du  bled  ,  du  vin,  fans 
que  la  quantité  foit  déterminée ,  ni  dé- 
te  minable,  ne  peuvent  être  l'objet  d'une 
obligation;  parce  que  cela  fe  peut  ré- 
duire à  prefque  rien  comme  à  un  denier , 
à  un  grain  de  bled  ,  à  une  goutte  de  vin. 
C'eft  par  cette  raifon  que  la  loi  94.^ 
de  verb.  oblig.  décide  que  la  ftipulation , 
triticum  dare  oportere ,  ne  produit  aucune 
obligation  ,  lorfqu'on  ne  peut  fçavoir  la 
quantité  que  les  contractons  avoient  en 
vue. 

Au  refte ,  il  n'eft  pas  néceffaire  que  la 
quantité  qui  fait  l'objet  de  l'obligation  foit 
actuellement  déterminée  ,  lorfque  l'obli- 
gation eft  contractée  ,  pourvu  qu'elle  foit 
déterminable.  Par  exemple  ,  fi  quelqu'un 
s'eft  obligé  de  m'indemnifer  des  dommages 

G  iij 


150  Tr\  des  Oblig. 
&c  intérêts  que  j'ai  foufferts  ,  ou  que  Je 
pourrai.  foufFrir  en  une  telle  occafion  ; 
l'obligation  eft  valable,  quoique  lafom- 
me  d'argent  à  laquelle  ils  montent  ne  foit 
point  encore  déterminée  ;  parce  qu'elle 
eft  déterminable  par  l'eftimatiôn  qui  s'en 
fera.  Pareillement  fi  quelqu'un  s'eft  obli- 
gé de  me  fournir  du  bled  pour  la  nourri- 
ture de  ma  famille  pendant  un  an ,  l'obli- 
gation eu  valable ,  quoiqu'il  n'ait  pas  dér 
terminé  la  quantité  ;  parce  qu'elle  eft  dé- 
terminable par  l'eftimatiôn  qui  fe  fera  de 
ce  qui  eft  néceflaire  pour  cela. 

132.  Les  chofes  qui  h'exiftent  pas  en- 
core ,  mais  dont  on  attend  Pexiftence  % 
peuvent  être  l'objet  d'une  obligation,  de 
manière  néanmoins  que  l'obligation  dé- 
pende de  la  condition  de  leur  future  exif- 
tenec.    . 

Par  exemple ,  lorfque  Je  m'oblige  à  li- 
vrer à  un  marchand  de  vin  ,  le  vin  que 
je  recueillerai  cette  année  ;  l'obligation 
e,ft  valablement  contractée ,  quoiqu'il  n'e- 
xifte  pas  encore.  Mais  fi  mes  vignes  gè- 
lent 6k  qu'il  n'y  en  ait  point  à  recueillir  % 
l'obligation  s'évanouit  ,  faute  de  chofe 
qui  en  foit  l'objet,  comme  fi  elle  n'avoit 
jamais  été  contractée. 

Cette  règle  ,  que  les  chofes  futures 
peuvent  être  l'objet  d'une  obligation ,  re- 
çoit une  exception  par  les  Loix  Romaines 


Par  t.  I.  Chap.I.  151 
à  Tcgard  des  fuccefîions  futures.  Ces  loix 
profcrivent  comme  indécentes  &t  con- 
traires à  l'honnêteté  publique ,  toutes  les 
conventions  par  rapport  aux  fuccefîions 
futures  ,  foit  celle  par  laquelle  une  per- 
fonne  traiteroit  ou  difpoferoit  de  fâ  pro- 
pre iuceeffion  future  envers  une  autre 
perfonne  à  qui  il  promettroit  de  la  lui 
laifTer  ;  quand  même  cette  convention  fe 
feroit  par  un  contrat  de  mariage  ,  L.  15. 
cod.  de  paci.  foit  celles  par  lefquelles  des 
parties  traiteroient  de  la  iiicceflion  future 
d'un  tiers  ,  que  lefdites  parties  ou  Tune 
d'elles  s'attendent  de  recueillir,  L.  fin. 
cod.  de  pacl.  à  moins  que  ce  tiers  n'inter- 
vint &c  ne  donnât  fon  confentement  à  la 
convention,  d.  L  L.  fin. 

Dans  notre  Droit  François  ,  la  faveur 
des  contrats  de  mariage  y  a  fait  admet- 
tre les  conventions  fur  les  fucceflîons  fu- 
tures. Nous  pouvons  par  le  contrat  de 
mariage  d'une  perfonne  ,  nous  engager 
envers  elle ,  de  lui  lahTer  notre  fuccef- 
fion  future  en  tout  ou  en  partie  :  nous 
pouvons  pareillement  nous  engager  de  la 
laiflerauxenfans  qui  naîtront  du  mariage. 
C'eft  ce  qui  fe  fait  par  les  institutions  d'hé- 
ritier contractuelles ,  qui  font  en  ufage 
dans  nos  contrats  de  mariage  ,  &  dont 
nous  avons  traité  en  l'appendice  qui  eft 
à  la  fin  de  notre  introd.  au  tit.  desjuccejjl 

G  iv 


ftji  Tr.  des  Oblig. 
de  la  Coût.  d'Orléans.  On  peut  pareille- 
ment par  les  contrats  de  mariage  faire 
pour  l'intérêt  de  l'une  des  deux  familles 
contractantes  ,  telles  conventions  qu'on 
juge  à  propos  fur  les  fuccefîions  futures 
ides  tiers  ;  les  fKpulations  de  propre  à  ceux 
du  côté  &  ligne  ,  font  des  conventions  de 
cette  efpece  ;  nous  en  avons  traité  en  no- 
ire introd.  gén.  fur  la  Coût.  d'Orléans ,  ck, 
3.  art.  4.  §.  3.  Hors  les  contrats  de  ma- 
riage ,  les  conventions  fur  les  fuccefîions 
futures  font  rejettées  par  notre  Droit 
François ,  de  même  qu'elles  l'étoient  par 
le  Droit  Romain. 

Il  ne  faut  pas  confondre  avec  une  fuc- 
çefîion  friture  ,  la  fubfKtution  ou  le  fîdéi- 
commis  des  biens  d'un  défunt  qui  me 
les  a  laifTés  à  la  charge  de  les  rendre  h 
quelqu'un  après  ma  mort  ;  cette  fubftitu- 
tion  ou  fidéicommis  n'efl  pas  une  fuccef- 
fion  future  ;  elle  ne  fait  pas  partie  de  ma 
iuccefïion  future  r  c'efl  une  fimple  dette 
dont  je  fuis  tenu  .après  ma  mort  envers 
ceux  qui  font  appelles  à  la  fubftitution , 
ck  dont  ils  peuvent  traiter  de  mon  vivant, 
foit  avec  moi,  foit  entr'eux ,  X.  1.  &  16. 
cod.  depacl.  L.  11.  cod.  de  tranf. 

La  règle  que  les  chofes  futures  peuvent 
être  l'objet  d'une  obligation  ,  reçoit  une 
autre  exception  par  les  loix  de  police 
Selles  que  font  celles ,  qui  défendent  aux, 


Part.  I.  Chap.I.  153 
Marchands  d'acheter  les  bleds  ouïes  foins 
avant  la  récolte  ,  les  laines  avant  la  tonte  , 
6c  déclarent  tels  marches  nuls.  Voyc^  U 
Tr.  de  Police  de  Dtlamarl, 

133.  Non-feulemerit  les  chofes  qui  ap- 
partiennent au  débiteur  peuvent  être  l'ob- 
jet de  fon  obligation  ,  mais  même  celles 
qui  ne  lui  appartiennent  pas  ,  lorfqu'il 
s'efl  obligé  de  les  donner  ;  ck  il  eft  obligé 
de  les  racheter  de  ceux  à  qui  elles  ap- 
partiennent ,  pour  les  donner  à  celui  à 
qui  il  les  a  promises. 

Si  ceux  à  qui  elles  appartiennent  ne 
vouloient  pas  les  vendre  ,  le  débiteur  ne 
pourroir.  pas  fe  prétendre  quitte  de  fon 
obligation  ,  fur  le  prétexte  qu'il  ne  tient 
pas  à  lui  de  l'accomplir ,  ck  qu'on  ne  peut 
pas  être  obligé  à  l'impoflibie.  Car  cette 
maxime,  qu'on  n'en1  pas  obligé  à  Pimpof- 
fible  ,  n'eft  vraie  que  lorfque  l'impom'bî- 
lité  eft  abfoluc  ;  mais  lorfque  la  chofe  eft 
pofîible  en  foi ,  l'obligation  ne  laiffe  pas 
de  fubfifter ,  quoiqu'il  ne  foit  pas  au  pou- 
voir du  débiteur ,  de  l'accomplir;  ck  il  eft: 
tenu  des  dommages  &  intérêts  réfultans 
de  l'inexécution  :  il  fuffit  que  la  chofe  fut 
poftible  en  foi ,  pour  que  le  créancier  art 
été  en  droit  de  compter  fur  l'exécution 
de  ce  qu'on  lui  promettoit  ;  c'eft  le  débi- 
teur oui  eft  en  faute  de  n'avoir  pas  bien 
examiné  avant  que  de  s'engager  \  s*il  etoit 

<j  v 


154        Tr.    des    Oblig. 
en  pouvoir  d'accomplir  ce  qu'il  promet- 
toit. 

1 3  4.  On  peut  bien  s'obliger  à  donner 
*in,e  chofe  qui  appartient  à  un  tiers  ;  mais 
on  ne  peut  contracter  l'obligation  de  don- 
ner à  quelqu'un  une  chofe  qui  lui  appar- 
tient déjà,  L.  i.§.  lo.jf.  obi.  &  acl.  à  moins 
qu'elle  ne  lui  appartienne  qu'imparfaite- 
ment; car  en  ce  cas  l'obligation  feroit  va- 
lable ,  à  l'effet  que  le  débiteur  fût  tenu 
de  la  lui  faire  appartenir  parfaitement. 
Voye^  notre  traité  du  contrat  de  vente , 
N.  8.  &  fuiv. 

135.  Il  eft  évident  que  les  chofes  qui 
ne  font  pas  dans  le  commerce  ne'peuvent 
être  l'objet  d'une  obligation.  Par  exem- 
ple :  on  ne  peut  pas  s'obliger  de  donner 
une  églife ,  une  place  publique ,  un  cano- 
nicat ,  &c. 

On  ne  peut  pas  non  plus  contracter  To- 
bligation  de  donner  à  quelqu'un  une  chofe 
qu'il  eft  incapable  d'avoir ,  par  exemple 
tin  droit  de  fervitude  dans  un  héritage, 
à  celui  qui  n'a  point  d'héritage  voifin. 
Mais .  il  n'en1  pas  néceffaire  que  celui  qui 
s'engage  à  donner  une  chofe  foit  capable 
d'avoir  &  de  pofféder  cette  chofe ,  pourvu 
que  celui  à  qui  il  s'engage  de  la  donner 
en  foit  capable  %  L*34fff*  dz  verb.  obi. 

JLIdit  de.  1749-  art.  14.  ayant  rendu 
tes  gens  de  main-morte  incapables  d'ac- 


Part.  I.  Chap.  I.  15  5 
quérir  des  immeubles ,  on  fie  peut  con- 
tracter envers  eux  l'obligation  de  leur 
donner  un  immeuble. 

Un  office  vénal  peut-il  être  dû  à  une 
femmme  ?  Oui ,  car  quoiqu'elle  foit  inca- 
pable du  titre  de  l'office  ,  elle  n'eft  pas  in- 
capable d'avoir  le  droit  de  finance  de  l'of- 
fice ;  &  c'eft  cette  finance  plutôt  que  le 
titre  qui  eft  dans  le  commerce ,  ôc  qui  eft 
l'objet  de  l'obligation. 

'         §•    IIL 

Quels  faits  peuvent  être  l'objet  des 
obligations, 

136.  Pour  qu'un  fait  puifTe  être  l'objet 
d'une  obligation ,  il  faut  qu'il  foit  pofïible  ; 
car  impofjibilium  nulla  obligatio  ejl  _,  L.  8  5 . 
ff.deR.J. 

Au  refte  il  fuffit  que  le  fait  auquel  quel- 
qu'un s'oblige  envers  moi,  foit  pofïible 
en  foi ,  quoiqu'il  ne  lui  foit  pas  pofïible  ; 
car  fi  je  n'avois  pas  connoiffance  qu'il  ne 
lui  étoit  pas  pofïible ,  j'ai  eu  droit  de  comp-- 
ter  fur  fa  promeffe  ;  ÔC  il  s'efl  obligé  vala- 
blement en  ce  cas  envers  moi  :inid  quanti 
mea  interejl  non  ejfe  deceptum.  Il  doit  s'im- 
puter de  n'avoir  pas  examiné  fes  forces  r 
&  de  s'être  témérairement  engagé  à  quel- 
que chofe  qui  les  furpafToit. 

G  vj; 


t<$6        Tr.   des   Oblig; 

i  3  7.  Un  fait  qui  eft  contraire  aux  loïx  > 
ou  aux  bonnes  mœurs  \  efl  femblable  à  ce- 
lui qui  feroit  abfolument  impofïible ,  & 
ne  peut  pas  non  plus  être  l'objet  d'une 
obligation. 

Pour  qu'un  fait  puirTe  être  l'objet  d'une 
obligation ,  il  faut  aurli  que  ce  que' le  dé- 
biteur s'en1  obligé  de  faire ,  foit  quelque 
chofe  de  déterminé.  C'eft  pourquoi  la  loi 
2.  §.  5.  ff.  de,  eo  qaod  certo  loco ,  décide 
que  û  quelqu'un  promettoit  à  un  autre 
de  lui  bâtir  une',  maifon  ,  fans"  dire  où ,  il 
ne  contrafteroit  point  d'obligation. 

138.  Enfin  ce  qu'on  s'oblige  de  faire  oit 
de  ne  pas  faire  doit  être  tel ,  que  celui  en- 
vers qui  l'obligation  eft  contractée  ait  inté- 
rêt que  cela  foit  fait ,  ou  ne  foit  pas  fait  ; 
&:  cet  intérêt  doit  être  un  intérêt  appré- 
ciable. 

La  raifon  en  eit  évidente  :  une  obliga- 
tion étant  un.  lien  de  droit ,  il  ne  peut  y 
avoir  d'obligation ,  lorfque  celui  qui  a  pro- 
mis de  faire  ou  de  ne  pas  faire,  peut  im- 
punément ne  pas  exécuter  fa  promerTe  : 
or  il  eit  évident  qu'il  peut  impunément 
ne  la  pas  exécuter,  lorfque  je  n'ai  aucun 
intérêt  appréciable ,  qu'il  fafTe  ou  ne  fafTe 
pas  ce  qu'il  m'a  promis  ;  car  il  ne  peut  ré- 
fulter  contre  lui  aucuns  dommages  &  in- 
térêts de  l'inexécution  de  fapromefïe ,  les 
dommages  &  intérêts  n'étant  autre  chofg 


Part.  I.   C  h  a  p.  T.         i  57 

tjue  l'eftimation  de  l'intérêt  qu'a  le  créàn- 
cier  à  l'exécution  de  l'obligation. 

1 39.  Un  fait  auquel  la  partie  qui  le  fK- 
pule  n'a  aucun  intérêt,  ne  peut  à  la  vérité 
être  l'objet  d'une  obligation  ;  mais  il  peMt 
en  être  la  condition  ou  la  charge.  Par 
exemple  ,  fi  j'étois  convenu  avec  vous 
que  vous  viendriez  à  Orléans  étudier 
en  droit  pendant  un  an,  cette  conven- 
tion feroit  nulle ,  6k  il  n'en  réfulteroit 
aucune  obligation  ;  parce  que  ce  fait  au- 
quel je  n'ai  aucun  intérêt  ne  peut  être  l'ob- 
jet d'une  obligation  envers  moi.  Mais  fi 
nous  étions  convenus  que  je  vous  donne- 
rois  dix  piftoles  ,  fi  vous  veniez  étudier 
en  droit  à  Orléans ,  ou  à  la  charge  que 
vous  y  viendriez ,  la  convention  feroit 
valable;  car  ce  fait,  quoiqu'il  ne  m'inté- 
reffe  aucunement ,  peut  être  la  condition 
ou  la  charge  de  l'obligation  qui  réfulte  de 
notre  convention. 

Suivant  ce  principe,  on  a  jugé  valable 
une  promefTe  par  laquelle,  un  neveu 
avoit  promis  à  fon  oncle  de  ne  plus  jouer  r 
à  peine  de  trois  cens  livres  qu'il  s'obli- 
geoit  de  lui  donner,  s'il  manquoit  à  fa 
promefTe.  L'Arrêt  eft  rapporté  par  May- 
nard  &  par  Papon. 

140.  Un  fait  pour  être  la  matière  d'une 
obligation  civile,  doit  être  un  fait  auquelt 
celui  envers  qui  elle  efl  contrariée  %  ait 


158  T  R.     DES     ObLIG. 

tin  intérêt  appréciable  à  prix  d'argent  J 
fuivant  les  raifons  expliquées  ci-defïus* 
Mais  il  n'en  eft  pas  de  même  de  l'obliga- 
tion naturelle  :  il  fuffit  que  le  fait  qui  en 
eft  la  matière  foit  un  fait  auquel  celui  en- 
vers qui  l'obligation  efl  contractée ,  ait  un 
intérêt  d'une  jufte  affection,  pour  que  l'o- 
bligation foit  valable  comme  obligation 
naturelle.  Celui  qui  a  promis  ce  fait  &  qui 
manque  à  fa  parole  -ayant  le  pouvoir  de 
l'accomplir  pèche,  &  fe  rend  coupable 
dans  le  for  de  la  confcience,  quoiqu'il  ne 
puifTe  être  pourfuivi  dans  le  for  extérieur» 
Voyei^fuprà  S,  i„  art.  5.  §*  1. 


* 


P  A  R  T.  I.     C  H  A  P,   I  L  I  J9 

CHAPITRE    IL 
De  l'effet  des  obligations» 

Article     premier. 

De  r  effet  des  obligations  de  la  part  du 
débiteur. 

$.  i. 

De  V obligation  de  donner,. 

141.  /^  Elui  qui  s'eft  obligé  de  donner 
Vw-/  une  chofe ,  eu  tenu  de  la  don- 
ner en  tems  &  lieu  convenable ,  au  créan- 
cier ou  à  quelqu'un  ,  qui  ait  pouvoir  ou 
qualité  pour  la  recevoir  en  fa  place» 
Voyez  la  troisième  partie  de  ce  traité  y  ck* 
premier ,  où  nous  traitons  des  payemens 
des  obligations. 

142.  Lorfque  c'eft  un  corps  certain  qui 
eft  l'objet  de  l'obligation ,  l'obligation  a 
encore  cet  effet  à  l'égard  du  débiteur, 
qu'elle  l'oblige  à  apporter  un  foin  conve- 
nable à  la  confervation  de  la  chofe  due  , 
juf qu'au  payement  qu'il  en  fera.  Et  fi  faute 
d'avoir  apporté  ce  foin ,  la  chofe  vient  à  pé- 
rir ?  à  fe  perdre ,  ou  à  être  détériorée  jjî.eiï 


l6o        Tr.    des   0blî6. 

tenu  des  dommages  6c  intérêts  du  créan*- 
cier  qui  en  réfultent.  Nous  traiterons  de 
ces  dommages  &  intérêts,  infrà  art.  3. 

Le  foin  qu'il  doit  apporter  à  cette  con- 
fervation >  eft  différent,  félon  la  diffé- 
rente nature  des  contrats  ou  quafi-con- 
trats  d'où  l'obligation  defcend. 

La  loi  5.  §;  iuff.commodat.  donne  cette 
règle  ,  que  lorfque  le  contrat  ne  concerne 
que  la  feule  utilité  de  celui  à  qui  la  ehofe 
doit  être  donnée  ou  reftituée  ,  le  débi- 
teur qui  s'eft  obligé  à  la  donner  ou  refti- 
tuer ,  n'eft  obligé  qu'à  apporter  de  la  bon- 
ne foi  à  la  confervation  de  la  choie ,  &C 
n'efl  tenu  par  conféquent  à  cet  égard  que 
de  la  faute  lourde ,  qui  à  caufe  de  fon  énor- 
miîé  tient  du  Dol  :  unetur  âuntaxat  de  Latâ 
culpd  &  dolo  proximd.  Par  exemple ,  un 
dépofitaire  n'efl:  tenu  à  apporter  que  de 
la  bonne  foi  à  la  confervation  du  dépôt 
qui  lui  a  été  confié  ,  &  qu'il  s'eft  obligé 
de  reftituer  \  parce  que  le  -contrat  de  dé- 
pôt fe  fait  pour  la  feule  utilité  de  celui 
qui  a  confié  la  chofe ,  &  à  qui  le  dépofi- 
taire s'eft  obligé  de  la  reftituer.  Si  le  con- 
trat concerne  l'utilité  commune  des  deux 
contraclans  ,  le  débiteur  eft  tenu  d'appor- 
ter à  la  confervation  de  la  chofe  qu'il 
doit ,  le  foin  ordinaire  que  les  perfonnes 
prudentes  apportent  à  leurs  affaires  ; 
&:  il  eft  tenu  en  conféquence  de  la  faute 


Part.  I.    C  h  a  p.  ÏÏ.        i6f 

légère.  Par  exemple,  le  vendeur  efl  tenu 
de  cette  faute  ,  à  l'égard  de  la  chofe  ven- 
due qu'il  s'eil  obligé  de  livrer:  le  créancier 
efl  tenu  de  cette  faute ,  à  l'égard  de  la 
chofe  reçue  en  nanthTemcnt ,  à  la  reili- 
tution  de  laquelle  il  s'efl  obligé;  parce 
que  ces  contrats  de  vente ,  de  nantilTe- 
ment ,  fe  font  pour  l'utilité  refpe&ive  des 
contra&ans.  Si  le  contrat  n'efl  fait  que 
pour  la  feule  utilité  du  débiteur ,  tel  qu'efl 
le  contrat  de  prêt  à  ufage  ;  il  efl  obligé  à 
apporter  à  la  confervation  de  la  chofe 
non-feulement  un  foin  ordinaire,  mais 
tout  le  foin  poïîible  ;  &  il  efl  par  confé- 
quent  tenu  de  la  faute  la  plus  légère. 

Cette  règle  reçoit  néanmoins  beau- 
coup d'exceptions ,  comme  nous  le  ver- 
rons dans  les  traités  particuliers  fur  les  dif- 
férens  contrats,  6c  quafi-contrats^ 

A  l'égard  des  cas  fortuits  ,  &  de  la  for- 
ce majeure,  vis  dlvina ;  le  débiteur  d'un 
corps  certain ,  tant  qu'il  n'efl  pas  en  de- 
meure de  payer ,  n'en  efl  jamais  tenu ,  à 
moins  que  par  une  convention  particu- 
lière ,  il  ne  s'en  fût  chargé ,  ou  qu'une 
faute  précédente  du  débiteur  eût  donné 
lieu  au  cas  fortuit.  Par  exemple ,  fi  je  vous 
ai  prêté  mon  cheval  pour  aller  dans  un 
certain  lieu ,  &£  que  vous  ayez  été  attaqué 
par  des  voleurs,  qui  ayent  volé  ou  tué 
mon  cheval  j  quoique  cette  violence  que 


161  Tr.  des  Obiig. 
vous  avez  foufferte  foit  un  cas  fortuit, 
dont  un  débiteur  n'eft  pas  ordinairement 
tenu;  néanmoins  fi  au  lieu  de  fuivre  la 
route  ordinaire  &:  la  plus  fûre,  vous  avez 
pris  un  chemin  de  traverfe  5  connu  pour 
être  infecté  de  voleurs ,  dans  lequel  vous 
avez  été  attaqué ,  vous  ferez  tenu  de  ce 
cas  fortuit  ;  parce  que  c'efl  votre  impru- 
dence qui  y  a  donné  lieu. 

143.  C'eft  encore  un  effet  de  l'obliga- 
tion de  donner ,  de  la  part  du  débiteur  ; 
que  lorfqu'il  a  été  en  demeure  de  fatisfaire 
à  fon  obligation ,  il  foit  tenu  des  domma- 
ges &  intérêts  du  créancier  réfultans  de 
cette  demeure  ,  &  qu'il  doive  en  confé- 
quence  Pindemniferde  tout  ce  qu'il  auroit 
eu ,  fi  la  chofe  lui  eut  été  donnée  auffi-tôt 
qu'il  l'a  demandée. 

C'efl  en  conféquence  de  ce  principe  9 
que  û*  la  chofe  dwe  a  été  détériorée ,  ou 
même-eft  totalement  perie  ,  depuis  la  de- 
meure du  débiteur,  par  quelque  cas  for- 
tuit ou  force  majeure  ;  le  débiteur  efl  te- 
nu de  cette  perte  ?  dans  les  cas  auxquels 
la  chofe  n'auroit  pas  également  péri  chez 
le  créancier. 

C'eft.  aufïî  en  conféquence  de  ce  prin- 
cipe ,  que  le  débiteur  efl  tenu  de  faire  rai- 
fon  au  créancier  non- feulement  des  fruits 
perçus ,  mais  de  tous  ceux  qui  auroient 
pu  être  perçus  par  le  créancier  depuis  la 
demeure  du  débiteur. 


PartI.    C  h  a  p.  1 1.       1 63 

Sur  les  autres  efp-3ces  de  dommages  ÔC 
intérêts  ,  Voyci  infrà  Part.  3 . 

1 44.  Obfervez  que  fuivant  nos  ufages  7 
un  débiteur  n'eft  cenfé  mis  en  demeure 
de  donner  la  chofe  par  lui  due ,  que  par 
une  interpellation  judiciaire  valablement 
faite  ,  &  feulement  du  jour  de  cette  inter- 
pellation. 

Cette  décifion  a  lieu ,  quoique  îa  chofe 
foit  due  à  des  mineurs  ,  ou  à  l'églife  ;  les 
principes  du  Droit  Romain  fur  la  demeure 
qui  fe  contra&oit  re  ipfa  envers  ces  per- 
fonnes ,  n'étant  pas  d'ufage  parmi  nous. 

Il  faut  excepter  de  notre  décifion  les 
voleurs  qui  font  cenfés  en  demeure  de  fa- 
tisfaire  à  l'obligation  qu'ils  ont  contractée 
de  restituer  la  chofe  volée  ,  dès  l'inftant 
même  qu'ils  l'ont  contractée  par  le  vol 
qu'ils  ont  commis  y  fans  qu'il  foit  befoin  à 
leur  égard  d'aucune  interpellation  judi- 
ciaire. L.fin.  de  cond.  furt* 

La  demeure  en  laquelle  a  été  le  débi- 
teur de  donner  la  chofe ,  ceffe  par  des  of- 
fres valablement  faites  ,  par  lefquelles  il 
a  mis  le  créancier  en  demeure  de  recevoir. 

145.  L'obligation  de  donner  une  chofe 
s'étend  quelquefois  aux  fruits  de  cette 
chofe  ,  lorfqu'elle  en  produit;  &  aux  in- 
térêts ,  lorfque  c'eft  une  fomme  d'argent 
qui  eft  due. 

Ordinairement  le  débiteur  ne  doit  que 


Ï64  Tr.  des  Ôblig, 
les  fruits  qui  ont  été  ,  ou  pu  être  perçue 
depuis  l'interpellation  judiciaire  qui  l'a 
mis  en  demeure  ;  ôc  les  intérêts  ne  cour- 
rent  pareillement  que  depuis  ce  tems. 
Quelquefois  néanmoins  les  fruits  &  les 
intérêts  font  dus  avant  la  demeure ,  com- 
me dans  les  contrats  de  vente  d'une  chofe 
frugifere.  Cela  dépend  de  la  différente  na- 
ture des  contrats  ck  autres  caufes  d'où 
naiffent  les  obligations.  C'en1  ce  que  nous 
Verrons  en  traitant  des  différens  contrats 
&  quafi-contrats. 

§.  1 1. 

De  V  Migation  de  faire  ou  de  ne  pas  faire* 

146.  L'effet  de  l'obligation  qu'une  per- 
fonne  à  contractée  de  faire  quelque  chofe^ 
eft  qu'elle  doit  faire  ce  qu'elle  s'elt  enga- 
gée de  faire ,  &,  que  fi  elle  ne  le  fait  pas , 
après  avoir  été  mife  en  demeure  de  le  fai- 
re, elle  doit  être  condamnée  aux  dom- 
mages &:  intérêts  de  celui  envers  qui  elle 
s'eir.  obligée  ;  c'eft- à-dire  in  id  quanti  cré- 
ditons interfit  facium  fuijjè  id  quodpromif- 
fum  efl  :  ce  qui  doit  être  eftimé  à  une  fom- 
me  de  deniers  par  des  experts  convenus 
entre  les  parties. 

Ordinairement  le  débiteur  ne  peut  être 
x$is  en  demeure ,  que  par  une  demand% 


P  ART.  I.  CHAP.  IL  iSç 
^n  juftice  ,  que  le  créancier  forme  contre 
lui ,  à  ce  qu'il  foittenu  de  faire  ce  qu'il  a 
promis,  linon  qu'il  foit  condamné  en  des 
dommages  &  intérêts. 

Le  juge  fur  c^tte  demande  prefcrit  un 
certain  tems  dans  lequel  le  débiteur  fera 
tenu  de  faire  ce  qu'il  a  promis  ;  &  faute 
par  lui  de  le  faire  dans,  ledit  tems ,  il  ie 
condamne  aux  dépens  ,  dommages  6c  in- 
térêts. 

Si  le  débiteur  fatisfait  dans  ledit  tems 
à  fon  obligation ,  il  évite  les  dommages 
&:  intérêts ,  Se  il  doit  feulement  les  dé- 
pens ,  à  moins  que  le  juge  n'eftimât  qu'il 
fût  dû  quelques  dommages  &  intérêts 
pour  le  retard. 

147.  Quelquefois  le  débiteur  efl:  tenu 
des  dommages  &  intérêts  du  créancier  j 
faute  d'avoir  fait  ce  qu'il  s'étoit  obligé 
de  faire ,  quoiqu'il  n'ait  pas.été  interpellé 
par  une  demande  en  juitice.  Cela  a  lieu 
lorfque  la  chofe  que  le  débiteur  s*eft  obli- 
gé de  faire,  rie  pouvoit  fe  faire  utilement 
que  dans  un  certain  temps,  qu'il  a  laine 
parTer.  Par  exemple  fi  j'ai  chargé  un  Pro- 
cureur dç  tonner  pour  moi  une  oppofitio.ri 
au  décret  d'un  héritage  qui  m'étoiî  hypo- 
théqué ,  &c  que  ce  Procureur  ait  laiffé  in- 
terpofer  le  décret  fans  faire  l'oppoiitïori  , 
il  eft  tenu  de  mes  dommages  6c  intérêts  , 
quoique  je  n'aye  pas  formé  de  demande 


ï6<?      Tr.    des    Oblig. 
contre  lui  pour  qu'il  fût  tenu  de  la  faire  ; 
le  tems  dans  lequel  il  devoit  fçavoir  que 
cette  oppofition  devoit  être  faite ,  l'inter- 
pelloit  fuffifamment. 

148.  L'effet  de  l'obligation  qu'une  per- 
sonne a  contractée  de  ne  pas  faire  quel- 
que chofe ,  elt  que  fi  elle  le  fait ,  elle  efl 
tenue  des  dommages  &  intérêts  réfultans 
du  préjudice  qu'elle  a  caufé  en  faifant  ce- 
la, à  celui  envers  qui  elle  s'étoit  obligée 
de  ne  le  pas  faire. 

149.  Lorfque  celui  qui  s'étoit  obligé  à 
faire  quelque  chofe ,  a  été  empêché  de  le 
faire  par  quelque  cas  fortuit  &  force  ma- 
jeure ;  &  pareillement  lorfque  celui  qui 
s'étoit  obligé  de  ne  pas  faire  quelque  cho- 
fe ,  a  été  contraint  par  quelque  force  ma- 
jeure à  le  faire  ;  il  n'y  a  lieu  à  aucuns  dom- 
mages &  intérêts  ;  car  ncmo  prœjlat  cafus 
fortuitos, 

Obferyez  que  je  dois  dans  ce  cas ,  vous 
avertir  de  la  force  majeure  qui  m'empê- 
che de  faire  ce  à  quoi  je  me  fuis  engagé 
envers  vous  ,  afin  que  vous  puifîiez  pren- 
dre vos  mefures,  pour  y  pourvoir  par 
vous-même  ou  par  un  autre.  Sans  cela  je 
n'éviterai  pas  les  dommages  &:  intérêts , 
àmoins  que  cette  force  majeure  ne  m'eût 
aufïi  ôté  le  pouvoir  de  vous  faire  avertir. 
L.  27.  §.  i.ff.  mand. 


Part.  I.    Chap.  II.       167 

Article    II. 

De  t  effet  de  V obligation  par  rapport  au 
Créancier. 

1  «jo.  Les  effets  de  l'obligation  par  rap- 
port au  créancier  font  i°.  Le  droit  qu'elle 
lui  donne  de  pouriiiivre  en  juftice  le  dé- 
biteur, pour  le  pavement  de  ce  qui  eft 
contenu  dans  l'obligation. 

20.  Lorfque  l'obligation  eft  d'une  fom- 
me  liquide ,  elle  donne  le  droit  au  créan- 
cier de  l'oppofer  à  fon  débiteur  en  com- 
penfation  jufqu'à  due  concurrence  de  cel- 
le qu'il  devroit  à  ion  débiteur.  Nous  trai- 
terons de  cette  compenfation  infrà  part, 
2 .  chap.  4. 

30.  L'obligation  fert  au  créancier  de 
fondement  aux  autres  obligations  que  des 
fidéjuffeurs  pourroient  contracter  envers 
lui  pour  la  perfonne  qui  l'a  contractée. 
Nous  parlerons  de  ces  fidéjuffeurs  ,/w*. 
2. chap  6. 

40.  Elle  fert  de  madère  à  la  novation, 
lorfqu'il  en  intervient.  Voye^  ce  qui  con- 
cerne les  novations  infrà  part.  3.  chap.  2. 

Nous  avons  ici  à  traiter  feulement  du 
premier  &  du  principal  effet  de  l'obliga- 
tion ,  qui  eft  le  droit  qu'elle  donne  au 
créancier  de  pourfuivre  par  les  voies  ju- 


%68  Tr.  des  Oblig; 
diciaires  le  payement  de  ce  qui  lui  eft.  dû* 
il  faut  à  cet  égard  diffinguer  le  cas  au- 
quel l'obligation  conflue  à  donner  quel- 
que chofe  ,  &  celui . auquel  elle  conflfle  à 
faire  ou  à  ne  pas  faire  quelque  chofe. 

§.  i. 

Du  cas  aaqml  V Obligation  conjijîc 
à  donner. 

i  5 1.  Le  droit  que  cette  obligation  doii- 
tie  au  créancier  de  pourfuivre  le  paye- 
ment de  la  chofe  que  le  débiteur  s'eil 
obligé  de  lui  donner,  n'efl  pas  un  droit 
•qu'elle  lui  donne  dans  cette  chofe  ,jus  in 
re;  ce  n'en1  qu'un  droit  contre  la  perfonne 
du  débiteur  pour  le  faire  condamner  à 
donner  cette  chofe,  ju r  ad  rem.  Obhga- 
tionum  fubjlantia  non  in  eo  confîjlit ,  ut 
aliquod  corpu  nojlrum  ,  autjlrvitutem  nof- 
tram  facial  ,fed  ut  alium  nobis  objtringat  ad 
dandurn  vel  faciendum.  L.  ^.  ff\  de  obligat. 
&  acl. 

La  chofe  que  le  débiteur  s'en1  obligé 
de  donner ,  continue  donc  de  lui  appar- 
tenir ,  &:  le  créancier  ne  peut  en  deve- 
nir propriétaire ,  que  par  la  tradition  réel- 
le ou  feinte  que  lui  en  fera  le  débiteur , 
en  accompliflant  fon  obligation. 

Jufqu'à  cette  tradition  le  créancier  n'a 

que 


Part.  T.    C  h  a  p.  H.       169 

crue  le  droit  de  demander  la  choie;  6k  il 
n'a  ce  droit  que  contre  la  perfonne  du  dé- 
ir  qui  a  contracté  l'obligation  envers 
lui,  ou  contre  l'es  héritiers  &  fuc  ce  fleurs 
univerfels;  parce  que  l'héritier  fuccede  à 
tous  les  droits  adlifs  &c  paiîifs  du  défunt, 
cv  par  conicquent  à  fes  obligations  ;  ck 
parce  que  les  fuccefleurs  univerfels  du 
débiteur  fuccedans  à  (es  biens  ,  fuccedent 
auiii  par  conféquent  à  (es  dettes ,  qui  font 
une  charge  de  (qs  biens. 

152.  De-là  il  fuit  que  û  mon  débiteur, 
depuis  qu'il  a  contracté  envers  moi  l'obli- 
gation de  me  donner  une  chofe ,  a  fait 
parler  cette  chofe  à  un  tiers  à  titre  fingu- 
lier,  foit  de  vente,  foit  de  donation ,  je 
ne  pourrai  point  demander  cette  chofe  à 
ce  tiers  acquéreur ,  mais  feulement  à  mon 
débiteur ,  qui  faute  de  me  la  pouvoir  don- 
ner ,  ne  l'ayant  plus ,  fera  condamné  en 
mes  dommaees  ck  intérêts  réfultans  de 
l'inexécution  de  fon  obligation.    \ 

La  raifon  eft ,  que  fuivant  nos  princi- 
pes ,  l'obligation  ne  donnant  au  créancier 
aucun  droit  dans  la  chofe  qui  lui  efl  due, 
je  n'ai  aucun  droit  dans  la  chofe  qui  m'é- 
toit  due  ,  qwe  je  puifle  pourfuivre  contre 
celui  dans  [es  mains  de  qui  elle  fe  trouve. 
Le  droit  que  donne  l'obligation  étant  un 
droit  que  le  ci  éancier  n'a  que  contre  le 
débiteur  êk  fes  fuccefleurs  univerfels ,  je 
Tom,  I.  FI 


170  Tr.  des  O  b  li  g. 
ne  peux  avoir  aucune  aclion  contre  le 
tiers  acquéreur  de  cette  chofe ,  qui  étant 
un  acquéreur  à  titre  iinsulier ,  n'a  point 
fuccéde  aux  obligations  de  celui  qui  s'efl 
obligé  envers  moi ,  Z.  quotas  i5.  cod.  de 
R.  vind.  Paulfcnt.  V,  11.  4, 

Par  la  même  raifon  fi  mon  débiteur  a 
légué  la  chofe  qu'il  s'étoit  obligé  de  me 
donner ,  &  qu'il  meure  ;  il  en  aura  par  fa 
mort  transféré  la  propriété  au  légataire , 
fuivant  la  règle  de  droit  qui  porte  que  do- 
minium  rei  legatœ  Jiatim  à  morte  tejiatoris 
tranjit  à  ujiatori  in  legatarium ;  car  enétant 
iuivant  nos  principes  demeuré  proprié- 
taire ,  il  a  pu  lui  en  transférer  la  proprié- 
té. Ce  fera  donc  au  légataire  qu'elle  de- 
vra être  délivrée  ;  &  je  n'aurai  en  ce  cas 
qu'une  action  en  dommages  &  intérêts  , 
contre  les  héritiers  de  mon  débiteur.  L. 
$2.  rT.  Locat. 

153.  Obfervez  néanmoins  que ,  fi  le  dé- 
biteur ,  lorfqu'il  a  fait  parler  à  un  tiefis  la 
chofe  qu'il  s'étoit  obligé  de  me  donner  , 
n'étoit  pas  folvable  ,  je  pourrois  agir  con- 
tre le  tiers  acquéreur  pour  faire  refeinder 
l'aliénation  qui  lui  en  a  été  faite  en  fraude 
de  ma  créance ,  pourvu  qu'il  ait  été  par- 
ticipant de  la  fraude  ,  confeius  fraudis ,  s'il 
étoit  acquéreur  à  titre  onéreux:  s'il  étoit 
acquéreur  à  titre  gratuit ,  il  ne  feroit  pas 
même  nécefTaire  pour  cela  c^u'il  eût  été 


Part.  I.     Chap.  II.       171 
participant  de  la  fraude.  Tit.ff.  his  quœ  in 

fraud.  crcd. 

Obier vez  aufli  que  fi  la  vente  m'a  été 
faite  par  un  acte  devant  Notaire,  &  que 
la  choie  vendue  foit  un  héritage  ou  autre 
immeuble;  j'ai  un  droit  d'hypothèque  fur 
cet  héritage  pour  l'exécution  de  l'obliga- 
tion que  mon  vendeur  a  contractée  en- 
vers moi  ;  &  je  peux  pourfuivre  ce  droit 
d'hypothèque  contre  ce  fécond  acheteur 
que  je  trouve  en  pofiefîion  de  cet  hérita- 
ge. Il  peut  à  la  vérité  me  renvoyer  à  la 
difcurTion  des  biens  de  mon  vendeur , 
pour  les  dommages  &  intérêts  qui  m» 
font  dus ,  réfultans  de  l'inexécution  de  l'o- 
bligation qui  a  été  contractée  envers  moi  ; 
mais  fi  cette  difcufîion  eft  infructueufe  par 
l'infolvabilité  de  mon  vendeur,  le  fécond 
acheteur  fera  obligé  de  délaifTer  l'héritage 
fur  mon  action  hypothécaire  ,  fi  mieux  il 
n'aime  me  payer  mes  dommages  &c  inté- 
rêts. 

154.  Quoiqu'une  obligation  perfonnel- 
le  ,  ne  donne  par  elle-même  au  créancier 
envers  qui  elle  eft  contractée,  aucun  droit 
dans  la  chofe  qui  en  fait  l'objet;  néanmoins 
il  y  a  certaines  obligations  ,  à  l'exécution 
defquelles  la  chofe  qui  en  fait  l'objet, 
eft  affectée  ;  &  cette  affectation  donne 
un  droit   dans  la   chofe  au  créancier  , 

Hij 


172  Tr.  des  Oblig. 
pour  pourfiiivre  l'exécution  de  l'obliga- 
tion ,  contre  les  tiers  détenteurs  de  cette 
choie.  Telle  efl  l'obligation  qui  réfulte  de 
la  claufe  de  réméré  ,  par  laquelle  l'ache- 
teur d'un  héritage  s'oblige  envers  le  ven- 
deur ,  de  le  lui  rendre  lorfqu'il  y  voudra 
rentrer,  en  le  rembourfant de  tout  ce  qu'il 
lui  en  a  coûté.  L'héritage  qui  fait  l'objet 
de  cette  obligation  de  l'acheteur,  eft  af- 
fecté à  l'exécution  de  cette  obligation ,  & 
le  vendeur  peut  en  pourfiiivre  l'exécution 
contre  un  tiers  détenteur  de  l'héritage. 
Mais  ce  n'efï  pas  l'obligation  qui  produit 
ce  droit  d'afFe dation  :  l'obligation  n'efl 
par  elle-même  capable  de  donner  de  droit 
que  contre  la  perfonne  qui  l'a  contractée  ; 
ce  droit  d'afFe  dation  réfulte  de  ce  que  le 
vendeur  en  aliénant  fon  héritage  ,  eu  cen- 
fé  s'y  être  retenu  ce  droit  d'affectation  aux 
obligations  que  l'acheteur  contra&oit  en- 
vers lui  par  rapport  à  cet  héritage. 

Ce  droit  d'afFe  dation  eft  bien  plus  fort 
que  le  droit  d'hypothèque.  Le  créancier 
d'un  corps  certain  affecté  à  PaccomplifFe- 
ment  de  fa  créance ,  peut  faire  condamner 
le  pofFefFeur  à  lui  délailFer  préciférnent  la 
chofe ,  fans  que  le  pofFefFeur  puifFe  le  ren- 
voyer contre  le  débiteur  principal ,  &  fans 
qu'il  puifFe  lui  offrir  à  la  place  de  la  chofe , 
les  dommages  &  intérêts  réfultans  de 
l'inexécution  de  l'obligation. 


Par  t.  I.     Chap.  II.       175 

1 5  5.  A  l'égard  des  voies  qu'a  le  créan- 
cier pour  obliger  le  débiteur  ou  fes  héri- 
tiers Cv  fucceileurs  univerfels  à  lui  don- 
ner ce  qui  lui  eft  dû ,  il  y  en  a  deux ,  la 
voie  de  commandement  &  d'exécution  , 
&  celle  de  fimple  demande. 

La  première  confifte  à  faire  au  débi- 
teur à  fa  perfonne  ou,  à  fon  domicile  ,  par 
un  Sergent ,  un  commandement  de  payer, 
&  à  faifir  fur  fon  refus  fes  meubles  ou  mê- 
me fes  immeubles ,  &c  à  les  faire  vendre 
pour  être  payé  fur  le  prix. 

Pour  que  le  créancier  ait  cette  voie 
de  commandement  ôc  exécution,  il  faut 
que  trois  chofes  concourent.  i°.  ïl  faut 
que  la  dette  foit  d'une  fomme  d'argent  cer- 
taine 6c  liquide,  ou  d'une  certaine  quan- 
tité d'efpeces  fungibiles ,  comme  de  bled , 
de  vin  ,  &c.  Obfervez  que  quoiqu'on  puif- 
fe  faifir  pour  une  dette  de  ces  efpeces , 
lorfque  la  quantité  due  eft  liquide ,  on  doit 
néanmoins  furfeoir  à  la  vente  jufqu'après 
l'appréciation.  Ordonn.  de  1667.  Tu.  33. 
art.  2. 

Il  faut  2  ' ,  ordinairement  *  que  le  créan- 
cier ait  un  titre  exécutoire  ,  c'eft-à-dire , 
un  afte  devant  Notaire,  revêtu  de  fesfor- 

*  J'ai  dit  oydinairemtrt ,  parce  que  dms  norre  Coutume 
d'Orléans  un  créancier  de  loyers  de  maifon  de  fetrnej  d'hé- 
ritaee,  ou  d'arrérages  de  rente  foncière  ,  peut  fans  titre  exé- 
cutoire procéder  par  voie  d'exécution  pour  trois  terme*  ? 


Qrléant%  art,  r^S. 


H  iij 


#74  Tr.  des  Oblîg. 
mes,  par  lequel  le  débiteur  fe  foit  obligé 
dé  payer ,  ou  un  jugement  de  condamna- 
tion qui  ne  foit  pas  fufpendu  par  un  appel 
ou  une  oppofition.  Voyei  notre  introd.  au 
,//*.  20  de  la  Coût.  d'Orl.  ch.   2.  §.  1. 

Il  faut  30 ,  que  ce  foit  contre  la  per- 
fonne  même  qui  s'efl:  obligée  par  a&e  de* 
vant  Notaire  ,  ou  qui  a  été  condamnée  , 
que  le  créancier  procède  par  voie  d'exé- 
cution: quoique  les  héritiers  de  cette 
perfonne  fuccedent  à  fes  obligations ,  le 
créancier  ne  peut  procéder  contr'eux  que 
par  la  voie  de  demande  y  jufqu'à  ce  qu'ils 
ayent  parlé  titre  nouvel  devant  Notaires  9 
ou  que  le  créancier  ait  obtenu  contr'eux 
un  jugement  de  condamnation. 

Lorfque  ces  trois  chofes  concourent , 
le  créancier  a  la  voie  d'exécution ,  &  il 
rie  lui  efl  pas  permis  de  prendre  la  voie  de 
la  demande. 

La  voie  de  {impie  demande  efl:  celle  que 
cloit  prendre  le  créancier  qui  n'a  pas  la 
voie  d'exécution  ;  elle  confifte  à  afligner 
le  débiteur  devant  le  juge  compétent ,  &:  à 
obtenir  contre  lui  Sentence  de  condam- 
nation. 

156.  Lorfque  la  chofe  due  efl:  un  corps 
Certain ,  6c  que  le  débiteur  condamné  par 
Sentence  à  donner  la  chofe  ,  a  cette  chofe 
en  fa  pofletfion ,  le  juge  fur  le  requis  du 
créancier  doit  lui  permettre  de  la  faifir  & 


Par  t.  I.  C  h  a  p.  II.       175 

de  s'en  mettre  en  poiTefTlon  ;  &  il  ne  fuf- 
tit  pas  au  débiteur  d'offrir  en  ce  cas  les 
dommages  &  intérêts  réfultans  de  l'ine- 
sédition  de  fon  obligation.  Voye^  à  cet 
égard  notre  traite  du  contrat  de  vente,  N.  6j. 

S-  n. 

Du   cas  auquel   C  Obligation  conjîfle 
à  faire  ou  ne  pas  faire. 

157.  Lorfque  quelqu'un  s'eft  obligé  à 
faire  quelque  chofe  ,  cette  obligation  ne 
donne  pas  au  créancier  le  droit  de  con- 
traindre le  débiteur  précifément  à  faire 
ce  qu'il  s'eft  obligé  de  faire  ,  mais  feule- 
ment celui  de  le  faire  condamner  en  fes 
dommages  &  intérêts  ,  faute  d'avoir  fa- 
tisîait  à  fon  obligation. 

C'en1  en  cette  obligation  de  dommages 
&  intérêts ,  que  fe  refolvent  toutes  les 
obligations  de  faire  quelque  chofe ,  car 
nemo  liber  potefl  précise  cogi  ad  faclurn. 

1 58.  Lorfque  quelqu'un  s'eft.  obligé  à 
ne  pas  faire  quelque  chofe ,  le  droit  que 
donne  cette  obligation  au  créancier,  eft 
celui  de  pourfuivre  enjuftice  le  débiteur, 
en  cas  de  contravention  à  fon  obligation, 
pour  ie  faire  condamner  aux  dommages 
ôc  intérêts  réfultans  de  la  contravention. 

Si  ce  qu'il  s'étoit  obligé  de  ne  pas  faire, 

Hiv 


176  Tr.  des  Oblig. 
&  qu'il  a  fait  au  préjudice  de  fon  obli- 
gation ,  eu  quelque  chofe  qui  puifTe  fe 
détruire  ,  le  créancier  peut  auffi  conclure 
contre  fon  débiteur ,  à  la  de&ru&ion.  Par 
exemple ,  û  mon  voifin  s'efr.  obligé  en- 
vers moi  à  ne  pas  fermer  fon  avenue  pour 
m'y  biffer  le  pafisge  libre  ,  &  qu'au  pré- 
judice de  cette  obligation  il  l'ait  fermée 
par  une  barrière ,  ou  par  un  fofTé ,  je  peux 
faire  ordonner  qu'il  fera  tenu  de  retirer 
fa  barrière  ou  de  combler  fon  fofTé  ;  &C 
que  faute  par  lui  de  le  faire  dans  un  cer- 
tain temps  ,  je  ferai  autorifé  à  faire  à  fes 
dépens  combler  le  fofTé  ,  ou  enlever  la 
barrière. 

Article     III. 

Des  dommages  &  intérêts  rèfultans  foit  de 
l'inexécution  des  obligations  ,  foit  du  ri- 
tard  apporté  à  leur  exécution, 

1  ^9.  On  appelle  dommages  &  intérêts, 
la  perte  que  quelqu'un  a  faite  ,  &  le  gain 
qu'il  a  manqué  de  faire  :  c'efl  la  définition 
qu'en  donne  la  loi  13.  ff.  Rat,  rem  hab, 
quantum  mca  interfuit  ;  id  efl  quantum 
mihi  abefl  ,   quantumque  lucrari  potui. 

Lors  donc  que  l'on  dit  que  le  débiteur 
efl  tenu  des  dommages  &  intérêts  du 
créancier  rèfultans  de  l'inexécution  de 
l'obligation  ,  cela  veut  dire  qu'il  doit  in- 


Par  t.  I.    C  h  a  P.   II.       177 

demnifer  le  créancier ,  de  la  perte  que 
lui  a  caillée  ,  6c  du  gain  dont  l'a  privé  , 
l'inexécution  de  l'obligation. 

160.  Il  ne  faut  pas  néanmoins  arTujettir 
le  débiteur  ,  à  indemnifer  le  créancier  de 
toutes  les  pertes  indiftinclement  que  lui 
a  occafionné  l'inexécution  de  Pobliga- 
tion,  6c  encore  moins  de  tous  les  gains  que 
le  créancier  eût  pu  faire  ,  ft  le  débiteur 
eut  fatisfait  à  fon  obligation.  Il  faut  à  cet 
égard  distinguer  différens  cas  ,  &  diffé- 
rentes efpeces  de  dommages  &  intérêts  , 
6c  il  faut  même  félon  les  différens  cas  , 
apporter  une  certaine  modération  à  la 
taxation  6c  eftimation  de  ceux  dont  il  eft 
tenu. 

Lorfqu'on  ne  peut  reprocher  au  débi- 
teur aucun  dol ,  6c  que  ce  n'eft  que  par 
une  fimple  faute  qu'il  n'a  pas  exécuté  fon 
obligation  ,  foit  parce  qu'il  s'eft  engagé 
témérairement  à  ce  qu'il  ne  pouvoit  ac- 
complir, foit  parce  qu'il  s'eft  mis  depuis 
par  fa  faute  hors  d'état  d'accomplir  ion. 
engagement  ;  dans  ces  cas  le  débiteur  n'eft 
tenu  que  des  dommages  6c  intérêts  qu'on 
a  pu  prévoir  lors  du  contrat ,  que  le  créan- 
cier pourroit  fouffrir  de  l'inexécution  de 
l'obligation  ;  car  le  débiteur  eft  cenie  ne 
s'être  fournis  qu'à  ceux-ci 

161.   Ordinairement   les  parties  font 
cenfées  n'avoir  prévu  que  les  dommages 

H  v 


178  Tr.  des  O  b  l  i  g. 
&  intérêts  ,  que  le  créancier  par  l'inexe» 
cution  de  l'obligation  ,  pourroit  fouffrir 
par  rapport  à  la  chofe  même  qui  en  a  été 
l'objet ,  &  non  ceux  que  l'inexécution 
de  l'obligation  lui  a  occàfionnés  d'ailleurs 
dans  les  autres  biens  ;  c'eft  pourquoi  dans 
ces  cas  ,  le  débiteur  n'eiî  pas  tenu  de 
ceux-ci ,  mais  feulement  de  ceuxfoufFerts 
par  rapport  à  la  chofe  qui  a  fait  l'objet 
de  l'obligation ,  damni  &  interejje ,  propter. 
ivfam  rem  non  liabitam*. 

Par  exemple  ,  fuppofons  que  j'ai  ven- 
du à  quelqu'un  un  cheval ,  que  je  me  fuis 
obligé  de  lui  livrer  dans  un  certain  temps, 
Se  que  je  n'ai,  pu  lui  livrer  ;  fi  dans  ce- 
temps  les  chevaux  étoient  augmentés  de 
prix ,  ce  que  l'acheteur  a  été  obligé  de 
payer  de  plus  qu'il  n'avoit  acheté  le  mien, 
pour  en  avoir  un  autre  de  pareille  qua- 
lité, eftun  dommage  dont  je  fuis  obligé 
de  Tindemnifer.  Car  c'efl  un  dommage 
qu'il  a  foufFert ,  propter  rem  ipfam  non  ha- 
hitam ,  qui  n'a  rapport  qu'à  la  chofe  qui 
a  fait  l'objet  du  contrat,,  que  j'ai  pu  pré- 
voir qu'il  pourroit  fouffrit,  le  prix  des 
chevaux  comme,  de  toutes  les  autres  mar- 
chandifes  étant  fujet  à  varier.  Mais  û  cet 
acheteur  était  un  chanoine  y  qui  faute 
d'avoir  le  cheval  que  je  m'étois  engagé  à 
lui  livrer,  &  n'en  ayant  pu  trouver  d'au- 
tres ,  n'a  pu  arriver  à  temps ,  au  lieu  de 


Part.  I.    C  h  a  p.  If.        179 

fon  bénéfice  ,  pour  gagner  fes  gros  fruits; 
je  ne  ferai  pas  tenu  de  la  perte  que  ce 
chanoine  a  faite  de  fcs  gros  fruits  ,  quoi- 
que ce  foit  l'inexécution  de  mon  obliga- 
tion ,  qui  la  lui  a  cauiée  ;  car  c'efl  un 
dommage  qui  efl  étranger  à  ce  qui  a  fait 
l'objet  de  mon  obligation  ,  qui  n'a  pas  été 
prévu  lors  du  contrat  ,  6c  à  la  réparation 
duquel  on  ne  peut  pas  dire  que  je  me 
fois  fournis  en  contractant. 

Pareillement ,  fi  j'ai  donné  à  loyer  pour 
dix-huit  ans  y  une  maifon  que  je  croyois 
de  bonne  foi  m'appartenir ,  &  qu'après 
dix  ou  douze  ans  mon  locataire  en  ait  été 
évincé  par  le  propriétaire  ;  je  ferai  tenu 
des  dommages  &C  intérêts  de  mon  loca- 
taire ,  refultans  dQS  frais  qu'il  aura  été 
obligé  de  faire  pour  fon  délogement  > 
comme  aufîi  de  ceux  refultans  de  ce  que 
le  prix  des  loyers  de  maifon  étant  aug- 
menté depuis  le  bail,  il  aura  été  obli- 
gé de  louer  une  maifon  plus  cher  pendant 
le  temps  qui  reftoit  à  expirer  du  bail.  Car 
ces  dommages  &  intérêts  ont  un  rapport 
prochain  à  la  jouifTance  de  la  maifon  qui 
a  fait  l'objet  de  mon  obligation  ,.  &  font 
fbufferts  par  le  locataire  ,  propter  ipjam 
rem  non  habitant. 

Mais ,  ii  ce  locataire  a  depuis  le  baif 
établi  un  commerce  dans  la  maifon  que 
je  lui  ai  louée  ,  &  que  fon  delogement 

H  v| 


i8o  Tr.  des  Gblig. 
lui  ait  fait  perdre  des  pratiques ,  &r  caufé 
un  tort  dans  fon  commerce  ;  je  ne  ferai 
pas  tenu  de  ce  dommage  qui  eil  étran- 
ger, &  qui  n'a  pas  été  prévu  lors  du 
contrat. 

A  plus  forte  raifon  fi  dans  le  déloge- 
ment, quelques  meubles  précieux  de  mon 
locataire  ont  été  brifés  ,  je  ne  ferai  pas 
tenu  de  ce  dommage.  Car  c'eiï  Timpéri- 
tie  des  gens  dont  il  s'eft  fervi  qui  en  eft 
la  caufe ,  &  non  l'éviction  qu'il  a  fouf- 
ferte  ;  elle  en  eft  feulement  l'occafion. 

162.  Quelquefois  le  débiteur  efttenu 
îles  dommages  &  intérêts  du  créancier , 
cjuoique  extrinfeques  ;  fçavoir  ,  lorfqu'il 
paroît  que  par  le  contrat  ils  ont  été  pré- 
vus ,  &  que  le  débiteur  s'en  eft  ou  ex- 
preffément  ou  tacitement  chargé  en  cas 
d'inexécution  de  fon  obligation.  Par  exem- 
ple ,  j'ai  vendu  mon  cheval  à  un  cha- 
noine ,  ck  il  y  avoit  une  claufe  exprefle 
dans  le  marché  par  lequel  je  me  fuis  obligé 
de  le  lui  livrer  affez  à  temps  pour  qu'il 
pût  arriver  au  lieu  de  fon  bénéfice  ,  & 
à  temps  pour  gagner  fes  gros  fruits.  Si 
<lans  ce  cas  ,  j'ai  manqué  par  ma  faute  , 
quoique  fans  dol ,  à  remplir  mon  obliga- 
tion ,  &  que  ce  chanoine  n'ait  pu  faci* 
lement  trouver  d'autre  cheval ,  ni  d'au- 
tre voiture  ;  je  ferai  tenu  même  des  dom- 
mages extrinfeques  réfultans  de  la  gerte 


Par  t.  I.    C  h  a  p.  II.       181 

qu'il  a  faite  de  (es  gros  fruits.  Car  par  la 
claufe  du  marché ,  le  rifquc  de  ce  dom- 
ina té  prévu  &:  exprimé  ,  &:  je  fuis 
cenfé  m'en  être  chargé. 

Pareillement,  fi  j'ai  loué  ma  maifon  à 

quelqu'un  en  1 1  qualité  de  marchand  ,  ou 

ii  je  l'ai  louée  pour  y  faire  auberge  ,  & 

que  le  locataire  foit  évincé  dans  fa  jouif- 

fance  ,  les  dommages  &  intérêts  dont  je 

fuis  tenu  envers  lui ,  ne  fe  borneront  pas 

aux  frais  du  délogement  ,  ck  à  ceux  qui 

peuvent    refaite*  de   l'augmentation  du 

prix  des  loyers ,  comme  nous  avons  dit 

qu'ils  dévoient  s'y  borner  dans  l'efpece 

ci-devant  rapportée  :  la  perte  qu'il  pourra 

faire  de  les  pratiques  ,  s'il  n'a  pu  trouver 

d'autre  maifon  dans  le  quartier ,  y  devra 

aufTi  entrer  pour  quelque  chofe.    Car  lui 

ayant  loué  ma  maifon  pour  y  faire  une 

boutique ,  ou  une  auberge  ;   cette  efpece 

de  dommage  eft  un  dommage  dont  le  rif- 

que  a  été  prévu,  ck  auquel  je  fuis  cenfé 

rrfétre  tacitement  fournis. 

163.  Voici  un  autre  exemple  de  notre 
diuinction.  Une  perfonne  m'a  vendu  des 
pièces  de  bois  ,  je  m'en  fuis  fervi  pour 
ayer  mon  bâtiment ,  qui  s'eft  écroulé 
par  le  défaut  des  pièces  de  bois  qui  étoient 
pourries  :  fi  le  vendeur  n'étoit  pas  hom- 
me du  métier ,  &c  qu'il  m'ait  vendu  de 
bonne  foi  ces  pièces  de  bois  dont  il  igno- 


i?2  Tr.  des  Oblig, 
foit  le  défaut;  les  dommages  6c  intérêts 
réfultans  de  ce  que  les  bois  qu'il  rua 
vendus ,  fe  font  trouvés  défectueux  ,  ne 
confineront  qu'à  me  faire  une  déduction 
fur  le  prix ,  de  ce  que  je  les  ai  achetés 
de  trop ,  en  achetant  pour  bon  ce  qui 
étoit  défectueux;  mais  ils  ne  s'étendront 
pas  à  la  perte  que  j'ai  faite  par  la  ruine 
de  mon  bâtiment.  Car  le  vendeur  qui 
m'a  vendu  le  bois  de  bonne  foi ,  6c  qui 
n'étoit  pas  plus  obligé  de  s'y  connoître 
que  moi ,  n'en1  pas  cenfé  s'être  chargé 
de  ce  rîfque.    L.  13..   ff.  de  aci.  empt. 

Mais  fi  celui  qui  m'a  vendu  ces  étais  , 
eu.  un  homme  du  métier  >  un  charpen- 
tier qui  m'a  vendu  ces  étais  pour  étayer 
mon  bâtiment  ;  il  fera  tenu  envers  moi 
des  dommages  6c  intérêts  réfultans  de 
l'écroulement  de  mon  bâtiment  par  le 
défaut  de  ces  étais ,  6c  il  ne  fera  pas  reçu 
à  alléguer  qu'il  les  croyoit  bons  6c  fuffi- 
fans  ;  car  quand  il  dirolt  vrai ,  cette  igno- 
rance de  fa  part  ne  feroit  pas.  excufable  , 
dans  un  homme  qui  fait  profefîion  publi- 
que d'un  état  6c  d'un  art  :  imperitïa  cuipa 
annumeratur  %  L.  132.  ff.  de  R.  J.  En  me 
vendant  ces  étais  pour  étayer  mon  bâti- 
ment ,  6c  en  me  les  vendant  dans  fa  qua- 
lité de  charpentier  ;  il  eft  cenfé  s'être  ren- 
du refponfable  que-  les  étais  feroient  fu£- 
fifans  y  ôc  s'être  chargé  du  rifque  de  mon 


Part.  I.     Ch  ap.  IL       183 

bâtiment ,  s'ils  ne  l'étoient  pas.  Molin. 
tra3,  Je  co  quod  interefi  y  N.  5  u 

Obfervez  néanmoins  qu'il  ne  doit  être 
tenu  que  du  rifque  dont  il  s'eft  chargé. 
C'eft  pourquoi  fi  ce  charpentier  m'a  ven- 
du ces  étais  pour  foute  nir  un  certain  bâ- 
timent, ôc  que  je  m'en  fois  fervi  pour 
foutenir  iui  bâtiment  plus  confidérable  ; 
non-feulement  ce  charpentier  ne  fera  pas 
tenu  de  la  ruine  de  ce  bâtiment ,  dans  le 
cas  auquel  ces  étais  eiuTent  été  fumfans 
pour  le  foutien  du  petit  bâtiment ,  pour 
lequel  ils.etoient  deflinés  ;  parce  qu'en 
ce  cas  ce  charpentier  n'étoit    en  faute 
d'aucune  façon  ;  mais  même  dans  le  cas 
auquel  il  aurait  été  en  faute  ,  fes  étais 
étant  abfolument  défectueux  &  infumfans 
même  pour  le  foutien  du  petit  bâtiment 
pour  lequel  ils  étoient  défîmes.,  il  ne  fera 
tenu  de  mes  dommages  &  intérêts  réful- 
tans  de  la  ruine  de  mon  grand  bâtiment, 
que  jufqu'à  concurrence  de  la  valeur  du 
petit  bâtiment.  Car  ne  m'ayant  vendu  (es 
étais  que  pour  le  foutien  du  petit  bâti- 
ment, il  n'a  entendu  fe  charger  du  rifque 
des  dommages  &  intérêts  qut  je  foirfFri- 
rois  ,  que  jufqu'à  la  valeur  du  petit  bâti- 
ment ;  il  ne  doit  pas  par  cenféquent  fui- 
vant  nos  principes ,  être  tenu  au  de-là* 
Peut-être  auroit-il  été  plus  avifé  ,  s'il  eût 
cru  courir  un  plus  grand  rifque  ,  ÔC  qu'iJ 


184       Tr.    des    Oblig. 

les  eût  vendus  pour  le  foutien  du  grand 
bâtiment.  Molin/ibid,  A7",  62. 

Par  une  femblable  raifon  ,  Dumoulin 
décide  que  lorfqu'un  charpentier  m'a  ven- 
du des  étais  pour  le  foutien  de  mon  bâti- 
ment ,  qui  par  le  défaut  &£  PinfumYance 
de  ces  étais  ,  s'eft  écroulé,  les  domma- 
ges &  intérêts  dont  il  eft  tenu ,  fe  bor- 
nent à  la  ruine  du  bâtiment ,  &  ne  s'éten- 
dent pas  à  la  perte  que  j'ai  faite  des  meu- 
bles qui  étoient  dedans  ,  qui  fe  font  bri- 
fés  ou  perdus  dans  les  ruines.  Car  cet 
ouvrier  en  me  vendant  ces  étais  pour  le 
foutien  de  mon  bâtiment,  n'a  entendu 
répondre  que  de  la  confervation  du  bâ- 
timent :  ce  n'en1  que  de  ce  rifque  dont 
il  s'eft  chargé  ,  &:  non  du  rifque  de  la 
perte  de  mes  meubles  qu'il  n'a  pas  pu 
prévoir  que  j'y  laifferois,  étant  ordinaire 
de  démeubler  les  maifons  qu'on  étaye. 
C'eft  pourquoi  ce  charpentier  ne  doit  pas 
être  tenu  de  la  perte  de  ces  meubles  , 
à  moins  qu'il  ne  fe  fût  chargé  expreffé- 
ment  de  ce  rifque.  Molin,  ibid.  N.  63. 
N.  64. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  d'un  entrepre- 
neur avec  qui  j'ai  fait  marché  pour  me 
construire  une  maifon  ,  laquelle  quelque 
temps  après  qu'elle  a  été  conftruite ,  s'efl 
écroulée  par  défaut  de  conftru&ion.  Ces 
dommages  6c  intérêts  dont  eft  tenu  en- 


Part.  I.     Chap.  IL       185 
s  moi  cet  entrepreneur  ignorant,  faute 
ir  rempli  comme  il  devoit  ion  obli- 
ion  ,  s'étendent   non-feulement  à  la 
perte  que  j'ai  faite  de  la  maifon  ,  mais 
même  à  celle  des   meubles  qui  étoient 
dans  la  maifon  ,  Se  qu'on  n'a  pu  fauver. 
Car  cet  entrepreneur  en  s'obligeant  de 
me  conftruire  une  maifon  pour  m'y  loger 
ou  un  locataire  ,  n'a  pu  ignorer  qu'on  y 
•terolt  des  meubles  ,  &  qu'on  n'y  pou- 
\    it  loger  qu'avec  des  meubles ,  &  par 
conféquent  il  s'eft  chargé  du  rifque  des 
meubles ,  Molin.  ibid.  N.  64. 

164.  Il  nous  refte  àobferver  à  l'égard 
des  dommages  &c  intérêts  dont  eft  tenu 
un  débiteur  ,  faute  d'avoir  rempli  fon 
obligation  ,  dans  le  cas  auquel  on  ne  peut 
lui  reprocher  aucun  doî ,  que  lorfque  les 
dommages  &  intérêts  font  confidérables  , 
ils  ne  doivent  pas  être  taxés  &  liquidés 
en  rigueur  ,  mais  avec  une  certaine  mo- 
dération. 

C'eft  fur  ce  principe  que  Juftinien  en  la 
loi  uniq.  cod.  de  fente nt.  quœ  pro  eo  quod 
interefl ,  ordonne  que  les  dommages  &C 
în  ,   in   cajibus  certis  ,    c'eft-à-dire  , 

comme  l'explique  Dumoulin,  ibid.  N.  42.. 
&  feq.  lorfqu'ils  ne  fe  rapportent  qu'à  la 
chofe  qui  a  fait  l'objet  de  l'obligation, 
rîe  puiffent  être  taxés  au-delà  du  double 
de  la  valeur  de  cette  chofe  ,  icelle  valeur 
comprilé. 


ï86         Tr.    des    Oblig* 

La  décision  de  cette  loi ,  peut  s*appli-< 
quer  à  l'efpece  fuivante.  J'ai  acheté  pour 
le  prix  de  quatre  mille  livres ,  une  mai- 
fon  de  vignes  dans  une  province  éloi- 
gnée :  lors  de  mon  acquifition  le  vin  qui 
fait  tout  le  revenu  de  cet  héritage  ,  étoit 
à  très-vil  prix  dans  cette  province;  parce 
qu'il  n'y  avoit  alors  aucun  débouché  pour 
l'exporter  :  depuis  mon  acquifition  le  Roi 
a  fait  faire  un  canal  qui  en  procure  l'ex- 
portation ,  &c  qui  en  a  fait  monter  le  prix 
au  quadruple  éc  plus ,  ce  qui  a  porté  la 
valeur  de  mon  héritage ,  qui  n'étoit  que 
de  quatre  mille  livres ,  à  plus  de  feize  mille 
livres  ;  il  eil  évident  que  li  je  viens  à  être 
évincé  de  cet  héritage ,  mes  dommages 
&  intérêts  réfultans  de  cette  éviction  qui 
ne  font  autre  chofe  que ,  id  quand  mihi  ho- 
die  interejî  hune  fundum  habere  lucre ,  mon- 
tent dans  la  vérité  à  plus  de  feize  mille  li- 
vres :  néanmoins  fuivant  cette  loi ,  pour 
tous  les  dommages  ck  intérêts  qui  me  font 
dus  tant  pour  laplus  value  de  l'héritage,  que 
pour  le  rembourfement  des  loyauts-couts 
de  mon  acquifition,  le  vendeur  qui  m'a 
vendu  de  bonne  foi  cet  héritage  ,  ne  doit 
pas  être  condamne  envers  moi  à  plus 
grande  fomme  qu'à  huit  mille  livres ,  la 
reftitution  du  prix  de  ces  quatre  mille  li- 
vres comprife  ;  la  condamnation  des  don>- 
mages  &c  intérêts ,  qui ,  comme  dans  cette 


Part.  I.  Chap,  IL  187 
*fpece ,  l'ont  dus  feulement  propter  ipfam 
rem  non  habitant  &  in  cafu  certay  ne  devant 
jamais ,  fuivant  cette  loi ,  excéder  le  dou- 
ble du  prix  de  la  chofe  qui  a  fait  l'objet 
de  l'obligation. 

Le  principe  fur  lequel  cette  décifion  eft 
fondée  ,  ei\  que  les  obligations  qui  naif- 
fent  des  contrats  ,  ne  peuvent  fe  former 
que  par  le  contentement  &  la  volonté  des 
parties.  Or  le  débiteur  en  s'obligeant  aux 
dommages  &C  intérêts  quiréfulteroient  de 
l'inexécution  de  fon  obligation ,  eft.  cçn(é 
n'avoir  entendu  ni  voulu  s'obliger ,  que 
jufqu'à  la  fomme  à  laquelle  il  a  pu  vrai- 
femblablement  prévoir,  que  pourroient 
monter  au  plus  haut  lefdits  dommages  &C 
intérêts ,  &:  non-audelà;  donc  lorfque  ces 
dommages  &  intérêts  fe  trouvent  monter 
à  une  fomme  excefïïve  ,  à  laquelle  le  dé- 
biteur n'a  pu  jamais  penfer  qu'ils  pour- 
roient monter ,  ils  doivent  être  réduits  6c 
modérés  à  la  fomme  à  laquelle  on  pou- 
voit raisonnablement  penfer,  qu'ils  pour- 
roient monter  au  plus  haut  ;  le  débiteur 
étant  cenfé  n'avoir  pas  confenti  de  s'obli- 
ger à  davantage.  Malin,  tract,  de  eo  quod 
intire fl y  N.  Go. 

Cette  loi  de  Juftinien  en  tant  qu'elle 
borne  la  modération  des  dommages  &  in- 
terets  exceffifs,  pricifément  au  double  de 
la  valeur  de  la  chofe,  eft.  en  cela  une  loi 
arbitraire  qui  n'a  pas  autorité  de  loi  dans 


188  Tr.  des  Oblig, 
nos  provinces.  Mais  le  principe  fur  lequel 
elle  eu  fondée  ,  qui  ne  permet  pas  qu'un 
débiteur  à  qui  on  ne  peut  reprocher  aucun 
dol ,  foit  tenu  des  dommages  &  intérêts 
réfultans  de  l'inexécution  de  fon  obliga- 
tion ,  au-delà  de  la  fomme  jufqu'à  laquelle 
il  a  pupenfer  qu'ils  pourroient  monter  au 
plus  haut,  étant  un  principe  fondé  dans  la 
raiion  &  l'équité  naturelle  ,  nous  devons 
le  fuivre  ,  &  modérer  conformément  à  ce 
principe,  les  dommages  &  intérêts  lorf- 
qu'ils  ie  trouvent  excefîifs  ,  en  laiffant 
cette  modération  à  l'arbitrage  du  juge. 

1 6  5.  Il  eit  évident  que  la  réduction  des 
dommages  &  intérêts  au  double  du  prix 
de  la  chofe  ,  qui  a  fait  l'objet  de  l'obliga- 
tion primitive,  n'a  d'application  qu'à 
ceux  qui  font  dûs  par  rapport  à  la  chofe 
feulement;  &  qu'elle  n'en  peut  recevoir, 
à  l'égard  de  ceux  que  le  créancier  a  fouf- 
ferts  extrinfecus  dans  fes  autres  biens ,  lorf- 
que  le  débiteur  s'y  eft  expreffément  ou 
tacitement  fournis.  Car  ces  dommages  &C 
intérêts  n'étant  pas  dûs  pour  raifon  de  la 
chofe  ,  qui  a  fait  l'objet  de  l'obligation  pri- 
mitive, ne  peuvent  fe  régler  fur  la  valeur 
de  cette  chofe  ;  &  ils  montent  quelque- 
fois au  décuple  cz  plus  de  cette  chofe.  Par 
exemple ,  les  dommages  &  intérêts  dont 
eft  tenu  envers  moi ,  un  tonnelier  qui  m'a 
vendu  de  mauvais  tonneaux ,  réfultans  de 


Part.  I.     C  h  a  p.  II.       189 

la  perte  que  j'ai  faite  du  vin  que  j'y  avois 
iris,  peuvent  monter  à  plus  que  le  décu- 
ple de  la  valeur  des  tonneaux;  car  en  me 
vendant  en  fa  qualité  de  tonnelier  les  ton- 
neaux ,  il  s'eiî  rendu  refponfable  de  leur 
bonté  ,  6c  il  s'en1  tacitement  chargé  du  rif- 
que  de  la  perte  du  vin ,  qui  peut  monter  à 
dix  ou  vingt  fois  plus  que  le  prix  des  ton- 
neaux :  cette  efpece  de  dommage  ne  con- 
cernant pas  les  tonneaux,  mais  le  vin 
qu'on  mettra  dedans,  ne  doit  pas  fe  ré- 
gler fur  le  prix  des  tonneaux.  Molin.  ihid, 

"•4?-         .  :  l 

Néanmoins  même    à  l'égard  de   ces 

dommages  extrinfeques  on  doit  ufer  de 
modération ,  lorfqu'ils  fe  trouvent  excef- 
fifs  ,  &  l'on  ne  doit  pas  condamner  le  dé- 
biteur au-delà  de  la  fomme  à  laquelle  il  a 
pu  penfer  qu'ils  pourroient  monter  au  plus 
haut.  Par  exemple ,  fi  j'ai  mis  dans  un  ton- 
neau un  vin  étranger ,  ou  une  autre  li- 
queur d'un  prix  immenfe  ,  qui  s'eft  perdue 
par  le  vice  du  tonneau  ;  le  tonnelier  qui 
me  l'a  vendu ,  ne  doit  pas  être  condamné 
à  m'indemnifer  de  cette  perte  en  entier, 
mais  feulement  jufqu'A  concurrence  du 
prix  d'un  tonneau  de  vin  du  meilleur  du 
pays.  Car  en  me  vendant  le  tonneau,  il 
n'a  pas  entendu  fe  charger  d'autre  rifque , 
n'ayant  pu  prévoir  que  j'y  mettrois  une 
liqueur  d'un  prixplus  confidérable,  Molin, 
ïbid%  n.  60. 


190       Tr.    des    Oblig. 

Par  la  même  raifon  ,  rentrepreneur  dé 
ma  maifon  qui  s'efî  écroulée  par  le  vice  de 
la  conftruclion  ,  cil  bien  tenu  envers  moi, 
comme  nous  l'avons  dit  ci-déirus,  de  la 
perte  des  meubles  qui  fe  font  perdus  ou 
brif  es  fous  les  ruines  ;  mais  s'il  s'étoit  per- 
du des  pierreries  ,  ou  des  manufcrits  d'un 
prix  immenfe ,  il  ne  devroit  pas  être  char- 
gé en  entier  de  cette  perte  :  il  effc  tenu  feu- 
lement juiqu'à  concurrence  du  prix  au- 
quel peuvent  ordinairement  monter  les 
meubles  d'une  perfonne  de  mon  état. 

166.  Les  principes  que  nous  avons  éta- 
blis juiqu'à  préfent  n'ont  pas  lieu,  lorfque 
c'efi  le  dol  de  mon  débiteur  qui  a  donné 
Jieu  à  mes  dommages  &  intérêts;  en  ce 
cas  le  débiteur  eft  tenu  iiidifrinclement 
de  tous  les  dommages  &  intérêts  que  j'ai 
foufferts  ,  auxquels  fon  dol  a  donné  lieu  ; 
non-feulement  de  ceux  que  j'ai  fourTerts 
par  rapport  à  la  chofe  qui  a  fait  l'objet  du 
contrat  9  propter  rem  ipfam  ;  mais  de  tous 
les  dommages  &:  intérêts  que  j'ai  loufTerts 
par  rapport  à  mes  autres  biens  ,  fans  qu'il 
y  ait  lieu  de  diftinguer  &£  de  diieuter  en 
ce  cas  ,  fi  le  débiteur  doit  être  cenfé  s'y 
être  fournis.  Car  celui  qui  commet  un  dol 
s'oblige,  vdit,  jiolit,  à  la  réparation  de 
tout  le  tort  que  ce  dol  caméra ,  Mo  lin.  ibid. 
n.  155. 

Par  exemple ,  fi  un  marchand  m'a  ven- 


Part.  I.  Chap.  IL  191 
du  une  vache  qu'il  fçayoit  être  infeclée 
d'une  maladie  contagieufe,  &  qu'il  m'ait 
diiiîmulé  ce  vice  ;  cette  diftimulation  eft 
un  dol  de  fa  part ,  qui  le  rend  refponfable 
du  dommage  que  j'ai  fouffert,  non- feule- 
ment dans  la  vache  même  qu'il  m'a  ven- 
due ,  ôt  qui  a  fait  l'objet  de  fon  obliga- 
tion primitive  ;  mais  pareillement  de  ce 
que  j'ai  fouffert  dans  tous  mes  autres  bef- 
tiaux  auxquels  cette  vache  a  communiqué 
la  contagion  ,  L.  i^.ffldeacï.  cmp.  car  c'eft 
le  dol  de  ce  marchand  qui  m'a  caufé  tout 
ce  dommage. 

167.  A  l'égard  des  autres  dommages 
que  j'ai  foufFerts ,  qui  font  une  fuite  plus 
éloignée  &  plus  indirecte  du  dol  de  mon 
débiteur,  en  fera-t-il  tenu?  Par  exemple, 
fi  en  retenant  la  même  fuppofition ,  la  con- 
tagion qui  a  été  communiquée  à  mes 
bœufs  par  la  vache  qui  m'a  été  vendue  , 
m'a  empêché  de  cultiver  mes  terres  ,  le 
dommage  que  je  fouffre  de  ce  que  mes 
terres  font  demeurées  incultes ,  paroît 
aufli  une  fuite  du  dol  de  ce  marchand,  qui 
m'a  vendu  une  vache  peftiférée;  mais 
c'eft  une  fuite  plus  éloignée  que  ne  l'en1  la 
pêne  que  j'ai  foufFerte  de  mes  beftiaux 
par  la  contagion  ;  ce  marchand  fera-t-il 
tenu  de  ce  dommage  ?  Quid ,  fi  la  perte 
que  j'ai  faite  de  mes  beftiaux ,  &  le  dom- 
mage que  j'ai  fouffert  du  défaut  de  culture 


\ 


Ï92        Tr.    des   O  b  l  i  g. 

de  mes  terres  ,  m 'ayant  empêché  de  payer 
mes  dettes ,  mes  créanciers  ont  fait  faifir 
réellement  6c  décréter  mes  biens  à  vil 
prix,  le  marchand  fera-t-il  aufîi  tenu  de 
ce  dommage  ?  La  règle  qui  me  paroît  de- 
voir être  fuivie  en  ce  cas  ,  eft  qu'on  ne 
doit  pas  comprendre  dans  les  dommages 
&  intérêts  dont  un  débiteur  eu  tenu,  pour 
raifon  de  fon  dol ,  ceux  qui  non-feulement 
n'en  font  qu'une  fuite  éloignée ,  mais  qui 
n'en  font  pas  une  fuite  nécefTaire ,  &:  qui 
peuvent  avoir  d'autres  caufes.  Par  exem- 
ple ,  dans  l'efpece  ci-deflus  propofée  ,  ce 
marchand  ne  fera  pas  tenu  des  dommages 
que  j'ai  foiuTerts  par  la  faifie- réelle  de 
mes  biens ,  ce  dommage  n'efl  qu'une  fuite 
très-éloignée  <k  très-indire  cTe  de  fon  dol , 
&  il  n'y  a  pas  une  relation  nécefTaire  ; 
car  quoique  la  perte  de  mes  beftiaux,  que 
fon  dol  m'a  caufée ,  ait  influé  dans  le  dé- 
rangement de  ma  fortune ,  ce  dérange- 
ment peut  avoir  eu  d'autres  caufes. 

Cela  eu  conforme  à  la  doctrine  de  Du- 
moulin ,  ibid.  n.  179 ,  où  en  parlant  des 
dommages  dont  eu  tenu  le  locataire  d'une 
maifon ,  qui  y  a  mis  le  feu  par  malice  ,  il 
dit;  &  adhuc  in  dolofo  intelligitur  venire 
omne  dctrimcninm  tune  & proximèfecutum  , 
non  autevi  darnnum  pojlcàfucccdcns.  ex  novo 
cafu ,  etiam  occajione  diclœ.  combujîionis  , 
fine  qnâ  non  conùgijjet  ?  quia  ijîud  ejî  dam- 
num 


Part,  I.    Chap,  IL       19? 

num  rcmotum  quod  non  ejl  in  conjideraùone. 
La  perte  que  j'ai  ibufferte  par  le  défaut  de 
culture  de  mes  terres  paroît  être  une  fuite 
moins  éloignée  du  dol  de  ce  marchand  ; 
néanmoins  je  penfe  qu'il  n'en  doit  pas  être 
tenu ,  ou  du  moins  qu'il  n'en  doit  pas  être 
tenu  en  entier.  Ce  défaut  de  culture  n'eft 
pas  une  fuite  abfolument  nécefTaire  de  la 
perte  de  mes  beftiaux,  que  m'a  caufée  le 
dol  de  ce  marchand  ;  je  pouvois,  nonobf- 
tant  cette  perte  de  mes  benSaux ,  obvier 
*  à  ce  défaut  de  culture ,  en  faifant  cultiver 
mes  terres  par  d'autres  beftiaux,  que  j'au- 
rois  achetés  ;  ou  fi  je  n'avois  pas  le  moyen , 
que  j'aurois  loués  ;  ou  en  affermant  mes 
terres  ,  fi  je  n'a  vois  pas  le  moyen  de  les 
faire  valoir  par  moi-même.  Néanmoins 
comme  en  ayant  recours  à  ces  expédiens, 
je  n'aurois  pas  retiré  autant  de  profit  de 
mes  terres  ,  que  fi  je  les  avois  fait  valoir 
par  moi-même ,  par  mes  bœufs  que  j'ai 
perdus  par  le  dol  de  ce  marchand  ;  cela 
peut  entrer  pour  quelque  chofe  dans  les 
dommages  &  intérêts  dont  il  eft  tenu. 

168.  Les  dommages  &  intérêts  qui  ré» 
fuite nt  du  dol  du  débiteur,  différent  en- 
core des  dommages  tk  intérêts  ordinaires , 
en  ce  que  la  loi  unique ,  cod.  defent.  quœ 
pro  eo  quod  interejl ,  &c.  &C  la  modération , 
qui  fuivant  Tefprit  de  cette  loi ,  eft  obfer- 
vée  à  l'égard  des  dommages  oc  intérêts 

Tome  /.  I 


194       Tr.    des    Oblig. 

ordinaires ,  n'ont  pas  lieu  à  l'égard  de  ceux 
qui  réfultent  du  dol  du  débiteur.  La  raifon 
de  différence  en  eu  évidente  ;  cette  mo- 
dération qui  fe  pratique  à  l'égard  des 
dommages  &  intérêts  ordinaires ,  efl  fon- 
dée fur  le  principe  que  nous  avons  expofé 
ci-defïus,  qu'un  débiteur  ne  peut  être  cenfé 
avoir  voulu  s'obliger  pour  dommages  &  in- 
térêts, à  une  plus  grande  fomme  que  celle  à 
laquelle  il  a  pu  penfer  que  pourroient  mon- 
ter au  plus  haut  les  dommages  &c  intérêts 
auxquels  il  fe  foumettoit,  en  cas  d'inexécu- 
tion de  fon  obligation.  Or  ce  principe  ne 
peut  avoir  d'application  aux  dommages 
6c  intérêts  qui  réfultent  du  dol  ;  parce 
que  quiconque  commet  un  dol ,  s'oblige 
indiftinclement,  y  dit ,  no lit ,  à  la  répara- 
tion du  tort  que  fon  dol  caufera. 

Il  doit  néanmoins  être  lai  fié  à  la  pru- 
dence du  juge,  même  en  cas  de  dol ,  d'u- 
fer  de  quelque  indulgence  fur  la  taxation 
des  dommages  *&  intérêts. 

Ces  décinons  ont  lieu  ,  foit  que  le  dol 
ait  été  commis  delinquendo ,  foit  qu'il  ait 
été  commis  contrahendo  y  MoLin.  ibid.  n9 

1 69.  Il  nous  refte  à  dire  un  mot  des 
dommages  &  intérêts  qui  réfultent  du  re- 
tard apporté  par  le  débiteur  à  l'exécu- 
tion de  fon  obligation. 

Un  débiteur  efl  tenu  non-feulement  des 


Part.  T.  Chap.  IL  19c 
dommages  &  intérêts  du  créancier ,  qui 
réfultent  de  l'inexécution  abfolue  de  fon 
obligation ,  lorfqu'il  ne  l'a  pas  accomplie  £ 
il  eu  pareillement  tenu  de  ceux  qui  réful- 
tent du  retard  qu'il  a  feulement  apporté 
à  l'accomplir ,  depuis  qu'il  a  été  mis  en 
demeure  de  le  faire* 

Ces  dommages  &  intérêts  confiant 
dans  la  perte  que  le  créancier  à  foirflerte 
&C  dans  le  gain  dont  il  a  été  privé  par  ce 
retard  ;  pourvu  que  cette  perte  &  cette 
privation  de  gain  en  ayent  été  des  fuites 
néceflaires. 

On  les  eftime  dans  toute  la  rigueur, 
&  on  les  étend  à  quelque  efpece  de  dom- 
mages &  intérêts  que  ce  foit,  lorfque  c'eil 
par  dol  &  par  une  contumace  affeclée, 
que  le  débiteur  a  apporté  du  retard  à  l'ac- 
complifTement  de  fon  obligation. 

Mais  lorfqu'on  ne  peut  lui  reprocher 
que  de  la  négligence ,  ces  dommages  &C 
intérêts  doivent  s'eftimer  avec  beaucoup 
plus  de  modération ,  &  ne  doivent  être 
étendus  qu'à  ceux  qui  ont  pu  être  prévus 
lors  du  contrat ,  &  auxquels  le  débiteur 
s'en1  exprefTément  ou  tacitement  fournis. 

1 70.  Telles  font  les  règles  générales. 
On  en  fuit  une  particulière ,  à  l'égard  du 
retard  apporté  par  un  débiteur ,  dans  l'ac- 
complilTement  des  obligations ,  qui  con- 
fident à  donner  une  certaine  fomme  d'ar- 

I  ii 


196       Tr.   des    Obltg. 

genr.  Comme  les  difFérens  dommages  &£ 
intérêts  qui  peuvent  réfulter  du  retard 
de  l'accomplifTement  de  cette  efpece  d'o- 
bligation ,  varient  à  l'infini,  ck  qu'il  eft 
aum*  difficile  de  les  prévoir  que  de  les 
juilifler;  il  a  été  nécefTaire  de  les  régler 
comme  par  une  efpece  de  forfait ,  à  quel- 
que chofe  de  ûxe  :  c'efr.  ce  qu'on  a  fait , 
en  les  fixant  aux  intérêts  de  la  fomme 
due  au  taux  de  l'Ordonnance  ,  qui  com- 
mencent à  courir  contre  le  débiteur,  du 
jour  qu'il  a  été  mis  en  demeure ,  jufqu'au 
payement:  ces  intérêts  étant  le  prix  com- 
mun du  profit  légitime  que  le  créancier 
auroit  pu  retirer  de  la  fomme  qui  IuLétoit 
due ,  fi  elle  lui  avoit  été  payée. 

En  conféquence  de  cette  efpece  de  for- 
fait ,  quelque  grand  que  foit  le  dommage 
que  le  créancier  ait  fouffert,  du  retard 
que  le  débiteur  a  apporté  au  payement 
de  la  fomme  due ,  foit  que  ce  retard  ait 
procédé  d'une  fimple  négligence ,  foit  qu'il 
ait  procédé  d'un  dol  &  d'une  contumace 
afleclée ,  le  créancier  ne  peut  demander 
d'autre  dédommagement ,  que  ces  inté- 
rets. 

Mais  d'un  autre  côté  ,  il  n^eû  pas  afTu- 
ietti  pour  pouvoir  les  exiger,  à  juftifler 
du  dommage ,  que  le  retard  du  payement 
lui  a  caufé. 

171.  Notre  principe  fouffre  exception  9 


Part.  I.     Ch  a  p.  II.       197 

à  Tcgard  des  lettres  de  change  ;  lorfque 
celui  fiir  qui  une  lettre  de  change  eft  ti- 
rée ,  a  été  refuiant  de  la  payer  au  jour  de 
l'échéance ,  le  propriétaire  de  la  lettre 
qui  Ta  fait  protefter,  peut  par  forme  de 
dommages  &C  intérêts  du  retard  qu'il  a 
fouffert,  exiger  du  tireur  &C  des  endof- 
Fetirs  le  rechange ,  quand  même  il  excé- 
deroit  l'intérêt  ordinaire  de  l'argent.  On 
appelle  rechange  le  profit  qu'il  a  payé  à 
des  banquiers  fur  le  lieu ,  afin  d'avoir  de 
l'argent  pour  des  lettres  de  change ,  à  la 
place  de  celui  qu'il  devoit  recevoir  fiir  le 
lieu.  Voyt{  notre  traité  des  lettres  de 
change.  N.  64. 

171.  Telles  font  les  règles  pour  le  for 
extérieur;  mais  dans  le  for  de  la  cons- 
cience ,  file  créancier  n'afouffert  aucuns 
dommages  du  retard  du  payement  de  la 
fomme  qui  lui  étoit  due ,  c'eft-à-dire ,  û 
ce  retard  ne  lui  a  canfé  aucune  perte ,  & 
ne  l'a  privé  d'aucun  gain ,  il  ne  doit  pas 
exiger  ces  intérêts;  car  ces  intérêts  font 
accordés  comme  un  dédommagement ,  &C 
il  n'en  peut  être  dû  à  celui  qui  n'a  fouf- 
fert  aucun  dommage. 

Vice-verfâ ,  fi  le  dommage  que  le  re- 
tard a  caufé  au  créancier ,  eft  plus  grand 
que  ces  intérêts  ;  félon  les  règles  du  for 
de  la  confeience ,  lorfque  le  débiteur  par 
dol  &  par  une  contumace  aïFe&ée ,  a  été 

iiij 


198  Tr.  des  Oblig. 
en  demeure  de  payer  ce  qu'il  pouvoît 
payer  facilement ,  il  doit  indemnifer  le 
créancier  entièrement  de  tous  les  dom- 
mages qu'il  fçait  que  lui  a  caufés  fa  de- 
meure injufte ,  &  il  ne  fuffit  pas  qu'il  paye 
les  intérêts  du  jour  de  fa  demeure. 

Il  en  eft  autrement,  lorfqu'il  n'y  a  pas 
de  dol  de  la  part  du  débiteur ,  dans  fa  de- 
meure :  la  raifon  de  différence  efl  que , 
hors  le  cas  du  dol ,  un  débiteur  n'eft  tenu 
que  àes  dommages  ck  intérêts  auxquels 
il  eft  cenfé  avoir  confenti  de  fe  foumet- 
tre  r  lefquels ,  dans  ce  cas-ci ,  font  les  ia- 
térêts  de  la  fomme  depuis  la  demeure. 

Une  autre  différence  entre  le  for  exté- 
rieur ,  &c  celui  de  la  confcience  ;  c'eft  que 
dans  celui-ci,  il  a'eft  pas  toujours  nécef- 
faire  qu'il  y  ait  une  interpellation  judi- 
ciaire ,  pour  que  le  débiteur  foit  mis  en 
demeure ,  &  que  les  intérêts  courent  coa- 
tre  lui.  Car  fi  mon  créancier  m'avertit 
qu'il  a  befoin  de  fon  argent ,  &C  que  ce 
créancier,  à  ma  prière,  par  égard  pour 
moi ,  &  pour  ne  pas  faire  tort  à  mon  cré- 
dit ,  n'ait  pas  recours  à  l'interpellation  ju- 
diciaire ,  comptant  fur  ma  bonne  foi,  &C 
fur  la  promené  que  je  lui  fais  de  l'indem- 
nifer ,  de  même  que  s'il  y  avoit  eu  re- 
cours ;  je  fuis  ,  dans  ce  cas  ,  au  for  de  la 
confcience ,  fuffifamment  mis  en  demeure 
par  cet  avertiffement,  &  je  fuis  tenu  des 


Part.  I.     Chap.  II.      199 
intérêts  qui  courront  depuis.  C'eft.  mal- 
à-propos  que  l'auteur  des  conférences  de 
Paris  fur  l'ufure,/0//z.  i.pœg.  379.  &fuiv* 
profcrit  ces  intérêts  comme  ufuraircs  ;  il 
n'y  a  d'intérêts  ufuraires  que  ceux  qui 
ibnt  exigés ,  comme  la  récompenfe  du 
prêt  qui  doit  être  gratuit  ;  mais  ceux-ci 
ont  une  caufe  jufîe ,  favoir  le  dédomma- 
gement du.tort  que  je  caufe  à  mon  créan- 
cier ,   par  le  retard  que  j'apporte  à  l'e- 
xécution de  mon  obligation.  Cet  auteur 
fe  fonde  fur  ce  raifonnement.  Nous  ne  te- 
nons ,  dit-il,  que  de  la  loi  les  biens  ôt  les 
droits  que  nous  avons.  Or  nos  loix  n'ac- 
cordent aux  créanciers  le  droit  de  perce- 
voir des  intérêts  des    fommes  qui  leur 
font  dues ,  que  lorfqu'ils  font  adjugés  par 
Sentetice   fur  une    demande   judiciaire. 
Donc  ,  conclud  cet  auteur,  fans  une  in- 
terpellation judiciaire,  un  créancier  n'a 
pas  le  droit  de  percevoir  des  intérêts  des 
Tommes  qui  lui  font  dues ,  &  il  ne  peut 
en  confcience  les  recevoir. 

La  réponfe  eft  que  fi  le  créancier  ne 
peut ,  dans  le  for  extérieur ,  exiger  des 
intérêts  fans  une  interpellation  judiciaire  , 
c'en1  qu'il  ne  peut  fans  cela ,  jiiftifier  la 
demeure  en  laquelle  a  été  fon  débiteur 
de  le  payer:  cette  interpellation  judiciaire 
étant  la  feulé  preuve  de  cette  demeure  , 
qui  foit  reçue  dans  les  tribunaux.  Mais  fi 

liv 


200         T  R.      DES      O  B  L  I  G., 

dans  la  vérité  ,  ion  débiteur  a  été  en  de- 
meure de  le  payer,  il  a  le  droit  de  rece- 
voir de  lui  les  intérêts  ,  pour  dédomma- 
gement du  tort  que  lui  a  caufé  la  demeure 
de  fon  débiteur  ;  &:  il  tient  ce  droit  de  la 
plus  refpe diable  de  toutes  les  loix  ;  fça- 
voir,  de  la  loi  naturelle ,  qui  oblige  tous 
les  débiteurs  à  remplir  leurs  obligations , 
&  à  dédommager  leur  créancier ,  du  tort 
qu'il  a  fouffert  par  le  retard  qu'ils  y  ont 
apporté.  Lorfqu'un  créancier ,  par  égard 
pour  fon  débiteur ,  n'a  pas  recours  à  la 
voie    de    l'interpellation   judiciaire   qui 
pourroit  ruiner  le  crédit  de  fon  débiteur , 
c'efr.  un  bon  office  qu'il  rend  à  fon  débi- 
teur ;  ce  créancier  ne  doit  pas  fourrrir 
d'avoir  rendu  ce  bon  office  à  fon  débi- 
teur ,  ojjîcium  fuum  nemini  débet  ejje  dam- 
nofum.  C'efi:  une  abfurdité ,  que  de  vou- 
loir que  le  créancier  qui  ménage  fon  dé- 
biteur ,  foit  ,  pour  l'avoir  ménagé ,  de 
pire  condition  que  s'il  avoit  exercé  les 
voies  de  rigueur. 


jfc-*i 


M3& 


T^JT* 


Part.  IL    C  hap.  I.      10 1 

SECONDE     PARTIE. 

Des  différentes  espèces 

d'Obligations. 

t  S 

CHAPITRE    PREMIER. 

EXPOSITION   GÉNÉRALE 

des  différentes  efpeces  d'Obligations. 

§.  i. 

Première    Division. 

173.  T  A  première  divifion  des  Obli- 
JL.  gâtions  fe  tire  de  la  nature  du 
lien  qu'elles  produifent  :  les  obligations 
confidérées  fous  ce  regard  ?  fe  divifent  en 
obligations  naturelles  &  civiles  tout  en- 
femble ,  en  obligations  feulement  civiles  , 
&  en  obligations  feulement  naturelles. 

On  appelle  Obligation  civile  celle  qui 
efl  un  lien  de  droit ,  vinculnm  juris9  ÔC 
qui  donne  à  celui  envers  qui  elle  eu.  con- 
tractée ,  le  droit  d'exiger  en  juftfce  ce  qui 
y  eft  contenu» 

I  V 


20i       Tr.    des    Oblig. 

On  appelle  Obligation  naturelle  celle 
qui  dans  le  for  de  l'honneur  &  de  la  conf- 
cience ,  oblige  celui  qui  l'a  contractée  , 
à  l'accompliffement  de  ce  qui  y  efl  con- 
tenu. 

174.  Les  obligations  font  ordinaire- 
ment civiles  &:  naturelles  tout  enfemble  ; 
il  y  en  a  néanmoins  quelques-unes  qui 
font  obligations  civiles  feulement ,  fans 
être  en  même  temps  obligations  natu- 
relles ,  &  à  l'accomplifiement  defquelles 
le  débiteur  peut  être  contraint  en  juftice  , 
quoiqu'il  n'y  foit  pas  obligé  dans  le  for 
de  la  confcience. 

Telle  efl:  l'obligation  qui  réfulte  d'un 
jugement  de  condamnation  rendu  par  er- 
reur de  droit  ou  de  fait ,  &  dont  il  n'y  a 
pas  d'appel  :  celui  qui  efl  condamné  par 
ce  jugement ,  efl  obligé  envers  celui  au 
profit  de  qui  le  jugement  efl  rendu ,  à 
lui  payer  ce  qui  efl  porté  par  la  condam* 
nation  ;  &  il  peut  y  être  contraint  par 
les  voies  judiciaires ,  quoiqu'il  ne  le  doi- 
v  e  pas  dans  la  vérité  &  félon  le  for  de  la 
confcience  ;  c'eft  l'autorité  de  la  chofe 
jugée  ,  qui  forme  cette  obligation.  Le 
ferment  décifoire  produit  une  pareille 
obligation  :  lorfque  la  partie  à  qui  on 
demandok  une  chofe  s'efl  rapportée  au 
ferment  décifoire  du  demandeur  ,  qui  a 
juré  cr*ie  la  chofe  lui  étoit  due ,  ce  fer- 


Part  II.    C  h  a  p.  I.         20  } 

ment  oblige  le  défendeur  à  payer  à  ce 
demandeur  la  chofe  qu'il  a  juré  lui  être 
due,  quoique  dans  la  vérité  6c  félon  le 
for  de  la  confcience  ,  elle  ne  lui  foit  pas 
due. 

1 7  5.  Il  y  a  aufîi  des  obligations  qui  font 
feulement  des  obligations  naturelles  ,  fans 
être  obligations  civiles.  Ces  obligations, 
dans  le  for  de  l'honneur  &  de  la  conf- 
cience ,  obligent  celui  qui  les  a  contrac- 
tées à  les  accomplir  ;  mais  la  loi  civile 
refufe  l'a&ion  à  celui  envers  qui  elles  font 
contractées  ,  pour  en  pourfuivre  en  juf- 
flice  l'exécution. 

Ces  obligations  ne  font  qu'impropre- 
ment obligations  ;  car  elles  ne  font  pas 
un  lien  de  droit,  vinculum  juris  ;  elles 
n'impofent  pas  à  celui  qui  les  a  contrac- 
tées une  véritable  néceffité  de  les  accom- 
plir ,  puifqu'il  n'y  peut  être  contraint  par 
celui  envers  qui  il  les  a  contractées  ;  &C 
c'eft.  néanmoins  dans  cette  néccffité  que 
confifte  le  cara&ere  de  l'obligation  ,  vin- 
culum juris  quo  neufjitau  adjtrinphnur  : 
elles  font  feulement  pudoris  &  ccquitatis 
vinculum. 

Nous  traiterons  en  particulier  de  cette 
cfpece  d'obligation  dans  le  chap.  fuivant. 


I  YJ 


ao4       Tr.   des   Oblig. 

§.    II. 

Deuxième    Division. 

176.  La  féconde  divifion  des  obliga- 
tions fe  tire  des  différentes  manières  dont 
elles  peuvent  être  contractées.  On  les 
divife  en  pures  &£  Simples ,  6c  en  condi- 
tionnelles. 

Les  pures  &  iimples  font  celles  qui  ne 
font  fufpendues  par  aucune  condition,  foit 
qu'elles  ayent  été  contractées  fans  aucune 
condition  ,  foit  que  la  condition  fous  la- 
quelle elles  ont  été  contractées  ,  ait  été 
accomplie* 

Les  obligations  conditionnelles  font 
celles  qui  font  fufpendues  par  une  con- 
dition qui  n'eft  pas  encore  accomplie  ,  ôc* 
fous  laquelle  elles  ont  été  contractées. 

177.  On  appelle  obligations  pures  & 
fimples  dans  un  fens  plus  étroit ,  celles 
qui  font  contractées  fans  aucune  des  mo- 
dalités ou  modifications  qui  vont  être 
rapportées.  Ces  modalités  font ,  la  con- 
dition réfolutoire  ^  le  temps  limité  pour 
la  durée  de  l'obligation ,  le  terme  ÔC  le 
lieu  du  payement ,  la  faculté  de  payer  à 
un  autre  qu'au  créancier  9  celle  de  payer 
une  autre  chofe  à  la  place  de  celle  qui 
feit  l'objet  de  l'obligation.  L'alternative 


P  A  R  T.  I  T.  CHAP.  I.  lOÇ 
entre  plufieurs  chofes  qui  font  l'objet  de 
l'obligation  ,  la  folidité  entre  plufieurs 
créanciers  ou  entre  plufieurs  débiteurs 
d'une  même  obligation ,  font  encore  des 
modalités  des  obligations. 

Toutes  ces  différentes  modalités  font 
autant  de  différentes  efpeces  d'obligations 
dont  nous  traiterons  au  chap.  troifieme. 

IIL  IV.  &  V.  Division. 

178.  Ces  divifions  fe  tirent  de  la  qua- 
lité des  différentes  chofes  qui  en  font 
l'objet". 

Il  y  a  des  obligations  de  donner,  &  des 
obligations  de  faire  ,  (iipulationum  quœ- 
dam  in  dando  ,  quœdam  infaciendo  ,  /.  2* 
ff.  de  V,  ob. 

Les  obligations  de  faire,  comprennent 
aufïi  celles  par  lefquelles  quelqu'un  s'eft 
obligé  de  ne  pas  faire  quelque  chofe. 

Il  y  a  cette  différence  entre  les  obli- 
gations de  donner  ,  &  les  obligations  de 
faire  ,  que  celui  qui  s'eft  obligé  de  don- 
ner une  chofe  ,  peut ,  iorfqu'il  l'a  en  fa 
poffcfîion  ,  être  précifément  contraint  à 
h  donner  ;  le  créancier  peut,  malgré  lui , 
en  être  mis  en  poffefîion  par  autorité  de 
juitice  ;  au  lieu  que  celui  qui  s'eft  obligé 
à  faire  quelque  chofe ,  ne  peut  être  con?> 
xraint  préciiement  à  le  faire  ;  mais  faute 


io6  Tr.  des  Oblig. 
par  lui  de  remplir  cette  obligation ,  elle 
le  convertit  en  une  obligation  de  payer 
les  dommages  &:  intérêts  réfultans  de  l'ine*- 
xécution  :  &  ces  dommages  &c  intérêts 
çonfifïent  dans  la  fomme  d'argent  ,  à  la- 
quelle ils  font  liquidés  &:  eftimés  par  des 
experts  nommés  par  les  parties  ou  par  le 
juge. 

179.  On  difbngue  encore  les  obliga- 
tions ou  dettes,  en  dettes  liquides ,  &  non 
liquides.  Les  dettes  liquides  font  les  det- 
tes d'une  certaine  chofe  ,  obligatio  rci  cer- 
tœ.  Gaius  en  donne  cette  définition ,  cer- 
tum  efi  quod  ex  ipsd  pronunciatione  appa- 
ru ,  quid ,  quale ,  quantàmqut  fit  9  L  74. 
§.  1.  fF.  de  V*  ob.  Telles  font  les  dettes 
d'un  corps  certain ,  ou  d'une  certaine 
fomme  d'argent ,  d'une  certaine  quantité 
de  bled ,  de  vin  ,  &c 

Une  dette  n'efl  pas  liquide ,  lorfque 
la  chofe  ou  la  fomme  qui  eu  due  ,  n'eft 
pas  encore  conftatée  ;  ubi  non  apparct , 
quid^  qualt,  quantîunquz  cjl  infliptdatione, 
l.  75.  ff»  dict.  tit. 

Telles  font  les  dettes  de  dommages  &C 
intérêts  jufqu'à  ce  qu'ils  ayent  été  liqui- 
dés ,  &  par  conséquent  toutes  les  obliga^- 
tions  qui  confiftent  à  faire  ou  à  ne  pas 
faire  quelque  chofe  ,  d.  L  75.  §.  7.  puis- 
qu'elles fe  réfolvent  en  obligations  de 
dommages  &  intérêts.,  Les  dettes  drunç 


Part.  II.  Chap.I.  107 
choie  indéterminée  ,  les  dettes  alterna- 
tives jufqu'à  ce  que  le  débiteur  ait  fait 
ion  choix ,  ou  qu'ayant  été  mis  en  de- 
meure de  le  faire  9  il  ait  été  référé  au 
créancier ,  font  aufli  des  dettes  non  li- 
quides ,  d.  L  75.  §.  1.  §.  8.  v.inPand. 
Jujlin.  tit.  dev.  o.  n°.  78.  79.  80.  81. 

11  y  a  pluiieurs  d 'fTérences  entre  les  det- 
tes liquides  y  &  celles  qui  ne  le  font  pas  : 
le  créancier  d'une  dette  liquide ,  lorfqu'il 
a  un  titre  exécutoire ,  peut  procéder  par 
commandement  &  par  faifie  des  biens  de 
fon  débiteur  ;  le  créancier  d'une  dette  qui 
n'eft  pas  liquide  ,  ne  le  peut  :  la  créance 
d'une  fomme  liquide  peut  être  oppofée 
en  compenfation  d'une  autre  dette  liqui- 
de ;  une  créance  qui  n'en1  pas  encore  li- 
quide ne  peut  être  oppofée  en  compen- 
fatioru 

Obfervez  à  l'égard  des  dettes  de  grains 
&I  autres  chofes  quœ  in  quantitau  conjif- 
tunt^,  qu'on  distingue  la  liquidation  y  de 
l'appréciation.  La  dette  efl  liquide,  lorf- 
que  la  quantité  de  ces  chofes,  qui  efl:  due 
eft  confiante  ,  cum  confiât  quantum  debea**- 
tur  ;  &c  elle  donne  au  créancier  qui  a  unt 
titre  exécutoire  ,  le  droit  de  faiiir  les  effets 
de  fon  débiteur  ;  mais  il  ne  peut  les 
vendre  jufqu'à  l'appréciation  ;  c'eûVà-di- 
re ,  jufqu'à  ce  qu'on  ait  évalué  à  quelle 
fomme  d'argent  monte  la  quantité  de  ces 


10S        Tr.    des  Oblig. 
efpeces ,  qui  eil  due  ,  Ordonnance  de  i66j. 
T.  33.  art.  2. 

180.  On  divife  encore  les  obligations 
en  obligations  d'un  corps  certain ,  &  en 
obligations  d'une  chofe  indéterminée  d'un 
certain  genre  de  choies  :  c'eft  ce  qu'on  ap- 
pelle obligatio  generis* 

Nous  traiterons  ex  profejjo  de  ces  obli- 
gations en  la  feftion  première  du  chap.  4. 

181.  Enfin  on  divife  les  obligations  en 
dividuelles  ôc  en  individuelles ,  fuivant 
que  la  chofe  qui  efl;  due  eft  fufceptible  de 
parties  au  moins  intellectuelles,  ou  ne 
l'eft  pas.  Nous  en  traiterons  ex  profejjo  au- 
dit chap.  4.  fect  2. 

§.  IV. 

f       Sixième    Division. 

182.  On  divife  les  obligations,  en  obli- 
gations principales ,  &  en  obligations  ac- 
cerToires.  Cette  diviiion  fe  tire  de  l'ordre 
qu'ont  entr'elles  les  chofes  qui  en  font 
l'objet. 

L'obligation  principale  efl  l'obligation 
de  ce  qui  fait  le  principal  objet  de  l'en- 
gagement qui  a  été  contracté  entre  les 
parties» 

1  On  appelle  obligations  accejfoires,  celles* 
qui  font  comme  des  fuites.  Se  des  dépéri 
dances  de  l'obligation  principale, 


Part  II.    C  ha  p.  T.       209 

Par  exemple ,  dans  le  contrat  de  vente 
d'un  héritage  ,  l'obligation  principale  que 
le  vendeur  contracte,  eu  l'obligation  de 
livrer  cet  héritage  à  l'acheteur,  &C  de  le 
garantir  de  tous  troubles  6c  de  toutes  évic- 
tions ,  oblizatio  pnzjlandi  cmptori  rzm  habe- 
rc  licere. 

L'obligation  de  lui  remettre  les  titres 
&  enfeignemens  qui  concernent  cet  héri- 
tage ,  celle  d'apporter  la  bonne  foi  dans  le 
contrat ,  &  le  foin  convenable  à  la  con- 
fervation  de  la  chofe ,  font  des  obligations 
accefîbires. 

Obfervez  que  ces  termes  d'obligation 
principale  &  d'obligation  accefToire,  fe 
prennent  aufïi  dans  un  autre  fens  que  nous 
verrons  infrà  §.6. 

S-  v. 

Septième     Division. 

183.  On  difHngue  les  obligations,  en 
obligations  primitives  &  en  obligations 
fecondaires;  &  cette  divifion  fe  tire  de 
l'ordre  dans  lequel  elles  font  cenfées  con- 
tractées. 

L'obligation  primitive  qu'on  peut  aunl 
appeller  obligation  principale ,  eft  celle  qui 
a  été  contractée  principalement,  en  pre- 
mier lieu,  &  pour  elle-même. 


210        Tr.     des     Ob  IIG* 

L'obligation  fecondaire  eft  celle  qui  eft 
contractée  en  cas  d'inexécution  d'une 
première  obligation. 

Par  exemple ,  dans  le  contrat  de  vente  i 
l'obligation  que  contracte  le  vendeur  de 
livrer  &  garantir  la  chofe  vendue ,  eft 
l'obligation  primitive  :  celle  de  payer  à 
l'acheteur,  les  dommages  &  intérêts, 
faute ,  de  pouvoir  lui  livrer  ou  garantir 
la  chofe ,  eft  une  obligation  fecondaire. 

1 84.  Il  y  a  deux  efpeces  d'obligations 
fecondaires. 

La  première  ?  eft  celle  des  obligations 
fecondaires  qui  ne  font  qu'une  fuite  natu- 
relle de  l'obligation  primitive ,  qui  fans 
qu'il  foit  intervenu  aucune  convention; 
particulière ,  naiiTent  naturellement  ?  de 
la  feule  inexécution  de  l'obligation  pri- 
mitive ,  ou  du  retard  apporté  à  fon  exé- 
cution. 

On  peut  apporter  pour  exemple  l'obli- 
gation des  dommages  &  intérêts  ,  en  la- 
quelle fe  convertit  naturellement  &  de 
plein  droit ,  l'obligation  primitive  qu'un 
vendeur  a  contractée  de  livrer  ou  de  ga- 
rantir une  chofe  en  cas  d'inexécution  de 
cette  obligation  ;  comme  aum*  l'obligation 
des  intérêts  ,  qui  naît  du  retard  appporté 
à  l'obligation  de  payer  une  certaine  fonv» 
me  d'argent. 

Les  obligations  fecondaires  de  la  fe- 


Part.  1 1.  Chap.I.  'lit 
conde  efpece ,  font  celles  qui  naifTent  d'u- 
ne claufe  appofée  au  contrat ,  par  laquelle 
la  partie  qui  s'engage  à  quelque  chofe  , 
promet  de  donner  une  certaine  fomme  ou 
quelqu'autre  chofe ,  au  cas  qu'elle  ne  fa- 
tisfaffe  pas  à  fon  engagement. 

On  appelle  ces  claufes  ,  claufes  pénales  ± 
&  les  obligations  qui  en  naifTent,  obliga- 
tïon<  pénales ,  lefquelles  font  accefToires  à 
l'obligation  primitive  &£  principale,  &C 
font  contractées  pour  en  aflurer  l'exécu- 
tion. Nous  en  traiterons  ex  profejfo  au 
chap.  5. 

185.  Les  obligations  fecondaires  peu- 
vent encore  fe  fubdivifer  en  deux  efpeces* 

Il  y  a  une  efpece  d'obligations  fecon- 
daires, dans  lesquelles  fe  convertirTent 
entièrement  les  obligations  primitives  , 
lorfqu'elles  ne  font  point  exécutées:  telle 
eu  l'obligation  de  dommages  &C  intérêts . 
dont  il  a  été  parlé  ci-devant.  Lorsqu'un 
vendeur  ne  fatisfait  pas  à  fon  obligation  pri- 
mitive de  livrer  oude  garantir  la  chofe  ven- 
due,cette  obligation  primitive  fe  convertit 
entièrement  dans  l'obligation  fecondaire 
de  payer  les  dommages  ci  intérêts  de  l'ache- 
teur :  cette  obligation  fecondaire  eft  fu- 
brogée  à  la  primitive  qui  ne  fubfifte  plus. 

Il  y  a  une  autre  efpece  d'obligations 
fecondaires ,  qui  ne  font  qu'accéder  à  l'o- 
bligation primitive,  fans  la  détruire,  lorf- 


XI 2  T  R.     DES     ObLIG. 

que  le  débiteur  apporte  du  retard  à  {on 
exécution:  telle  eft  l'obligation  des  inté- 
rêts ,  qui  naît  de  la  demeure  de  payer  la 
fomme  principale. 

§.    VI. 
Huitième    Division. 

186.  Les  obligations  considérées  par 
rapport  aux  perfonnc  s  qui  les  contra&ent  9 
fe  divifent  en  obligations  principales ,  6c 
en  obligations  acceffoires. 

L'obligation  principale  en  ce  fens  eu 
Celle  de  celui  qui  s'o  ;:ge  comme  princi- 
pal obligé ,  Se  non  poi    aucun  autre. 

Les  obligations  accefïbires  font  celles 
des  perfonnes  qui  s'obligent  pour  un  au- 
tre ,  telles  que  font  celles  des  cautions 
&  de  tous  ceux  qui  accèdent  à  l'obliga- 
tion d'un  autre.  Nous  en  traiterons  au 
chap,  6. 

§.    VII. 

IX.  X.  XL  &  XII.  Divisions. 

187.  Les  obligations  confédérées  par 
rapport  aux  sûretés  &  aux  voies  qu'a  le 
créancier  de  s^en  procurer  le  payement , 
fe  divifent  en  obligations  privilégiées 
&  non  privilégiées ,  en  obligations  hypo- 


Part.  II.  Chap.  I.  215 
thécaires,  &Z  obligations  chirographaires, 
en  obligations  exécutoires  &:  non  exécu- 
toires ,  enfin  en  obligations  par  corps  & 
en  obligations  civiles  &  ordinaires. 

Les  obligations  privilégiées  font  celles 
pour  lefquelles  le  créancier  a  un  privilè- 
ge far  tous  les  biens ,  ou  fur  certains  biens 
du  débiteur,  pour  être  payé  par  préfet 
rence  aux  autres  créanciers.  Voye^  ce  que 
nous  avons  dit  de  ces  privilèges  en  notre  in- 
troduction, au  tit.  20.  de  la  Coût,  d?Or~ 
léans ,  chap,  2.  §.  9.  &  en  Vintrod,  au  tit, 
21.  §.  16. 

Les  obligations  non  privilégiées  font 
celles  pour  lefquelles  il  n'y  a  pas  de  pri- 
vilège. 

188.  Les  obligations  hypothécaires 
font  celles  qui  font  contractées  fous  l'hy- 
pothèque des  biens  du  débiteur ,  qui  en 
font  fufceptibles. 

Les  obligations  chirographaires  font 
celles  qui  ne  font  accompagnées  d'aucu- 
ne hypothèque. 

Voye{  fur  le  droit  d'hypothèque  l'In- 
trod.  au  tit.  20.  de  la  Coutume  d'Orléans , 
chap.  premier. 

189.  Les  obligations  exécutoires  ,  font 
celles  pour  le  payement  defquelles,  le 
créancier  a  un  titre  exécutoire  contre  le 
débiteur,  ^oye^/up.  N,    155. 

190.  Enhn  les  obligations  par  corps  \ 


tï4  Tr.  des  Oblig. 
font  celles  au  payement  defquelles  le  dé- 
biteur peut  être  contraint  par  l'emprifon- 
nement  de  fa  perfonne ,  jufqu'à  ce  qu'il 
ait  payé.  Les  autres  obligations  qui  ne 
font  pas  fujettes  à  cette  contrainte ,  par 
opposition  à  celles-ci,  font appellées  obli- 
gations civiles  &  ordinaires. 

Sur  les  obligations  qui  font  fujettes  ou 
non  à  la  contrainte  par  corps ,  Voye{  VOr- 
donnance  de  1667.  tu,  34.  &  h  Commen- 
taire de  M.  Joujfe* 


$ 


Par  t.  IL    C  h  ap.  IL     nf 


« 


CHAPITRE    IL 

DE    LA    PREMIERE    DIVISION 

des  Obligations  ,  en  Obligations  civiles  , 
&   en  Obligations  naturelles, 

191.  VT  O  u  s  avons  fuffifamment  vu 
xN  jufqu'à  préfent  quelle  efl  la  na- 
ture des  obligations  civiles  ;  il  nous  refle 
à  traiter  en  ce  chapitre  des  obligations 
naturelles. 

Les  principes  de  notre  Droit,  font  à 
cet  égard  différens  de  ceux  du  Droit  Ro- 
main. 

On  appelloit  dans  le  Droit  Romain: 
Obligation  naturelle ,  celle  qui  étoit  desti- 
tuée d'action,  c'eft-à-dire ,  qui  ne  don- 
«oit  pas  à  celui  envers  qui  elle  étoit  con- 
tractée ,  le  droit  d'en  demander  en  juftice 
le  payement. 

Telles  étoient  toutes  celles  qui  naif- 
foient  des  {impies  conventions ,  qui  n'é- 
toient  revêtues  ni  de  la  qualité  de  contrat, 
ni  de  la  forme  de  la  Stipulation. 

Ces  obligations  étoient  très-favorables. 
Quid  enim  tam  congruum  Jidei  humanœ  % 
quàm  ea  quœ  inter  eos placueruntfervare,  L, 
l.ff.  de  paclt  Si  elles  étoient  deftituées 


2.i6  Tr.  des  Oblig. 
d'action,  ce  n'étoit  que  par  une  raifon  ti- 
rée de  la  politique  des  Patriciens,  qui 
pour  leur  intérêt  particulier  avoient  jugé 
à  propos  de  faire  dépendre  le  droit  d'ac- 
tion des  formules  dont  ils  avoient  feuls 
la  connoifTance  dans  les  premiers  tems  ; 
afin  d'obliger  les  Plébéiens  à  avoir  recours 
a  eu*  dans  leurs  affaires ,  &  de  les  tenir 
par  là  dans  leur  dépendance.  C'efr.  pour- 
quoi 9  à  cela  près  qu'elles  étoient  defU- 
tuées  d'a£tion,  elles  avoient  tous  les  au- 
tres effets  que  peut  avoir  une  obligation 
civile.  Non-feulement  le  payement  de  ce 
qui  étoit  dû  par  une  obligation  purement 
naturelle  étoit  un  payement  valable,  & 
non  fujet  à  répétition  ;  mais  fuivant  les 
principes  du  Droit  Romain ,  je  pouvois 
contre  l'aclion  de  mon  créancier,  oppo- 
fer  la  compenfation  de  ce  qu'il  me  de- 
voit  de  fa  part  par  une  obligation  pure- 
ment naturelle  ,  /.  6.  fi.  de  comp.  Suivant 
les  mêmes  principes ,  des  fidéjuffeurs  pou- 
voient  contracter  une  obligation  civile  , 
qui  accédât  à  une  obligation  purement 
naturelle,  /.  16.  §.  3.  iT.  de  fidej.  &c  une 
obligation  purement  naturelle  pouvoit 
fervir  de  matière  à  une  novation ,  en  une 
autre  obligation  civile ,  /.  1.  §.  1.  fi.  de 
novat. 

191.  Selon  les  principes  de  notre  Droit 
François ,  qui  u'a  pas  admis  la  diftin&ion 

du 


Part.  II.  Chap.  IL  217 
du  Droit  Romain  entre  les  fimples  pacte  , 
cv  les  contrats;  ces  obligations  naturelles 
du  Droit  Romain ,  ibnt  clans  notre  Droit 
de  véritables  obligations  civiles. 

Celles  qu'on  peut  appeller  dans  notre 
Droit  obligations  purement  naturelles  > 
ibnt  i° ,  celles  pour  lesquelles  la  loi  dénie 
l'action  par  rapport  à  la  défaveur  de  la 
caufe  d'où  elles  procèdent:  telle  eft  la 
dette  due  à  un  cabaretier  pour  dépenfes 
faites  par  un  domicilié  du  lieu ,  dans  foit 
cabaret.  Coutume  de  Paris  ,  art.    128. 

20.  Celles  qui  naifTent  des  contrats  des 
perfonnes  qui ,  ayant  un  jugement  &  un 
diieernement  fuffifant  pour  contracter, 
font  néanmoins  par  la  loi  civile  inhabiles 
à  contracter:  telle  eft  l'obligation  d'une 
femme  fous  puiffance  de  mari ,  qui  a  con- 
tracté fans  être  autorifée. 

193.  Ces  obligations  qui  naifTent  d'une 
Caufe  improuvée  par  les  loix ,  ou  qui  ont 
été  contractées  par  des  perfonnes  à  qui  la 
loi  ne  permet  pas  de  contracter,  n'au- 
roient  pas  eu  par  le  Droit  Romain ,  même 
le  nom  d'obligation  naturelle.  C'eft  pour- 
quoi je  ne  penfe  pas  qu'elles  doivent 
avoir  parmi  nous  les  effets  que  le  Droit 
Romain  donnoit  aux  obligations  pure- 
ment namrelles. 

Par  exemple ,  un  cabaretier  ne  doit  pas 
être  admis  à  oppofer  contre  l'action  de. 
Tome  I,  K. 


|i8  Tr,  des  Oelig, 
fon  créancier,  ce  que  ce  créancier  lui 
doit  pour  dépenfes  faites  en  fon  cabaret: 
le  débiteur  d'une  femme  ne  peut  contre 
l'action  de  cette  femme  ,  oppofer  la  corn- 
penfation  de  ce  que  cette  femme  lui  doit 
par  un  contrat  qu'elle  a  fait  avec  lui , 
étant  fous  puiffance  de  mari ,  &  fans  être 
autorifée,  fi  ce  n'eft  que  le  contrat  eût 
tourné  au  profit  de  cette  femme. 

1 94.  Pareillement ,  des  fidéjuffeurs  ne 
s'obligent  pas  valablement  envers  un  ca- 
baretier  pour  une  dette  de  cabaret  ;  car 
la  défaveur  de  la  caufe  de  la  dette  qui  fait 
dénier  l'action  au  cabaretier ,  milite  éga- 
lement à  l'égard  des  fidéjuffeurs,  comme 
à  l'égard  du  principal  obligé. 

Lorfque  c'eft  la  feule  qualité  de  la  per- 
fonne  qui  a  porté  la  loi  à  annuller  l'obli- 
gation; comme  lorfqu'une  femme  fous 
puiffance  de  mari  s'eft.  obligée  fans  être 
autorifée ,  il  y  auroit  plus  de  raifon  de 
douter  fi  l'a£tion  devroit  être  déniée  con- 
tre les  fidéjuffeurs  ;  car  c'eft  par  une  rai- 
fon qui  lui  eft  perfonnelle  que  la  loi  dénie 
l'a&ion  contr'elle.  Néanmoins  il  faut  dé- 
cider que  l'obligation  des  fidéjuffeurs  n'eft 
pas  plus  valable  que  celle  de  la  femme  ; 
caria  loi  rendant  nulle  celle  de  la  femme, 
elle  ne  fubfifte  aucunement,  fi  ce  n'eft 
dans  le  for  de  la  conicience  ,  la  loi  civile 
la  méconnoît  ôc  la  déclare  nulle,&  par  con- 
féquent  elle  ne  peut  pas  être  un  fujet  fuf- 


P  A  R  T.  II.     CH  A  P.   II.         21^ 

fifant  auquel  puiflent  accéder  d'autres 
obligations.  Si  ruivant  les  principes  du 
E>roit  Romain  des  fidéjurTeurs  peuvent 
acccder  a  une  obligation  naturelle  ,  c'efl 
que  les  obligations  naturelles ,  n'etoient 
pas  des  obligations  que  la  loi  improuvât, 
cv  qu'elle  déclarât  nulles  :  elles  étoient 
feulement  deflituées  d'action.  Mais  les- 
loix  Romaines  décident  que  des  fidéjuf- 
feurs  ne  peuvent  accéder  à  des  obliga- 
tions que  la  loi  réprouve  &:  annuité.  C'efl: 
fiir  ce  principe  qu'elles  décident  que  des 
fidéjufleurs  ne  peuvent  s'obliger  valable- 
ment pour  une  femme  qui  fe  feroit  obli-* 
fée  contre  la  prohibition  du  Sénatufcon- 
iulte  Velleien  ;  quia  totam  obligztlommfi- 
natus  improbat ,  L.  16.  §.  1.  ff.  adfc.  Vdl. 
L.  14.  cod.  dicl.  tit.  Par  la  même  raifon  orz 
doit  décider  que  des  fidéjufTeurs  ne  peu- 
vent accéder  à  l'obligation  qu'une  femme 
mariée  a  contractée  fans  être  autorifée  , 
ni  à  toutes  les  autres  obligations  qui  ne 
font  appellées  obligations  purement  na- 
turelles, que  parce  qu'elles  font  imprru- 
vées  par  la  loi  civile.  C'efl  aufli  l'avis  de 
Lebrun.  Tr.  de  la  Communauté \  Liv.  2.  ch» 
1.  S.  5.  N.  17. 

195.  Le  feul  effet  de  nos  obligations 
purement  naturelles  efl,  que  lorfque  le 
débiteur  a  payé  volontairement,  le  pave- 
ment eft  valable ,  &.  n'eflpas  fujet  à  répé- 

Kij 


220  Tr.  des  O  b  l I  g. 
tition  ;  parce  qu'il  a  eu  un  jufte  fujet  de 
payer  ;  fçavoir  celui  de  décharger  fa  conf- 
cience.  Ainfi  on  ne  peut  pas  dire  qu'il  a 
été  fait fint  causa-.  cPoù  il  fuit  qu'il  ne 
peut  y  avoir  lieu  aux  actions  qu'on  ap- 
pelle condiclio  fine  caufâ  >  &  condïciio  in- 
debiti. 

Obfervez  néanmoins  que  pour  que  le 
payement  fait  par  une  femme  d'une  dette 
qu'elle  a  contractée  fans  l'autorité  de  fon 
mari ,  foit  valable  ;  il  faut,  ou  qu'elle  l'ait 
fait  en  viduité  ,  ou  qu'elle  l'ait  fait  avec 
l'autorité  de  fon  mari ,  fi  elle  étoit  encore 
fous  fa  puifTance.  Car  en  ce  cas  elle  n'efl 
pas  plus  capable  de  payer  fans  l'autorité 
de  fon  mari ,  que  de  contracter, 

196.  Nous  avons  parlé  jufqu'à  préfent 
des  obligations  que  la  défaveur  de  leur 
caufe  y  ou  l'inhabilité  civile  de  la  perfonne 
qui  les  a  contractées ,  rend  obligations 
purement  naturelles.  Une  obligation  ci- 
vile ,  lorfque  le  débiteur  a  acquis  contre 
Faction  qui  en  réfulte  quelque  fin  de  non- 
recevoir;  putn9  par  l'autorité  de  la  chofe 
jugée ,  ou  du  ferment  décifoire ,  ou  par  le 
laps  du  tems  requis  pour  la  prefcription , 
peut  aufîi  être  regardée  comme  obligation 
purement  naturelle ,  tant  que  la  nn  de 
non-recevoir  fubfifte ,  &  qu'elle  n'eu1  pas 
couverte.  Voyeifur  ces  fins  de  non-recevoir  f 
infià,p.  $.çh,8< 


Part.  II.  Cri  a  p.  II.  %'%'t 
1 97.  On  ne  doit  pas  confondre  les  obli- 
gations naturelles ,  dont  nous  avons  parlé 
dans  ce  chapitre  ,  avec  les  obligations  im- 
parfaites dont  il  a  été  parlé  au  commen- 
cement de  ce  Traité.  Celles-ci  ne  don- 
nent aucun  droit  à  perfonne  contre 
nous ,  même  dans  le  for  de  la  confcience. 
Par  exemple  fi  j'ai  manqué  de  rendre  à 
mon  bienfaiteur  un  fervice  que  la  recon- 
noilTance  m'obligeoit  à  lui  rendre;  ce 
qu'il  fbuffre  de  ce  que  j'ai  manqué  à  ce 
devoir ,  ne  le  rend  pas  pour  cela  mon 
créancier,  même  dans  le  for  de  la  conf- 
cience. C'eft.  pourquoi  s'il  me  devoit  une 
certaine  fomme  ,  pour  laquelle  je  n'aurois 
plus  d'aftion  contre  lui,  parce  que  ma 
créance  feroit  prefcrite  ;  il  ne  laifleroit 
pas  d'être  obligé  dans  le  for  de  la  conf- 
cience de  me  payer ,  fans  qu'il  pût  rien 
compenfer  de  ce  qu'il  a  fouffert  de  mon 
ingratitude.  Au  contraire  les  obligations 
naturelles ,  dont  nous  avons  traité  dans 
ce  chapitre  ,  donnent  à  la  perfonne  ,  en- 
rs  qui  nous  les  avons  contractées  ,  un 
droit  contre  nous ,  non  pas  à  la  vérité 
dans  le  for  extérieur,  mais  dans  le  for  de 
la  confcience.  C'eft.  pourquoi  fi  j'ai  fait 
une  depenfe  de  cent  livres  dans  un  caba- 
ret du  lieu  de  mon  domicile  ,  ce  cabare- 
tier  efi  vraiment  mon  créancier  de  cette 

K  iij 


ni        Tr.    bes    Oblig. 

fomme  ,  non  dans  le  for  extérieur ,  maïs 
dans  le  for  de  la  confcience  ;  &  fi  j'avois 
de  mon  côté  une  créance  de  pareille  fom- 
me contre  lui  qui  fut  prefcrite  ;  il  pour-* 
roit  dans  le  for  de  la  confcience  fe  dif- 
penfer  de  me  la  payer ,  en  la  compenfant 
avec  celle  qu'il  a  contre  moi. 


<+*^.  /  - 


Part.  II.   Chap.  III.      213 


CHAPITRE     III. 

Des  différentes  modalités  fous  lesquelles  Us 
oblis  dons  peuvent  être  contractées 

Article   Premier. 

Des  conditions  fufpenjives  ,    &  des 
obligations  conditionnelles, 

198.I    ]Ne  obligation  conditionnelle 
V./  eft.  celle  qui  eft  fufpendue  par 
la  condition  fous  laquelle  elle  a  été  con- 
tractée ,  qui  n'eft,  pas  encore  accomplie. 

Pou/  faire  connoître  ce  que  c'eil  qu'une  * 
obligation  conditionnelle,  nous  verrons , 
i°.  Ce  que  c'eif  qu'une  condition  fufpen- 
five,  &:  quelles  font  les  différentes  efpe- 
ces  de  condition.  i°.  Ce  qui  peut  faire 
une  condition  fufpenfive.  3  .  Quand  une 
condition  en1  cenfée  accomplie  ,  ou  répu- 
tée pour  accomplie.  40.  Nous  traiterons 
de  Tindivifibilité  de  l'accompliffement  des 
conditions.  50.  De  l'effet  des  conditions. 
6°.  Nous  verrons  fi,  lorfque  l'obligation 
a  été  contractée  fous  pîufieurs  conditions  7 
il  faut  que  toutes  foient  accomplies , 
pour  que  l'obligation  ait  fon  effet. 

K  iv 


i.%4       Tr.     des    Oblig. 

§•    I. 

Queji-ce  quune  coiidition  &  fe$  différentes 
efpeces. 

199.  Une  condition  eft  le  cas  d'un  évé- 
nement futur  &  incertain ,  qui  peut  arri- 
ver ou  ne  pas  arriver ,  duquel  on  fait  dé- 
pendre l'obligation. 

200.  On  diftingue  les  conditions  fous 
lefquelles  une  obligation  peut  être  fufpen> 
due,  en  pofitives  ,  &  en  négatives. 

La  condition  pofitive  eft.  celle  qui  con- 
fiée dans  le  cas  auquel  quelque  chofe  qui 
peut  arriver  ,  ou  ne  pas  arriver  ,  arri- 
vera ,  comme  celle-ci  ^Jî  je  me  marie. 

La  condition  négative  eft  celle  qui  con« 
fifle  dans  le  cas  auquel  quelque  choie  qui 
peut  arriver,  ou  ne  pas  arriver,  n'arri- 
vera pas ,  comme  celle-ci  ,  Jî  je  ne  mc^ 
marie  pas. 

201.  On  diftingue  encore  les  condi- 
tions en  poteflatives  ,  cafuelles  &  mixtes., 

La  condition  potefïative  eft.  celle  qui 
eft.  au  pouvoir  de  celui  envers  qui  l'obli- 
gation eft.  contractée  ;  comme  fi  je  m'o- 
blige envers  mon  voilin  de  lui  donner  une 
fomme  ,  s'il  abbat  dans  fon  champ  un  ar- 
bre qui  me  bouche  la  vue. 

La  condition  cafuelle  efl  celle  qui  d£- 


Part.  II.   Chap.III.      225 

pend  du  haiard  ,  6c  n'eit  nullement  au 
pouvoir  du  créancier  ;  telles  que  font 
celles-ci  ,yz/'tfi  des  en/ans  \,Jije  n'ai  point 
d'en/ans  :  fi  un  tel  navire  arrive  à  bon  port 
des  Indes  ,  &c. 

La  condition  mixte  efl  celle  qui  dé- 
pend du  concours  de  la  volonté  du  créan- 
cier, 6c  de  celle  d'un  tiers  ,  comme  cel- 
le-ci ,  fi  vous  epoufe^  ma  confine. 

§.  1 1. 

Ce  qui  peut  faire  une  condition  qui  fufpendt 
une  obligation. 

202.  Pour  qu'une  condition  ait  l'effet 
de  fufpendre  une  obligation,  il  faut  i°. 
que  ce  foit  la  condition  d'une  chofe  fu- 
ture ;  une  obligation  contractée  fous  la 
condition  d'une  chofe  pafTée  ou  préfente, 
quoiqu'ignorée  des  contra&ans ,  n'eft.  pas 
proprement  une  obligation  conditionnel- 
le. Par  exemple  ,  fi  après  que  la  loterie 
de  faint  Suîpice  a  été  tirée ,  6c  avant  que 
la  lifte  foit  arrivée ,  j'ai  promis  à  quel- 
qu'un de  lui  donner  une  certaine  fomme, 
fi  le  gros  lot  m'étoit  échu  ,  ou  fi  j'ai  pro- 
mis à  quelqu'un  une  certaine  fomme,  au 
cas  que  le  Pape  foit  actuellement  vivant , 
ces  obligations  ne  font  pas  conditionnel- 
les y  mais  ou  elles  ont  d'abord  toute  leur 

Ky 


n6  Tr.  des  Oblige 
perfe&ion ,  s'il  fe  trouve  que  j'ai  effe Vi- 
vement le  gros  lot ,  ou  que  le  Pape  efl 
vivant  ;  ou  au  contraire ,  il  n'y  aura  ja- 
mais eu  d'obligation  contractée  ,  s'il  fe 
trouve  que  le  gros  lot  ne  m'eft  point  échu, 
ou  que  le  Pape  efl  mort. 

C'eft  ce  que  décide  la  loi  ioo.  ff.  de 
verb.  obi,  Conditio  in  prœtcritum  non  tan- 
tum  in  prœfcns  tempus  relata ,  Jlatim  aut 
perimit  obligationem  ,  aut  omninb  non  dif- 
fort;  addt  LL.  37.   38.  19*  ff^  de  #•  cred. 

Néanmoins  quoique  la  chofe  foit  effec- 
tivement due,  le  créancier  ne  peut  pas 
l'exiger  jufqu'à  ce  qu'il  fe  foit  rendu  cer- 
tain du  fait ,  &  qu'il  l'ait  notifié  au  dé- 
biteur. 

103.  Il  faut  i°.  que  la  condition  foit 
d'une  chofe  qui  peut  arriver  ou  ne  pas 
arriver.  La  condition  d'une  chofe  qui 
arrivera  certainement ,  n'eft  pas  propre- 
ment une  condition  ,  &  ne  fufpend  pas 
l'obligation  ;  mais  elle  en  diffère  feule- 
ment l'exigibilité  ,  &  n'équipolle  qu'à  un 
terme  de  payement. 

Il  faut  néanmoins  à  cet  égard  diftin- 
guer  entre  les  obligations  qui  font  con- 
tractées par  des  actes  entre-vifs  ,  par  lef- 
quels  nous  contractons  tant  pour  nous  que 
pour  nos  héritiers  ,  &  entre  celles  qui 
naiffent  des  difpofitions  faites  au  profit 
d'une  certaine  perfonne  ?  &  non  de  fes 


P  A  R  T.  1 1.     C  H  A  P.  1 1 1.      227 

héritiers  ,  tels  que  font  les  legs  &£  les 
fubftitutions  portées  par  des  teftamens  y 
ou  par  des  donations  entre- vifs. 

A  l'égard  de  ces  difpofitions ,  quoique 
le  fa^t  qui  y  eft  mis  pour  condition  doive 
certainement  arriver  ,  s'il  eft  incertain 
quand  il  arrivera ,  &  il  ce  fera  du  vivant 
du  légataire  ,  ou  fubftitué ,  il  peut  faire 
une  véritable  condition  ;  la  raifon  eft 
qu'une  telle  difpofition  n'étant  faite  qu'à 
la  perfonne  même  du  légataire ,  ou  fubfti- 
tué ,  le  droit  qui  en  réfulte  ne  pouvant 
être  acquis  que  par  la  perfonne  même  du 
légataire  ou  fubftitué ,  la  condition  qui  y 
eft  appolée ,  ne  pouvant  conféquemment 
s'accomplir  utilement  que  du  vivant  du 
légataire  ou  fubftitué  ,  il  fiifrit  qu'il  foit 
incertain  fi  la  condition  arrivera  de  fon 
vivant ,  quoiqu'il  foit  certain  qu'elle  ar- 
rivera un  jour  ,  pour  que  la  difpofition 
foit  conditionnelle ,  puifqu'il  eft  incertain 
s'il  fera  dû  ;  c'eft  fur  ces  principes  que  la 
loi  1 .  §.  2.  ff.  de  cond.  &  dem.  décide ,  que 
fi  j'ai  grevé  mon  héritier  d'un  legs  ,  lorf- 
qu'il  mourroit ,  le  legs  eft  conditionnel  : 
au  contraire ,  dans  les  adtes  entre-vifs  , 
par  lefquels  nous  contractons  tant  pour 
nous  que  pour  nos  héritiers  ,  le  cas  d'une 
chofe  qui  doit  certainement  arriver ,  quoi- 
qu'il foit  incertain  quand  elle  arrivera  , 
ne  peut  jamais  faire  une  condition  qui 

Kvj 


ix  8  Tr.  des  Ob  lig. 
fufpende  l'obligation  ;  parce  que  les  con- 
ditions des  obligations  contractées  par  ces 
actes  ,  pouvant  s'accomplir  utilement  en 
quelque  temps  que  ce  foit ,  aufTi-bien 
après  la  mort  de  la  perfonne  envers  qui 
elle  eft.  contractée,  comme  de  fon  vivant, 
comme  nous  le  verrons  infrà  n.  208.  la 
dette  contractée  fous  la  condition  d'une 
chofe  qui  doit  certainement  arriver ,  ne 
peut  être  incertaine ,  ni  par  conféquent 
conditionnelle. 

204.  Il  faut  39.  pour  qu'une  condition 
foit  valable  ,  &  qu'elle  fufpende  l'obli- 
gation ,  que  ce  foit  la  condition  d'un« 
chofe  pofîible  ,  licite  ,  &  qui  ne  foit  pas 
contraire  aux  bonnes  mœurs. 

La  condition  d'une  chofe  impofrible  , 
illicite  ,  ou  contraire  aux  bonnes  mœurs , 
fous  laquelle  quelqu'un  promettroit  quel- 
que chofe ,  rend  l'acte  abfolument  nul , 
lorfqu'elle  eft  in  faciendo  ?  &C  il  n'en  naît 
aucune  obligation ,  L.  1.  §.  1 1.  jf.  de  ob. 
&  acl.  Z.  3  1.  </.  th.  L.  j.ff.  de  verb.  oblig. 
comme  fi  je  vous  avois  promis  une  fom- 
me  fous  cette  condition ,  fi  vous  faites  un 
triangle  fans  angles  ,  ou  fous  celle  d'aller 
tout  nud  dans  les  rues. 

Il  en  eft  autrement  dans  les  teftamens  ; 
les  legs  qui  feroient  faits  fous  dépareilles 
conditions  n'en  font  pas  moins  valables  , 
&:  la  condition  eft  regardée  comme  non 


Part.  II.   Chàp.  III.     229 

écrite ,  ce  que  la  faveur  des  dernières 
volontés  a  tait  établir ,  /.  3 .  ffl  de  cond. 
&  dcm.  I.  /04.  §.  i.jfl  de  Ugat.  i°. 

Lorfque  la  condition  impofiible  eft  in 
non  faciendo  comme  fi  je  vous  avois  pro- 
mis une  fomme  fi  vous  n'arrêtiez  pas  le 
cours  du  JoUil,  elle  ne  rend  pas  nulle  l'o- 
bligation fous  laquelle  elle  eft  contractée: 
cette  condition  n'a  aucun  effet,  &  l'obli- 
gation eft  pure  &C  fimple ,  /.  7.  ff.  de  verb. 
oblig.  mais  la  condition  de  ne  pas  faire 
une  certaine  chofe  qui  eft  contraire  aux 
mœurs  ou  aux  loix ,  peut  rendre  l'acte 
nul  ;  parce  qu'il  eft  contraire  à  la  juftice 
&  à  la  bonne  foi  de  ftipuler  une  fomme  , 
pour  s'abftenir  d'une  chofe  dont  nous 
ibmmes  d'ailleurs  obligés  de  nous  abs- 
tenir. 

105.  Pour  qu'une  condition  foit  vala- 
ble &c  fufpende  l'obligation  fous  laquelle 
elle  eft  contractée  ;  il  faut  40.  qu'elle  ne 
détruite  pas  la  natvire  de  l'obligation  : 
telle  eft  la  condition  qui  feroit  dépendre 
l'obligation  de  la  pure  &  feule  volonté 
de  la  perfonne  qui  s'engage  ;  comme  fi 
je  promettois  de  donner  quelque  chofe  à 
quelqu'un  fi  cela  me  plaifoit,  si  volue- 
RO  ;  car  l'obligation  étant  Juris  vinculum 
quo  neccfjltate  adjlringimur  y  &  renfermant 
eftentiellement  une  néceftité  de  donner 
ou  de  faire  quelque  chofe  ;  rien  n'eft  plus 


f$o       Tr.   des   Oblic. 

contraire  à  fa  nature  que  de  la  faire  dé- 
pendre de  la  pure  volonté  de  celui  qu'on 
fuppoferoit  la  contracter  ;  &:  par  confé- 
quent  une  telle  condition  ne  fufpend  pas  y 
mais  détruit  l'obligation  qui  pèche  en  ce 
cas  par  le  défaut  de  lien  dont  nous  avons 
déjà  parlé  fuprà  N.  47.  &  48.  Nulla  pro* 
miffio  potefl  confijlere  quœ  ex  voluntate  pro- 
mittentis  Jiatum  caplt.  L.  108.  §.  1.  ff;  de 
yerb,  oblig. 

-  Il  efl  contraire  à  l'effence  de  l'obliga- 
tion qu'elle  dépende  de  la  pure  &C  feule 
volonté  de  celui  qu'on  fuppoferoit  l'avoir 
contractée  ;  mais  elle  peut  dépendre  de 
la  pure  &  feule  volonté  d'un  tiers.  C'eft 
pourquoi  je  peux  valablement  contra&er 
l'obligation  de  donner  ou  de  faire  quelque 
chofe  ,  fi  une  certaine  perfonne  tierce  y 
confent,  /.  43.  &  L  44.  de  verb.  oblig. 

§.  m. 

Quand  tes  conditions  font- elles  cenfêes 
accomplies  ? 

206.  Les  conditions  pofitives,  s'accom- 
pliffent ,  lorfque  la  chofe  qui  fait  la  ma- 
tière de  la  condition  arrive. 

Lorfqu'une  condition  confiée  à  donner 
©u  à  faire  quelque  chofe  ,  il  faut  pour 
l'accompliffement  de  la  condition  ,  que 


Part.  II.  Chap.  III.  13  î' 
celui  à  qui  elle  a  été  impofée  ,  ait  donné 
ou  tait  la  chofe  ,  de  la  manière  dont  il  efr. 
vraisemblable  que  les  parties  l'ont  enten- 
du.  C'eft  pourquoi,  fi  j'ai  contracté  quel- 
qu'engagement  envers  vous ,  au  cas  &  fî 
vous  donniez  une  certaine  fomme  à  un 
tel ,  &:  que  ce  loit  un  mineur ,  vous  n'avez 
pas  accompli  la  condition  ,  fi  au  lieu  de 
donner  cette  fomme  au  tuteur  de  ce  mi- 
neur ,  vous  l'avez  donnée  à  ce  mineur  qui 
l'a  diffipée,  /.  68 \  ft.de  folut..  Car  il  efl 
évident  que  mon  intention ,  en  vous  im- 
posant cette  condition,  a  été,  que  vous 
donneriez  cette  fomme  au  mineur ,  de  ma- 
nière qu'il  en  pût  profiter  ,  en  la  mettant 
es  mains  de  fon  tuteur  ;  &  que  vous  ne 
l'abandonneriez  pas  à  la  difcrétion  de  ce 
mineur. 

Notre  principe  que  les  conditions  doi- 
vent s'accomplir  de  la  manière  dont  les 
Parties  ont  vraifemblablement  voulu  & 
entendu  qu'elles  le  fufTent ,  fert  à  décider 
la  queftion  que  font  les  Do&eurs ,  û  les 
conditions  doivent  s'accomplir  littérale- 
ment in  forma  fpecified}  Il  faut  dire ,  qu'or- 
dinairement elles  doivent  s'accomplir  in 
forma  fpecified  ,  qu'elles  peuvent  néan- 
moins s'accomplir  per  aquipcllens  ,  lors- 
que pro  fubjeclâ  materid  ,  il  paroit  que 
telle  a  été  vraifemblablement  l'intention 
des  parties  ;  6c  cette  intention  fe  préfu- 


2.32.       Tr.   des   Ob  li  g. 

me^  lorfque  celui  en  faveurde  qui  eft  la  con- 
dition n'a  pas  d'intérêt  qu'elle  foit  accom- 
plie d'une  manière  plutôt  que  d'une  autre. 

Par  exemple  ,  fi  j'ai  contracté  quel- 
qu'obligation  envers  vous  fous  cette  con- 
dition ,  fi  dans  tel  temps  vous  me  don- 
nez cent  louis  d'or  ;  vous  êtes  cenfé  ac- 
complir cette  condition  en  m'offrant  en 
argent  blanc  la  fomme  de  deux  mille  qua- 
tre cens  livres ,  à  laquelle  montent  les 
cent  louis  d'or ,  m'étant  indifférent  de  re- 
cevoir cette  fomme  en  argent  ou  en  or  ; 
avec  d'autant  plus  de  raifon,  qu'on  ne  con- 
fidere  dans  lamonnoie  que  la  valeur  que  le 
Prince  lui  a  donnée ,  &:  non  les  corps  qui 
n'en  font  que  lefigne.  Arg.  L.  i.  infin.ffl 
de  cont,  tmpt, 

207.  Les  conditions  devant  s'accom- 
plir de  la  manière  dont  les  parties  con- 
tractantes l'ont  entendu,  on  demande  fi , 
lorfque  la  condition  confifte  dans  quel- 
que fait ,  foit  du  créancier  ,  foit  du  dé- 
biteur ,  foit  d'une  perfonne  tierce  ,  la 
condition  ne  peut  être  accomplie  que  par 
la  perfonne  elle-même,  ou  fi  elle  peut 
l'être  par  les  héritiers  de  la  perfonne  ,  & 
par  quelqu'autre  que  ce  foit ,  qui  fafTe 
pour  elle  &c  en  fon  nom  ce  qui  eft  porté 
par  la  condition.  La  décifion  de  la  quef- 
tion  dépend  de  la  nature  du  fait ,  6k  de 
l'examen  de  l'intention  qu'ont  eue  les  par- 


Part.  IL  Chap.  III.  235 
tîes  contractantes.  Si  le  fait  mis  en  con- 
dition ,  eft  un  fait  perfbnnel,  û  c'eft  le 
fait  d'une  telle perfonne ,  plutôt  que  le  fait 
feul  &  en  lui-même  ,  que  les  parties  ont 
eu  en  vue  ;  en  ce  cas  la  condition  ne  peut 
être  accomplie ,  que  par  la  perfonne  elle- 
même.  Par  exemple ,  fi  je  me  fuis  engagé 
envers  mon  domeftique  ,  de  lui  donner 
une  certaine  récompenfe  ,  s'il  reftoit  dix 
ans  à  mon  fervice  ;  il  eft  évident  que  le 
fervice  de  ce  domeftique ,  qui  fait  l'ob- 
jet de  la  condition ,  eft  un  fait  perfonnel , 
&£  qu'une  telle  condition  ne  peut  être  ac- 
complie que  par  lui-même.  Il  en  eft  de 
même  de  l'obligation  que  j'ai  contractée 
envers  l'élevé  d'un  célèbre  peintre ,  de  lui 
donner  une  certaine  fomme ,  fi  fon  maî- 
tre me  faifoit  un  certain  tableau  :  c'eft 
encore  un  fait  perfonnel  qui  fait  l'objet 
de  cette  condition ,  &  elle  ne  peut  être 
accomplie  que  par  le  peintre  lui-même. 
Mais  fi  le  fait,  foit  du  créancier,  foit 
du  débiteur,  foit  d'un  tiers ,  qui  a  été  mis 
pour  condition,  n'eft  pas  un  fait  perfon- 
nel ;  fi  c'eft  un  fait  que  les  parties  con- 
tractantes ont  confidéré  feul  &  en  lui-mê- 
me ,  &c  non  comme  le  fait  d'une  telle  per- 
fonne ;  en  ce  cas  ,  la  condition  peut  s'ac- 
complir ,  non-feulement  par  la  perfonne 
elle-même,  mais  encore  par  fes  héritiers , 
ou  autres  fucceffeurs.  Par  exemple,  fi  je 


134      Tr.    des    O  b  l  i  g. 

me  fuis  obligé  à  vous  payer  une  certaine 
fomme  ,  fi  dans  Vannée,  vous  f'fit{  abattre 
fur  votre  héritage ,  un  bois  qui  faifoit  geler 
mes  vignes  \  cette  condition  peut  s'accom- 
plir par  vos  héritiers  ;  car  ce  fait  n'eft  pas 
un  fait  qui  vous  fût  perfonneL  II  eft  évi- 
dent qu'en  appofant  cette  condition  à 
mon  obligation  ,  j'ai  confidéré  le  fait 
feul  &  en  lui-même ,  n'ayant  eu  d'autre 
intention  ,  finon  que  le  bois  fût  abattu , 
m'étant  indifférent  par  qui.  Pareillement , 
fi  je  vous  ai  acheté  un  héritage  ,  fous  ta. 
condition  qu'un  tel  fe  défifteroit  d'un 
droit  de  fervitude  qu'il  y  prétendoit ,  la 
condition  s'accomplira  ,  fi  le  fuccefteur 
de  ce  voifin  donne  ce  défiftement. 
.  208.  Les  conditions  des  acf  es  entre-vifs, 
par  lefquels  nous  contractons  tant  pour 
nous  que  pour  nos  héritiers  ,  peu- 
vent s'accomplir  utilement  après  la  mort 
de  celui  envers  qui  l'obligation  eft  con- 
tractée ,  aufîi-bien  que  de  fon  vivant , 
injtit.  tit,  âe  verb,  oblig.  §.5.  En  cela  ces 
a&es  différent  des  legs  &  autres  fembla- 
bles  difpofitions ,  lefquelles  demeurent 
caduques  ,  fi  celui  au  profit  de  qui  elles 
font  faites  ,  meurt  avant  que  la  condi- 
tion ,  fous  laquelle  elles  font  faites ,  ait 
été  accomplie,  /.  59.  if.  de  cond.  &  dem. 
La  raifon  de  différence  eft  que  celui  qui 
fait  un  legs  à  quelqu'un  3  ne  lègue  qu'à 


Part.  IL    Ch  a  p.  III.     2jf 

la  perfonne  du  légataire  ;  d'où  il  fuit  que 
FaccomplirTement  de  la  condition  ,  qui 
n'arrive  qu'après  la  mort  >  ne  peut  don- 
ner ouverture  au  legs  ;  car  il  ne  peut  y 
avoir  ouverture  à  ce  legs  au  profit  du  lé- 
gataire qui  n'eft  plus  ,  ni  au  profit  des  hé- 
ritiers du  légataire  ,  qui  ne  font  pas  ceux 
à  qui  le  teitateur  a  voulu  léguer.  Au  con- 
traire ,  dans  les  actes  entre-vifs,  celui  qui 
ftipule  quelque  chofe  >  eft  cenfé  le  ftipuler 
tant  pour  lui  crue  pour  (es  héritiers  ,  qui 
pacifciturjibi  herediquefuo  pacifcitur.  L'o- 
bligation qui  rëfuîte  de  l'acte  eft  contrac- 
tée envers  lui  &  envers  fes  héritiers  ;  d'oîi 
il  fuit  que  la  condition  fous  laquelle  l'o- 
bligation a  été  contractée ,  quoiqu'elle  ne 
s'accompliffe  qu'après  fa  mort ,  doit  donr 
ner  ouverture  à  l'obligation. 

Cynus ,  Bartole  ,  &  la  plupart  des  an- 
ciens Docteurs  >  ont  foutenu  que  notre 
principe  fur  l'accomplirTement  des  condi- 
tions des  actes  entre-vifs  fouffroit  excep- 
tion à  l'égard  des  conditions  poteftatives, 
c'eit- à-dire  ,  de  celles  qui  confident  dans 
quelque  fait  qui  eu  au  pouvoir  de  celui 
envers  qui  l'obligation  eft  contractée. 
Ces  auteurs  ont  prétendu  qu'elles  ne  pou- 
voient  s'accomplir  après  fa  mort.  Si  cette 
décifion  étoit  reitreinte  aux  conditions 
pot-efratives  ,  qui  confident  clans  quelque 
fait  du  créancier  qui  foit  perfonnel }  elle 


236  Tr.  !des  Oblig. 
ne  pourroit  fouffrir  aucune  difficulté.  îî 
eft  évident ,  par  ce  qui  vient  d'être  dit  ci- 
deffus ,  qu'elles  ne  peuvent  s'accomplir 
après  fa  mort;  mais  il  eft  faux,  que  tou- 
tes les  conditions  pote  Hâtives  indlftin dé- 
ment ,  ne  puifTent  s'accomplir  après  la 
mort  du  créancier;  6c  il  n'y  a  aucune 
raifon  folide  fur  laquelle  l'opinion  de  ces 
Docleurs  puirTe  être  établie.  Ils  ne  la  fon- 
dent que  fur  quelques  textes  de  droit ,  qui 
ne  font  rien  moins  que  décifift ,  &  qu'il 
feroit  trop  long  de  rapporter  &c  de  réfu- 
ter :  il  fuffira  de  répondre  à  la  loi  48.  ff. 
de  verb.  ob/ig.  qui  eft.  le  principal  fonde- 
ment de  cette  opinion.  ïl  y  eft  dit  que  dans 
une  ftipulation,  ces  termes,  cum petiero , 
dabis ,  font  différens  de  ceux-ci ,  (i  petiero 
&  qu'ils  ne  renferment  pas  une  condition, 
admonitionem  magis.  quàm  condilionem  ha- 
bit hac  (iipulatio  \  ù  ideb ,  ajoute  Ulpien  ^fi 
decejfero  prias  quàmpeturo ,  non  videtur  defe- 
ciffè  conditio.  De  ces  derniers  mots ,  nos 
Docteurs  argumentent ainfi.-Ulpien  dit  qu» 
lorfque  les  parties  ont  employé  ces  ter- 
mes cum  petiero ,  la  mort  du  créancier  arri- 
véeavant  qu'il  ait  donné  la  demande,  n'em- 
pêche pas  l'effet  de  la  convention,  parce 
que  ces  termes  cum  petiero ,  ne  renferment 
pas  une  condition  ;  donc ,  concluent-ils  , 
û  les  parties  s'étoient  fervies  de  termes 
qui  renfermaflent  une  condition  ;  tels  que 


Part.  II.    C  hap.  III.      237 

ceux-ci ,  fi  peticro ,  il  en  auroit  été  autre- 
ment ,  cv  la  mort  du  créancier  arrivée 
mt  qu'il  eût  donné  la  demande  ,  au- 
roit tait  défaillir  la  condition ,  &  fait  tom- 
ber la  convention  :  donc  la  condition  9Ji 
pctïcro ,  ne  peut  s'accomplir  utilement  que 
<hi  vivant  du  créancier  :  donc  les  condi- 
tions poteilatives  ne  peuvent  s'accomplir 
utilement  que  du  vivant  du  créancier.  Je 
réponds  que  cette  dernière  conféquence 
eft  mal  tirée  ;  ces  Docteurs  contre  les  rè- 
gles de  la  Logique  concluent  du  particu- 
lier au  général  :  je  conviens  que  la  con- 
dition ,  SI  PETIERO,  ne  peut  sy accomplir 
après  la  mort  du  créancier  ;  parce  qu'il  pa- 
roît  que  dans   cette  condition ,  c'efl  le 
fait  perfonnel  du  créancier  ,  c'eït  la  de- 
mande que  la  perfonne  même  du  créan- 
cier fera ,   que  les  parties  ont  entendu 
mettre  pour  condition  ;  autrement  cette 
condition   n'auroit  pas  de  fens  :    mais 
de   ce   que  la  condition  ,  fi petiero  y  ne 
peut  s'accomplir  après  la  mort  du  créan- 
cier ;  il  ne  s'enfuit  pas  que  les  autres  con- 
ditions poteftatives ,  qui  renferment  un 
fait  qui  n'en1  pas  perfonnel ,  ne  puifTent 
s'accomplir  utilement  après  la  mort  du 
créancier.    Cette  queftion  a  été  traitée 
avec  grande  étendue  par  Covarruvias  % 
^uxfl.  pracl.  39. 

209.  Lorfque  la  condition  renferm.0 


2.38  Tr.  des  Oblio. 
un  temps  préfîx,  dans  lequel  elle  doit  être 
accomplie  ,  comme  fi  je  me  fuis  obligé 
de  vous  donner  une  certaine  fomme  ,  fi 
un  tel  navire  Itoit  cette  année  de  retour  dans 
les  ports  de  France  ;  il  faut  que  la  chofe  ar- 
rive dans  le  temps  préfîx ,  &  lorfque  le 
temps  efî  expiré  ians  que  la  choie  foit  ar- 
rivée ,  la  condition  eft  cenfée  défaillie , 
&  l'obligation  contractée  fous  cette  con- 
dition, eft  entièrement  évanouie. 

Maisfi  la  condition  ne  renferme  aucun 
temps  préfîx  dans  lequel  elle  doit  être  ac- 
complie ,  elle  peut  l'être  en  quelque  temps 
que  ce  foit  ;  &;  elle  n'efl  pas  cenfée  dé- 
faillie jufqu'à  ce  qu'il  foit  devenu  certain 
que  la  chofe  n'arrivera  point. 

On  s'écarte  de  cette  règle  ,  lorfque  la 
condition  confifte  dans  quelque  chofe  que 
doit  faire  celui  envers  qui  je  me  fuis  obli- 
gé fous  cette  condition  ,  &  que  j'ai  inté- 
rêt qui  foit  faite  :  comme  fi  j'ai  promis  à 
mon  voifin  de  lui  donner  une  fomme  ,  s'il 
abattoit  un  arbre  qui  me  nuit.  Car  en  ce 
cas  ,  je  peux  afîigner  celui  envers  qui  je 
me  fuis  obligé  ,  pour  qu'il  lui  foit  préfixé 
vin  certain  temps  dans  lequel  il  accomplira 
la  condition ,  &  qu'à  faute  par  lui  de  le 
faire ,  je  ferai  déchargé  purement  &£  Am- 
plement de  mon  obligation. 

210.  Les  conditions  négatives  ou  ont  un 
temps  préfîx,  ou  n'en  ont  point.  Lorf- 


Par  t.  II.  Chap.  IR  239 
«fit'elles  ont  un  temps  préfix ,  elles  exif- 
tent ,  lorique  ce  temps  eft  expiré  fans  que 
la  choie  foit  arrivée.  Par  exemple  ,  fi  je 
vous  ai  promis  quelque  chofejî  un  el  na~ 
:  n  et  oit  pas  de  retour  cette  année  dans 
nos  ports  :  la  condition  aura  exifté ,  lorf- 
que  Tannée  fera  expirée  fans  que  le  navire 
foit  arrivé.  Elles  peuvent  s'accomplir 
avant  l'expiration  de  ce  temps  ,  lorfqu'il 
devient  certain  que  la  chofe  n'arrivera 
pas. 

Si  la  condition  négative  n'a  point  de 
temps  préfîx ,  elle  n'en1  cenfée  accomplie, 
que  lorfqu'il  fera  devenu  certain  que  la 
chofe  n'arrivera  pas.  Par  exemple  ,  û  je 
fuis  obligé  à  vous  donner  quelque  chofe 
fi  un  tel  navire  n  arrive  pas  des  Indes  à  bon 
port  ;  la  condition  de  mon  obligation 
n'exi fiera  que  lorfqu'il  fera  devenu  cer- 
tain que  le  navire  ne  reviendra  pas ,  put  à 
par  les  nouvelles  certaines  qu'on  aura 
eues  de  fon  naufrage. 

2 1 1 .  Si  néanmoins  la  condition  confifte 
dans  quelque  chofe  qui  foit  au  pouvoir 
du  débiteur,  &  qui  intérefle  celui  au  pro- 
fit de  qui  l'obligation  a  été  contractée  ; 
comme  fi  quelqu'un  s'eft  obligé  envers 
moi  de  me  donner  une  certaine  fomme , 
s'il  ne  faifoit  pas  abattre  un  arbre  fur  fon 
héritage  qui  nuit  au  mien  ;  je  penfe  que 
celui  qui  s'eft  obligé  fous  cette  condition, 


^4<*  Tr.  des  ObliC 
peut  être  affigné  pour  voir  dire  que  faute 
par  lui  de  faire  une  telle  chofe ,  dans  le 
temps  qui  lui  fera  imparti  par  le  Juge  , 
il  fera  condamné  à  payer  ce  qu'il  s'eft 
obligé  de  donner  au  cas  qu'il  ne  le  fît  pas. 
Et  s'il  ne  le  fait  pas  dans  le  temps  qui 
lui  aura  été  imparti ,  cette  condition  né- 
gative fera  cenfée  avoir  exifté;  &:  il  pour- 
ra en  conféquence  être  condamné  à  payer 
la  fomme  qu'il  s'eft.  obligé  de  payer  fous 
cette  condition. 

Cette  décifion  néanmoins  n'a  pas  paru 
fans  difficulté  aux  Jurifconfultes  Romains: 
les  deux  écoles  étoient  partagées  de  fen- 
timent  fur  la  queftion ,  /.  115.  §-  2.  fF. 
de  verb.  oblig.  Celui  des  Sabiniens  que  j'ai 
fuivi  me  paroît  plus  conforme  à  l'efprit 
&c  à  la  Simplicité  de  notre  Droit  François. 

212.  C'eftune  règle  commune  à  toutes 
les  conditions  des  obligations ,  qu'elles 
doivent  paffer  pour  accomplies  ,  lorfque 
Je  débiteur  qui  s'eft  obligé  fous  cette  con- 
dition en  a  empêché  l'accomplifTement. 
Quicurnque  fub  conditione  obligatus ,  cura- 
verit  ne  conditlo  exlfferet  ,  nihilomninùs 
v  pbllgatur ,  L.  85.  §.  J.ff  de  verb.  oblig. 
Pro  impletd  habetur  conditlo  cîim  per 
eum  fiât ,  qui  9  fi  imphta  effet ,  debiturus 
effet,  L.  Si.  §.  1.  ffi  de  cond.  &  dcm. 
Ceci  eft  une  conféquence  de  cette  règle 
de  droit,  in  omnibus  caufis  pro  facto  acci- 

fituç 


Par  t.  II.    C  h  a  p.  II I.     241 

'./,  in  q:io  pcr  alinm  morajîi*  quo- 
r,    L.  39   jf.  de  reg,  jura. 

On  ne  peut  néanmoins  dire  ,  que  c'efl 
r  le  fait  du  débiteur  qu'une  condition 
n'a  pas  été  accomplie  ,  tk.  qu'elle  doit  en 
conléquence  être  réputée  pour  accom- 
plie ,  lorfque  ce  n'eiî  qu'indirectement, 
6:  tans  derTein  d'en  empêcher  l'accomplii- 
fement ,  qu'il  y  a  mis  obftacle.  C'eft  pour 
cela  eue  Paul  dit  à  l'égard  des  conditions 
apposées  aux  legs  ;  non  omne  ab  lundis  per- 
fond  interveniens  iînpedimentum pro  expletâ 
conditione  ced't ,   /.  38.   if.  de  Jlatidib. 

Par  exemple ,  fi  un  tefTateur  à  qui  j'ai 
fuccédé  vous  avoit  légué  une  maifon  ;  Ji 
dans  Vannée  de  fon  décès  vous  donnie^  an 
créancier  de  Pierre  une  certaine  Comme  pour 
laquelle  il  le  retenoit  en  prifon ,  6c  qu'é- 
tant votre  créancier  de  mon  chef  de  fom- 
mes  confidérables  ,  j'aie  faifi  vos  m  u- 
bles  pour  en  être  payé  ;  quoique  la  faille 
quq  j'ai  faite  vous  ait  mis  hors  d'état  de 
donner  la  fomme  au  créancier  de  Pierre  , 
&  d'accomplir  la  condition  appoféc  à  vo- 
tre legs  ;  je  ne  ferai  pas  néanmoins  cenfé 
en  avoir  proprement  par  mon  fait  empê- 
ché l'accomplirTement,  &c  elle  ne  fera  pas 
réputée  pour  accomplie  ;  car  ce  n'eft 
Qu'indirectement  que  je  l'ai  empêché;  la 
faifie  que  j'ai  faite  n'a  pas  été  faite  dans 
le  defiein  de  vous  empêcher  d'accomplir 
Tom*  I,  L 


241        Tr.    des    Oblig. 

la  condition  ;  je  n'ai  voulu  autre  chofe 
qu'exiger  par  une  voie  légitime  les  fem- 
mes que  vous  me  deviez. 

Obfervez  auffi  à  cet  égard  une  diffé- 
rence entre  les  conditions  dont  Paccom- 
pliiïement  efl  momentané  ,  &c  celles  qui 
ne  s'accomplirTent  que  par  une  fucceflion 
de  temps.  Les  premières  font  réputées 
pour  accomplies ,  aiuTi-tôt  que  le  créan- 
cier conditionnel ,  s'étant  préfenté  pour 
accomplir  la  condition  ,  en  a  été  empê- 
ché par  le  débiteur  :  il  n'en  eft  pas  de 
même  des  autres.  Par  exemple ,  fi  je  m'é- 
îois  obligé  à  quelque  chofe  envers  un 
vigneron  ,  fous  la  condition  qu'il  me  fe~ 
roit  dix  journées,  &  que  s'étant  préfenté 
pour  travailler  ,  je  l'euffe  renvoyé  ;  la 
condition  ne  feroit  réputée  pour  accom-r 
plie ,  qu'en  partie  &  pour  une  journée 
feulement  :  elle  ne  feroit  réputée  ,  pour 
entièrement  accomplie ,  que  lorfqu'ii  s'y 
feroit  préfenté  à  dix  jours  ditFérens,  /.  10. 
j§.  5.  ff.  dici.  tit. 

2 1 3.  A  l'égard  de  la  règle  touchant  les 
conditions  poteftatives  ,  qu'elles  doivent 
parler  pour  accomplies  ,  lorfqu'ii  n'a  pas 
tenu  à  celui  à  qui  un  défunt  a  lahTé  quel- 
que chofe  fous  cette  condition  ;  c'eft  une 
règle  qui  a  lieu  pour  les  dernières  volon- 
tés ,  &:  qui  ne  doit  pas  s'appliquer  aux 
conditions  des  engagemens  contractés  par 


Part.  Iî.    Chap.  III.     14c 

des  a£tes  entre-vifs.  Par  exemple  ,  fi  quel- 
qu'un vous  a  légué  une  certaine  Tomme , 
fi  dans  Tannée  de  Ton  décès  vous  donniez 
la  liberté  à  votre  nègre  Jacques ,  la  con- 
dition cil  cenlee  accomplie  ,  &  le  legs 
vous  eft  dû ,  fi  la  mort  de  Jacques  eft  ar- 
rivée peu  après  celle  du  teftateur ,  qui 
vous  a  empêché  d'exécuter  &c  d'accom- 
plir la  condition ,  /.  54.  §.  2.  fE  de  leg.  i°. 
Mais  fi  quelqu'un  par  une  convention 
entre  lui  6c  vous  ,  s'eft  obligé  fous  une 
pareille  condition  ,  à  vous  donner  une 
certaine  fomme  ;  je  ne  penfe  pas  que  la 
fomme  vous  fût  due  ,  fi  la  mort  furvenue 
de  ce  nègre  ,  vous  avoit  empêché  d'ac- 
complir la  condition. 

La  raifon  de  cette  différence  eft  que  les 
dernières  volontés  font  fufceptibles  d'une 
interprétation  plus  étendue.  Au  contraire, 
les  contrats  ne  doivent  être  entendus  que 
quantum  fonant  ;  &  l'interprétation ,  dans 
le  doute  ,   fe  fait  toujours  contre  celui 
envers  qui   l'obligation  eft  contractée  r 
ambiguitas  contra  Jlipulatorem  ejl  9  L  26 • 
ff.  de  R.  dub.  parce  qu'il  doit  s'imputer  , 
fi  l'a£te  n'eft  pas  afTez  clairement  expli- 
qué, n'ayant  tenu  qu'à  lui ,  puifqu'il  étoit 
préfent,  de  s'expliquer  mieux ,  /.  39.  ffl 
de  p a cl.  L  99.  de  verb.  oblig.    C'eft  pour- 
quoi ,  fuivant  ce  principe,  lorfque  par  un 
a&e  entre-vifs,  quelqu'un s'eft  obligé  en- 

Lij 


244        Tr.    des    Oblig. 

vers  moi  fous  cette  condition  que  j'affran- 
chirois  mon  nègre  ;  dans  le  doute  fi  l'obli- 
gation a  été  contractée  même  pour  le  cas 
auquel  il  ne  tiendroit  pas  à  moi  de  l'af- 
franchir ,  l'interprétation  doit  fe  faire  con- 
tre moi ,  &  je  ne  pourrai  exiger  ce  qui 
m'a  été  promis  fous  cette  condition  ?  quoi- 
que la  mort  du  nègre  arrivée  avant  que 
j'aie  pu  l'accomplir ,  m'ait  empêché  de 
l'accomplir.  Cette  décifion  auroit  lieu  , 
quand  même  j'aurois  déjà  fait  quelques 
préparatifs  ;  comme  fi  j'avois  rappelle  le 
nègre  d'une  campagne  éloignée  où  il  étoit, 
pour  l'affranchir  devant  le  Juge  de  mon 
domicile  ,  &  qu'il  fut  mort  en  chemin  : 
je  ne  pourrois  pas  exiger  ce  qui  m'a  été 
promis  fous  la  condition  de  fon  afîran- 
chirTement  ;  je  pourrois  feulement  deman- 
der à  être  indemnifé  de  la  dépenfe  que 
j'aurois  faite  pour  le  faire  revenir. 

214.  Il  en  eft  de  même  de  la  règle  qui 
concerne  les  conditions  mixtes.  Si  quel- 
qu'un m'a  promis  une  certaine  fomme ,  fi 
j'époufois  une  telle  fa  confine  ;  je  ne  penfe 
pas  que  la  fomme  me  fût  due  fi  j'étois 
prêt  de  Pépoufer ,  &  qu'elle  le  refufât  ; 
quoique  fi  l'on  m'eût  fait  un  legs  fous  une 
telle  condition  ,  la  condition  pafsât  pour 
accomplie ,   /.  31.  jff\  de  cond.  &  detn. 


Part.  II.    Ch  a  p.  III.    145 
§•    IV. 

De  Vindivifibilitê  de  V  accompliffement  des 
Conditions, 

215.  L'accomplhTement  des  conditions 
eft  indivifible  ,  même  quand  ce  qui  fait 
l'objet  de  la  condition,  eft  quelque  chofe 
de  divifible.  Par  exemple ,  fi  quelqu'un 
m'a  légué  un  certain  héritage  ,  fi  je  don- 
nois  une  certaine  fomme  à  fon  héritier  ; 
ou  fi  par  une  tranfaôion  quelqu'un  s'eft 
obligé  de  me  laiffer  un  héritage  litigieux 
entre  lui  Se  moi ,  fi  je  lui  donnois  dans 
un  certain  temps  une  certaine  fomme  : 
quoique  cette  condition  ait   pour  objet 
quelque  chofe  de  divifible ,  n'y  ayant  rien 
de  plus  divifible ,  qu'une  fomme  d'argent , 
néanmoins  l'accompliffement  de  cette  con- 
dition eft  indivifible ,   en  ce  fens  que  le 
legs  qui  m'a  été  fait  fous  cette  condition 
&  l'obligation  qui  a  été  contractée  en- 
vers moi  fous  cette  condition ,   fera  en 
fufpens  jufqu'à  l'accompli (Tement  total  de 
la  condition  ,  fans  que  raccomplifTement 
partiel  pinife  donner  pour  partie  ouver- 
ture au  legs  ,  ni  faire  naître  pour  partie 
l'obligation,  /.  23.   /.  56.^  de  cend,  & 
dzm. 

C'eft  pourquoi  fi  l'on  a  légué  à  Pierre 

L  iij 


1.46       Tr.   des   Obli  g. 
un  héritage  ,  au  cas  qu'il  donnât  a  l'héri- 
tier dix  mille  livres ,  &  crue  Pierre  meure 
après  en  avoir  donné  feulement  cinq ,  le 
legs  devient  caduc  pour  le  total,  d.  L  56* 
<k  l'héritier  de  Pierre  peut  feulement  ré- 
péter les  cinq  mille  livres ,  condiciiont  fini 
causa ,  fi  mieux  n'aime  néanmoins  l'héri- 
tier du  teflateur  acquitter  le   legs  pour 
partie.  Car  c'en1  en  faveur  de  cet  héritier 
du  teitateur ,   débiteur  du  legs  ,  que  la 
condition  eft  regardée  comme  indivifible: 
Molin.  tracl.  de  diy.  &  ind.  p.  3.  n,  457. 
Il  en  feroit  de  même  fi  le  legs  avoit 
été  fait  à  Pierre  ,  ou  à  fon  défaut  à  fes 
enfaiis  ;  &£  que  Pierre  étant  prédécédé, 
l'un  des  enfans  fubflitué  au  legs  eût  payé 
à  l'héritier  du  teitateur ,  fa  part  de  dix 
iniile  livres  :  la  condition  ne  feroit  pas 
cenfée  aucunement  accomplie  ;  Se  il  ne 
pourroit  rien  demander ,  jufqu'à  ce  que 
le  furplus  eût  été  payé,  d.  L  56. 

Il  en  feroit  autrement ,  fi  le  legs  avoit 
d'abord  été  fait  à  deux  légataires  fous  cet- 
te condition.  Le  teitateur  ayant  d'abord 
impofé  la  condition  à  deux  légataires ,  efl 
cenfé ,  en  la  leur  impofant ,  l'avoir  divi- 
fée  &  partagée  entr'eux,  d.  /.  56. 

216.  Dumoulin  décide  pour  Findi vi- 
sibilité de  la  condition  dans  Fefpece  fai- 
sante. 

Quatre  héritiers  d'un  débiteur  ont  été 


Part  II.   Chap.  II T.     247 

Condamnés  à  payer  une  certaine  fomme , 
avec  furféance  de  deux  ans  pour  le  paye- 
ment ,   s'ils  donnent  caution  dans  h  mois, 
Dumoulin  foutient  que  les  trois  héritiers 
emi  ont  donné  caution  chacun  pour  leur 
part  dans  le  mois  ,  ne  jouiront  pas  du  ter- 
me ,  fi  leur  cohéritier  n'a  pas  pareillement 
donné  caution  pour  fa  part.  Sa  raifon  eft  , 
que  le  créancier  eu  dans  cette  efpece, 
la  partie  la  plus  favorable  ;  puifque  c'efr. 
lui  qui  foufTre  d'un  terme  non  convenu 
qui  efr.  accordé  à  fes  débiteurs  :  d'où  iî 
fuit  que  la  condition  fous  laquelle  le  ter- 
me a  été  accordé  par  le  Juge ,  doit  être 
interprétée  en  fa  faveur,  &  à  la  rigueur 
contre  les  débiteurs.  Molin.  7>.  d*  div. 
&  ind.  p.  3.  /z.  334.    &  feq. 

Si  le  quatrième  héritier,  au  lieu  de  doi> 
ner  caution  pour  fa  part ,  l'avoit  payée  ; 
il  n'eft  pas  douteux ,  que  les  trois  qui  ont 
donné  caution  chacun  pour  leur  part^ 
doivent  jouir  de  la  furféance  accordée 
par  la  fentence  :  le  créancier,  en  ce  cas  , 
a  caution  pour  tout  ce  quiluieftdii.  JW0///2. 
ibid.  n,   542. 

217.  La  condition  appofée  à  un  legs 
fe  divife  ,  lorfque  le  legs  n'a  effet  que 
pour  partie.  Par  exemple  ,  fi  l'on  m'a  lé- 
gué une  chofe  fous  la  condition  de  don- 
ner à  quelqu'un  une  certaine  fomme ,  Se 
que  ce  legs  foit  réduit  au  tiers ,  parce 

L  iv 


-24$         T  R.      DES     O  B  L  I  G. 

que  le  furplus  n'appartenoit  pas  au  tefta- 
îeur  qui  le  croyoit  néanmoins  proprié- 
taire du  total  ;  non-feulement  je  ne  ferai 
tenu  que  de  donner  le  tiers  de  cette  fom- 
me  pour  accomplir  la  condition  ;  mais  fi 
j'avois  déjà  donné  le  total ,  j'aurois  la  ré- 
pétition du  furplus.  V.  L.  43.  Z.  44.  §, 
9>  ff.  de  cond.  &  dem. 

$•  v. 

De  Feffet  des  conditions, 

2.18.  L'effet  de  la  condition  eft  de  fuf- 
pendre  l'obligation  jufqu'à  ce  que  la  con- 
dition foit  accomplie  ou  réputée  pour  ac- 
complie :  jufques  là  il  n'eil  encore  rien 
dû ,  mais  il  y  a  feulement  efpérance  qu'il 
fera  dû  :  pendente  conditione  nondum  dehe- 
tur ,  fedfpes  ejl  debitum  irit  C'efl:  pour- 
quoi le  payement  fait  par  erreur  avant 
Faccomplifïement  de  la  condition ,  eft  fil- 
jet  à  répétition ,  condiclione  indebiti  ^L.\6* 
ff.  de  cond.  ind. 

219.  Si  la  chofe  qui  faifoit  l'objet  de 
l'obligation  conditionnelle ,  périt  entière- 
ment avant  l'accompliffement  de  la  con- 
dition ,  inutilement  la  condition  s'accom- 
plira-t-elle  par  la  fuite  ;  car  l'accompli  ffe« 
ment  de  la  condition  ne  peut  pas  confir- 
mer l'obligation  de  ce  qui  n'exifte  plus  > 


Part.  II.  Chap,  IIÎ.  249 
ne  pouvant  pas  y  avoir  d'obligation ,  fans 
Une  choie  qui  en  foit  le  fujet.  Que  fi 
la  choie  exifîe  au  temps  de  l'accompliffe- 
nientde  la  condition,  Paccompliflement 
de  la  condition  a  cet  effet  que  la  choie 
ell  due  en  L'état  où  elle  fe  trouve  :   le 

:ancier  profite  de  l'augmentation  fur- 
en  la  choie  fi  elle  cft  augmentée  ; 
ck  il  fourfre  de  la  détérioration  &.  diminu- 
tion qui  y  efl  furvenue  ,  pourvu  que  cela 
foit  arrivé  fans  la  faute  du  débiteur.  L.  8. 
ff.  de  per.  &  comm.  rei  vend. 

210.  Cet  accomplifTement  de  la  con- 
dition a  un  effet  rétroactif  au  temps  que 
l'engagement  a  été  contracté  ;  &C  le  droit 
qui  réfulte  de  l'engagement ,  efl  cenfé 
avoir  été  acquis  à  celui  envers  qui  il  a 
été  contracté  ,  dès  le  temps  du  contrat.  L, 
18.   L.  144.  §.  1.  ff]  de  regul.  Juris. 

De-là  vient  que  fi  le  créancier  meurt 
avant  l'exiffence  de  la  condition;  quoiqu'il 
n'eût  point  encore  un  droit  de  créance 
formé  ,  mais  une  fimple  efpérance  ;  néan- 
moins fi  la  condition exiffe  depuis  fa  mort, 
il  fera  cenfé  avoir  tranfmis  à  fon  héritier 
le  droit  de  créance  réfultant  de  l'engage- 
ment contracté  envers  lui  ;  parce  qu'au 
moyen  de  l'effet  rétroactif  de  la  condition, 
le  droit  fera  cenfé  lui  avoir  été  acquis  dès 
le  temps  du  contrat ,  &  par  conféquent 
avoir  été  tranfmis  à  fon  héritier. 

L  v 


2jo        Tr.   des   Oblig. 

il  en  eft  autrement  des  conditions  ap^ 
pofées  aux  legs.  La  raifon  de  cette  diffé- 
rence efl ,  que  le  legs  n'étant  fait  qu'à  la 
perfonne  du  légataire ,  la  condition  ne 
peut  exiger  qu'à  fon  profit  ;  au  lieu  que 
celui  qui  contracte ,  étant  cenfé  contrac- 
ter pour  lui  &  pour  fes  héritiers  ,  la  con- 
dition peut  exifler  au  profit  des  héritiers , 
même  après  la  mort  du  créancier  7  fuprà 
JV.  208.  v.  Cuj.  ad  d.  L.  18. 

221.  C'efî.  encore  une  fuite  de  l'effet 
rétroactif  des  conditions*,  que  fi  l'enga- 
gement conditionnel  a  été  contracté  par 
un  acte  qui  donne  hypothèque  ;  l'hypo- 
thèque fera  cenfée  acquife  du  jour  du 
contrat ,  quoique  la  condition  n'ait  exifté 
que  long-temps  après. 

222.  Quoique  le  créancier  condition- 
nel n'ait  encore  aucun  droit  avant  Pac- 
compliffement  de  la  condition,  néanmoins 
il  eft  reçu  à  faire  tous  les  actes  confer- 
vatoires  du  droit  qu'il  efpere  avoir  un 
jour.  Par  exemple ,  il  peut  former  oppo- 
sition au  décret  des  héritages  qui  feroient 
hypothéqués  à  fa  créance  ,  û  la  condi- 
tion fous  laquelle  elle  a  été  contractée 
s'accompliffoit  :  il  fera  même  mis  en  or- 
dre pour  cette  créance  conditionnelle  ; 
mais  il  ne  pourra  toucher  la  fomme  pour 
laquelle  il  aura  été  colloque,  qu'après  l'ae* 
compliffement  de  U  condition*  Le  cxém* 


Part.  II.  Chap.  III.  ifï 
cier  pur  &  fimple  fur  qui  le  fond  man- 
queroit,  fi  la  collocation  de  ce  créancier 
conditionnel  étoit  confirmée  parl'accom- 
plifiement  de  la  condition  ,  touchera  en 
attendant  à  fa  place ,  en  lui  donnant  cau- 
tion de  rapporter  à  fon  profit ,  en  cas  d'ac- 
compliilement  de  la  condition. 

§.  VI. 

Lorfquune  obligation  a  été  contractée  fous 
plufieurs  conditions  ,  ejl-il  néceffaire  que. 
toutes  s *  accomplirent} 

213.  Cette  queftion  fe  décide  par  une 
diftinftion.  Lorfque  plufieurs  conditions 
ont  été  appofées  par  une  particule  dif- 
jonclive  ,  comme  lorfque  je  me  fuis  en- 
gagé  à  quelque  chofe  envers  vous  ,  fi  un 
tel  vaijfeau  arrive  à  bon  port  ;  ou  fi  je  fuis 
nommé  a  un  tel  emploi  ;  il  fuffit  que  l'une 
des  conditions  foit  accomplie  pour  que 
l'obligation  foit  parfaite.  Mais  lorfque  les 
conditions  ont  été  appofées  avec  une  par- 
ticule conjonctive ,  comme  lorfqu'il  eft 
dit,  fi un  tel  vaijfeau  arrive ,  &  fi  je  fuis 
nommé  à  un  tel  emploi ,  il  faut  que  toutes 
les  conditions  s'accompluTent ,  &  fi  une 
feule  manque  d'être  accomplie ,  l'obliga- 
tion s'évanouit.    L.  wy.ff.  de  verb.  oblig. 

Obfervez  néanmoins  que  dans  les  tef- 

L  vj 


2<fl  Tr.  des  Obl  i  g. 
tamens  ,  &  même  dans  les  a&es  entre- 
vifs ,  les  particules  disjonclives ,  fe  pren- 
nent dans  un  fens  copulatif ,  lorsqu'il  efl 
évident  qu'elles  ont  été  prifes  en  ce  fens 
par  le  teftateur  ou  par  les  contraclans , 
comme  lorfqu'un  père  ou  autre  parent , 
a  grevé  de  fiibftitution  ion  fils  ou  autre 
parent  en  ces  termes  ,  s'il  meurt  fans  en- 
fans  ,  ou  fans  avoir  dlfpofi ,  &c.  Il  efl  évi- 
dent que  dans  cette  fiibftitution  ,  foit 
qu'elle  foit  portée  par  un  teftament  ou 
par  une  donation  entre-vifs  ;  la  particule 
disjonctive  ou  a  été  entendue  par  le  tefta- 
teur  ou  donateur  dans  un  fens  copulatif, 
&  que  la  fiibftitution  ne  doit  être  ouverte 
que  par  l'accompliffement  des  deux  con- 
ditions. Fac'u  L.  6.  cod.  infl.  &  fubjï. 

Article     Iï. 

Des  conditions  rifolutoires  9  &  des  obliga- 
tions rèfolubles  fous  une  certaine  condi- 
tion ,  &  de  celles  dont  la  durée  ejl  HmU 
tèe  à  un  certain  temps. 

224.  Les  conditions  réfolutoires  font 
celles  qui  font  appofées  ,  non  pour  fnf- 
pendre  l'obligation  jufqu'à  l'accomplifie- 
ment ,  mais  pour  la  faire  ceiTer ,  lorsqu'el- 
les s'accompliiTent.  Une  obligation  con- 
tractée fous  une  condition  réfolutoire, 


Part.  II.  Chap,  III.  255 
eft  donc  parfaite  des  l'inftant  du  contrat: 
le  créancier  en  peut  pourfuivre  le  paye- 
ment. Mais  fi  avant  qu'elle  ait  été  ac- 
quittée ,  ou  que  le  débiteur  ait  été  mis 
en  demeure  de  l'acquitter  ,  la  condition 
fous  laquelle  on  eft.  convenu  qu'elle  de- 
vroit  fe  refoudre  s'accomplit ,  l'obliga- 
tion ceffera. 

Cette  différence  entre  les  conditions 
résolutoires  ,  &  les  fufpenfives  dont  il 
a  été  parlé  en  l'article  précédent ,  s'é- 
claircira  par  un  exemple.  Vous  avez  prêté 
à  Pierre  par  mon  ordre  une  fomme  de 
mille  écus ,  &  je  me  fuis  engagé  de  vous 
la  rendre  ,  û  un  tel  navire  ,  fur  lequel  il 
a  un  gros  intérêt ,  arrive  à  bon  port  des 
Indes.  Cette  condition  eft.  une  condition 
fufpenfive  ,  qui  fufpend  mon  obligation; 
je  ne  fuis  pas  encore  débiteur ,  jufqu'à  ce 
qu'elle  ait  été  accomplie  par  le  retour  du 
vaiffeau  ;  mais  fi  je  me  fuis  engagé  pour 
Pierre  envers  vous  ,  jufquau  retour  du 
vaiffeau  ,  c'e  ft-à-dire  ,  à  la  charge  que 
mon  obligation  ne  durera  que  jufqu'au 
retour  du  vaiiTeau,  la  condition  du  re-» 
tour  du  vaiffeau,  n'eft  en  ce  cas  qu'une  con- 
dition réfolutoire  ,  qui  n'empêche  pas 
que  mon  engagement  ne  foit  parfait  dès 
l'inftant  du  contrat,  &  qu'en  conféquen- 
ce  vous  ne  puiiîîez  exiger  de  moi  le  paye* 
ment  de  cette  fomme.    Tout  l'effet  de 


154      Tr.  des   Obiig; 

cette  condition  eft  que  fi  le  vaiïTeau  arri- 
ve avant  que  j'aie  acquitté  >  ou  que  jaie 
été  mis  en  demeure  d'acquitter  mon  obli- 
gation ,  l'accompliflement  de  la  condi- 
tion fera  cefler  mon  obligation. 

225.  De  même  que  la  durée  d'une 
obligation  peut  être  limitée  jufqu'à  l'é- 
vénement d'une  certaine  condition ,  elle 
peut  aufïi  être  limitée  jufqu'à  un  certain 
temps.  Par  exemple  ,  fi  je  me  fuis  rendu 
caution  envers  vous  pour  Pierre  pendant 
trois  ans  ,  je  ferai  déchargé  de  mon  obli- 
gation lorfque  ce  temps  fera  expiré. 

226.  Obfervez  néanmoins  que  lorfque 
le  débiteur  avant  l'expiration  du  temps, 
ou  avant  l'accompliflement  de  -la  condi- 
tion qui  devoit  réfoudre  fon  obligation  , 
a  été  mis  par  une  interpellation  judiciaire 
en  demeure  de  l'accomplir ,  fon  obliga- 
tion ne  peut  plus  fe  réfoudre  de  cette 
manière  ,  L.  Sy.  §.  j.ff'.  mand.  La  rai- 
fon  en  eu  évidente  :  le  créancier  ne  doit 
pas  fouffrir  de  la  demeure  injufte  en  la- 
quelle fon  débiteur  a  été  d'acquitter  fon 
obligation  lorfqu'elle  fubfiftoit ,  Se  ce  dé- 
biteur ne  doit  pas  profiter  de  fa  demeure, 

Voye^  infrkpart.  3.  ck,  y.  art,  2.  ce  que 
nous  difons  de  la  manière  dont  s'éteignent 
les  obligations  par  une  condition  réfolu- 
toire ,  ou  par  l'expiration  d'un  terme  ré-r 
folutoire. 


Part.  II.    Chap.  III.'    255 

Article    III. 
Du    ferme   de    Payement. 

227.  Une  obligation  peut  être  contrac- 
tée ou  avec  un  terme  ou  fans  terme. 
LorfquV.le  efl  contractée  fans  terme  ?  le 
créancier  en  peut  aufîi-tôt  exiger  le  paye- 
ment :  lorfqu'elle  renferme  un  terme  , 
il  ne  peut  l'exiger  qu'après  l'expiration 
du  terme. 

s-  l 

Ce  que  cejl  que  terme  de  Payement  &  fes 
différentes  efpecès. 

228.  Le  terme  eu  un  efpace  de  temps 
accordé  au  débiteur  pour  s'acquitter  de 
fon  obligation. 

Il  y  a  des  termes  exprimés  qui  résul- 
tent d'une  convention  exprefîe ,  comme 
lorfque  je  me  fuis  obligé  de  vous  payer 
une  certaine  fomme  dans  un  certain  tems  : 
il  y  en  a  qui  réfultent  tacitement  de  la 
nature  des  chofes  qui  font  l'objet  de  l'en- 
gagement ,  ou  du  lieu  auquel  on  eft  con- 
venu que  la  chofe  fera  payée.  Par  exem- 
ple ,  fi  un  entrepreneur  s'eit  engagé  à  me 
bâtir  une  maifon ,  je  dois  attendre  la  fai- 
fon  convenable  pour  exiger  de  lui  qu'il 


ij6  Tr.  des  Oblig. 
remplîffe  fon  engagement  :  fi  quelqu'un 
s'efl  obligé  à  Orléans  de  faire  tenir  une 
chofe  à  Rome  à  mon  correfpondant ,  l'en- 
gagement renferme  tacitement  le  terme 
du  temps ,  qui  efl  nécefTaire  pour  envoyer 
cette  chofe  à  Rome. 

229.  Le  terme  eft  de  droit ,  ou  de 
grâce  :  il  eft  de  droit ,  lorfqu'il  fait  par- 
tie de  la  convention  qui  a  formé  l'enga- 
gement ,  y  étant  renfermé  ou  expreffé- 
ment  ou  du  moins  tacitement  :  il  eft  de 
grâce  ,  lorfqu'il  n'en  fait  pas  partie  ,  putet 
lorfqu'il  a  été  accordé  depuis  par  le  Prince, 
ou  par  le  Juge  à  la  requifition  du  débiteur- 

s-  ii- 

De  V effet  du  terme  ;    &  en  quoi  il  diffère 
de  la   condition, 

230.  Le  terme  diffère  de  la  condition  , 
en  ce  que  la  condition  fufpend  l'engage- 
ment que  doit  former  la  convention  ;  le 
terme  au  contraire  ne  fufpend  pas  l'en- 
gagement ,  mais  en  diffère  feulement  l'e- 
xécution. Celui  qui  a  promis  fous  condi- 
tion n'efr.  pas  débiteur ,  jufqu'à  l'échéance 
de  la  condition  ;  il  y  a  feulement  efyé- 
rance  qu'il  pourra  l'être  :  d'où  il  fuit  , 
que  fi  par  erreur  il  payoit  avant  la  con- 
dition ?  il  pourrait  répéter  ce  qu'il  a  payé, 


Par  t.  II.    C  h  a  p.  III.     257 

comme  choie  non  due  :  ainfi  que  nous 
J 'avons  vu  en  l'article  précédent. 

Au  contraire  ,  celui  qui  doit  à  un  cer- 
tain terme  qui  n'eft  pas  encore  échu,  eft 
vraiment  débiteur  ;  6t  s'il  payoit  avant 
le  terme  ,  il  ne  pourroit  répéter ,  parce 
qu'il  auroit  payé  ce  qu'il  de  voit  effective- 
ment; mais  quoiqu'il  foit  débiteur  ,  on 
ne  peut  jufqu'à  l'échéance  du  terme  ,  exi- 
ger de  lui  ce  qu'il  doit. 

Quelquefois  néanmoins  le  verbe  devoir 
fe  prend  plus  {Incrément  pour  ce  qui  peut 
actuellement  s'exiger  ;  &  en  ce  fens  on 
dit  qui  a  terme  ,  ne  doit  rien» 

231.  Le  terme  diffère  l'exigibilité  de 
la  dette  jufqu'à  ce  qu'il  foit  entièrement 
révolu  ;  ainfi  fi  j'ai  promis  de  payer  une 
fomme  cette  année ,  on  ne  pourra  pa^  en- 
core l'exiger  de  moi  le  dernier  jour  de 
l'année  ;  car  ce  dernier  jour  fait  partie  du 
terme.   L.  4z.ff.de  verb.  obtig. 

232.  Cet  effet  du  terme  d'empêcher  le 
créancier  d'exiger  la  dette  jufqu'à  ce  qu'il 
fait  expiré  ,  efl  commraua  au  terme  de 
droit  6c  au  terme  de  grâce. 

terme  d  ;  droit  a  un  autre  effet  qui 
lui  cl  rulier,  feavoir  qu'il  empêche 

--nfation  de  la  dette,  jufqu'à  ce 
qu'il  foit  expiré, 

Par  exemple  ,  je  vous  ai  prêté  au  pre- 
mier Janvier  1755  >  m^e  ^cus  Ç11"  vous 


158        Tr.   des  Oblig* 

vous  êtes  obligé  de  me  payer  au  premiefr 
Janvier  1756.  Depuis  vous  êtes  devenu 
héritier  de  mon  créancier  d'une  pareille 
fomme  de  mille  écus  que  je  dois  fans 
terme  ;  vous  me  demandez  le  payement 
de  cette  fomme  au  mois  de  Juillet  1755? 
je  ne  pourrai  vous  oppofer  en  compen- 
fation  la  dette  de  mille  écus  que  vous 
me  devez  ?  payable  au  premier  Janvier 
1 756  ;  car  la  compenfation  étant  un  paye- 
ment, ce  feroit  de  ma  part  vouloir  vous 
obliger  à  me  la  payer  avant  le  terme  ,  ce 
qui  eu  contre  la  teneur  de  la  convention, 
îl  n'en  eft  pas  de  même  du  terme  de 
grâce  ;  il  arrête  bien  les  pourfuites  du 
créancier  ;  mais  il  n'exclut  pas  la  com- 
penfation. Ceû  pourquoi  û  je  vous  ai 
prêté  au  premier  Janvier  1755  mille  écus 
payable  à  volonté,  &t  que  vous  ayiez 
obtenu  du  Prince  ou  du  Juge ,  terme  jus- 
qu'au premier  Janvier  1756,  fi  devenu 
héritier  de  mon  créancier  d'une  pareille 
fomme  vous  me  la  demandez  au  mois 
de  Juillet  1755 ,  le  terme  de  grâce  qui 
vous  a  été  accordé ,  n'empêchera  pas  que 
je  ne  puiffe  vous  oppofer  la  compenfation 
de  pareille  fomme  que  vous  me  devez. 
Ce  terme  de  grâce  n'a  d'effet  que  pour 
arrêter  les  pourfuites  de  rigueur ,  &  non 
pas  pour  arrêter  la  compenfation.  Aliud 
ejî  enim  dum  obligadonis  non  venijfc ,  aliud 


P  ART.   IL     CHAP.   III.      159 
humanitatis  gratta  umpus  indulgtri  folutio- 
,  L.  16.  §.   1.  ffl  de  comptns. 

233.  Il  nous  reite  à  obierver  touchant 
l'effet  du  terme,  qu'étant  préfumé  appofé 
en  faveur  du  débiteur ,  L.  ij.ff-  de  R.  J. 
le  débiteur  peut  bien  fe  défendre  de  payer 
avant  l'expiration  du  terme;  mais  le  créan- 
cier ne  peut  fe  défendre  de  recevoir ,  fi 
le  débiteur  veut  payer ,  L.  70.  de  folut. 
L.  17.  de  regul.  jurls ,  à  moins  qu'il  ne 
paroiiTe  parles  circonflances ,  que  le  tems 
du  payement  a  été  convenu  en  faveur  du 
créancier  ,  aufîi-bien  qu'en  faveur  du  dé- 
biteur. 

Le  terme  de  payement  porté  par  les 
lettres  de  change,  eft  réputé  appofé  aufîi- 
bien  en  faveur  du  créancier  propriétaire 
de  la  lettre  que  du  débiteur.  Déclaration 
du  28,  Novembre  17 1 3. 

m 

§•     III. 

JDes  cas  auxquels  la  dette  peut  êfozxiget 
avant  U  terme. 

234.  Le  terme  accordé  par  le  créancier 
au  débiteur,  eft.  cenfé  avoir  pour  fon- 
dement la  confiance  en  fafolvabilité  ;  lors 
donc  que  ce  fondement  vient  à  manquer, 
l'effet  du  terme  cefTe. 

235.  De-là  il  fuit,  i°.  Que  lorfque  1q 


i6o  Tr.  des  ObLig, 
débiteur  a  fait  faillite  ,  &  que  le  prix  de 
fes  biens  eu  diftribué  entre  les  créanciers , 
ie  créancier  peut  toucher,  quoique  le  ter- 
me de  la  dette  ne  foit  pas  expiré  :  c'en: 
encore  une  différence  entre  le  terme ,  & 
la  condition;  car  le  créancier  condition- 
nel en  ce  cas  n'a  pas  droit  de  toucher  , 
mais  feulement  d'obliger  les  autres  créan- 
ciers qui  toucheront ,  à  s'obliger  à  rap- 
porter à  fon  profit ,  fi  par  la  fuite  la  con* 
dition  exifte. 

2.36.  Obfervez  ,  que  fi  entre  plufieurs 
débiteurs  folidaires  ,  il  y  en  a  qui  font 
faillite  ,  le  créancier  peut  bien  exiger  de 
ceux-ci  la  dette  avant  le  terme  ;  mais  il  rie 
peut  pas  l'exiger  de  celui  qui  eu  folvable. 
Le  folvable  doit  jouir  du  terme ,  &  il  n'eft 
pas  même  obligé  pour  cela  ,   de  donner 
une  caution  à  la  place  de  fes  codébiteurs 
faillis  ;  c'efl  ce  qui  a  été  jugé  par  un  ar- 
rêt du  20.  Février    1592.   rapporté  par 
Anne  Robert  ÏV.  6.  La  raifon  eu. ,  que  ce 
débiteur  qui  efl  demeuré  folvable  ,  ne 
peut  pas  fans  fon  fait ,  et  re  obligé  à  plus 
qu'à  ce  à  quoi  il  a  bien  voulu  s'obliger: 
on  ne  peut  donc  pas  l'obliger  à  donner 
une  caution  qu'il  ne  s'efr  pas  obligé  de 
donner  :  la  faillite  de  fes  codébiteurs  étant 
le  fait  de  fes  codébiteurs  &C  non  le  fien , 
elle  ne  peut  lui  préjudicier ,  fuivant  la  rè- 
gle ncmo  ex  alterius  fuclo  prœgravari  dzba* 


Part.  IL     Ch  a  p.  III.     26  î 

De-là  il  fuk ,  2°.  Que  le  créancier  hy- 
pothécaire qui  a  forme  oppofition  au  dé- 
cret de  l'héritage ,  ou  au  iceau  de  l'office 
qui  lui  etoit  hypothéqué  ,  &  qui  le  trou- 
ve en  ordre  d'être  utilement  colloque , 
peut  exiger  fur  le  prix  audit  héritage  ou 
orrice  le  payement  de  Ta  créance  ,  quoi- 
que le  terme  de  payement  ne  foit  pas  en- 
core échu  ;  parce  que  fon  droit  d'hypo- 
thèque ,  iur  laquelle  étoit  appuyée  fa 
confiance  qui  Pavoit  porté  à  accorder 
terme  à  fon  débiteur  venant  à  s'éteindre, 
l'effet  du  terme  doit  cefler. 

§.     IV 

Du  terme  joint  aux  conditions, 

2.37.    Les    conventions  comprennent 

quelquefois  une  condition  &  un  terme  t 

il  faut  en  ce  cas  examiner  fi  le  terme  n'efl 

appofé  qu'à  la  condition  ,  ou  s'il  l'eilauffi 

à  la  diipofition.  Au  premier  cas ,  lorfque 

la  condition  elt  accomplie  ,  on  n'attend 

plus  L'échéance  du  terme ,   pour  exiger 

la  dette.    Par  exemple,  s'il  elt. dit  \fije. 

me  marie  d'ici  à  trois  ans  vous  me  payere^ 

zoo.  liv.   &  que  je  me  marie  fix  mois 

,  je  pourrai  aufîi-tôt  exiger  les  100. 

liv.  fans  attendre  l'expiration  du  terme 

de  trois  ans  :  pareillement  fi  nous  fommes 


161  Tr.  des  Oblig. 
convenus  que  vous  me  donneriez  une 
certaine  fomme  ,  au  cas  que  je  n'allafle 
pas  en  Italie  avant  le  mois  de  Mai  ;  la 
îbmme  pourra  vous  être  demandée  aufli- 
tôt  qu'il  fera  devenu  confiant  par  ma 
mort  que  je  n'irai  pas  en  Italie  ,  L.  10. 
ffl  de  verb.  oblig.  fans  qu'il  foit  befoin 
d'attendre  jufqu'au  mois  de  Mai  ;  parce 
que  ce  terme  n'a  été  appofé  qu'à  la  con- 
dition ,  &  non  pas  à  la  difpofition.  Mais 
û  au  contraire  il  étoit  dit ,  fi je  me  marie 
d'ici  au  premier  Janvier  1758.  pour  lors 
vous  me  donnerez  100.  livres  ;  ces  mots 
pour  lors  font  entendre  que  le  terme  eft 
appofé  à  la  difpofition  aufîi-bien  qu'à  la 
condition  ;  c'efî  pourquoi ,  quoique  j'aie 
accompli  la  condition  en  me  mariant,  je 
ne  pourrai  exiger  la  fomme  promife  , 
qu'après  l'expiration  du  terme  ,  L.  4. 
§.  I.jf.  decond.  &  dem.  V.Pand.  Jufl,  7*. 
de  verb.  oblig  n.  1 1 1 ,  &  tit%  de  cond,  & 
dem,  n,  10.  &  IL 

Article    IV. 

JDu  lieu  convenu  pour  le  payement. 

238.  Lorfque  la  convention  porte  un 
certain  lieu  où  le  payement  doit  fe  faire  * 
ce  lieu  efl  cenfé  convenu  pour  l'utilité 
du  créancier ,  comme  pour  celle  du  dé- 


Part.  Iï.    Cu  A  p.  III.     26$ 

fcteur;  c'ell  pourquoi  le  débiteur  ne  peut 
obliger  le  créancier,  de  recevoir  ailleurs. 
Is  qui  certo  loco  dure  promijit ,  nullo  alio 

I  1  quam  in  quo  promifit ,  Jblvere  invita 
fiipulatore  potejl.  L*  9.  jfl  de  eo  quod  certo 
loco. 

Mais  fuivant  les  principes  du  Droit  Ro- 
main ,  le  créancier  pouvoit  demander  le 
payement  à  ion  débiteur  dans  un  autre 
lieu  que  celui  convenu  pour  le  payement, 
putâ  au  lieu  du  domicile  de  ce  débiteur  , 
ou  au  lieu  du  contrat  lorfqu'il  l'y  trou- 
voit  ;  en  fe  faifant  raifon  l'un  à  l'autre  du 
dommage  que  l'un  ou  l'autre  fouffroit  de 
ce  que  le  payement  ne  fe  faifoit  pas  au 
lieu  convenu  ;  c'étoit  la  matière  de  l'ac- 
tion ,  de  eo  quod  certo  loco  vid.  tit.jf.  de.  eo 
quod  certo  loco. 

239.  Cette  a&ion  n'eft  pas  d'ufage  parmi 
nous ,  &  le  créancier  ne  peut  pas  plus 
obliger  le  débiteur  de  payer  ailleurs  qu'au 
lieu  convenu  ,  que  le  débiteur  peut  obli- 
ger le  créancier  de  recevoir  ailleurs.  Au- 
tomne d.  tit.  dit ,  hiç  Titulus  nonfervatur 
in  Galliâ. 

De-là  il  fuit  que  lorfque  le  créancier 
n'ell:  pas  demeurant  au  lieu  où  doit  fe  faire 
le  payement ,  il  y  doit  avoir  un  domicile 
élu  où  le  payement  puiffe  lui  être  fait  ; 
autrement  il  ne  peut  mettre  fon  débiteur 
gn  demeure.  Ce  domicile  élu  doit  ëtrç 


i^4  Tr.  des  Oblig. 
notifié  au  débiteur,  ou  par  la  convention, 
ou  par  une  f gnifi cation  juridique.  Faute 
par  le  créancier,  d'avoir  ce  domicile,  le 
débiteur  qui  veut  payer ,  peut  l'afTigner 
pour  qu'il  en  élife  un  ,  fi-non  fera  permis 
au  débiteur  de  configner  fur  le  lieu. 

240.  Le  débiteur  ne  peut  pas  à  la  vé- 
rité être  obligé  de.  payer  ailleurs  qu'au 
lieu  défigné  ;  mais  faute  par  lui  de  payer  . 
audit  lieu ,  on  peut ,  û  la  créance  eu  exé- 
cutoire, exécuter  fes  biens  en  quelque 
lieu  qu'ils  foient ,  &c  même  fi  elle  eft  con- 
fulaire  on  peut  l'emprifonner*  par  tout  où 
on  le  trouve ,  ainii  qu'il  a  été  jugé  par 
arrêt  rapporté  par  Mornac  ,  ad  L.  1.  jf. 
de  eo  quod  certo  loco. 

241.  11  relie  à  obferver,/que  fi  la  con- 
vention porte  deux  dirTérens  lieux  de 
payement ,  &c  que  ce  foit  par  une  parti- 
cule conjonclive  ,  le  payement  doit  fe 
faire  par  moitié  dans  l'un  defdits  lieux  , 
&C  pour  moitié  dans  l'autre ,  L.  2.  §.  4. 
ff.  de  eo  quod  c  rto  loco. . .  Si  c'eft  par  une 
disjonclive  ,  le  payement  doit  fe  faire 
pour  le  total  en  l'un  de  ces  deux  lieux 
au  choix  du  débiteur.  Generaliter  définit 
Sccevola  pit'ro  em  habere  ekclionem  ubi pe- 
tat ,  reum  ubi  jolvatfcilicet  an  te  petitionem^ 
L.  2.  §.  3.  ffl  d.  T.  Voye^  fur  le  lieu  où 
le  payement  doit  fe  faire ,  ce  qui  fera  dit , 
p.  3.  chap.  1,  an,  1. 

Article 


Part.  II.    Chap.  III.'   263 
Article     V. 

Des  obligations  contrariées  avec  la  claufc 
de  pouvoir  p^yer  a  une  perfonne  indi- 
quée x  ou  avec  celle  de  pouvoir  payer  cer- 
taine chofe ,  p,  la  place  de  la  chofe  due, 

242.  Régulièrement  le  payement  d'une 
dette  ne  peut  fe  faire  à  un  autre  qu'au 
créancier  fans  fon  confeatement.  C'efl 
donc  une  qualité  accidentelle  d'une  obli- 
gation ,  lorfqu'elle  eft  contractée  avec  fa- 
culté de  payer  à  une  autre  perfonne  in- 
diquée par  la  convention.  Voyez  tout  ce 
que  nous  en  dirons  partie  troijîeme  ,  ch.  1. 
art.  1.  §.  4. 

243.  On  ne  peut  pas  aum*  régulière- 
ment payer  au  créancier  fans  fon  conten* 
tement ,  une  autre  chofe  que  celle  qui  efi: 
eue  &  qui  fait  l'objet  de  l'obligation  j 
néanmoins  ljpbligation  fe  contracte  quel- 
quefois avec  la  faculté  de  payer  quelque 
autre  chofe  à  la  place  de  celle  qui  efi  due; 
comme  lorfque  j'ai  donné  mes  vignes  à 
un  vigneron  pour  300.  liv.  de  ferme  par 
chacun  an  ,  qu'il  pourra  me  payer  en 

ti  de  fa  récolte  fur  le  prix  qu'il  fe  ven- 
dra dans  le  pays  à  la  vendange.  Quoique 
ce  foit  une  fomme  de  300.  liv.  qui  me 
foit  due  par  mon  fermier  ,  il  peut  néan^ 
moins  me  payer  du  vin  à  la  place. 
Tome  Jt  M 


166       Tr.    des    Obiig. 

Pareillement ,  fi  quelqu'un  m'a  légué  fa 
maifon ,  û  mieux  n'aimoit  fon  héritier  me 
payer  3000.  liv.  à  la  place  ;  l'héritier  en 
acceptant  la  fuccefïîon  ,  contracte  envers 
moi  ex  quafî-contraclu  ,  l'obligation  de 
me  donner  la  maifon  du  défunt ,  mais 
avec  la  faculté  de  pouvoir  me  payer  trois 
mille  livres  à  la  place. 

244.  On  ne  doit  point  confondre  ces 
obligations  ,  avec  les  obligations  alterna- 
tives dont  nous  traiterons  en  l'article  fui- 
vant.  Dans  celles-ci ,  toutes  les  choies 
promifes  fous  l'alternative  font  toutes 
dues  ;  mais  dans  l'obligation  contractée 
avec  la  faculté  de  payer  une  chofe  ,  à  la 
place  de  celle  qui  fait  l'objet  de  l'obliga- 
tion ,  il  n'y  a  qu'une  chofe  dite.  Celle 
que  le  débiteur  a  la  faculté  de  payer  ,  n'eft 
pas  due  ;  elle  n'eft  pas  in  obligatione ,  elle 
n'eft  qu'i/2  facultatc  folutionis  :  comme 
dans  l'exemple  du  legs  de  la  maifon  du 
teflateur,  fait  avec  la  faculté  de  payer 
3000.  liv.  à  la  place  ,  il  n'y  a  que  la  mai- 
fon qui  foit  due. 

De-là  il  fuit,  i°.  que  le  créancier  n'a 
droit  de  demander  que  cette  maifon  &C 
non  pas  les  3000.  liv.  quoique  le  débiteur 
puifîe  avant  &  depuis  la  demande  de  la 
maifon,  payer  les  3000.  liv. 

De-là  il  fuit ,  i°.  que  fi  la  maifon  périt 
&c  eft  engloutie  par  un  tremblement  dç 


Part.IL  C  h  a  p.  1 1 1.  267 
terre  ,  le  débiteur  eit  entièrement  libéré. 
Dc-!à  il  fuît ,  3  .  que  la  créance  qui  re- 
faite de  ce  legs  cil  une  créance  immobi- 
liaire,  quand  mémo  le  débiteur  prendroit 
le  parti  de  me  payer  une  fomme  de  3000, 
liw  pour  fe  libérer.  Car  la  nature  d'une: 
créance ,  fe  règle  par  la  nature  de  la  chofe 
due ,  &:  non  de  celle  qui  peut  être  payée 
à  la  place  de  la  chofe  due.  C'elï  pourquoi 
fi  ce  legs  m'avoit  été  fait  par  mon  aïeul 
pendant  une  communauté  de  biens  avec 
ma  femme  ;  j'aurois  le  remploi  de  3000. 
liv.  payées  durant  cette  communauté  par 
l'héritier  ;  cette  fomme  étant  le  rachat 
de  la  créance  d'une  maifon  &c  par  confé- 
quent  d'une  créance  immobiliaire  ,  la- 
quelle provenante  d'un  legs  à  moi  fait  par 
mon  aïeul,  m'étoit  propre. 

Article    IV. 

Des    Obligations  alternatives, 

145.  Une  obligation  alternative  eft 
celle  par  laquelle  quelqu'un  s'oblige  à 
donner  ou  à  faire  plufieurs  chofes ,  à  la 
charge  que  le  payement  d'une  chofe  l'ac- 
quittera de  toutes  ;  comme  fi  je  me  fuis 
obligé  de  vous  donner  un  tel  cheval  ou 
vingt  ecus  ;  ou  bien  fi  je  me  fuis  obligé 
de  vous  bâtir  une  maifon ,  ou  de  vou* 
payer  cent  piftoles  ,  &c. 

Mij 


2.68       Tr.    des    Oblig: 

Lorfque  quelqu'un  s'efï  obligé  à  payer 
deux  différentes  fommes  d'argent  fous  une 
particule  disjonclive  ,  l'obligation  n'eft 
pas  pour  cela  alternative  ;  &  il  n'eft  dé- 
biteur que  de  celle  qui  eft  la  moindre, 
Ji  ita  (lipulatus  fuero  decem  aut  qui/' que 
dari  j'p ondes ,  quinque  debentur,  L.  12.  ff. 
de  verb.  oblig. 

246.  Pour  qu'une  obligation  foit  al- 
ternative ,  il  faut  que  deux  ou  plufieurs 
chofes  ayent  été  promifes  fous  une  dis- 
jonclive. Lorfque  plufieurs  chofes  ont 
été  promifes  fous  une  conjonctive  ,  il  y 
a  autant  d'obligations  que  de  chofes  ,  L. 
29.  ff.  de  verb.  oblig.  &  le  débiteur  n'eft 
totalement  libéré  que  par  le  payement  de 
toutes  :  mais  lorfqu'elles  ont  été  promifes 
fous  une  alternative ,  quoiqu'elles  foient 
toutes  dues  ,  néanmoins  il  n'y  a  qu'une 
feule  obligation ,  L.  27.  ff.  de  leg.  20.  qui 
peut  être  acquittée  par  le  payement  de 
l'une  de  ces  chofes  ,  alterius  folutio  totam 
obligationem  intérim it.  Adde  gloff.  ad  Le  g, 
25.  ff.  de  pecun.  conjï. 

247.  Le  débiteur  a  le  choix  de  la  chofe 
qu'il  voudra  payer  ,  L.  25-  ff.  de  contr. 
empt.  à  moins  qu'on  ne  foit  convenu  que 
ce  fera  le  créancier  qui  l'aura.  C'eflune 
conféquence  de  la  règle  d'interprétation 
rapportée  fuprà  N.  97. 

Le  débiteur  peut  bien  payer  l'une  des 


P  A  R  T.  I  î.     C  H  A  P.   I  1 1.       269 

chofes  qu'il  voudra  ,  mais  il  ne  peut  pas 
paver  partie  de  l'une ,  &C  partie  de  l'au- 
tre. Par  exemple ,  s'il  s'en1  obligé  de  me 
donner  60.  liv.  ou  vingt  mines  de  bled  , 
ou  bien  vingt  écus  ou  un  certain  arpent 
de  terre ,  il  ne  pourra  pas  me  donner  la 
moitié  de  la  fomme  &  la  moitié  de  l'ar- 
pent de  terre ,  ou  de  la  quantité  de  bled  ; 

lis  il  faut  qu'il  me  donne  ou  toute  la 
fomme  ou  toute  la  quantité  de  bled ,  ou 
tout  l'arpent  de  terre  :  pareillement  lorf- 
que  le  créancier  a  le  choix ,  il  ne  peut 
exiger  partie  de  l'une  des  chofes  <k  partie 
de  l'autre.  L.  8.  §.  1.  ffl  de  kg.  i°. 

Dans  les  rentes  &  penfions  annuelles 
alternatives,  comme  s'ii  étoit  dû  une  rente 
de  trente  livres  ,  ou  d'un  muid  de  Bli  A 
par  chacun  an  ,  le  débiteur  peut  choinr 
chaque  année  l'une  des  deux  cho&s  r 
quoiqu'il  ait  payé  la  première  année  la 
fomme  d'argent,  il  peut  opter  pour  la 
féconde  année  le  muid  de  bled  ,  &  vice 
versa  L.  21.  §.  6.jf.  de  acl.  empt. 

248.  Du  principe  par  nous  établi,  que 
chofes  comprifes  dans  une  obligation 
alternative  font  toutes  dues,  fans  néan- 
moins qu'aucune  foit  duedéterminément, 
il  fuit  1  *.  que  pour  que  la  demande  du 
créancier  foit  régulière  ,  il  doit  deman- 
der les  deux  chofes  ,  non  pas  à  la  vérité 
conjointement  ,  mais   fous  l'alternative 

M  iij 


HJO  T  R.      DES      O  B  L I  6. 

fous  laquelle  elles  lui  font  dues  :  s'il  de- 
snandoit  feulement  une  de  ces  chofes  ,  fa 
demande  ne  feroit  pas  régulière ,  parce 
qu'aucune  des  deux  ne  lui  eu  due  déter- 
minément  ;  mais  les  deux  lui  font  dues 
fous  une  alternative.  Si  néanmoins  par 
une  claufe  particulière  le  choix  étoit  ac- 
cordé au  créancier,  il  pourroit  deman- 
der feulement  l'une  des  deux  chofes. 

249.  Il  fuit  2°.  qu'une  obligation  n'efl 
pas  alternative ,  lorfque  l'une  des  deux 
chofes  qui  ont  été  promifes  n'étoit  pas 
tfufceptible  de  l'obligation  qui  a  été  con- 
graciée  ;  mais  en  ce  cas  l'obligation  e& 
aune  obligation  déterminée  de  celle  qui  en 
«toit  fufceptible.  C'en1  fur  ce  fondement 
-qu'il  eïl  décidé  en  la  loi  72.  §.  4.  ff.  de 
joint,  que  fi  quelqu'un  m'a  promis  fous 
une  alternative  deux  chofes  dont  l'une 
aai'appartenoit  déjà ,  il  n'a  pas  la  faculté 
.de  me  la  payer  au  lieu  de  l'autre  ,  quoi- 
qu'elle ait  cefïe  depuis  de  m'appartenir  : 
parce  que  cette  chofe  n'étant  pas  lors  du 
Contrat  fufceptible  de  l'obligation  qui  a 
cté  contractée  envers  moi ,  cîim  res  fiut 
nemini  deberi  poffît ,  il  n'y  a  que  l'autre 
qui  me  foit  due. 

250.  Il  fuit  30.  de  notre  principe  que 
lorfque  plufieurs  chofes  font  dues  fous 
une  alternative  ,  l'extinction  de  l'une  def- 
dites  chofes  n'éteint  point  l'obligation  ; 


Part.  II.  C  hap.  III.  171 
car  toutes  étant  dues ,  l'obligation  fitb- 
liite  dans  celles  qui  relient  ;  6c  elles  ne 
peuvent  ceffer  d'être  dues ,  que  par  le 
pavement  d'une. 

Par  la  même  raifon  ,  fi  le  créancier  def- 
dites  chofes  ,  qui  l'en1  ex  caufd  lucrative  9 
devenoit  propriétaire  de  l'une  defdites 
chofes  ex  alid  caufd  lucrativd ,  l'obliga- 
tion qui  ne  peut  fubfifter  à  l'égard  de  la 
chofe  dont  il  eil  devenu  propriétaire ,  fub- 
fifte  à  l'égard  des  autres.  Z.  16.de  verb. 
Mig, 

Lorfque  Tune  de  deux  chofes  dues  fous 
une  alternatative  eft  périe ,  le  débiteur  eft- 
iî  en  ce  cas  recevable  à  offrir  le  prix  de  la 
chofe  qui  eft  périe  pour  éviter  de  payer 
celle  qui  eftreftée?  Non;carlachofequieft 
périe  n'exiflant  plus  ,  n'efl  plus  due;  celle 
qui  refle  en1  la  feule  qui  refîe  due  ,  ck  par 
conféquent  la  feule  qui  puiffe  être  payée, 
JL.  2.  §.3.  v.  qui  Jlichum.  ff.  de  eo  quod 
certo  loco.  L.  34.  §.  G.ff.  de  contr,  empt. 
L.  f)J.  §.  1.  ff.  de/olut.  La  loi  47.  §.  3. 
ff.  de  leg.  i°.  femble  contraire  à  cette 
décifion  :  il  eft  dit  quç  deux  efclaves  ayant 
légués  fous  une  alternative  ,  ck  l'un 
d'eux  étant  mort,  l'héritier  étoit  tenu  de 
donner  celui  qui  refloit ,  &  il  y  eft  ajouté, 
ou  peut-être  le  prix  de  celui  qui  étoit  mort  , 
ifjis  vel  mortui pretium.  Mais  cette  dé- 
cifion  comme  l'obferve  fort-bien  Dumou- 

Miv 


272        Tr.    des   Oblig. 

lin , trac. de dlvid,  &  individ.parl. 2.n.  150» 
doit  être  reftreinte  au  cas  auquel  il  paroî- 
troit  par  des  circonftances ,  que  telle  a 
été  la  volonté  du  teftateur  ^  ce  qu'indi- 
que le  terme  fortaffîs. 

251.  Il  n'importe  que  Tune  des  deux 
chofes  comprifes  fous  l'alternative ,  foit 
périe  fans  le  fait  ni  la  faute  du  débiteur 
&:  avant  aucune  demeure  de  fa  part .  ou 
qu'elle  foit  périe  par  fa  faute  ou  depuis 
fa  demeure.  En  l'un  &  l'autre  cas ,  celle 
qui  relie  eft  la  feule  chofe  qui  demeure 
due  ;  &  le  débiteur  n'eft  pas  reçu  à  offrir 
le  prix  de  celle  qui  ne  fubfifte  plus  ,  d.  Lt 
9  5 .  §.  ff.  de  Joint.  Nec  objlat  que  lorfqu'une 
chofe  eft  périe  parla  faute  du  débiteur  ou 
depuis  fa  demeure  9  elle  eft  cenfée  conti- 
nuer d'être  due ,  par  le  prix  que  le  débi- 
teur doit  en  ce  cas ,  à  la  place  de  la  chofe , 
Z.  82. §.  i.ff. de verb. oblig.  & paffzm.  Laré- 
ponfe  eft  que  ce  qui  n'a  été  établi  qu'en  fa- 
veur du  créancierdans  le  cas  de  l'obligation 
d'une  chofe  déterminémentdûe  ,  ne  peut 
être  oppofé  au  créancier  dans  le  cas  de 
l'obligation  alternative  :  la  faute  ni  la  de- 
meure du  débiteur  ne  doivent  pas  préju- 
dicier  au  créancier.  Or ,  elles  lui  préjudi- 
cieroient  &  changeraient  fa  condition  , 
fi  le  débiteur  qui  peut  encore  accomplir 
£on  obligation  dans  l'une  des  deux  chofes 
qui  reftent ,  étoit  recevable  à  offrir  en 


Part  IL    C  hàp.  III.     173 

argent  le  prix  de  celle  qui  eft  périe ,  prix 
que  le  créancier  ne  feroit  pas  tenu  de  re- 
:\T,  h  les  deux  chofes  fubfiftoient. 

151.  Lorfque  les  deux  chofes  font  pé- 
ries  iûccefîivement  par  la  faute  du  débi- 
teur ou  depuis  fa  demeure  ;  le  débiteur 
quoiqu'il  eût  le  choix  de  donner  celle 
des  deux  qu'il  voudroit,  n'a  pas  de  même 
le  choix  de  payer  le  prix  de  celle  des 
deux  qu'il  voudra.  Car  par  l'extinction  de 
la  première  ,  il  eft  demeuré  débiteur  dé- 
terminément  de  celle  qui  reftoit  ;  c'eft 
pourquoi  il  doit  déterminément  le  prix 
de  celle  qui  eft  périe  la  dernière. 

Lorfque  la  première  périe  ,  a  péri  par 
fa  faute ,  &  que  celle  qui  reftoit  a  péri 
aufïi  fans  fa  faute  ,  6c  avant  qu'il  ait  été 
mis  en  demeure ,  quoique  félon  la  fub- 
tilité  il  parût  devoir  être  quitte  des  deux, 
néanmoins  l'équité  veut  qu'il  foit  tenu  en 
ce  cas  du  prix  de  celle  qui  a  péri  par  fa 
faute.   D.  L.  95.  §.  1. 

2  j  3 .  Lorfque  par  la  convention  le  choix 
a  été  accordé  au  créancier ,  il  a  le  choix 
de  la  chofe  qui  refte ,  ou  du  prix  de  celle 
qui  eft  périe  par  la  faute  du  débiteur  :  au- 
trement cette  faute  lui  feroit  nuifible  , 
fi  celle  qui  eft  périe  étoit  plus  précieufe , 
\*  Mol.  tr.  de  div.  &  ind. p.  2.n.  152.  154. 

154.  Il  fuit  40.  de  notre  principe  que 
tant  que  les  chofes  dues  fous  une  alter- 

M  v 


274  Tr.  des  Oblig. 
native  fubfiftent  ,  l'obligation  demeure 
indéterminée  ôc  incertaine  ,  &  elle  n'eft 
déterminée  à  l'une  des  chofes  comprifes 
en  l'obligation  que  par  le  payement  qui 
en  eft  fait.  D'où  il  fuit  auffi  que  lorfqu'un 
immeuble  &:  une  chofe  mobiliaire  font 
dues  fous  une  alternative  ,  la  nature  dé- 
mette créance  eu  en  fufpens.  Si  le  débi- 
teur donne  l'immeuble  ;  la  créance  fera 
réputée  avoir  été  une  créance  immobi- 
liaire  :  s'il  donne  le  meuble  ,  elle  fera  ré- 
putée avoir  été  mobiliaire.  En  cela  l'obli- 
gation alternative  diffère  de  l'obligation 
déterminée  d'une  certaine  chofe  avec  fa- 
culté d'en  donner  une  autre  à  la  place. 
y.fuprà,  n.    244.  in  fine. 

255.  Un  teftateur  ayant  légué  à  quel- 
qu'un par  fonteilament  un  certain  tableau 
déterminément,  il  a  depuis  par  un  codi- 
cile changé  cette  difpofition  ,  en  léguant 
au  même  légataire  ce  tableau  ou  une  fom- 
7ne  de  cinq  cents  livres  ;  ce  codicile  ne 
s'étant  pas  d'abord  trouvé  lors  de  la  mort 
du  teïlateur  ,  l'héritier  a  délivré  au  lé- 
gataire le  tableau  qu'il  croyoit  lui  devoir 
déterminé  ment  :  depuis  le  codicile  s'étant 
trouvé  ,  &l  l'héritier  ayant  reconnu  qu'il 
ne  devoit  le  tableau  ,  que  fous  l'alterna- 
tive d'une  fomnie  de  çoo.  liv.  il  alligne 
le  légataire  en  répétition  du  tableau  aux 
eifres  de  lui  payer  la  fomme  d'argent  ; 


Part.  II.    Chap.  III.     275 

ft-il  tonde  ?  Les  deux  écoles  chez  les 
Romains  ont  été  partagées  fur  cette  ques- 
tion. Celle  qui  étoit  de  l'école  des  Pro- 
culeiens,  décide  en  la  loi  19.  fF.  de  leg. 
■z  .  pour  la  négative.  La  raifon  de  cette 

:ion  efl  que  les  chofes  comprifes  fous 
une  obligation  alternative  ,  étant  toutes 
dues  ,  le  payement  qui  a  été  fait  au  léga- 
taire du  tableau  légué  ,  efl  le  payement 
d'une  chofe  due  ,  6c  par  confisquent  efl 
un  payement  valable  qui  ne  peut  être  ili- 
jet  à  répétition. 

Au  contraire ,  Julien  qui  étoit  de  l'école 
des  Sabiniens  décide  en  la  loi  3  2..  $.fin.  iF. 
de  cond.  indeb.  qu'il  y  a  lieu  à  la  répétition, 
lorfqu'un  débiteur  a  payé  une  chofe  qu'il 
croyoit  par  erreur  devoir  détenniné- 
ment ,  quoiqu'il  ne  fut  débiteur  que  d'une 
chofe  indéterminée  d'un  certain  genre  , 
ou  qu'il  fût  débiteur  de  cette  chofe ,  mais 
fous  l'alternative  d'une  autre  chofe. 

La  raifon  fur  laquelle  efl  fondée  cette 
décifion  efl ,  que  l'erreur  innocente  en 
laquelle  a  été  le  débiteur  fur  la  qualité 
de  ion  obligation  ,  ne  doit  point  lui  pre- 
judicier ,  ni  aggraver  fon  obligation  en  le 

millant  du  choix  qu'il  avoit  de  payer 
la  fomme  à  la  place  du  tableau.  A  l'égard 
de  la  raifon  alléguée  pour  l'opinion  con- 
traire ,  on  y  répond  en  difant  qu'il  y  a  lieu 
à  la  répétition  qu'on  appelle  condiclio  in- 

M  vj 


276  Tk.  des  Oblig. 
debiti ,  non-feulement  lorfqu'on  a  payé 
ce  qui  n'étoit  pas  du  en  aucune  manière  , 
mais  auiîl  lorfqu'on  a  payé  plus  qu'il  n'é- 
toit dû,  L.  I.  §.  I.  cod.  de  coni.  ind.  & 
paffim.  Or  ce  plus  s'eftime  nonfolum  quan- 
titatc  dcbiti ,  fed  &  causa,  Injiit.  lit.  de 
acî.  §.  34.  verf.  huic  autem.  C'eft  pour- 
quoi dans  l'efpece  propofée ,  celui  qui  a 
payé  une  chofe  comme  due  déterminé- 
ment ,  quoiqu'il  ne  la  dût  que  fous  l'al- 
ternative d'une  autre  chofe  ,  a  payé  plus 
qu'il  ne  devoit ,  &  ce  payement  doit  être 
fujet  à  répétition  ,  en  offrant  l'autre  chofe 
qu'il  avoit  droit  de  payer  à  la  place  de 
celle  qu'il  a  payée.  Cette  dernière  opi- 
nion eu.  bien  plus  équitable  que  la  pre- 
mière ;  elle  reftitue  à  chacun  ce  qui  lui 
appartient.  C'en1  pourquoi  Dumoulin  dé- 
cide très-bien  ,  tr.  de  div.  &  ind.  p.  1.  n. 
3 3Ï«  &  fca-  qu'elle  doit  être  fuivie. 

256.  Dumoulin,  n.  139.  &  feqq.  ap- 
porte un  tempéramment  à  cette  décifion  , 
qui  eu  que  lorfque  le  créancier  n'a  pas 
induit  le  débiteur  dans  l'erreur  en  laquelle 
il  étoit ,  &  qu'il  a  reçu  de  bonne  foi  , 
la  répétition  ne  pourra  avoir  lieu  contre 
lui  qu'autant  que  le  créancier  n'en  fouf- 
frira  aucun  préjudice  ,  &  qu'il  fera  remis 
au  même  état  qu'il  étoit  avant  le  paye- 
ment. La  raifon  eil  que  cette  a&ion  n'en1 
fondée  que  fur  une  raifon  d'équité ,  hxc 


P  K  R  T.  II.     C  H  A  P.   1 1 1.      277 

cort.i  v  bono   &    œquo  introdîicla.  L. 

cîioncindcb.  Elle  n'eft  fon- 
due fur  cette  règle  d'équité  ,  qui  ne 
perm  t  pas  que  quelqu'un  s'enrichhTe 
aux  dépens  d  autrui.  C'efr.  pourquoi  elle 
1  que  jufqu'à  concurrence  de  ce 
lui  qui  a  reçu  en  a  profité ,  L.  65. 
§.  7.  &  8.  f.  d.  t'a.  Suivant  ces  princi- 
pes il  faut  décider  dans  l'efpece  propo- 

.  que  fi  le  légataire  a  vendu  de  bonne 
foi  la  chofe  qui  lui  a  été  délivrée  ,  l'hé- 
ritier ne  peut  avoir  répétition  contre  lui 
que  pour  ce  qu'il  l'a  vendue  de  plus  , 
que  la  fomme  que  l'héritier  avoit  droit 
de  lui  paver  à  la  place. 

Suivant  les  mêmes  principes ,  fi  le  dé- 
biteur a  payé  au  créancier  une  fomme 
d'argent  qu'il  croyoit  lui  devoir  détermi- 
nément ,  quoiqu'il  ne  la  dût  que  fous  l'al- 
ternative d'une  autre  chofe  ;  le  débiteur 
ne  doir  pas  être  facilement  admis  à  ré- 
péter cette  fomme  ,  en  offrant  de  donner 
l'autre  chofe,  quand  le  créancier  a  dé- 
penlé  cette  fomme  ,  &  qu'il  n'y  a  pas  une 
grande  difproportion  de  valeur,  entre  la 
fomme  qu'il  a  reçue  &C  l'autre  chofe. 

257.  Il  y  a  une  autre  queftion  fur  la- 
quelle les  deux  écoles  ont  été  partagées. 
Celui  qui  devoit  deux  chofes  fous  une  al- 
ternative ,  trompé  par  une  expédition  du 
Notaire  qui  avoit  écrit  &  au  lieu  cfou  qui 


I78  Tr.  des  Oblig, 
fe  trouve  dans  l'original ,  a  payé  les  deux 
chofes  à  la  fois  6c  en  même  temps  ;  de- 
puis il  a  découvert  qu'il  ne  devoit  que 
l'une  defdites  chofes  à  fon  choix.  Il  n'eft 
pas  douteux  qu'il  a  droit  de  répéter  l'une 
defdites  chofes  :  mais  peut-il  répéter  l'une 
des  deux  qu'il  voudra  ?  Celfe  cité  par  Ul- 
pien  en  la  loi  x6.  §.  13.  in  fin.  ff.  de  cond. 
ind.  penfoit  que  c'étoit  en  ce  cas  le  créan- 
cier qui  avoit  le  choix  de  retenir  celle 
qu'il  voudrait.  Julien  au  contraire  au  rap- 
port de  Juftinicn  en  la  loi pemil.  cod.  hoc 
Titulo  ,  penfoit  que  le  débiteur  avoit 
droit  de  répéter  celle  des  deux  qu'il  vou- 
drait. L'opinion  de  Celfe  étoitapparem-, 
ment  fondée  fur  ce  raifonnement.  Les 
chofes  qui  font  comprifes  dans  une  obli- 
gation alternative  étant  toutes  dues  ,  le 
débiteur  qui  les  a  payées  l'une  &  l'autre  , 
ne  peut  dire  d'aucune  des  deux  détermi- 
nément  qu'elle  ne  fut  pas  due  ;  il  ne  peut 
donc  répéter  aucune  des  deux  déterminé- 
ment  comme  non  due  ;  il  a  feulement  la 
répétition  de  l'une  des  deux  indétermi- 
nément ,  comme  ayant  payé  plus  qu'il 
ne  devoit  en  payant  les  deux  ?  quoiqu'il 
ne  dut  que  l'une  des  deux.  Le  créancier 
devenant  à  fon  tour  débiteur  par  rap- 
port à  la  restitution  qui  eu.  due  de  Tune 
des  deux  ;  c'eft  à  lui  en  qualité  de  débi- 
teur 3   à  qui  doit  appartenir  le  choix  de 


Part.  II.    Chàp.  III.     279 

i  .  jlledes  deux  qu'il  voudra.  Ce 
raisonnement  fur  lequel  l'opinion  de  Celfe 
eftfbndée  ,  n'eft  qu'une  pure  fiibtilité. 

L'opinion  de  Julien  eiï.  fondée  fur  l'é- 
quité ;    l'action  condiclio  indcbiti  eft  une 

>ece  de  restitution  en  entier  que  l'équi- 
té accorde  contre  un  payement  erronné. 
Or  il  cil  de  la  nature  de  toutes  lés  refti- 
tutions  contre  un  acte  ,  que  les  parties 
foientremifesaumême  état  qu'elles  étoient 
auparavant.  D'où  il  fuit  que  le  débiteur 
qui  a  payé  les  deux  chofes  ,  ignorant  qu'il 
n'étoit  tenu  de  payer  que  celle  des  deux 
qu'il  voudroit ,  doit  être  remis  par  cette 
action  dans  le  droit  qu'il  avoit  avant  le 
payement ,  de  ne  payer  que  celle  qu'il 
voudroit,  &  par  conféquent  de  répéter 
celle  des  deux  qu'il  voudra.  Cette  der- 
nière opinion  comme  plus  équitable  a  été 
embrafTée  par  Papinien ,  &  enfin  confir- 
mée par  la  conftitution  de  Juftinien ,  Z, 
pcnuL  cod.  d.  tit. 

Obfervez  que  le  débiteur  nTa  en  ce  cas 
le  droit  de  répéter  l'une  des  deux  chofes 
qu'il  a  payé ,  que  tant  que  les  deux  chofes 
fubfiitent  :.fi  Tune  des  deux  avoit  cefle 
de  fubfiiîer  depuis  le  payement ,  il  n'y 
auroit  plus  lieu  à  la  reftitution  comme  l'a 
décidé  le  même  Julien  en  la  loi  32.^  d, 
t.  La  raifon  en  efl  évidente ,  l'action  con- 
diclio indcbiti  remet  les  parties  au  même 


2,8o       Tr.   des   Oblig. 

état  que  fi  le  payement  n'avoit  pas  été 
fait ,  6c  qu'il  fût  encore  à  faire.  Or ,  s'il 
étoît  encore  à  faire ,  le  débiteur  ne  pour- 
roi  t  fe  difpenfer  de  payer  celle  qui  fe 
trouveroit  refier  la  feule  chofe  due  ;  elle 
doit  donc  en  ce  cas  refter  in  foluto  par- 
devers  le  créancier ,  &C  le  débiteur  ne  la 
peut  répéter. 

Sur  Pindivilibilité  du  payement  des  obli- 
gations alternatives  ,  voye^  ce  qui  eft  dit 
infràp.  3.  ch.  1.  art.  6.  §.  3. 

Article    VII. 

Des  obligations  folidaircs  entre  plujieurs 
Créanciers. 

158.  Régulièrement  lorfque  quelqu'un 
contracte  l'obligation  d'une  feule  &  mê- 
me chofe  envers  plusieurs  ,  chacun  de 
ceux  envers  qui  il  l'a  contractée  ,  n'eft 
créancier  de  cette  chofe  que  pour  fa  part  ; 
mais  elle  peut  fe  contracter  envers  cha- 
cun d'eux  pour  le  total ,  lorfque  telle 
eft  l'intention  des  parties  ,  de  manière 
que  chacun  de  ceux  envers  qui  l'obliga- 
tion eft  contractée ,  foit  créancier  pour  le 
total ,  &  que  néanmoins  le  payement  fait 
à  l'un  d'eux  libère  le  débiteur  envers  tous; 
c'eft  ce  qu'on  appelle  folidité  d'obligation. 
On  appelle  ces  créanciers  correi  cndendi  ^ 
correi  Jlipulandi. 


Part.  II.  Chap,  III.  281 
2  s  9.  On  peut  apporter  pour  exemple  de 
cette  obligation  folidaire ,  celle  qui  naît 
d'une  difpofition  teftamentaire,  qui  auroit 
lire  en  ces  termes  :  mon  héritier  don- 
nera aux  Carmes  ou  aux  Jacobins  une 
fomme  de  cent  livres  ;  l'héritier  ne  doit 
dans  cette  efpece  qu'une  feule  fomme  ; 
S  il  doit  cette  fomme  entière  à  cha- 
cun des  deux  Couvens  qui  en  font  co- 
créanciers  folidaires  ,  de  manière  néan- 
moins que  le  payement  qu'il  fera  de  cette 
fomme  à  l'un  des  deux  Couvens  ,  le  li- 
bérera envers  les  deux.  L.  i6.fflde  légat. 
i°.  Cette  folidité  entre  plufieurs  créan- 
ciers ctt  d'un  ufage  très-rare  parmi  nous  ; 
il  ne  faut  pas  la  confondre  avec  l'indivifi- 
biîité  d'obligation,  dont  nous  parlerons 
infra. 

260.  Les  effets  de  cette  folidité  entre 
créanciers  font  i°.  que  chacun  des  créan- 
ciers ,  étant  créancier  du  total ,  peut  par 
conféquent  demander  le  total ,  &  fi  l'o- 
bligation eft  exécutoire ,  contraindre  le 
débiteur  pour  le  total.  20.  La  reconnoif- 
fance  de  la  dette  faite  envers  l'un  des 
. ncier>, interrompt  la prefeription  pour 
le  total  de  la  dette,  <k  par  conféquent  pro- 
fite aux  autres  créanciers  ,  L.fin.  de  cod. 
de  duobus  reis.  30.  Le  payement  fait  à 
l'un  des  créanciers  éteint  toute  la  dette  ; 
car  ce  créancier  l'étant  pour  le  total,  le 


2$  2  ÎR,     CES     ÔBLIG. 

payement  du  total  lui  efr.  valablemeilt 
fait;  &  ce  payement  libère  le  débiteur 
envers  tous  ;  car  quoiqu'il  y  ait  plufieurs 
créanciers ,  il  n'y  a  néanmoins  qu'une 
dette  ,  que  le  payement  total  qui  efr.  fait 
à  l'un  des  créanciers  ,  doit  éteindre. 

Il  eft.  au  choix  du  débiteur  de  payer 
auquel  il  voudra  des  créanciers  folidaires 
tant  que  la  chofe  eft.  entière  ;  mais  fi  l'un 
d'eux  avoit  prévenu  par  des  pourfuites , 
le  débiteur  ne  pourroit  plus  payer  qu'à 
lui.  Ex  duobus  rels  (lipulandi  ;  Jl  fcmel 
unus  egerit ,  alteri  promijjbr  offerendo  pecu* 
ninm  ,  nihil  agit.  L.  \6.ff.  de  duobus  reis, 

4°.  Chacun  des  créanciers  l'étant  pour 
le  total ,  peut  avant  qu'il  ait  été  prévenu 
par  les  pourfuites  de  quelqu'un  de  (es 
créanciers  ,  faire  remife  de  la  dette  au  dé- 
biteur, &  le  libérer  envers  tous.  Car  de 
même  que  le  payement  du  total  fait  a 
l'un  des  créanciers  folidaires  libère  le  dé- 
biteur envers  tous ,  de  même  la  remife 
du  total  qui  tient  lieu  de  payement ,  faite 
par  l'un  des  créanciers ,  doit  le  libérer 
envers  tous  ,  acceptilarione  unius  tollitur 
ebligatio,  L.  %.jff\  dcduob.  reis. 


S& 


Part.  II.    Chap.  III.     1S3 
Article    VIII. 

De  la  folidité  de  la  part  des  Débiteurs, 

s.  1 

Ce  que  ctfî  qu!  Obligation  folidaire  de 
la  part  des  Débiteurs. 

261.  Une  obligation  eft  folidaire  de  la 
part  de  ceux  qui  l'ont  contractée ,  lorf- 
qu'ils  s'obligent  chacun  pour  le  total ,  de 
manière  néanmoins  que  le  payement  fait 
par  l'un  deux,  libère  tous  les  autres. 

Ceux  qui  s'obligent  de  cette  manière 
font  ceux  qu'on  appelle  correi  debendl. 

De  même  que  la  folidité  de  la  part  des 
créanciers  confirme  en  ce  que  l'obligation 
d'une  même  chofe  contractée  envers  plu- 
sieurs perfonnes  ,  eft  contra&ée  envers 
chacun  d'eux  pour  le  total ,  aufli  totale- 
ment que  fi  chacun  d'eux  en  étoit  le  feul 
créancier ,  fauf  néanmoins  que  le  paye- 
ment fait  à  Fun  d'eux  libère  envers  tous 
les  autres  :  de  même  la  folidité  de  la  part 
des  urs  confifte  en  ce  que  l'obliga- 

tion d'une  même  chofe  efl  contractée  par 
chacun  pour  le  total ,  aufîi  totalement 
que  fi  chacun  d'eux  en  étoit  le  feul  débi- 
teur, de  manière  néanmoins  que  le  paye* 
ment  fait  par  l'un  d'eux  libère  les  autres* 


284       Tr.    des   ObiiGi 

262.  Il  ne  fuffit  pas  toujours  pour 
qu'une  obligation  foit  folidaire ,  que  cha- 
cun des  débiteurs  foit  débiteur  de  toute 
k  chofe  ,  ce  qui  arrive  à  l'égard  de  l'obli- 
gation indivifible  ,  ck  non  fufceptible  de 
parties ,  quoiqu'elle  n'ait  pas  été  contrac- 
tée folidairement  ;  il  faut  que  chacun  des 
débiteurs  ,  totum  &  totaliur  dcbeat ,  c'eft- 
à-dire  qu'il  faut  que  chacun  fe  foit  obligé 
auffi  totalement  à  la  preftation  de  la  chofe, 
comme  s'il  eût  feul  contracté  l'obligation. 

263.  Il  faut  fur-tout  que  les  débiteurs 
fe  foient  obligés  à  la  prestation  de  la  mê- 
me chofe.  Cène  feroit  donc  pas  une  obli- 
gation folidaire  de  deux  perfonnes ,  mais 
deux  obligations ,  fi  deux  perfonnes  s'o- 
bligeoient  envers  un  autre  à  différentes 
chofes. 

Mais  pourvu  qu'ils  foient  obligés  cha- 
cun totalement  à  une  même  chofe  ,  quoi- 
qu'ils foient  obligés  différemment  ,  ils 
ne  laiffent  pas  d'être  codébiteurs  folidai- 
res  corrci  debendi  ;  putà  û  l'un  s'efl  obligé 
purement  &  fimplement ,  &  l'autre  s'efl 
obligé  feulement  fous  condition ,  ou  a  pris 
un  temps  de  payement  ;  ou  s'ils  fe  font 
obligés  à  payer  en  difFérens  lieux  ,  L.  7. 
-£•  9*  §•  *■•  ff*  de  duobus  reis. 

On  dira  peut-être  qu'il  répugne  qu'une 
feule  &:  même  obligation  ait  des  qualités 
oppofées  ;  qu'elle  foit  pure  &:  fimple  à 


Part.  II.    Ckap.    III.     185 

;ard  de  l'un  des  débiteurs  ,  ck  condi- 
tionnelle à  l'égard  de  l'autre.  La  réponfe 
Cil  que  l'obligation  folidaire  ,  cil  une  à 
la  vérité  par  rapport  à  la  choie  qui  en  fait 
l'objet ,  le  iii jet  Se  la  matière  ;  mais  elle 
eii  conrpofée  d'autant  de  liens  qu'il  y  a 
de  personnes  différentes  ,  qui  l'ont  con- 
tractée ;  &C  ces  perfonnes  étant  différentes 
entr'elles  ,  les  liens  qui  les  obligent  font 
autant  de  liens  différens  ,  qui  peuvent 
par  coniequent  avoir  des  qualités  diffé- 
rentes. C'eft  ce  que  veut  dire  Papinien , 
loriqu'il  dit  :  & Ji  maxime  par  cm  caufamfuj- 
cipiunt  ,  nihilominîts  in  cujufque  perfond  , 
propria  Jin^ulorum  conjiflit  obligado.  d.  Z. 
9.  §.  2.  L'obligation  elt  une  par  rapport  à 
ion  objet  qui  eft  la  chofe  due  ;  mais  par 
rapport  aux  perfonnes  qui  l'ont  contrac- 
tée ,  on  peut  dire  qu'il  y  a  autant  d'obli- 
gations ,  qu'il  y  a  de  perfonnes  obligées. 

264.  Lorfque  plufieurs  perfonnes  con- 
tractent une  dette  folidairement ,  ce  n'eft 
que  vis-à-vis  du  créancier  qu'elles  font 
chacune  débitrices  du  total  ;  mais  entr'el- 
les la  dette  fe  divife  ,  &  chacune  d'elles 
en  eft  débitrice  pour  foi ,  pour  la  part 
feulement  qu'elle* a  eue  à  la  caufe  de  la 
dette.  Suppofons  par  exemple  ,  que  deux 
perfonnes  ont  emprunté  enfemble  une 
fomme  d'argent ,  qu'elles  fe  font  obligées 


i86        Tr.    des    Oblig. 

folidairement  de  rendre ,  ou  qu'elles  ont 
acheté  une  chofe  au  payement  de  laquelle 
elles  le  iont  obligées  folidairement  envers 
le  vendeur.  Si  elles  ont  partagé  entr'elles 
également  la  ïbmme  empruntée  ,  ou  la 
chofe  achetée;  chacune  d'elles  quoique 
débitrice  du  total  vis-à-vis  du  créancier , 
n'eft  vis-à-vis  de  fon  codébiteur,  débitrice 
pour  foi  que  de  moitié.  Si  elles  l'avoientpa— 
tagée  inégalement  ,piuà  que  l'une  d'elles 
eût  retiré  les  deux  tiers  de  la  fomme  em- 
pruntée, ou  eût  eu  les  deux  tiers  dans  la 
chofe  achetée  ,  &  que  l'autre  n'en  eût 
eu  que  le  tiers  ;  celle  qui  auroit  eu  les 
deux  tiers  feroit  débitrice  pour  foi  des 
deux  tiers ,  &  l'autre  feulement  du  tiers. 
Si  l'une  d'elles  profite  feule  du  contrat , 
&  que  l'autre  ne  fe  foit  obligée  folidaire- 
ment avec  elle  que  pour  lui  faire  plaifir  ; 
celle  d'entr'elles  qui  a  feule  profité ,  eft  la 
feule  débitrice  ;  l'autre  quoique  débitrice 
principale  vis-à-vis  du  créancier ,  n'efl: 
vis-à-vis  de  fon  codébiteur  avec 'qui  elle 
s'efl  obligée  pour  lui  faire  plaifir  ,.  que 
ce  qu'eu1  une  caution  vis-à-vis  du  débi- 
teur principal  qu'elle  a  cautionné. 

Pareillement ,  fi  la  dette  folidaite  pro- 
cède d'un  délit  commis  par  quatre  parti- 
culiers ;  chacun  efl  bien  débiteur  folidaire 
vis-à-vis  de  la  perfonne  envers  qui  le  dé- 


P  A  R  T.    1 1.     C  H  A  P.    I  I  T.       2 

lit  a  cto  commis  ;  mais  entr'eux  chacun 

lébkeur  pour  la  part  qu'il  a  eue  au 

délit ,  c'eit-à-dire,"  chacun  pour  ion  quart. 

§.  h. 

En  quels  cas  l'Obligation  de  plujîeurs 
Débiteurs  eji  réputée  folidaiie. 

265.  La  folidité  peut  être  ftipulée  dans 
tous  les  contrats  de  quelque  efpece  qu'ils 
foient.  L.  9.  ff\  de  duob.  rets.  Mais  régu- 
lièrement elle  doit  être  exprimée.  Sinon 
lorfque  plufieurs  ont  contracté  une  obli- 
gation envers  quelqu'un  ,  ils  font  préfu- 
ne  l'avoir  contractée  chacun  que  pour 
leur  part.  C'eft  ce  que  décide  Papinien 
en  la  loi  11.  §.  2.  ff.  de  duob,  reis  ;  &C 
ced  ce  qui  a  été  confirmé  par  JufHnien 
en  la  novelle  99.  La  raifon  eft  que  l'in- 
terprétation des  obligations  fe  fait  dans 
le  doute  ,  en  faveur  des  débiteurs  ,  com- 
me il  a  été  déjà  vu  ailleurs.  Suivant  ce 
principe  ,  dans  i'efpece  d'un  héritage  qui 
appartient  à  quatre  propriétaires  ,  trois 
l'ayant  vendu  folidairement ,  6c  ayant 
promis  de  faire  ratifier  la  vente  par  le 
quatrième  propriétaire ,  il  a  été  jugé  que 
le  quatrième ,  en  ratifiant  ,  n'étoit  pas 
cenfé  avoir  vendu  folidairement  ;  parce 
que  les  trois  autres  avoient  bien  promis 


288       Tr.   des   Obltg; 

pour  lui  qu'il  accederoit  au  contrat  de 
vente ,  mais  il  n'étoit  pas  exprimé  qu'il  y 
accederoit  folidairement. 

266.  Il  y  a  néanmoins  certains  cas  dans 
lefquels  la  folidité  entre  plufieurs  débi- 
teurs d'une  même  chofe  a  lieu  ,  quoi- 
qu'elle n'ait  pas  été  exprefîement  ftipuiée. 

Le  premier  cas  efï  lorfque  des  afïbciés 
de  commerce  ,  contractent  quelque  obli- 
gation pour  le  fait  de  leur  commerce. 

Cette  décifion  efl  de  notre  Droit  Fran- 
çois :  Ordonn.  du  Commerce  de,  1673.  *•  4* 
an.  7. 

Deux  Marchands  qui  achètent  enfem- 
ble  une  partie  de  marchandifes,  quoiqu'ils 
n'ayent  d'ailleurs  aucune  fociété  entr'eux, 
font  cenfés  aflbciés  pour  cet  achat ,  & 
comme  tels  font  obligés  folidairement  , 
quoique  la  folidité  ne  foit  pas  exprimée. 
Bornier  fur  ledit  article  rapporte  un  Ar- 
rêt du  Parlement  de  Touloufe  qui  l'a  ainfi 
jugé ,  &  cela  a  patte  en  maxime.  V.fuprà 
p.  1.  ch.  1.  art.  5.  n.  83. 

267.  Le  fécond  cas  auquel  plufieurs 
débiteurs  d'une  même  chofe  font  obligés 
folidairement,  quoique  la  folidité  n'ait 
point  été  exprimée  ,  efl  celui  de  l'obli- 
gation que  contractent  plufieurs  tuteurs 
qui  fe  chargent  d'une  même  tutelle  ;  ou 
de  celle  que  contractent  plufieurs  perfon- 
nes  qui  fe  chargent  de  quelque  adminiftra* 

tion 


P  A  R  T.  I  T.    C  H  A  P.  I II.        2$9 

tion  publique;  tels  que  font  des  échevins, 
des  ùbriciers,  des  admimflrateurs  d'hô- 
pitaux. Ces  charges  font  iolidaires  fuivant 
la  difpofition  des  loix ,  qui  font  à  cet 
égard  fuivies  parmi  nous ,.  s'il  n'y  a  quel- 
que ufage  contraire. 

Les  loixRomaines  accordoient  aux  tu- 
teurs qui  n'avoient  pas  géré  ,  le  bénéfice 
d'ordre  &  de  difeurtion  ,  qui  confifloit  à 
pouvoir  renvoyer  le  mineur  forti  de  tu- 
telle, à  difeuter  à  leurs  rifques  ,  celui  des 
tuteurs  qui  avoit  géré  :  elles  accordoient 
auiîî  aux  tuteurs  qui  avoient  géré  con- 
jointement ,  le  bénéfice  de  divifion ,  lorf- 
qu'ils  étoient  tous   folvables.    Mais  ces 
exceptions  accordées  aux  tuteurs  &  au- 
tres adminiftrateurs  ne  font  pas  en  ufage 
parmi  nous  ;  c'eft  pourquoi  lorfque  Du- 
moulin tract,  de  Jivid.  &  indiv.  p.  3.  166. 
dit  que  les  tuteurs  ont  ce  bénéfice  de  di- 
vifion pour  le  payement  du  reliquat  de 
leur  compte  de  tutelle ,  hors  le  feul  cas  au- 
quel ils  font  débiteurs  ex  dolo  ,  cela  doit 
s'entendre  en  ce  fens  Qu'ils  ont  ce  béné- 
fice ,  fuivant  les  loix  Romaines ,  &  dans 
les  lieux  où  les  loix  Romaines  font  à  cet 
égard  pratiquées. 

268.  Le  troifieme  cas  d'obligation  fo- 
lidaire  eft  à  l'égard  de  ceux  qui  ont  con- 
couru à  un  délit ,   ils  font  tous  obligés 
folidai rement  à  la  réparation. 
Te  me  I,  N 


290       Tr.   des    OblïG, 

Ils  ne  peuvent  oppofer  aucune  excep* 
tion  de  difcufïion  ni  de  divifion ,  en  étant 
indignes. 

269. 11  peutréfulter  aufiî  des  teflamens 
une  obligation  folidaire  ,  lorfque  le  tefta- 
teur  a  exprefTément  déclaré  qu'il  char- 
geoit  folidairement  fes  héritiers  ou  autres 
iiicceffeurs  ,  de  la  preitation  du  legs. 

Même  fans  que  la  folidite  ait  été  ex- 
primée par  le  teftament ,  ceux  que  le  tef- 
tateur  a  chargés  du  legs  font  obligés  foli- 
dairement ,  lorfque  le  teftateur  s'efl  fervi 
d'une  disjonclive  pour  les  en  charger; 
comme  lorfqu'il  a  dit  ;  mon  fils  Pierre  9 
ou  mon  fils  Jacques  donneront  dix  ecus  à 
un  tel.  C'eft  ce  qui  eu.  décidé  en  la  loi 
8.  §.  l'ffi  de  leg.  i.fi  ita  feriptum  fit ,  L. 
TlTÏUS  HERES  MEUS  ,  AUT  MmTIUS 
HERES  MEUS  DECEM  SEIO  DATO: 
cum  uiro  velit  ,  Seins  agu ,  ut  fi  cum 
uno  aclum  fit  &  folutum  ,  alter  liberetur  9 
quafi  fi  duo  rei  promittendi  in  fol'idum 
Migrai  fuiflent.  Néanmoins  Dumoulin 
prétend,  tracl.  de  div.  &  ind.  p.  3.  n. 
153.  154.  155.  que  cette  obligation  n'eft 
pas  une  obligation  parfaitement  folidaire  ; 
qu'il  eil  bien  vrai  que  chacun  des  grevés 
eu  tenu  pour  le  total  de  la  preftation  du 
legs  ,  &  qu'en  cela  ils  reffemblent  à  des 
codébiteurs  folidaires.,  mais  qu'ils  ne  font 
pas  de  véritables  codébiteurs  folidaires  y 


Part.  II.    Chap.  III.     291 
ne  leur  obligation  n'a  pas  les  autres 
effets  des  obligations  iblidaires.  Par  exem- 
ple ,  li  deux  héritiers  étoient  grevés  de 
cette  manière  du  legs  d'un  corps  certain 
cjui  fût  péri  par  le  tait  de  l'un  d'eux  ,   il 
ne  penfe  pas  que  l'autre  fut  tenu  de  cette 
perte  comme  le  feroit  un  codébiteur  foli- 
■e,  infrà  n.  ij^.  En  cela  Dumoulin 
•rte  de  l'opinion  commune  enfeignée 
Bartole  fur  ladite  loi ,  &  par  les  au- 
tres docteurs  qui  reconnoiffent  dans  l'ef- 
pece  de  cette  loi  une  vraie  obligation  fo- 
lidaire.  Dumoulin  fe  fonde  fur  ces  termes, 
quafi  Jl  duo  rci ,  &c.  ce  qui  indique  ,  dit- 
il  ,  que  les  deux  héritiers  ne  font  pas  dans 
l'efpece  de  la  loi  véritablement  correi , 
l'adverbe  quaji  éîant  adverbium  unproprie- 
.  J'inclinerois  plus  pour  l'opinion  de 
Eartole ,  ces  héritiers  étant  dans  cette  ef- 
pece  débiteurs  du  total ,  non  par  la  qua- 
lité de  la  chofe  due  ,  mais  par  la  volonté 
du  tertateur ,  qui  a  voulu  qu'ils  fufïent 
chargés  chacun  pour  le  total  de  la  préda- 
tion du  legs  ,  leur  obligation  me  paroît 
avoir  tous  les  caractères  d'une  vraie  obli- 
gation folidaire  ;  &C  je  ne  vois  rien  qui 
l'en  différencie.  Le  terme  quafinç,  me  pa- 
roît  pas  devoir  être  pris  ,  pro  adverhio  im- 
proprïetatis  ;    mais  il  me  pa'roît  être  pris 
;r  quzmadmodurn  en  ce  fens  :   ces  deux 
.tiers  font  obligés  foli  clairement  de  mê- 

N  ij 


t$i       Tr.    d  es    O  b-lic*. 

me  que  s'ils  étoient  obligés  iolidairemetiS 
par  une  ftipulation.  Gar  ce  n'eft  pas  feu- 
lement par  les  ftipulations  qu'on  peut 
contracter  des  obligations  folidaires ,  non 
tantiim  verbis  Jîipulationis  ,  fed  &  cœteris 
contraclibus  duo  rei promittendi  ficri  pojfuntr 
L.  9.  ff'.  de  duobus  reis ;  &  les  teftairrens 
ainli  que  les  contrats  peuvent  former  ces* 
obligations. 

§•  m. 

Des  effets  de  la  folidite  entre  plusieurs 
Débiteurs. 

Ï70.  Ces  effets  font  i°.  que  le  créan- 
cier peut  s'adrefTer  à  celui  qu'il  choifira 
des  débiteurs  folidaires ,.  &  exiger  de 
lui ,  foit  par  demande  ,  û  la  dette  ne  gît 
qu'en  adion ,  foit  par  voie  de  contrainte  % 
fi  elle  gît  en  exécution ,  le  total  de  ce 
qui  lui  eft  dû  ;.  c'en1  une  confequen.ee  né- 
ce  ffaire  de  ce  que  chacun  des  débiteurs 
folidaires  eft  débiteur  du  total. 

Je  ne  penfe  pas  même  que  les  codé- 
biteurs qui  fe  font  obligés  folidairement  r 
ayent  entr'eux  le  bénéfice  dedivifion^ 
c'eft-à-dire,  que  l'un  d'eux  à  qiû  le  créan- 
cier demande  le  total ,  foitrece  vable  en  of- 
frant fa  part  ,  à  demander  que  le  créancier 
foit  renvoyé  contre  les  autres  débiteurs 
.pour  chacun  leur  part,Ior  fqu'ils  font  folva* 


Part.  II.    Chap.  TIL      293 

s.  Lesa&es  de  Notaires  portent  ordinai- 
nem  (a  claufe  de  renonciation  au  béné- 
fice de  diviûon;  6c  quand  il  n'y  auroit 
point  de  claufe  de  renonciation  à  cette 
:ion  de  divilion ,  je  ne  penfe  pas 
qu'elle  eût  lieu  :  la  loi  47.  ff.  Locati ,  dit 
qu'il  efl  plus  juile  de  la  leur  réfufer. 
•Quant  quant  fortajjcjït  jujllus.,  &c. 

Il  efl  vrai  que  la  Novelie  l'accorde 
aux  codébiteurs  folidaires  qui  fe  font  ren- 
dus caution  l'un  de  l'autre  ,  alterna  jide- 
jujjlom  oblipatis  ;  mais  je  ne  vois  pas  qu'on 
la  iuive  parmi  nous.  On  n'accorde  au  dé- 
biteur iblidaire  qui  efl  pourfuivi  pour  le 
total ,  d'autre  bénéfice  que  celui  de  pou- 
voir requérir  la  fubrogation  ,  ou  ceffion 
des  aclions  du  créancier  contre  Tes  co- 
débiteurs folidaires.  Voye^  fur  cette  fu- 
'brogation  infrà  p.  3.  ch.  1.  art.  6.  §.  z. 

271.  Obfervez  que  le  choix  que  fait 
le  créancier,  de  l'un  des  débiteurs  contre 
lequel  il  exerce  fes  pourfuites  ,  ne  libère 
pas  les  autres  tant  qu'il  n'en:  pas  payé  ; 
il  peut  laifTer  (es  pourfuites  contre  celui 
qu'il  a  pourfuivi  le  premier,  &  agir  con- 
tre les  autres ,  ou  s'il  veut,  les  pourfuivre 
tous  en  même  temps.  L.  28.  cod.  defidej. 

272.  20.  L'interpellation  qui  efl  faite 
à"  l'un  des  débiteurs  folidaires ,  interrompt 
le  cours  de  la  prefeription  contre  tous 
les  autres ,  L.fin.  cod,  deduobus  rels  ;  c'eft 

Niij 


294  Tr.  ©es  Oblig. 
encore  une  conféquence  de  ce  que  cha- 
cun des  débiteurs  ?  efl  débiteur  du  total. 
Carie  créancier  en  l'interpellant ,  l'a  in- 
terpellé pour  le  total  de  la  dette  ;  il  a  donc 
interrompu  la  prefcription  pour  le  total 
de  la  dette ,  même  à  l'égard  des  débiteurs 
qu'il  n'a  pas  interpellés ,  lefquels  ne  pour- 
roient  oppofer  une  prefcription  contre 
le  créancier  ?  que  fur  ce  qu'il  n'auroit  pas 
ufé  de  fon  droit  pour  la  dette  dont  ils 
font  tenus  ;  mais  ils  ne  peuvent  le  préten- 
dre ;  puifque  la  dette  dont  (.ils  font  tenus  , 
eït  la  même  que  celle  pour  laquelle  leur 
codébiteur  a  été  interpellé  pour  le  total. 
273.  30.  Par  la  même  raifon  lorfque 
la  chofe  due  a  péri  parle  fait  ou  la  faute 
de  l'un  des  débiteurs  folidaires ,  ou  depuis 
qu'il  a  été  mis  en  demeure ,  la  dette  eft 
p.rpétuée  non-feulement  contre  ce  débi- 
teur ,'  mais  contre  tous  fes  codébiteurs 
qui  font  tous  folidairement  tenus  de  payer 
au  créancier  le  prix  de  cette  chofe  ;  car 
la  dette  de  chacun  d'eux  étant  une  feule 
&  même  dette  ,  elle  ne  peut  pas  fubfif- 
ter  à  l'égard  de  l'un  ,  &C  être  éteinte  à  l'é- 
gard des  autres  ;*c'efl  ce  que  décide  la  loi 
penul.  ffl  de  duob.  reis  :  Ex  duobus  reis  ejuf- 
dem  Stichi  promittendifaclis ,  alterius  faclum 
altcri  qiioque  nocet  Par  exemple  ,  fi  Pierre 
&  Paul  m'ont  vendu  folidairement  un  cer- 
tain cheval ,  &:  qu'avant  qu'il  m'ait  été 


Part.  II.   Chàp.  III.     295 

livré  il  Toit  mort  par  la  faute  de  Pierre  ; 
Paul  demeurera  débiteur  aufïï-bicn  que 
Pierre  ,  &  je  pourrai  lui  demander  la  va- 
leur du  cheval,  auffi-bien  qu'à  Pierre, 
fauf  à  lui  ion  recours  contre  Pierre  ;  au 
lieu  que  s'ils  avoient  vendu  fans  folidité  , 
Pierre  feul  feroit  tenu  de  fa  faute ,  6c  Paul 
par  u  mort  du  cheval ,  quoiqu'arrivée  par 
la  faute  de  Pierre  ,  feroit  entièrement 
quitte  de  fon  obligation ,  &  ne  demeu- 
reroit  pas  moins  créancier  de  la  moitié  du 
prix  pour  lequel  le  cheval  a  été  vendu, 
xh  mjme  que  fi  le  cheval  étoit  .mort  par 
un  cas  purement  fortuit.  Mol.  tracl.  dediv» 
&  ind.  p.  3.  n.    126. 

Obfervez  que  le  fait,  la  faute  ou  la 
demeure  de  l'un  des  débiteurs  folidaires 
préjudicie  à  la  vérité  à  fes  codébiteurs, 
ad  confervandam  &  perpctuandam  obli^a- 
tionem  ,  c'eft-à-dire  ,  à  l'effet  qu'ils  ne 
foient  pas  déchargés  de  leur  obligation 
par  la  perte  de  la  chofe,  6c  qu'ils  foient 
tenus  d'en  payer  le  prix  ;  c'eft  en  ce  fens 
que  la  loi  penul.  ff]  de  duob.  reis ,  dit  alu- 
rlus  fuclum  alteri  cjuoque  nocet  ;  mais  la 
faute  ,  le  fait  ou  la  demeure  de  l'un  d'eux, 
ne  préjudicie  pas  aux  autres  ad  augenda/n 
ipforum  obligationem  ,  c'eft-à-dire  ,  qu'il 
n'y  a  cnie  celui  qui  a  commis  la  faute  ,  ou 
qui  a  été  mis  en  demeure  ,  qui  doive  être 
tenu  des  dommages  6c  intérêts  qui  peu- 

N  iv 


296  Tr.  des  Obu  g. 
vent  réfulter  de  l'inexécution  de  l'obliga- 
tion, outre  la  valeur  delà  chofe  due.  Quant 
à  l'autre  débiteur  qui  n'a  commis  aucune 
faute ,  &c  n'a  pas  été  mis  en  demeure ,  il 
n'eft  tenu  d'autre  chofe  ,  que  de  payer  le 
prix  de  la  chofe  qui  a  péri  par  la  faute , 
-ou  depuis  la  demeure  de  fon  codébiteur; 
fon  obligation  ayant  bien  pu  être  perpé- 
tuée ,  mais  non  pas  augmentée ,  par  la 
faute  ou  la  demeure  de  fon  codébiteur. 
Par  la  même  raifon  ,  il  n'y  a  que  celui 
quia  été  mis  en  demeure  ,  qui  doive  être 
tenu  des  intérêts  &  autres  dommages  dus 
par  le  rétard  &  la  demeure  ;  c'eft  en  ce 
fens  que  la  loi  3  2.  §.  penul.  ff.  de  ufuris^ 
dit  ijlduoreipromitundijînty  alurïus  mot  a 
alterl  non  nocet. 

Dumoulin  reïtreintladécifionde  cette 
loi  aux  dommages  Se  intérêts,  qui  n'ont 
pas  été  expreiïément  ftipulés  :  s'ils  l'a- 
voient  été ,  ils  en  feroient  tous  tenus ,  le 
fait  ou  la  demeure  de  l'un  d'eux  faifant 
exifter  la  condition  de  l'inexécution  de 
l'obligation  fous  laquelle  ils  s'étoient  tous 
obligés  auxdits  dommages  &  intérêts, 
MoL  ibid.  n.  izy. 

274.  40.  Le  payement  qui  eft  fait  par 
l'un  des  débiteurs  ,  libère  tous  les  autres  ; 
c'eft  une  conféquence  de  ce  que  la  dette 
folidaire  ,  n'efl  qu'une  feule  dette  d'une 
même  chofe  ,  dont  il  y  aplufieurs  débi- 
teurs. 


Part.  Iî.  Chap,  III.  297 
'Non-feulement  le  payement  réel ,  mais 
-toute  autre  efpecç.  de  payement  doit 
avoir  cet  effet  ;  c'eft  pourquoi  par  exem- 
ple ,  fi  l'un -des  débiteurs  folidaires  pour* 
luivi  par  le  créancier  ,  lui  a  oppofé  en 
-compenfation  de  la  fomme  qui  lui  étoit 
demandée  ,  une  pareille  fomme  que  lui 
devoit  le  créancier  ;  (es  codébiteurs  fe- 
ront libérés  par  cette  compenfation ,  com- 
me par  le  payement  réel  qu'il  en  auroit 
fait. 

Pierre  &  Paul  font  mes  débiteurs  fo- 
<lidaires  d\me  fomme  de  mille  livres  ;  de~ 
puis  je  fuis  devenu  débiteur  envers  Pierre 
il'une  pareille  fomme  de  mille  livres  :  fi 
j'ai  pourïliivi  Pierre  pour  le  payement  de 
mille  livres   à  moi  dûs   par    Pierre  &C 
Paul ,  &:  qu'il  m'ait  oppofé  la  compenfa- 
tion de  mille  livres  que  je  lui  devois  ; 
-fuivant  ce  que  nous  venons  de  dire ,  cette 
compenfation  équipollant  au  payement, 
la  dette  de  mille  livres  qui  m'étoit  due  fo- 
lidairement  par  Pierre  &  par  Paul ,  en1  par 
-cette  compenfation  éteinte  vis-à-vis  l'un 
&  l'autre.    Mais  fi  je   n'ai  pas  pourfuivi 
Pierre,  &  que  je  pourfuive  Paul  pour  le 
payement  de  cette  fomme  ,  Paul  pourra- 
t-il  oppofer  en  compenfation  la  dette  de 
mille  livres  que  je  dois  à  fon  codébiteur-? 
iPapinien  en  la  loi  10.  ff.  de  duobus  reis ,  djé- 
<£Îde  pour  }$  -négative  •:  fi duo  r  ci  promh* 

'M  y 


1$2  T  R.     DES    O  B  L  I  G. 

tendi  focil  non  Jint ,   non  proderlt  alun  \ 
quod  Jlipulator  alteri  r  o  pecuniam  débet. 

Néanmoins  Domat  en  {es  loix  civiles , 
p.  i .  /.  3 .  T.  3 .  S.  i . art,  S.  décide  contre  ce 
texte ,  que  Paul  pourra  oppoierla  compen- 
fation  de  ce  que  je  dois  à  Pierre ,  pour  la 
part  dont  Pierre  vis-à-vis  de  Paul  eft  tenu 
de  la  dette  ,  &C  non  pour  le  furplus.  Sa 
raifon  eft  que  Pierre  ne  me  devant  plus 
cette  part  dont  il  étoit  tenu  de  la  dette , 
au  moyen  de  la  compenfation  de  la  dette 
qu'il  a  droit  de  m'oppofer  ,  Paul  ne  doit 
pas  être  obligé  de  payer  pour  Pierre  , 
cette  part  dont  Pierre  eft  quitte  par  la 
compenfation.  Cette  raifon  n'efï  pas  tout 
à  fait  concluante  ;  car  lorfqu'un  débiteur 
folidaire  paye  le  total  de  la  dette ,  ce  n'eft 
<jue  vis-à-vis  fes  codébiteurs  ,  qu'il  eft 
cenfé  payer  pour  eux  les  parts  dont  ils 
font  chacun  tenus  de  la  dette  ,  les  codé- 
biteurs folidaires  n'étant  entreux  tenus 
de  la  dette  que  pour  leur  part;  mais  un 
débiteur  folidaire  étant  vis-à-vis  du  créan- 
cier débiteur  du  total ,  lorfqu'il  paye  le 
total ,  ce  n^efi  point  vis-à-vis  du  créancier 
qu'il  paye  les  parts  de  (es  codébiteurs  ;  il 
paye  ce  qu'il  doit  lui-même ,  &  par  con- 
séquent il  ne  peut  oppofer  en  compenfa- 
tion que  ce  qui  eu  du  à  lui-même  ,  & 
non  ce  qui  eîtdà  à  fes  codébiteurs  ;  &C 
c'eft  fur  cette  raifon  qu'eft  fondée  la  dé- 


Part.  IL  Chap.  1 1 1.  299 
cîfion  4ç  Pan:ivten.  On  peut  dire  en  ta- 
Tciir  de  celle  de  Domat  qu'elle  évite  un 
circuit  ;  car  lorfque  Paul  m'aura  payé 
pour  le  total  la  dette  qu'il  me  doit  foli- 
dairement  avec  Pierre,  Paul  aura  recours 
contre  Pierre  pour  la  part  dont  il  en  étoit 
tenu  ;  &:  pour  cette  part  il  faifira  entre 
mer  mains  ce  que  je  dois  à  Pierre ,  &  me 
fera  rendre  jufqu'à  concurrence  de  cette 
part,  ce  que  j'aurai  reçu.  Cette  dernière 
raifon  doit  faire  fuivre  dans  la  pratique 
ia  décifion  de  Domat. 

275  La  remife  que  le  créancier  feroit 
de  la  dette  à  l'un  des  débiteurs  folidaires , 
libéreroit  aufîi  les  autres  ,  s'il  paroifîbit 
que  le  créancier  par  cette  remife  ,  a  eu 
intention  d'éteindre  la  dette  en  total. 

Que  s'il  paroiffoit ,  que  fon  intention 
a  été  feulement  d'éteindre  la  dette ,  pour 
la  part  pour  laquelle  celui  à  qui  il  en  a 
fait  remife  en  étoit  tenu  vis-à-vis  de  fes 
codébiteurs ,  &£  de  décharger  du  furplus 
de  la  dette  la  perfonne  de  ce  débiteur  ;  la 
dette  ne  laiffera  pas  de  fubfifter  pour  le 
furplus  dans  les  perfonnes  de  fes  codé- 
biteurs. 

Quid,  fî  le  créancier  par  la  décharge 
qu'il  a  donnée  à  ce  débiteur ,  avoit  dé- 
claré exprefTément  qu'il  entendoit  dé- 
charger feulement-la  perfonne  de  ce  dé- 
biteur ,  &  conferver  ia  créance  entière 

N  vj 


3Ô0  Ta»     DES    0BLIG. 

contre  les  autres  codébiteurs  ,  pourroit*- 
il  au  moyen  de  cette  proteftation  ^i'.g?r 
le  total  des  autres  débiteurs  ,  fans  aucune 
déduction  de  la  part  de  celui  qu'il  a  dé^- 
♦chargé  ?  Je  penfe  qu'il  ne  le  pouroit  :  h 
Traifon  eft  que  des  débiteurs  folidaires  ne 
fe  feroientpas  obligés  foîidai rement,  mais 
feulement  pour  leurs  parts  ,  s'ils  n'eiuTent 
compté  qu'en  payant  le  total ,  ils  auroient 
recours. contre/leurs  codébiteurs,  &  qu'ils 
auroient  pour  cet  effet  la  ceffion  des  ac- 
tions du  créancier  pour  les  autres  parties» 
•Ce  n'eft  que  fous  la  charge  tacite  de  cette 
ceffion  d'afrions  qu'ils  fe  font  obligés  fq- 
lidairement  ;  &  par  çonféquent  le  créant 
cier  n'a  droit  d'exiger  de  chacun  d'eux  lç 
total  qu'à  la  charge  de  cette  ceffion  d'ac^ 
îions.  Dans  cette  efpece  le  créancier  s'é- 
tant  mis  par  fon  fait  hors  d'état  de  pou- 
voir céder  {es  aclions  contre  un  des  dé^ 
Biteurs  qu'il  a  déchargé  ,  &  par  çonfé- 
quent s'étant  mis  hors  d'état  de  remplir 
îa  condition  fous  laquelle  il  a  droit  d'e- 
xiger le  total  ;  c'eft  une  çonféquence  qu'il 
ne  puiffe  plus  demander  à  chacun  le  total; 
rrepdlîtur  cxceptlonc  cedendarum  aciionurn,. 
"Voyez  ce  qui  eu  dit  de  la  ceffion  d'aclions 
anfrà 9  p.  3.  ch.  1.  art,  6.  §.  %. 

Lorfqif  il  y  a  plufieurs  débiteurs  folidai^ 
tfes,,  &  que  le  -créancier  en  a  déchargé 
'#ms  j>erd-il  entièrement  la  foliditi,  &n 


Part.  IL    Chap.  I1L    30* 

«T>eirt-il  agir  contre  chacun  des  autres  fo 
lidai rement  &C  (bus  la  déduction  feulement 
.de  la  part  de  celui  qu'il  a  déchargé  ,  & 

je  que  celui  qu'il  a  déchargé  ,  aurolt 
é  tenu  de  porter  pour  fa  part ,  des  por- 
tions de  ceux  d'entreux  qui  feroient  in- 
folvables  ?  Par  exemple  ,  fi  j'avok  iîx  dé- 
biteurs folidaires  ;  que  j'en  aye  déchargé 
un ,  qu'il  en  relte  cinq  dont  un  eft  infol- 
vable  ,  ne  puis-je  agir  contre  chacun  des 
autres  que  pour  leur  fixieme .,  ou  puis-rje 
agir  contre  chacun  des  folvables  ,  pour  le 
total ,  fous  la  déduction  feulement  du  fi- 
xieme ,  dont  étoit  tenu  celui  que  j'ai  de* 
chargé ,  <k  de  la  part  dont  il  auroit  été 
tenu  de  la  portion  de  Pinfolvable  ?  Je 
ponfe  que  j'y  ferai  bien  fondé  ;  car  ce  dé- 
biteur contre  qui  j'agis  ,  ne  peut  préten- 
dre contre  moi  d'autre  déduction  ,  que 
de  ce  qu'il  perd  par  le  défaut  de  cefîion 
d'action  ,  contre  celui  que  j'ai  déchargé ." 
or ,  la  ce iïion  d'aclion  contre  celui  que 
j'ai  déchargé  ne  kti  auroit  donné  que  le 
droit  de  répéter  de  lui  ia  portion  ,  &  de 
le  faire  contribuer  à  celle  des  infolvable% 
comme  nous  le  verrons  infrà  N.  281. 

276.  Lorfque  l'un  des  débiteurs  fohV 

Maires  efl   devenu  l'unique  héritier   dta 

créancier ,,    la  dette  n'en1    point  éteinte 

contre  .les  autres  ddbitairs.;  xar  lacot>* 


3o*       Tr.   des    Obltg. 

fufion  magis  perjonam  débitons  eximit  ah 
obligatione  ,  quant  extinguit  obligationem. 
Mais  ce  débiteur  devenu  héritier  du  créan- 
cier ,  ne  peut  l'exiger  des  autres  débi- 
teurs que  fous  la  dédu&ion  de  la  part  dont 
il  en  eft  tenu  yis-à-vis  d'eux  ;  &  s'il  y  en 
aq^îqu'und'infolvable  ,  il  doit  en  outre 
porter  la  part  de  la  portion  de  Pinfolvable. 
ïl  en  eft  de  même  dans  le  cas  inverfe  , 
lorfque  le  créancier  eft  devenu  l'unique 
héritier  de  l'un  des  débiteurs  folidaires, 

i  iv. 

D&  la  rem  if e  de  la  folidité. 

177.  Le  droit  de  folidité  qu'a  un  créan- 
cier contre  pluiieurs  débiteurs  d'une  mê- 
me dette  étant  un  droit  établi  en  fa  faveur, 
il  n'eftpas  douteux  que  ,  fuivant  la  maxi- 
me ,  unique  licetjuri  in  fuum  favorem  intro- 
duUo  reminciare,  un  créancier  majeur  qui 
a  la  libre  difpofition  de  (es  biens  peut  re- 
noncer au  droit  de  la  folidité  :  il  y  peut 
renoncer  ,  foit  en  faveur  de  tous  les  dé- 
biteurs ,  en  confentant  que  la  dette  foit 
divifée  entr'eux,  foit  en  faveur  de  l'un 
des  débiteurs  qu'il  déchargera  de  la  ioii- 
dité  ,  en  confervant  ion  droit  de  folidité 
contre  les  autres  5  de  manière  néanmoins 


Part.  IL    Chap.  III.     305 

t^ue  la  décharge  qu'il  a  donnée  à  l'un  d'en- 
tr'eux  ,  ne  puhTe  préjudicier  aux  autres  % 
comme  il  a  été  obfervé  au  n°.  275. 

Il  peut  y  renoncer  foit  par  une  con- 
vention exprefîe  ,  foit  tacitement. 

Il  err  cenfé  y  avoir  renoncé  tacitement, 
lorfqu'il  a  admis  quelqu'un  des  débiteurs 
à  payer  la  dette  pour  fa  part  nommément» 
CeÛ  la  décifion  de  la  loi  18.  cod.  de  paoî* 
Si  créditons  v.fîros  9  ex  PARTE  d&biti.  admï- 
fijje  quemquam  vejîrûm  pro  Jua  perfondfol- 
xentem  probaveriiïs  ,  aditus  reclor  provinciœy 
pro  jud  gravitate ,  ne  alter pro  altero  exiga» 
tur  ,   providebit. 

La  raifon  eft  que  lorfque  le  créancier 
<k>nne  quittance  en  ces  termes  ,  à  l'un  de 
fes  codébiteurs  folidaires  :  J'ai  reçu  d'un 

tel  lafomme  de pour  fa  part ,  il 

le  reconnoît  pour  débiteur  de  la  dette 
pour  une  part  ;  &  par  conféquent  il  con- 
fent  qu'il  ne  foit  plus  folidaire ,  étant  deux 
choies  oppofées  ,  d'être  débiteur  pour 
une  par'  ,  &  d'être  débiteur  folidaire. 

C  ctte  décifion  n'a  pas  lieu  fi  la  quittance 
par  laquelle  le  créancier  déclare  avoir  re- 
çu d'un  tel  pour  fa  part ,  porte  une  ré- 
ferve  de  la  folidité  ;  car  les  termes  for- 
mels pas  lefquels  le  créancier  fe  réferve 
Ton  droit  de  folidité  ,  l'emportent  fur  la 
conséquence  qu'on  voudro't  tirer  des  tor- 
tue s  pour  fa  part  ,  employés  dans  fa  quit- 


304  Tr.     DES     ObXIG. 

tance  pour  en  induire  la  renonciation  "ï 
Ja  folidité  ;  &  quand  même  on  accorde- 
roit  que  ces  termes  pour  fa  part  feroient 
•auiïi  formels  en  faveur  de  la  renonciation 
à  la  folidité  ,  que  la  réferve  exprerTe  de 
la  folidité  eu.  formelle  contre  cette  renon- 
ciation, il  ne  s'enfuivroit  autre  chofe  fi- 
non  que  ces  termes  pour  fa  part ,  &  ceux- 
.ci  ,  fans  préjudice  de  la  folidité ,  fe  dé- 
truiraient réciproquement,  &  que  la  quit- 
tance devrôri  -être  regardée  comme  fi  elle 
.ne  contenoit  ni  les  tins  ni  les  autres  ;  au- 
quel cas  elle  ne  peut  préjudicier  au  droit 
,de  folidité ,  c'eil  le  raifonnement  d'Alciax 
<ad  d.  L.  18. 

On  oppofera  peut-être  que  dans  cette 
•quittance  ces  termes ,  fans  préjudice  de  la 
folidité ,  doivent  s'entendre  d'une  réferve 
>que  le  créancier  fait  de  fon  droit  de  foli- 
dité contre  les  autres  codébiteurs  ,  &  non 
ccontre  celui  à  qui  il  donne  quittance ,  afin 
♦de  les  concilier  par  ce  moyen  avec  les 
termes  paur  fa  part ,  employés  dans  la 
«quittance  :  cette  interprétation  ne  vaut 
j-ien.  Lorfque  dans  une  quittance,  con>* 
-$ne  dans  tout  autre  acle  ,  on  réferve  des 
adroits  fans  dire  contre  qui ,  il-eft  naturel 
-que  cela  s'entende  des  droits  qu'on  a 
-contre  celui  avec  qui  on  traite  ,  ou  à 
*qui  on  donne  quittance  ,  &  non  de  ceux 
^u!ôaa.cQAtr^,.d'awtr.es..Qiixp.ncilie.41ttfi*. 


Part.  11.  Chap.  ÏIÎ.  30$ 
façon  plus  naturelle  ces  termes  pour  fa, 
part ,  avec  la  réferve  de  folidité  ,  en  dl- 
fant  qu'en  ce  cas  le  créancier  qui  a  ré- 
ferve ion  droit  de  folidité  ,  a  entendu 
par  ces  termes  pour  fa  part ,  non  une  part 
pour  laquelle  ce  débiteur  feroit  tenu  vis- 
à-vis  de  lui  créancier,  mais  la  part  pour 
laquelle  ce  débiteur  eft  effectivement  tenu 
de  la  dette  vis-à-vis  de  fes  codébiteurs  ; 
laquelle  part  le  créancier  a  bien  voulu 
recevoir  de  lui  dans  ce  moment,  fauf  à 
exiger  de  lui  le  furplus  ,  en  vertu  en 
droit  de  folidité  qu'il  a  contre  lui  .  &C 
qu'il  le  réferve.  Ceft  un  des  points  jugés 
par  un  Arrêt  du  6.  Septembre  171  is 
rapporte  au  Jixieme  tom.  du  Journal  des 
Audiences, 

Lorfoue  la  quittance  porte  fans  pré/ #- 
dice  de  mes  droits  ,  c'eft  la  même  chofe 
que  ii  elle  portoit ,  fans  préjudice  de  la, 
folidité  ;  car  le  droit  de  folidité  eft  com- 
•pris  dans  la  généralité  des  termes  ,  fans 
préjudice  de  mes  droits  ;  &  c'eft  même  le 
droit  dont  la  réferve  a  le  plus  de  rapport 
à  la  quittance  que  je  donne  ,  &  qui  fert 
de  correctif  aux  termes  pour  fa  part ,  em- 
ployés dans  ma  quittance.  Alciat  ad  dicî. 

Lorfque  le  créancier  a  donné  à  l'un  de 
4es  codébiteurs  folidaires  quittance  pure- 
jnent  &  ûmplement  d'une  certaine  fom- 


306  Tr,  des  Oblig. 
me  ,  qui  fait  précifément  celle  dont  il  err. 
.  tenu  de  la  dette  pour  fa  part  vis-à-vis  fes 
codébiteurs,  fans  exprimer  qu'il  Ta  reçue 
pour fa  part ,  le  créancier  eft-il  cenfé  avoir 
remis  fon  droit  de  folidité  ?  Je  penfe  qu'il 
ne  doit  pas  être  cenfé  l'avoir  remis  ,  &C 
que  la  décifon  de  la  Loi  fi  creditores  ci- 
deffus  citée ,  doit  être  reftreinte  dans  fou 
cas  ,  qui  eft  celui  auquel  l'un  des  codé- 
biteurs a  été  reçu  exprefiement  à  payer 
pour  fa  part  perfonnelle ,  ex  parte  pro  per~ 
fond  fud,  ôi  que  c'eft  de  cette  expref- 
iion  portée  par  la  quittance  que  le  créan- 
cier reçoit  pour  la  part  de  ce  débiteur , 
que  fe  tire  la  préfomption  de  la  renon- 
ciation à  la  folidité.  Mais  û  le  créancier  a 
bien  voulu  recevoir  de  l'un  de  (es  débi- 
teurs une  partie  de  fa  dette  ,  que  ce  dé- 
biteur folidaire  lui  devoit  pour  le  total ,  on 
ne  doit  pas  de  cela  feul  en  conclure  ,  qu'il 
a  voulu  le  décharger  de  la  folidité  ;  car  il 
n'y  a  en  ce  cas  aucune  néceflité  de  tirer 
cette  conféquence  ,  &  on  ne  la  doit  pas 
tirer  fans  nécefîité ,  perfonne  n'étant  pré- 
fumé remettre  (es  droits  ,  nemo  facile  do- 
nare  prœfumltur.  C'eft  ce  qui  eft  décidé  en 
la  loi  8.  §.  i.  f.  de  leg.  i°.  dans  l'efpece 
de  deux  héritiers  que  le  teftateur  avoit 
grevés  folidairement  de  la  preftation  d'un 
legs  :  Poimonius  décide  que  le  légataire 
qui  en  a  demandé  à  l'un  d'eux,  ou  même 


Part.  II.     Chap.  III.     307 

€mi  a  reçu  de  l'un  d'eux  fa  part ,  n'efr. 
pas  cenfé  pour  cela  l'avoir  déchargé  de 
la  folidité  ,  cv  qu'il  peut  exiger  de  lui  le 
furplus.  Qjud  fi  ab  altero  partent  paient  } 
Liberum  erit  ab  alterutro  reliquum  petere  ; 
idem  erit  &  fi  alter  partent  folvijftt.  Baquet 
traite  des  droits  de  Jufiice ,  ch,  z\  n.  2/5. 
Balnage  tr.  des  hypot.  part.  z.  4.  font  de 
notre  avis. 

Bartole  prétend  qu'il  y  a  à  cet  égard  une 
différence  entre  les  débiteurs  folidaires 
par  teftament ,  ôc  ceux  qui  le  font  par  un 
acle  entre-vifs  ;  mais  cette  diitin&ion  n'eft 
fondée  fur  aucune  raifon  folide. 

Obfervez  que  ces  termes  de  la  loi  , 
idem  erit ,  &  fi  alter  partent  folviffet  9  doi- 
vent s'entende  du  cas  auquel  le  créan- 
cier, fans  avoir  fait  aucune  demande,* 
reçoit  volontairement  de  l'un  des  débi- 
teurs folidaires ,  la  fomme  à  laquelle 
monte  ce  que  ce  débiteur  doit  pour  fa 
part  ,  fans  exprimer  dans  la  quittance  , 
qu'il  la  reçoit  pour  fa  part ,  comme  il  fera 
dit  ci-après. 

Lorfqu'un  créancier  a  fait  commande- 
ment à  l'un  des  débiteurs  folidaires  de 
payer  telle  fomme  pour  fa  part  de  la  dette, 
ou  lorfcnui  l'a  a/îigné  pour  payer  fa  pan 
de  la  dette  ,  eft-il  cenfé  pour  cela  feul 
avoir  divifé  fa  dette  ,  6c  avoir  déchargé 
ce  débiteur  de  la  folidité  ?  Les  Do&eurs 


308  Tr.  des  Oblig. 
font  partagés  fur  cette  queition  ;  Balde  eft 
pour  l'affirmative ,  &  Bartole  pour  la  né- 
gative. Pour  l'affirmative  on  dira  qu'il  pa- 
roît y  avoir  même  raifon  de  le  décider 
dans  ce  cas  ,  que  dans  le  cas  de  la  Loi  (i 
créditons  ci-delfus  rapportée.  Dans  le  cas 
de  la  Loi  le  créancier  qui  a  exprimé  en 
termes  formels  dans  la  quittance  qu'il  a 
donnée  à  l'un  des  débiteurs  folidaires  , 
qu'il  avoit  reçu  telle  fomme  pour  fa  part  ^ 
a  par  ces  termes  reconnu  &c  conf^nti 
qu'il  ne  fût  débiteur  que  pour  fa  part., 
&  par  conféquent  qu'il  ne  fût  plus  débi- 
teur foîidaire  ,  étant  deux  choies  oppo- 
fées ,  d'être  débiteur  pour  une  part ,  ck 
d'être  débiteur  foîidaire.  Or  ,  lorfqu'un 
créancier  a  exprimé  dans  le  commande- 
ment qu'il  a  fait  à  l'un  des  débiteurs  fo- 
lidaires 9  ou  dans  l'exploit  de  demande 
qu'il  a  donné  contre  lui ,  qu'il  lui  deman- 
de une  telle  fomme  pour  fa  part ,  ne  peut- 
on  pas  dire  de  même  que  par  ces  termes 
pour  fa  part ,  il  a  confenti  que  ce  débiteur 
ne  fût  plus  foîidaire  ;  par  conféquent  il 
paroît  y  avoir  dans  ce  cas,  même  raifon 
de  décider  que  le  créancier  l'a  déchargé 
de  la  folidité ,  que  dans  le  cas  de  la  Loi 
flaeditores.  Au  contraire  pour  la  négative 
on  a  coutume  d'alléguer  la  Loi ,  Reos  23. 
£od.  defid.  &  la  Loi  8.  §.  1.  ff.de  kg.  1°. 
«ëi-deiïus  citée.  La  Loi  Reos  ne  me  paroît 


P  A  R  T.  1 1.     C  H  A  P.  1 1 L      3  09 

nullement  décider  cette  queftion  ;  niais  la 
Loi  S.  §.  1.  décide  formellement ,  qu'un, 
débiteur  folidaire  n-'eft"  pas  déchargé  de 
la  folidité  ,  par  la  demande  que  lui  a  faite 
le  créancier  de  payer  fa  pan;  puifqu'elle- 
décide  que   le  créancier ,  nonobflant  la 
demande,  n'eit  pas  exclus  de  demander 
le  furplus  à  l'un  ou  à  l'autre  des  débiteurs;. 
&  par  conféqueat  même  à  celui  à  qui  il 
avoit  d'abord  demandé  fa  part ,  quidji  ah- 
aluro  pjirtcm  pcti&rit?  Libzrum  crit  ab  alter<- 
utro  reliquum  petere*  La  raifon  eu  que  les 
dettes  étant  contractées  par  le  concours 
des  volontés  du  créancier  &  du  débiteur ,. 
la  remife  ne  peut  s'en  faire ,.  que  par  un 
confentement  contraire  des  mêmes  par- 
ties, p,  3.  ch.  y.  art.  1.  §.  3.  D'où  il  fuit  r 
qu'en  fuppofant  que  la  demande  faite  à 
l'un  des  débiteurs  folidaires  de  payer  fet 
pan ,  renfermeroit  une  volonté  du  créan- 
cier de  lui  remettre  la  folidité ,  tant  que 
la  volonté  du  débiteur  n'a  pas  concouru 
avec  celle  du  créancier,  tant  que  le  dé- 
biteur n'a  pas  acquiefeé  à  cette  demande  r 
&c  offert  en  conféquence  de  payer  fa  part  \ 
cette  demande  ne  peut  Taire  acquérir  au 
débiteur  aucun  droit ,  ni  le  décharger  de 
la  folidité  ,  ni  par  conséquent  empêcher 
le  créancier  d'augmenter  (es  coneluftois 
contre  lui ,  &c  de  lui  demander  le  total  de. 
la  dette.  En  cela  ee  cas-ci  diffère  du  cas 


3io  Tr.  des  Oblig. 
de  la  Loi  fi  crédit ores ,  dans  lequel  la  vo- 
lonté du  débiteur  qui  paye  la  part  de  la 
dette  au  créancier,  qui  veut  bien  s'en 
contenter ,  concourt  avec  celle  du  créan- 
ce r  ,  pour  la  remife  du  furplus. 

Lorfque  le  débiteur  pourfuivi  pour  îe 
payement  de  fa  part  9  avant  que  le  créan- 
cier ait  augmenté  (es  conclurions  contre 
lui ,  a  payré  fa  part ,  ou  feulement  même 
offert  de  la  payer  ;  il  me  paroît  qu'en  ce 
-cas  il  y  a  une  entière  parité  deraifon  de 
décider  de  môme  que  dans  le  cas  de  la  Loi 
fi  crtditores  pour  la  décharge  de  la  folidité, 
C'efr.  pourquoi  je  penfeque  ces  derniers 
termes  de  la  Loi  3.  §.  i.  ff.  de  Lé'g,  i°. 
idemque  erit ,  &  fi  alter  partem  folvijjet  , 
qui  font  un  verfet  féparé  dans  ce  para- 
graphe ,  doivent  être  reûxeints  au  cas  d'un 
payement  volontaire  fait  fans  que  la  quit- 
tance exprime  que  le  créancier  a  reçu 
pour  fa  part  ,  &  ne  doivent  pas  s'enten- 
dre d'un  payement  fait  eh  conféquence 
d'une  pourfuite  contre  le  débiteur  pour  le 
payement  de  fa  part. 

Pareillement ,  lorfque  fur  la  demande 
du  créancier  contre  l'un  des  débiteurs  fo- 
lidaires  pour  îe  payement  defapart,  il  efl 
intervenu  Sentence  qui  le  condamne  à 
payer  fa  part,  le  créancier  ne  peut  plus 
lui  demander  le  furplus  :  la  Sentence  de 
condamnation  fupplée  à  cet  égard  à  la 


P  A  Bf  T.   ï  I.     C  H  A  P.   III.         31  ï 

volonté  du  débiteur  pour  i  acceptation  de 
la  remife  dufurplus  ;  cùm  in  judiciis  quaji 
contr  JuTinis  ,  &  judicatum  quamdam  no- 
véuioncm  inducat,  C'eft  l'avis  de  Baquet, 
tm  n.  147. 

17^.  Lorsqu'il  y  a  plus  de  deux  débi- 
teurs folidaires  ,  la  quittance  donnée  à 
l'un  d'eux  d'une  fomme  ,  avec  l'expref- 
fion  que  c'en1  pour  le  payement*/^ /?#/*, 
decharge-t-elie  delà  folidité  tous  les  dé- 
biteurs ,  ou  feulement  celui  à  qui  elle  eft 
donnée  ?  Les   Docteurs  ont  été  encore 
partagés  fur  cette  queftion  :  les  anciens 
Docteurs  tenoient    l'affirmative ,    &  fe 
fondoient  fur  la  Loïji  creditores ,  ci-defîus 
Pierre  de  Letoille ,  dit  Stella  ,  cé- 
lèbre Profeffeurdei'Univerfttétf  Orléans, 
a  été  le  >remierau  rapport  tfklcidxad  d. 
Leg.  qui  ait  tenu  la  négative  ;  fon  fenti- 
ment  paroît  être  le  meilleur  ^  &  le  plus 
conforme  aux  principes  du  Droit.  La  Loi 
fi  créditons  bien  entendue  n'y  eft  pas  con- 
traire ;  cette  Loi  eft  fondée  fur  une  con- 
vention ,  qu'on  préfume  tacitement  inter- 
venue pour  la  décharge  de  la  folidité  , 
entre  le  créancier  &  celui  des  débiteurs 
à  qui  il  a  donné  la  quittance.  Or  c'eft  un 
des  principes  de  Droit  les  plus  conftans 
que  les  conventions  ne  peuvent  jfaire  ac- 
quérir de  droit  qu'entre  les  parties  encre 
qui  elles  interviennent  ,fup.  n.  83.  &feq. 


jti       Tr.    des    Oblig. 

D'où  il  fuit  que  celle-ci  n'a  pu  procurer 
la  décharge  de  la  folidité  qu'au  débiteur  & 
qui  le  créancier  a  donné  la  quittance,  qui 
eft  le  feul  avec  qui  il  a  traité  ,  &  qu'elle 
n'a  pu  la  procurer  aux  autres  débiteurs 
avec  lefquels  le  créancier  n'a  eu  à  cet  égard 
aucune  convention  ;  la  bonté  que  le 
créancier  a  eue  pour  l'un  de  fes  débiteurs, 
cnradmettant  à  payer  la  dette  pour  fa  part 
feulement ,.  ne  doit  pas  lui  être  préjudi- 
ciable vis-à-vis  des  autres ,  bonitas  crédi- 
tons ,  dit  Alciat ,  ad  h,  L.  non  débet  effe  cl 
captioja.  La  Loi  y?  créditons ,  fur  laquelle 
fe  fondent  les  anciens  Do£teurs  ,.  n'a  au- 
cun rapport  à  cette  queflion  ;  il  y  a  mê- 
me apparence  que  dans  l'efpece  de  cette 
Loi  ,  il  n'y  avoit  que  deux  débiteurs  foli- 
claires  ;  s'il  y  en  avoit  euplufieurs  ,  l'Em- 
pereur auroit  dit ,  reclcr  providebit  ne  nnus 
pro  crteris  exigatur  :  ces  termes  ,  ne  alt$r 
pro  altero  exigatur ,  défignent  deux  débi- 
teurs feulement,  &  s'entendent  en  ce 
fens ,  ne  alter  quifolvlt ,  pro  altero  qui  non- 
dum  foh  it ,  exigatur. 

Cette  décifion  doit  être  fuivie  ,  avec 
ce  tempérament ,  que  fi  parmi  les  débi- 
teurs qui  refient  ,  il  y  en  avoit  quel- 
qu'un d'infolvable  ,  ils  devroient  être 
déchargés  de  la  part  que  celui  qui  a 
été  d  chargé  de  la  folidité  r  auroit  porté* 
(àe  rinfolvabilité  9  cars'Ls  ne  doivent  pas, 

profiter 


Part.  Iî.  Chap,  1 1 T.  313 
profiter  de  cette  décharge  ,  elle  ne  doit 
pas  leur  préjudiciel*.  Il  faut  néanmoins 
avouer  que  Bacquet ,  ibidem  n.  245.  après 
avoir  dit  que  l'opinion  de  Létoille  lui 
paroît  équitable  ,  avoue  que  l'opinion 
contraire  ,  qui  eft  celle  des  anciens  Doc- 
teurs ,  eft  fuivie  au  Châtelet  de  Paris  : 
mais  je  crois  que  c'eft  une  erreur  qu'il 
faut  réformer,  fi  elle  ne  l'a  déjà  été. 

Lorfque  le  créancier  a  fait  condamner 
l'un  des  débiteurs  folidaires  à  payer  fa 
part  de  la  dette ,  on  doit  fuivant  les  mê- 
mes principes  décider  que  cette  Sentence 
ne  doit  pas  décharger  de  la  iolidité  ,  les 
autres  débiteurs ,  cùm  res  judicata  aliis  non 
profit ,  &c  qu'ils  peuvent  feulement  de~ 
mander,  dans  le  cas  auquel  il  y  auroit 
quelqu'un  parmi  eux  d'infolvable ,  que  le 
créancier  leur  faffe  raifon  &  déduction 
de  la  part  que  celui  qu'il  a  déchargé  au- 
roit dû  porter  de  cette  infolvabilité. 

279.  Il  nous  refte  une  queftion  qui  eu 
de  fçavoir ,  fi  lorfqif  il  y  a  plufieu s  débi- 
teurs folidaires  d'une  rente  ,  la  quittance 
que  le  créancier  a  donnée  à  l'un  d'eux 
d'une  telle  fomme  ,  pour  fa  part  des  arré- 
rages qui  étoient  lors  échus ,  le  déchar- 
ge de  la  folidité  pour  l'avenir  ,  ou  feule- 
ment pou*- les  arrérages  échus  pour  lef- 
quels  la  quittance  a  été  donnée  ?  11  faut 
décider  qu'elle  ne  le  décharge  de  la  foli- 
Tome  J%  Q 


314  Tr.  des  O  b  l  i  g. 
dite  que  pour  les  arrérages  échus  pour 
lefquels  la  quittance  a  été  donnée  ,  &Z 
non  pour  Favenir.  Cette  dccifioneil fon- 
dée fur  le  principe  ci-deïTus  établi ,  que 
Ticmo  facile  prœfumhur  donare.  D'où  il 
fuit  qu'on  ne  doit  point  tirer  de  la  quit- 
tance donnée  par  le  créancier  ,  la  confé- 
xmence  qu'il  a  voulu  décharger  le  débi- 
teur de  la  folidité  de  la  rente  pour  l'ave- 
nir ,  s'il  n'y  a  nécefîité  de  la  tirer  :  or  il 
n'y  a  aucune  nécefîité  ;  car  de  ce  que  le 
créancier  a  bien  voulu  permettre  à  ce  dé- 
biteur de  payer  pour  fa  part  les  arrérages 
qui  étoient  échus  ,  6c  pour  lefquels  il  a 
donné  quittance  pour  fa  part ,  il  s'enfuit 
feulement  que  le  créancier  a  voulu  le  dé- 
charger de  la  folidité ,  pour  lefdits  arré- 
rages ;  mais  il  ne  s'enfuit  nullement  qu'il 
ait  voulu  le  décharger  de  la  folidité  de 
la  rente  pour  l'avenir.  Ainfi  le  décide 
Alciat ,   ad  d.  I.  Baxquet  ibid.  n.  246. 

Néanmoins  fi  pendant  le  temps  requis 
pour  la  prefcription  ,  c'eft-à-dire  pendant 
un  efpace  de  trente  ans  ,  le  débiteur  avoit 
toujours  été  admis  à  payer  les  arrérages 
pour  fa  part  ;  ce  débiteur  auroit  acquis 
par  prefcription  ,  la  décharge  de  la  foli- 
dité même  pour  Favenir.  Alciat,  Bacquet, 
ibid.  Mais  en  ce  cas  même  ,  comme  l'ob- 
ferve  Bacquet ,  ibid.  ce  débiteur  n'auroit 
pas  acquis  le  droit  de  racheter  la  rentç 


Part  II.   G  h  a  p.  III.     315 

rient  pour  fa  part  ;  car  de  ce  que  le 
créancier  a  bien  voulu  le  décharger  de 
la  folidité  de  la  preiîation  des  arrérages , 
il  ne  s'enfuit  nullement  qu'il  ait  pareil- 
lement confenti  à  la  divilion  du  rachat 
de  ia  rente. 

§•  v. 

De  la  ceffîon  des  avions  du  Créancier ,' 
qrfa  droit  de  demander  un  débiteur  Joli* 
daire  qui  paye  le  total, 

280.  Le  débiteur  folidaire  qui  paye  le 
total ,  peut  n'éteindre  abfolument  la  dette 
que  pour  la  part  qu'il  eft  tenu  de  payer 
pour  foi  ,tk  fans  recours.  V.fuprà^n.  264. 
H  a  le  droit  de  fe  faire  céder  les  actions 
du  créancier  pour  le  furplus  contre  fes 
codébiteurs  ;  &£  au  moyen  de  cette  ce£- 
lion  d'aclions ,  il  efl  cenfé  en  quelque  fa- 
çon plutôt  acheter  la  créance  du  créan- 
cier pour  le  furplus  contre  fes  codébi- 
teurs ,  que  l'avoir  acquittée  ;  creditor  non 
in  folutum  accepit  ,  fed  quodammodo  no- 
men  créditons  vendidit.  L.  yô.Jf.  dejîdejuf. 

Le  créancier  ne  peut  refufer  cette  fu- 
brogation  ou  cefTion  de  fes  actions  au  dé- 
biteur folidaire  qui  paye  le  total ,  lorf- 
qu'il  la  lui  demande  ;  même  s'il  s'étoit 
mis  hors  d'état  de  pouvoir  les  céder  con- 
tre quelqu'un  ;  ildoiineroit  atteinte  àfon 

Oij 


ji6        Tr.   des    Obli*g, 

droit  de  foiidité,  comme  il  a  été  ditfuprà. 

Il  y  a  plus  :  lcrique  le  débiteur  a  par 
l'afte  de  payement  requis  la  fubrogation  , 
quand  même  le  créancier  la  lui  auroit  ex- 
prefTément  refufée  ,  le  débiteur  félon  nos 
ufages  ne  laiiTe  pas  de  jouir  de  cette  fu- 
brogation  ,  fans  être  obligé  de  pourfuivre 
le  créancier  pour  le  contraindre  à  la  lui 
accorder  ;  la  loi  fupplée  en  ce  cas  à  ce 
que  le  créancier  auroit  dû  faire ,  &  fu- 
broge  elle-même  le  débiteur  qui  a  requis 
la  fubrogation  ,  en  tous  les  droits  &  ac- 
tions du  créancier. 

Quid ,  fi  le  débiteur  avoit  payé  fans 
requérir  la  fubrogation  ?  Il  ne  pourroit 
plus  par  la  fuite  fe  faire  fubroger  aux  ac- 
tions du  créancier  ;  car  le  payement  pur 
&  fimple  qu'il  auroit  fait  ayant  éteint 
entièrement  la  créance  &  toutes  les  ac- 
tions &  droits  qui  en  réfultent  ,  on  ne 
peut  plus  parla  fuite  lui  céder  ce  qui  n'e- 
xifte  plus.  Si  pojijblutum  ^fine  ullo pa&o  , 
omne  quod  ex  causa  tutdce  debetur  ,  aclio- 
n$s  pojl  aliquod  intervallum  cejjœjînt^  nihil 
ed  cejfione  acîum ,  cîim  nulla  aclio  Juptr- 
fuit.  L.y6.  ff.de folut. 

Les  Docteurs  entre  autres  textes  de 
Droit  ont  coutume  de  citer  cette  Loi , 
pour  décider  que  la  fubrogation  ne  fe  fait 
pas  de  plein  droit ,  fi  elle  rfvft  requife 
par  le  payeinent  que  fait  le  dtbiteur  fo- 


Part.  IL    Chap.  III.     317 

ndaire  ,  ou  une  cr.ution  ,  ou  quelqu'autre 
perfonne  que  ce  foit ,  qui  paye  ce  qu'el- 
le doit  pour  d'autres,  ou  avec  d'autres  : 
6c  ee  texte  paroît  effectivement  le  déci- 
der en  termes  aflez  formels.  Néanmoins 
Dumoulin  en  la  première  de  (es  leçons 
fofemnelîês  qu'il  fit  à  Dole,  a  prétendu 
contre  le  fentunent  de  tous  les  Docteurs, 
qu'un  codébiteur  lolidaire  ,  une  caution 
&  généralement  tous  ceux  qui  pay oient 
ce  qu'ils  dévoient  avec  d'autres  ou  pour 
d'autres  ,  étoient  en  payant  fubrogés  de 
plein  droit,  quoiqu'ils  n'eufîent  pas  re- 
quis la  fubrogation.  Sa  raifon  étoit  qu'ils 
doivent  toujours  être  préfumés  n'avoir 
payé  qu'à  la  charge  de  cette  fubrogation 
qu'ils  a  voient  droit  d'exiger ,  perfonne  ne 
pouvant  être  préfumé  négliger  fes  droits  % 
&  y  renoncer  :  il  prétend  que  cette  loi 
76.  n'eft  pas  ,  comme  tous  l'ont  penfé  , 
dans  l'efpece  d'un  tuteur  qui  a  payé  le 
reliquat  qu'il  devoit  folidairement  avec 
fes  cotuteurs  ,  fans  demander  la  fubroga- 
tion contr'eux  ;  mais  qu'elle  eft  dans  l'ef- 
pece d'un  ami  d'un  tuteur,  qui  avoit  payé 
pour  lui  ,  &  qui  n'étoit  pas  obligé  à  la 
dette.  Dumoulin  prétend  que  ce  n'eft 
que  dans  ce  cas  ,  qu'il  n'y  a  pas  de  fu- 
brogation ,  lorfque  la  quittance  n'en  fait 
pas  mention  ;  parce  qu'en  ce  cas  le  créan- 
cier n'étant  pas  obligé  de  céder  fes  ac- 

O  iij 


3 1 S        Tr,   des    O  e  l  i  g. 

tions ,  on  ne  peut  fuppofer  cette  cefîîon 
d'a£^ions  en  ce  cas ,  fi  elle  n'cft  expref- 
fément  convenue  ;  mais  toutes  les  fois  que 
celui  qui  a  payé  a  voit  intérêt  de  payer,  & 
avoit  droit  par  conséquent  de  fe   faire 
fubroger  aux  a£Hons  du  créancier,  con- 
tre ceux  pour  qui  ou  avec  qui  il  étoit  dé- 
biteur de  ce  qu'il  a  payé  ,  il  prétend  qu'il 
doit  toujours  être  cenfé  avoir  été  fu- 
brogé  ,  quoiqu'il  n'ait  pas  requis  la  Su- 
brogation :  il  fonde  fon  opinion  princi- 
palement fur  la  loi  i.  §.  i^.ff.  de  tut.  & 
rat.  qu'il  entend  dans  un  fens  tout  diffé- 
rent de  celui  dans  lequel  ce  texte  a  tou- 
jours été  entendu  :  il  eil:  dit  ;  fi  forte  quis 
ex  facto  atteints  tutoris  condemnatus  prœf- 
titerit ,   vel  ex  communi  geflu  ,  nec  ei  mari* 
datez  funt  acliones ,  conjlitutum  efi à  D.  Pio 
&  ab  Imptratore  noflro  &  pâtre  ejus  ,  utltem 
aclionem  tutori  adverfus  contutorem   dan-* 
d.im  :   au  lieu  que  le  texte  s'entend  ordi- 
nairement de   l'action    utilis   negotiorum 
gefiorum ,  que  ces  continuions  accordent 
en  ce  cas  au  tuteur  contre  fes  cotuteurs, 
laquelle  atlion  avoit  fait  difficulté  parce 
que   ce  tuteur  en  payant  ce   qu'il   étoit 
condamné  en  fon  propre  nom,  non  con- 
tutoris  feJ  magis  proprium  negotium  gefjîffe 
yidebatur.  Dumoulin  au  contraire  enrend 
ce  texte  de  l'a&ion  de  tutcle  que  le  mi- 
neur avoit  contre  l'autre  tuteur,  qui  eft 


Pa  R  T.   IL      C  H  A  P.   III.       319 

appeliée  utilis  9  parce  que  la  loi  utilitate  ita 
fuadtntt  à.  défaut  d'une  cefîion  expreffe  , 
y  fubroge  le  tuteur  qui  a  payé. 

Cette  opinion  de  Dumoulin  n'a  pas  pré- 
valu ,  .&:  l'on  a  continué  d'enfeigner  dans 
les  écoles  ,  &  de  pratiquer  au  barreau 
qu'un  codébiteur  folidaire  ,  de  même  que 
les  cautions ,  ck  tous  ceux  qui  payoient 
ce  qu'ils  dévoient  avec  d'autres  ou  pour 
d'autres  ,  n'étoient  fubrogés  aux  actions 
du  créancier,  que  lorfqu'iîs  avoient  re- 
quis la  fubrogation.  La  raifon  eu  que 
fuivant  un  principe  avoué  par  Dumoulin 
lui-même  ,  il  ne  fe  fait  pas  de  fubroga- 
tion de  plein  droit ,  à  moins  que  la  loi 
ne  s'en  explique  ;  non  tranfcunt  acliones  , 
nifi  in  cajibus  jure  expreffis.  Or  Dumoulin 
ne  peut  trouver  aucun  texte  de  droit  qui 
étabmTe  en  ce  cas  la  fubrogation  :  îa  loi 
I.  §.  13.^  de  tut.  &  rat. . .  difir,  qui  eil 
le  principal  fondement  de  fon  opinion  ne 
l'établit  point ,  n'y  ayant  aucune  nécef- 
fité  d'entendre  ce  texte  dans  le  fens  que 
Dumoulin  l'entend  d'une  action  utilis  tu- 
ulct ,  à  laquelle  le  tuteur  qui  a  payé  ,  foit 
fubrogé  :  ce  texte  pouvant  s'entendre 
dans  un  fens  beaucoup  plus  naturel  de  l'ac- 
tion utilis  negotiorum  gsflorum.  Bien  loin 
donc  que  ce  texte  établiffe  que  la  fubro- 
gation fe  fait  c-n  ce  cas  de  plein  droit, 
au  contraire  elle  fuppofe   qu'elle  ne   fe 

Oiv 


320       Tr.    des    Oblig. 
fait  pas  ;  c'eft  ce  que  fuppofe  la  loi  76. 
ff.  de  foliu.  prife  dans  fon  fens  naturel; 
celui  que  Dumoulin  donne  à  cette  loi  ne 

l'efl  point  du  tout La  loi  39.  ff.  défi- 

dej.  &  la  loi  1 1 .  cod.  d.  th.  founrent  en- 
core moins  de  réplique  ;  ces  loix  décident 
que  le  fidéjuflTeur  qui  a  manqué  en  payant 
de  fe  faire  mbroger ,  n'a  pas  d'action  con- 
tre fes  cofidéjuiTeiirs  ,  ce  qui  fuppofe  bien 
clairement  qu'il  n'eft  pas  fubrogé  de  plein 
droit ,  fans  requérir  la  fubrogation  ;  car 
s'il  l'étoit  il  auroit  été  inutile  de  concil- 
ier l'Empereur  Alexandre  pour  fçavoir  , 
s'il  avoit  une  action.  En  vain  dit-on  pour 
l'opinion  de  Dumoulin  ,  que  le  débiteur 
folidaire  ayant  le  droit  de  fe  faire  mbro- 
ger aux  aclions  du  créancier  contre  {es 
codébiteurs ,  il  ne  doit  pas  être  préfumç 
avoir  renoncé  à  ce  droit ,  perfonne  n'é- 
tant prélumé  renoncer  à  (es  droits.  La 
réponfe  eft ,  que  ce  droit  confinant  dans 
une  fimple  faculté  qu'il  a  de  requérir  la 
fubrogation  ,  dont  il  peut  ufer  ou  ne  pas 
ufer ,  il  ne  fufîit  pas  qu'il  ne  foit  pas  pré- 
fumé avoir  renoncé  à  fon  droit ,  il  faut 
qu'il  paroiffe  avoir  uié  de  cette  faculté , 
ce  qui  ne  paroît  pas  s'il  ne  l'a  point  dé- 
claré. Le  débiteur  qui  paye  ayant  un  autre 
motif  pour  payer,  que  d'acquérir  la  fub- 
rogation ;  fçavoir ,  celui  d'éviter  les  con- 
traintes du  créancier  ,   &  de  libérer  fa 


Part.  II.  Chap.  III.  321 
perfonne  &c  les  biens  ;  le  payement  qu'il 
fait  fans  requérir  la  fubrogation  n'établit 
pas  qu'il  ait  voulu  autre  chofe  que  fe  li- 
bérer ,  6v  qu'il  ait  voulu  acquérir  la  fub- 
rogation. D'ailleurs  quand  on  fuppofe- 
roit  une  volonté  de  l'acquérir,  cette  vo- 
lonté gardée  au  dedans  de  lui ,  ne  feroit 
pas  fuffifante  ;  fon  droit  confirmant  dans 
la  faculté  de  la  requérir ,  la  fubrogation 
ne  peut  avoir  lieu  qu'il  ne  l'ait  requife.  Il 
eft  vrai  que  la  loi  l'accorde  au  défaut  du 
créancier;  mais  pour  qu'on puifTe  dire  que 
c'eA:  au  défaut  du  créancier,  il  faut  que  le 
créancier  ait  été  mis  en  demeure  de  l'ac- 
corder par  la  requifition  qui  lui  en  doit 
être  faite.  C'eft.  par  ces  raifons  que  les 
auteurs  modernes  ont  continué  de  fuivre 
l'opinion  commune. 

RenufTon ,  Traité  des  fubrogations  ,  ch, 
7.  n.  68.  &  ch.y.  N.  7.  tient  cette  opinion  : 
elle  a  été  fuivie  aufîi  par  la  jurifprudence 
des  arrêts  ;  il  y  en  a  un  du  26.  Août 
1706.  rapporté  au  5.  tome  du  Journal 
des  audiences ,  qui  a  jugé  qu'une  caution 
ayant  payé  fans  requérir  la  fubrogation  , 
n'étoit  nas  fubrogée  aux  aûions  du  créan- 
cier, 6c  m'en  conféquence  elle  n'avoit 
aucune  a£tion  contre  la  femme  du  débi- 
teur qui  s'ctoit  obligée  envers  le  créan- 
cier, à  réintégrer  fon  mari  en  prifon  9 
ou  à  payer  pour  lui. 

O  v 


jiï       Tr.    des    Ob  li  g;  . 

Il  y  a  néanmoins  certains  cas  dans  lef~ 
quels  la  fubrogation  a  lieu  de  plein  droit, 
Voye^  notre  introd.  au  tit.  20.  de  la  Cou- 
tume d'Orléans  ch,   i.fecl.  5. 

28 1 .  Le  débiteur  folidaire  qui  en  payant, 
a  requis  la  fubrogation  ,  eft  pour  le  fur-' 
plus  de  ce  dont  il  étoit  débiteur  pour  foi- 
même  &  fans  recours  ,  fubrogé  aux  ac- 
tions du  créancier,  non-feulement  contre 
{es  codébiteurs  ,  mais  contre  leurs  cau- 
tions, s'ils  en  ont  donné  au  créancier;  il 
eft.  fubrogé  à  tous  les  privilèges ,  &c  à  tous 
les  droits  d'hypothéqués  attachés  aux  ac- 
tions du  créancier  ,  6c  il  peut  de  même 
que  l'auroit  pu  le  créancier  dont  il  eft:  le 
procurator  in  rem  fuam  ,  les  exercer  mê- 
me contre  les  tiers. 

C'eft.  une  queftion  controverfée  entre 
les  Docleurs  ,  lorfqu'il  y  a  plufieurs  co- 
débiteurs ,  comme  par  exemple  ,  lorf- 
qu'une  obligation  a  été  contractée  foli- 
dairement  par  quatre  particuliers  ,  fi  Fuji 
des  quatre  qui  a  payé  le  total  de  la  créan- 
ce ,  avec  fubrogation  ,  peut  agir  folidai- 
rement  contre  chacun  de  (es  codébiteurs, 
fous  la  déduclion  feulement  du  quart  dont 
il  étoit  tenu  pour  foi-même ,  &£  pour  le- 
quel il  n'a  pu  être  fubrogé ,  ou  s'il  ne  peut 
agir  contre  chacun  d'eux  que  pour  leur 
quart?  La  queftion  a  été  jugée  ancienne- 
ment pour  la  première  opinion.  Effe&ir 


Part.  I  T.    Ch  a  p.  III.     313 

vcment  il  femble  d'abord  que  le  débiteur 
étant  par  la  fubrogation  le  procura tor  in 
rem  fiuim  du  créancier  ,  il  peut  exercer 
les  actions  du  créancier  iolida  ire  ment  con- 
tre chacun  des  débiteurs  ,  de  la  même 
manière  que  le  créancier  le  pourroit  lui- 
même  ;  néanmoins  les  nouveaux  arrêts 
ont  jugé  pour  la  deuxième  opinion;  l'au- 
teur du  Journal  du  Palais  t.  1.  p.  61 5.  de 
l'édition  de  1701.  en  rapporte  un  du  22. 
Février  1650.  qui  a  été  fuivi  d'un  autre 
du  5.  Septembre  1674.  La raifbn  eu  qu'au- 
trement il  fe  feroit  un  circuit  d'aclions  ; 
car  celui  de  mes  codébiteurs  à  qui  j'au- 
rois  fait  payer  le  total  de  la  créance  ,  ma 
part  déduite,  auroit  droit  en  payant,  d'ê- 
tre pareillement  fubrogé  aux  actions  du 
créancier,  fous  la  déduction  de  la  part 
dont  il  elt  lui-même  tenu  ;  &  en  vertu 
de  cette  fubrogation  ,  il  auroit  droit  d'e- 
xiger de  moi  ,  fous  la  déduction  de  fa 
part,  ce  qu'il  m'auroit  payé  ,  puifque 
je  fuis  tenu  moi-même  de  la  folidité  :  je 
ne  pourrois  pas  dire ,  pour  me  défendre 
de  ce  circuit,  que  je  ne  fuis  plus  débi- 
teur, ayant  payé  le  créancier  ;  car  au 
moyen  de  la  fubrogation ,  le  payement 
que  j'ai  fait,  n*a  éteint  la  dette  que  pour 
la  part  dont  j'en  étois  tenu  pour  moi-mê- 
me ,  non  pour  le  furpkis  :  au  moyen  de 
la  fubrogation ,  j'ai  plutôt  acquis  îa  crean- 

O  vj 


324  Tr.  des  Oblig, 
ce  du  créancier  pour  le  furplus ,  que  je 
ne  l'ai  acquittée  :  mais  en  étant  rembourfé 
par  mon  codébiteur  qui  auroit  aufîi  re- 
quis la  fubrogation ,  cette  créance  pour 
le  furplus ,  &  fous  la  déduction  de  la  part 
dont  il  eft  lui-même  tenu  pafferoit  en  la 
perfonne  de  ce  codébiteur;  ce  neferoit 
plus  moi ,  mais  lui  qui  feroit  le  procura- 
tor  in  remfuam  du  créancier ,  &  qui  en 
cette  qualité  auroit  droit  d'exercer  con- 
tre moi  les  actions  du  créancier  pour  ce 
furplus ,  &  de  me  faire  rendre  ce  qu'il 
m'a  payé. 

Lorfqu'ayant  payé  le  total  avec  fubro- 
gation ,  il  fe  trouve  entre  mes  codébiteurs 
quelqu'un  qui  eft  infolvable ,  &  de  qui 
je  ne  peux  recouvrer  la  part  ,  pour  la- 
quelle il  eu  tenu  de  la  dette  ;  cette  in- 
solvabilité doit  fe  répartir  entre  ceux  qui 
font  foîvables  &  moi  ;  l'équité  ne  per- 
met pas  qu'ayant  acquitté  feul  la  dette 
commune  ,  je  porte  feul  cette  insolva- 
bilité. 

§•     VI. 

Des  actions  que  le  débiteur  folidaire  qui  a 

payé  fans  fubrogation  ,  peut  avoir  de  fort 
chef  contrefis  codébiteurs. 

282.  Quoiqu'un  débiteur  folidaire  ait 
omis  en  payant  de  requérir  la  fubroga- 


P  art.  II.  Chap.  III.  31? 
tion,  il  n'eit  pas  néanmoins  dépourvu  de 
tout  recours  ,  &  il  a  de  fon  chef  contre 
•hacun  de  fes  codébiteurs ,  une  action 
pour  répéter  la  part  dont  chacun  defdits 
codébiteurs  eft  tenu  de  la  dette. 

Cette  action  eft  différente  ,  félon  les 
différentes  caufes  d'où  procède  la  dette. 

Lorfque  la  dette  folidaire  eft  contrac- 
tée par  plufieurs  perfonnes  pour  une  af- 
faire commune  ,  comme  lorfque  plufieurs 
perfonnes  ont  fait  en  commun  l'acquifi- 
tion  d'un  héritage ,  au  payement  du  prix 
duquel  ils  fe  font  obligés  folidairement  y 
ou  lorfqu'elles  ont  emprunté  une  fomme 
qu'elles  ont  employée  à  des  affaires  com- 
munes ,  ou  qu'elles  ont  partagée  entre 
elles  ,  &  à  la  restitution  de  laquelle  elles 
fe  font  obligées  folidairement  ;  dans  ces 
cas  &  autres  femblables  ,  celui  des  débi- 
teurs folidaires  qui  a  payé  le  total  ,  a 
contre  chacun  de  fes  codébiteurs  ,  l'ac- 
tion profocio. 

Il  a  cette  action  contre  chacun  d'eux  9 
pour  la  pan  que  chacun  d'eux  a  eue  à  l'af- 
faire commune  qui  a  donné  lieu  à  cette 
dette  ,  chacun  d'entr'eux  devant  être  tenu 
de  la  dette  pour  cette  part. 

Si  quelqu'un  d'entr'eux  étoit  infolva- 
ble ,  celui  qui  a  payé  le  total ,  a  en  outre 
action  contre  chacun  de  ceux  qui  font 
folvables ,  pour  être  payé  de  ce  que  cha- 


*5i6        Tr.    des    Oblig. 

cun  d'eux  doit  porter  de  cette  insolvabi- 
lité ;  &  chacun  d'eux  en  doit  porter  au 
prorata  de  la  part  qu'il  a  eue  dans  la  fo- 
cieté  ;  car  l'infolvabilité  d'un  afîbcié  eft 
une  perte  pour  la  focieté  ,  qui  doit  tom- 
ber par  conféquent  fur  chacun  des  afïb- 
ciés  ,  pour  la  part  qu'il  a  dans  la  focieté. 
Ceci  s'éclaircira  par  un  exemple  ;  finge9 
ûx  perionnes  Pierre  ,Paul ,  Jacques,  An- 
dré ,  Jean  &  Thomas  acquièrent  une 
partie  de  marchandifes  enfemble  ,  pour 
lafomme  de  iooo  liv.  au  payement  du- 
quel prix  ils  s'obligent  foiidairement  en- 
vers le  vendeur  :  par  le  partage  qu'ils 
en  font  entr'eux ,  Pierre  prend  la  moitié 
pour  fon  compte  ,  en  fe  chargeant  de  la 
moitié  du  prix  ,  les  cinq  autres  partagent 
l'autre  moitié  par  égales  portions  ;  Tho- 
mas paye  au  créancier  tout  le  prix  fans 
fubroeation  ,  André  eft.  infolvable  :  Tho- 
mas  ,  qui  vis-à-vis  de  fes  codébiteurs  ne 
devoit  de  fon  chef  que  ioo  liv.  pour  fon 
dixième  de  la  fomme  prife  ,  &  n.  liv. 
lof.  pour  fon  quart  en  la  moitié  de  la 
portion  d'André  infolvable  ,  répétera 
par  Ya&ionprofocio  de  Pierre,  i°.  500. 
liv.  pour  la  moitié  que  Pierre  doit  de  fon 
chef.  2°.  50  liv.  pour  la  moitié  que 
ledit  Pierre  doit  porter  dans  les  iooî. 
que  devoit  André  qui  efl  infolvable  ,  &C 
ïi  répétera  par   la  même  action   contre 


Part.  II.    Cha  p.  III.     317 

chacun  des  trois  autres  ,  Paul ,  Jacques 
^v  Jean.  i°.  100  I.  que  chacun  d'eux  doit 
de  Ton  chef.  i\  12.  liv.  10.  f.  que  cha- 
cun d'eux  doit  porter  pour  le  quart  dans 
l'autre  moitié  de  la  portion  de  l'infolva- 
ble. 

Lorfque  l'affaire  pour  laquelle  la  dette 
a  été  contractée  par  plufieurs  qui  font 
obligés  folidairement  ,  ne  concerne  que 
l'un  d'entr'eux;  quoiqu'ils  foient  tous  vis- 
à-vis  du  créancier  débiteurs  principaux  , 
néanmoins  entr'eux  ,  celui  que  l'affaire 
concerne  ,  efl  le  feul  débiteur  principal , 
&c  les  autres  font  comme  fes  cautions. 
Par  exemple  ,  fi  Pierre  ,  Jacques  tk  Jean 
empruntent  une  fomme  d'argent  ,  qu'ils 
s'obligent  folidairement  de  rendre ,  &£ 
que  Pierre  ait  retenu  la  fomme  d'argent  9 
Pierre  efl  vis-à-vis  de  fes  codébiteurs  le 
feul  débiteur  principal  :  fi  c'efl  lui  qui  a 
acquitté  la  dette,  il  n'a  aucun  recours  con- 
tre fes  codébiteurs  qui  ne  fe  font  rendus 
débiteurs  avec  lui  que  pour  lui  faire  plai- 
fir;  au  contraire  fi  c'eft  Jacques  ou  Jean 
qui  a  acquitté  la  dette  ,  il  aura  l'action 
mandati  contre  Pierre  ,  pour  la  répéter  en 
entier  de  lui  ;  de  même  qu'une  caution 
a  VaLVion  mandati  contre  le  débiteur  prin- 
cipal, lorfqu'elie  a  acquitté  la  dette. 

Mais  en  cas  d'infolvabilité  de  Pierre, 
Jacques  qui  a  payé  le  total  aura-t-il  aclion 


32.8        Tr.    des   Ob  l  i  g. 

contre  Jean ,  pour  en  répéter  de  lui  la 
moitié  ?  Cela  dépend  de  la  déciiion  de 
la  queftion,  fi  le  fidéjinTeur  a  a&ion  con- 
tre fes  cofidéjufTeurs.  Voyez  cette  quef- 
tion  infrà,  ch.  G.fccl.  7.  art,  4. 

Lorfque  la  dette  folidaire  a  pour  caufe 
une  donation  ,  putà  lorfque  deux  ou  trois 
perfonnes  ont  par  contrat  de  mariage  don- 
né une  certaine  fomme  à  quelqu'un  qu'el- 
les fe  font  obligées  folidairement  de  lui 
payer  ,  &  que  Tune  d'elles  a  payé  le  to- 
tal ,  il  ne  peut  pas  en  ce  cas  y  avoir  lieu 
à  l'action profoclo  contre  les  codébiteurs  ; 
car  on  peut  bien  contracter  focieté ,  en 
achetant  enfemble ,  en  vendant  enfemble, 
mais  non  pas  en  donnant  enfemble  ,  la 
focieté  étant  par  fa  nature  un  contrat  qui 
fe  fait  lucri  in  communs,  quœrendi  causa  : 
Faction  qu'a  en  ce  cas  contre  {es  codébi- 
teurs celui  qui  a  payé  le  total  efî  l'ac- 
tion mandati  ;  car  dans  cette  efpece  ,  cha- 
cun des  donateurs  n'eu  donateur  &  dé- 
biteur pour  foi-même  que  de  fa  part  ;  & 
il  l'en1  du  furplus  pour  fes  codonateurs  , 
comme  leur  caution  &  leur  mandataire  , 
&  il  a  par  conféquent  contre  eux  pour  ce 
furplus  l'a&ion  mandati  ,  telle  que  l'a  une 
caution. 

Lorfque  la  dette  folidaire  procède  d'un 
délit ,  putà  lorfque  plufieurs  ont  été  con- 
damnés folidairement  envers  quelqu'un 


Part.  II.    Chap.  III.     319 

au  payement  d'une  certaine  fomme  ,  poin- 
ta réparation  civile  d'un  délit  qu'ils  ont 
commis  enfemble  ;  celui  qui  a  payé  le 
total  ne  peut  avoir  contre  (es  codébi- 
teurs ni  l'aftion profocio  ,  ni  l'a&ionwa/z- 
daù  :  nec  enim  ulla  focietas  maUficiorum  , 
L.  /.  §.  14.  ff.  tut.  &  rat.  nec  focietas  , 
aut  mandatum  lagitiofœ  rei  ullas  vires  ha- 
bit ,  £.35.   §.42.  contr.   empt rei 

turpis  nullum  mandatum  efi.  L.  6.  §.  3* 
ff  mand.  Selon  les  principes  fcrupuleux 
des  Jurifconfultes  Romains ,  le  débiteur 
qui  a  payé  le  total ,  n'a  en  ce  cas  aucun 
recours   contre  fes  codébiteurs. 

Notre  pratique  Françoife  plus  indul- 
gente accorde  en  ce  cas  une  action  à  celui 
qui  a  payé  le  total ,  contre  chacun  de  Tes 
codébiteurs  ,  pour  répéter  de  lui  fa  part  ; 
Voye^  Papon  ,  liv.  24.  T.  12.  n.  4, 
cette  a&ion  ne  naît  pas  du  délit  qu'ils  ont 
commis  enfemble  ,  nemo  enim  ex  deliclo 
confequi  potejl  aclionem  :  elle  naît  du  paye- 
ment qu'il  a  fait  d'une  dette  qui  lui  étoit 
commune  avec  (çs  codébiteurs ,  &  de 
l'équité  qui  ne  permet  pas  que  fes  co- 
débiteurs profitent  à  (es  dépens  de  la 
libération  d'une  dette  dont  ils  étoient  te- 
nus comme  lui.  C'eftune  efpece  d'a£Hon 
ut'dis  negotiorum  gejlorum  ,  fondée  fur  les 
mêmes  raifons  d'équité ,  fur  lefquelles  eft 
fondée  l'aclion  que  nous  donnons  dans 


330      Tr.    ô  e  s    O  b  l  i  g* 

notre  Jurifprudence  au  fidéjuffeur  qui  a 
payé  contre  fes  cofidéjufreiirs.  Voyez 
ce  qui  en  eft  dit  in/ràck.  6.fecl.  7.   <z/-r.  4. 


CHAPITRE     IV. 

De  quelques  efpeces  particulières  d'obliga- 
tions confidents  par  rapport  aux  c  ho  fes 
qui  in  font  V objet, 

ENtre  les  divifions  des  obligations 
par  rapport  aux  chofes  qui  en  font 
l'objet,  que  nous  avons  rapportées/tf/vi , 
ch,  1.  §.  3.  nous  avons  dit  qu'il  y  avoir 
des  obligations  d'une  choie  certaine 
comme  d'un  tel  cheval  ,  Se  des  obliga- 
tions d'une  choie  incertaine  &  indéter- 
minée d'un  certain  genre  ,  put  à  celle  d'un 
cheval  indéterminement. 

Nous  avons  dit  aufli ,  qu'il  y  avoit  des 
obligations  divifibles  ,  &  d'autres  indivi- 
fibles  :  nous  traiterons  ici  dans  une  pre- 
mière fetlion  de  l'efpece  particulière  d'o- 
bligations, d'une  chofe  indéterminée  d'un 
certain  genre  ;  dans  une  féconde  feclion 
des  obligations  divifibles  6c  indivi£bles* 


Part.  IL    Chap.IV.     331 

Section   Première. 

JDi  V obligation   d'une   chofe    indéterminée 
dun  certain  genre, 

283.  Ce  qui  eft  abfolument  indéter- 
miné ne  peut  être  l'objet  d'une  obligation, 
fuprà  n.  131.  Par  exemple  ,  fi  je  vous  ai 
promis  de  vous  donner  quelque  chofe  fans 
dire  quoi ,  il  ne  réfulte  de  cette  promeuve 
aucune  obligation  :  mais  on  peut  contrac- 
ter l'obligation  d'une  chofe  indéterminée 
d'un  certain  genre  de  chofes  ,  comme 
lorfqu'on  s'oblige  envers  quelqu'un  de 
donner  un  cheval ,  un  lit  garni,  une  paire 
de  piftolêts  ,  fans  déterminer  quel  cheval, 
quel  lit ,  quels  piftolêts.  L'individu  qui 
fait  l'objet  de  ces  obligations  eft  indéter- 
miné ,  mais  le  genre  dans  lequel  cet  in- 
dividu eft  à  prendre  ,  eft  certain  6k  dé- 
terminé ;  ces  obligations  font  indétermi- 
né; dindividuum,  quoiqu'elles  aient 
id  genus  un  objet  déterminé. 

Ces  obligations  font  plus  ou  moins  in- 
déterminées fuivant  que  le  genre  dans 
lequel  la  chofe  eft  à  prendre  ,  eft  plus 
ou  moins  général.  Par  exemple  ,  fi  quel- 
qu'un s'eft  obligé  de  me  donner  un  che- 
val de  fes  haras ,  l'obligation  étant  res- 
treinte à  ks  haras  ,   eft  moins  indéter- 


33*        Tr.    des    Oblig. 

minée  ,  que  s'il  s'étoit  fimplement  oblige 

à  me  donner  un  cheval. 

Dans  ces  obligations ,  chacune  des  cho- 
ses comprifes  fous  le  genre  dans  lequel 
la  chofe  due  eu  à  prendre ,  eft  in  facul- 
tau  folutionis ,  pourvu  qu'elle  foit  bonne  , 
loyale  &  marchande  ,  ftd  non  in  obl'ga- 
tione  ;  car  il  n'y  a  à  la  vérité  aucun  indi- 
vidu que  le  débiteur  ne  puhTe  payer, 
mais  il  n'y  en  a  aucun  proprement ,  qui 
puiffe  lui  être  demandé. 

H  y  a  bien  une  des  chofes  de  ce  genre 
qui  err.  due  ;  car  l'obligation  doit  avoir 
un  objet  ;  mais  cette  chofe  n'eft  aucun» 
des  individus  in  concrao ,  c'eit  une  chofe 
de  ce  genre  confidérée  in  abjlracio  ,  par 
une  idée  tranfeendante  qui  fait  aÉnrattion 
des  individus  qui  compofent  le  genre  ; 
c'eft  une  chofe  incertaine  ,  indétermi- 
née ,  qui  ne  fe  déterminera  que  par  le 
payement  valable  qui  fera  fait  de  l'un 
des  individus. 

Il  eiî  vrai  que  cette  chofe  ainfi  confi- 
dérée ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  déterminée 
par  le  payement  ,  eft.  une  chofe  qui  ne 
fubnfte  que  dans  l'entendement  ;  mais 
nous  avons  vufuprà  que  des  êtres  intel- 
lectuels pouvoient  être  l'objet  des  obli- 
gations, les  obligations  étant  elles*mêmes 
des  êtres  intellectuels. 

Cette  idée  que  nous  donnons  après 


P  A  R  T.  1 1.     C  H  A  P.    I  V.      33} 

Dumoulin ,  Tr.  de  div.  &  indlv.  •/>.  2. 
qui  //.  5.  de  l'objet  de  l'obligation  d'une 
choie  d'un  genre  certain  ,  paroîtplus  na- 
turelle &  plus  véritable  ,  que  celle  de 
ceux  qui  penfent  que  ces  obligations  ont 
pour  objet,  tous  les  individus  rentermés 
fous  le  genre ,  de  manière  que  chacun  de 
tous  ces  individus  eft  dû  ,  non  quidem 
déterminait ,  mais  fous  une  efpece  d'al- 
ternative ,  fous  cette  efpece  de  condition 
(1  alla  rcs  ejus  generis  non  folvatur. 

Il  fuit  de 'ces  principes  i°.  que  lors- 
qu'une chofe  d'un  certain  genre  eu.  due 
indéteminément ,  le  créancier  n'eil  pas 
fondé  à  demander  déterminément  aucu- 
ne des  chofes  comprifes  fous  ce  genre  ; 
mais  il  doit  demander  en  général  &c  indé- 
terminément  une  de  ces  chofes. 

11  fuit  20.  que  la  perte  des  chofes  de 
ce  genre  qui  furvient  depuis  l'obligation, 
ne  tombe  pas  fur  le  créancier;  car  les 
chofes  qui  périffent  ne  font  pas  celles  qui 
lui  étoient  dues ,  ôc  il  fuffit  qu'il  en  refte 
quelqu'une  pour  que  l'obligation  fubfiite. 
Obfervez  néanmoins  que  fi  le  débiteur 
pour  s'acquitter  de  fon  obligation  ,  avoit 
offert  au  créancier  une  des  chofes  de  ce 
genre  bonne  ,  loyale  &  marchande  ,  & 
avoit  par  une  fommation  judiciaire  mis 
le  créancier  en  demeure  de  la  recevoir; 
la  perte  qui  arriveroit  depuis  fur  cette 


334  Tr.  des  Oblig. 
chofe  ,  devroit  tomber  fur  le  créancier  , 
le  débiteur  ne  devant  pas  fcuffrir  de  la  de- 
meure en  laquelle  le  créancier  a  été  ,  6c  la 
dette  d'indéterminée  qu'elle  étoit ,  ayant 
été  par  les  offres  déterminée  à  la  chofe 
offerte,  L.  84.  §.  3.  ffldeleg.  i°. 

284.  Sur  les  chofes  que  le  débiteur 
d'une  chofe  d'un  certain  genre  peut  va- 
lablement offrir  pour  s'acquitter  de  fon 
obligation  ,  obfervez  qu'il  faut  qu'elles 
foient  bonnes  6c  loyales  ,  /,'.  33.  in  fine 
ff.  defolut.  c'eft-à-dire ,  qu'elles  n'ayent 
aucun  défaut  notable.  Par  exemple,  ce- 
lui qui  ert  débiteur  d'un  cheval  indétermi- 
nément ,  n'efr.  pas  recevable  à  offrir  un 
cheval  borgne,  boiteux,  galleux,  pouf- 
fif ,  6cc.  ni  un  cheval  d'une  vieilleffe  ex- 
trême. Au  reile ,  pourvu  que  la  chofe  n'ait 
aucun  défaut  notable  ,  6c  qu'il  en  piiifle 
transférer  la  propriété  irrévocable  au 
créancier ,  il  peut  donner  telle  chofe 
qu'il  voudra  ,  L.  72.  §.  5.  ffi.  dzfolut. 

285.  Pourra-t-il  donner  une  chofe  qui 
n'auroit  pas  pu  être  valablement  promife 
au  créancier  envers  qui  l'obligation  a  été 
contractée  ?  Par  exemple ,  fi  je  me  fuis 
obligé  à  vous  donner  un  cheval  indéter- 
minément,  puis- je  m'acquitter  de  mon 
obligation  en  vous  donnant  un  cheval  qui 
vous  appartenoit  lors  du  contrat ,  &  qui 
ayant  été  depuis  par  yous  vendu  7  me  k* 


Part.  IL    C  h  a  p.  I  V.     335 

roir  parvenu.  Dumoulin  décide  pour  l'af- 
firmative ;  Cv  en  cela  cette  obligation 
diffère  de  celle  par  laquelle  je  vous  au- 
rois  promis  ce  cheval ,  ibus  l'alternative 
d'une  autre  chofe  ;  car  dans  ce  dernier 
cas .  mon  obligation  n'ayant  pu  (iibfifter 
par  rapport  à  une  choie  qui  vous  appar- 
tenoit,  il  n'y  a  voit  que  l'autre  qui  fût  due; 
&  elle  eit.  par  conséquent  la  feule  que  je 
puifîe  payer.  Mais  dans  l'obligation  d'un 
cheval  indéterminément,  aucun  individu 
n'étant  du  ,  Se  les  chevaux  n'étant  tous 
qu'/'/z  facultate  folutionis  ,  plutôt  qu'i/2 
obligations. ,  il  fuffit  qu'au  temps  du  paye- 
ment le  cheval  que  je  vous  donne  pour 
m'acquitter  de  mon  obligation,  ne  vous 
appartienne  plus,  &c  qu'il  m'appartienne  y 
pour  qu'il  puirTe  vous  être  valablement 
payé.  C'eft  ce  que  décide  nettement  Mar- 
cellus  en  la  loi  72.  §.  4.  ffl  de  folut.  El 
qui  hominem  dari  (îipulatus  eji ,  unum  etiam 
ex  his  qui  tune  Jîipulatori  fervierunt  dando9 
promifjor  liberatur. 

Il  faut  néanmoins  convenir  que  la  Loi 
66.  §.  3.  ff.  de  /eg.  z°.  qui  eit  de  Papinien 
décide  le  contraire.  Quum  duobus  tejia- 
mentis  homo  generaiim  Cegatur  ;  quifolvcnte 
altero  Itgatarii faclus  eji ,  quamvis  pofieàjit 
alienatus ,  ab  altero  herede  idemfolvi  non 
poterit  ,  eademque  ratio  fiipulationis  eji  ; 
faominis  enim  legatum  ,  orutionis  compendh 


336       Tr.   des   Oblig, 

fingulos  homines  continu  ;  ut  que  ab  initîo 
non  conjijîit  in  his  qui  legatarii  fuerunt  , 
ita  frujirà  folvitur  cujus  dominium  pojleà 
hgatarius  adeptus  ejl ,  tametji  dominas  ejje 
dejitrit. 

Dumoulin  ,  tract,  de  div.  &  indiv.  p.  1, 
n.  102.  fuivant  l'ufage  dans  lequel  il  eft 
d'affervir  les  loix  à  (es  décifions  ,  donne 
la  torture  à  cette  loi  ;  il  dit  que  la  dé- 
cision de  cette  loi  doit  être  reftreinte 
dans  fon  efpece  particulière  de  deux  legs 
faits  d'une  chofe  d'un  certain  genre  par 
deux  testateurs  à  la  même  peribnne ,  ou 
de  deux  promerles  gratuites  d'une  chofe 
d'un  certain  genre ,  revêtues  de  la  forme 
de  la  Stipulation ,  faites  par  deux  dona- 
teurs à  une  même  perfonne  ;  que  c'eft  par 
une  raifon  particulière  que  dans  cette  ef- 
pece la  même  chofe  qui  a  été  payée  au 
légataire  ou  au  donataire ,  en  exécution 
du  premier  legs  ?  ou  de  la  première  dona- 
tion ,  ne  peut  plus  être  payée  en  exécution 
de  l'autre  legs  ou  donation  ,  ne  fcilicet 
vider  etur  offendi  juris  régula,  non  pojfunt 
duce  caufee  lucratives,  in  eddem  re  &  in  eddêm 
perfond  concurrere.  Mais  qu'on  ne  doit  pas 
faire  de  cette  loi  une  décifion  générale , 
que  dans  toutes  les  obligations  d'une  chofe 
d'un  certain  genre  ,  celles  de  ce  genre 
qui ,  lorfqu'elle  a  été  contractée ,  appar- 
tenoiem  à  celui  envers  qui  elle  a  été  con- 
tractée y 


Part.  IL  Chap.  IV.  337 
,  ou  qui  lui  ont  appartenu  depuis  , 
doivent  être  cenfées  exceptées  de  cette 
obligation,  &  ne  pouvoir  en  conféquence 
lui  être  payées  ,  quoiqu'elles  ne  lui  ap- 
partiennent plus.  Enfin  il  dit  que  dans 
cette  loi  ces  termes ,  hominis  Ugatum 
crationis  comptndio  Jîngulos  hommes  con- 
tintt  ,  ne  fignifient  pas  que  tous  les  ef- 
claves  du  monde  font  chacun  in  oblifjri* 
tione  legati ,  fous  cette  condition  y?  allas 
non  folvatur  ;  mais  qu'ils  lignifient  feule- 
ment que  tous  les  efclaves  du  monde  font 
infacultatefolutionis  ,  &  que  le  legs  peut 
être  acquitté  &  exécuté  in  Jingulis  homi- 
nlbus.  Cette  interprétation  me  paroît  con- 
traire au  fens  naturel  du  texte  ,  j'aime 
mieux  en  reconnoiflant  \\v12.  vraie  antino- 
mie entre  cette  loi  6c  la  loi  72.  comme 
l'ont  reconnu  Ant.  Faber.  <k  Bachovius  , 
abandonner  la  déciiion  de  Papinien  ,  com- 
me fondée  fur  le  faux  principe  que  l'obli- 
gation d'une  chofe  d'un  certain  genre  ren- 
ferme alternat}  &  orationis  comptndio , 
celle  de  tous  les  individus  qui  en  font  fuf- 
ceptibles ,  &  m'en  tenir  à  la  décifion  de 
Marcellus,  en  la  loi  72.  §.  4.  ci  -  cleflus 
citée  parles  raifons  ci-clefïus  rapportées. 
Cujas  fur  ces  loix  a  pris  un  parti  diamé- 
tralement oppofe  à  celui  de  Dumoulin; 
car  pour  tes  concilier ,  &  pour  faire  dire 
à  Marcellus  dans  h  loi  72,  de  Joint,  la 
Tome  It  P 


338  Tr.  dès  Oblig, 
mêmechofe  que  ditPapinien  en  la  Ici  660 
ff.  de  leg.  i°.  il  fait  un  changement  dans 
le  texte  de  cette  loi  66.  mais  la  fin  du  §. 
démontre  la  famTeté  de  cette  innovation 
dans  le  texte,  qui  d'ailleurs  eiï  faite  fans 
fondement. 

285.  Lorfque  le  débiteur  d'une  chofe 
d'un  certain  genre,  a  payé  une  certaine 
chofe  qu'il  croyoit  par  erreur  être  due 
déterminément,  il  en  a  la  répétition  ,  en 
offrant  d'en  donner  une  autre  ;  car  n'ayant 
pas  donné  cette  chofe  en  payement  de 
fon  obligation  d'une  chofe  d'un  certain 
genre  ,  mais  comme  fe  perfuadant  fauf- 
fement  qu'il  devoit  cette  chofe  détermi- 
nément ,  il  a  payé  ce  qu'il  ne  devoit  pas  , 
&  par  conféquent  locus  ejl  condiclioni  in- 
débit  i ,  Z.  32..  §.  7.  ff]  de  cond.  indeb* 

Sur  l'indivisibilité  de  payement  des 
obligations  d'un  certain  genre  ,  V.  infrà 
p.  3.  th.  i.art.  6.  §.3. 

286.  Tout  ce  que  nous  avons  dit  jmf- 
qu'à  préfent  a  lieu ,  foit  que  l'obligation 
foit  generis  generalifjimi ,  comme  lorfque 
quelqu'un  s'eil  obligé  de  donner  un  che- 
val en  général  ;  foit  que  l'obligation  foit 
generis  jubaherni  ,  aut  generis  linùtati  , 
comme  lorfque  quelqu'un  s'eft  obligé  de 
donner  un  de  fes  chevaux ,  pourvu  que 
l.i  convention  ne  contienne  aucune  claufe 
qui  ôte  le  choix  au  débiteur. 


Par  t.  ri.  Chap.  IV.  339 
Mais  lorique  par  une  claufe  particulière 
de  la  convention,  le  choix  cil  accordé  au 
créancier,  comme  lorique  quelqu'un  s'eït 
oblige  envers  moi  de  me  donner  un  des 
chiens  de  la  meute  a  mon  choix  ;  en  ce 
cas  ,  quoique  cette  convention  renferme 
principalement  l'obligation  pure  &  iimple 
d'un  chien  indéterminé  ,  néanmoins  on 
peut  dire  auiîi  qu'en  vertu  de  la  claufe 
qui  m'accorde  le  choix,  chacun  des  chiens 
de  la  meute  du  débiteur  m'eft  dû ,  fous 
une  efpece  de  condition  au  cas  que  je  le 
choifiiîe;  puifqu'en  vertu  de  cette  claufe, 
il  n'y  en  a  aucun  que  je  n'aye  droit  d'exi- 
ger. C'ett  pourquoi  le  débiteur  efï  en  ce 
cas  obligé  de  me  les  conferver  tous  juf- 
qu'à  ce  que  j'aye  fait  mon  choix  ;  il  ne 
peut  jufqu'à  ce  temps  ,  fans  contrevenir  à 
Ton  obligation  ,  difpofer  d'aucuns.  Arg. 
L.  3.  ff]  qui  &  à  quib.  m  an.  fi  indiflinUl 
homofit  legatus,  non  potefl  hères  quofdam 
manumlttencio  eiertere  jus  eleclionis  ;  nam. 
quodam  modo  fingulifub  condltione  le°ati 
yidentur. 

On  ne  peut  pas  dire  de  même,  lorfque 
le  débiteur  a  le  choix  ,  que  chatjue  indi- 
vidu eft  compris  dans  l'obligation ,  au  cas 
que  le  débiteur  choififTe  de  le  donner  plu- 
tôt que  les  autres  ;  car  ce  n'eflpas  dans  la 
faculté  de  payer  une  chofe  plutôt  que 
d'autres  ,  mais  dans  Le  droit  de  l'exiger  9 


340  Tr.  des  Oblig. 
que  confifte  l'obligation.  C'eft  la  diffé- 
rence qu'établit  Dumoulin  4  Tr.  de  div. 
&  indiv.  />.  2.  /z.  1 1 1.  1 13.  1 14.  entre  le 
cas  auquel  le  choix  eft  donné  au  créancier, 
ck  le  cas  auquel  il  eft  donné  au  débiteur. 

Section     II. 

Des  Obligations  dividuelles  &  des  Obliga* 
dons  individuelles. 

Article     premier. 

Quelles   Obligations  font   dividuelles  ?   & 
quelles  Obligations  font  individuelles, 

§.  1. 

Qucfl-ce    quune    Obligation  dividuelle  x 
&  une  Obligation  individuelle. 

287.  Une  obligation  dividuelle  eftcelle 
qui  peut  fe  divifer.  Une  obligation  indivi- 
duelle eft  celle  qui  nepeutfe  divifer.  Une 
obligation  n'en  eft  pas  moins  dividuelle  , 
quoiqu'elle  foit  actuellement  indivifée  ; 
car  il  fiiffit ,  pour  qu'elle  foit  dividuelle  , 
qu'elle  puifre  fe  divifer.  Molin.  tr.  de  div. 
&  ind.  p.  3,  n.  7.  &feq. 

Par  exemple  ,  lorfque  j'ai  contracté  feul 
envers  vous  i'obligat.on  de  vous  payer 


Part.  II.    Chap.  IV.     341 

un  ne  do  mille   cens ,  cette  obliga- 

tion eft  indivilée;  mais  elle  eft  dividuelle, 
qu'elle  peut  fe  divifer  ,  &  qu'elle 
le  dïvifera  en  effet  entre  mes  héritiers , 
ii  j'en  laifte  plufieurs  ,  &  que  je  meure 
avant  que  de  l'avoir  acquittée. 

Pareillement ,  l'obligation  fblidaire  que 
contractent  plufieurs  perfonnes  de  payer 
à  quelqu'un  une  Comme  de  dixécus,  n'est 
eft  pas  moins  une  obligation  dividuelle  ; 
l'effet  delà  folidité  eft  qu'elle  ne  foitpas 
actuellement  diviféé  entre  les  débiteurs 
folidaires  ;  mais  leur  obligation  n'en  eft 
pas  moins  une  obligation  dividuelle  ,  par- 
ce qu'elle  peut  fe  divifer ,  &  qu'elle  fe  dî- 
vifera en  effet  entre  leurs  héritiers. 

288.  Il  faut  voir  à  préfent  quelles  font 
les  obligations  qui  peuvent  fe  divifer,  ôc 
qui  font  celles  qui  ne  le  peuvent  pas. 

Une  obligation  peut  fe  divifer,  &  eft: 
dividuelle,  lorfque  la  chofe  due  qui  en 
fait  &  la  matière  &  l'objet,  eft  fufeepti- 
ble  dedivifionôk  départies  pour lefquelles 
elle  puiffe  être  payée  ;  &c  au  contraire 
l'obligation  eft  individuelle  ,  &  ne  peut 
fe  divifer,  lorfque  la  chofe  due  n'eft  pas 
fufceptible  de  divifion  &  de  parties ,  &C 
ne  peut  être  payée  que  pour  le  total. 

La  divifion  dont  il  eft  iciqueftion  ,  n'eft 

pas  la  divifion  phyfique  ,  qui  confifte  in 

fvluûone  conùnultaùs ,  telle  que  celle  d'une 

P  iij 


342-        Tr.    des    Oblîg. 
planche  qu'on  fcie  en  deux  ;  maïs  c'eft 
une  divifion  civile  &  propre  au  commerce 
des  chofes. 

Il  y  a  deux  efpeces  de  divifions  civiles  , 
l'une  qui  fe  fait  en  parties  réelles  ck  divi- 
lées ,  l'autre  qui  fe  fait  en  parties  intel- 
lectuelles &  indivifées.  Lorfqu'on  partage 
un  arpent  de  terre  en  deux  ?  en  plantant 
une  borne  au  milieu ,  c'eft  une  diviiion  de 
la  première  efpece  ;  les  parties  de  cet  ar- 
pent qui  font  féparées  l'une  de  l'autre  par 
la  borne  ,  font  des  parties  réelles  &c  divi- 
fées. 

Lorfqu'un  homme  qui  étoit  proprié- 
taire de  cet  arpent  déterre ,  ou  de  quel- 
qu'autre  chofe ,  meurt  &c  laifTe  deux  héri- 
tiers qui  en  demeurent  propriétaires  cha- 
cun pour  une  moitié  indivifée ,  c'efl  une 
divifion  de  la  féconde  efpece  :  les  parties 
qui  réfultent  de  cette  divifion ,  &  qui  ap- 
partiennent à  chacun  des  héritiers ,  font 
des  parties  indivifes  qui  ne  font  point 
réelles  ,  &:  qui  ne  fubnilent  qu'itf  jure  & 
intelleclu* 

Les  chofes  qui  ne  font  pas  fufcepti- 
blés  de  la  première  efpece  de  divifion  , 
oie  laiffent  pas  de  l'être  de  la  féconde. 
Par  exemple  ,  un  cheval ,  un  plat  d'ar- 
gent ne  font  pas  fufceptibles  de  la  pre- 
mière efpece  de  diviiion  ;  car  ces  chofes 
ne  font  pas  fufceptibles ,  fans  la  deftruo 


Part.  II.    C  h  a  p.  IV.     343 

taon  de  leur  fubttance  ,  de  parties  réelles 
èv  divifées  ;  mais  elles  font  fufceptibles 
de  la  féconde  eioQCï  de  divifion,  parce 
que  ces  chofes  peuvent  appartenir  à  plu- 
sieurs perfonnes  pour  une  partie  indi- 
ce. 

Il  faffit  qu'une  chofe  foit  fufceptible  de 
cette  féconde  divifion ,  quoiqu'elle  ne  le 
foit  pas  de  la  première,  pour  que  l'obli- 
gation de  donner  cette  chofe  ,  foit  uae 
obligation  divifible.  C'eir.  ce  qui  réfulte 
de  la  loi  9.  §.  i.jfi  defo/ia.  ou  il  eit  dit  , 
qui  Stickum  débit ,  paru  Stichi  datâ^  in  re- 
liquam  partem  unitur.  Suivant  ce  text« 
l'obligation  de  donner  l'efclave  Stichus  eft 
une  obligation  divifible,  puifqu'elle  peut, 
au  moins  du  con  fente  ment  du  créancier , 
s'acquitter  pour  partie  ,  quoique  cet  en- 
clave ne  foit  pas  fufceptible  de  la  pre- 
mière divifion  ,  Moiin.  ibid.  p,  1.  n.  S. 
p.  2.  n.  200.  &  201. 

Les  chofes  indivifibles  font  celles  qui 
ne  font  pas  fufceptibles  ni  de  parties  réel- 
les ,  ni  même  de  parties  intellectuelles  ; 
tels  font  la  plupart  des  droits  de  fervitu- 
des  prédiales ,  quœ  pro  paru  acquiri  non 
pojjunt. 

L'obligation  de  donner  une  chofe  de 
cette  nature  eft  une  obligation  indivifi- 
ble  ,  Molin.  p.  2.  n.  201. 

.289.  La  môme  règle  que  nous  venons 

Piv 


344  Tr.  des  Oblig. 
d'expofer  pour  juger  fi  les  obligations  in 
dando  font  divifibles  ou  indivisibles ,  doit 
auiïi  lervir  à  l'égard  des  obligations  infa- 
cicndo  vcl  in  nonfaciendo  ;  plufieurs  Doc- 
teurs avoient  penfé  que  ces  obligations 
étoient  indivisibles  indiftin£tement  ;  mais 
Dumoul.  ib.  p.  2.  n.  203.  &  feq.  a  démon- 
tré qu'elles  n'étoientpas  moins  divifibles 
que  les  obligations  in  dando ,  à  moins 
que  le  fait  qui  en  eft  l'objet,  ne  fût  de 
nature  à  ne  pouvoir  s'acquitter  par  par- 
tie ,  comme  lorfque  je  me  fuis  obligé  à 
bâtir  une  maifon  ,  &c.  Mais  fi  le  fait 
qui  eft.  l'objet  de  l'obligation  peut  être 
acquitté  par  partie ,  comme  û  je  me  fuis 
obligé  à  vous  faire  pofTéder  une  chofe  qui 
peut  être  pofTédée  par  parties ,  l'obliga- 
tion fera  divifibîe  ;  c'efl  la  cinquième  des 
clefs  de  Dumoulin  ,  omnis  obligatio  eiiam 
facli  dividua  eji  ,  niji  quattnùs  de  contrarie^ 
apparet ,   Mo  lin.  ibid.  &  p.  3.  n.  112. 

Pareillement  l'obligation  in  nonfackn* 
do  fera  divifibîe  ,  lorfque  ce  que  je  me 
fuis  obligé  de  ne  pas  faire ,  peut  fe  faire 
pour  une  partie  ,  &  ne  pas  fe  faire  pour 
l'autre  partie  ;  telle  efl  l'obligation  am- 
plias  non  agi  ad  aliquid  dividuum  ?  comme 
lorfque  je  me  fuis  engagé  envers  vous  à 
ne  point  inquietter  le  porTefTeur  d'un  hé- 
ritage a  qui  vous  devez  garantie;  c'efl 
une  obligation  in  non  facimdo  y  qui  e$ 


Par  t.  II.  Chap.IV.  345 
fivilible  ;  car  on  y  peut  iatisfaire  pour 
partie.  Je  peux  y  contrevenir  pour  partie 
en  revendiquant  une  partie  feulement  de 
cet  héritage  ,  ek  y  iatisfaire  en  partie  ,  en 
m'abitenant  de  revendiquer  l'autre  partie. 
290.  Obfervez  que  c'eillachofe  même 
ou  le  fait  même  qui  fait  l'objet  de  l'obliga- 
tion qu'on  doit  conficlérer ,  pour  décider 
ii  l'obligation  eit  divifible  ou  indivifible, 
cv  non  pas  l'utilité  qui  revient  au  créan- 
cier  de  l'obligation  contractée  à  fon profit, 
ni  le  détriment ,  omis  &  dlmïnutio patrimo- 
nii ,  qui  en  réfulte  pour  le  débiteur;  au 
trement  il  n'y  auroit  aucune  obligation 
qui  ne  fût  divifible.  C'efî:  pourquoi ,  par 
exemple ,  fi  les  deux  propriétaires  d'une 
maiibn  le  font  obligés  envers  les  deux 
propriétaires  de  la  maifon  voifine  ,  d'im- 
pofer  fur  leur  maifon  une  fervitude  utile  à 
la  maifon  voifine  ,  cette  obligation  efl 
individuelle  ;  parce  que  le  droit  de  fervi- 
tude qui  en  fait  l'objet ,  eft  quelque  chofe 
d'indivifible  ,  quoique  l'utilité  qui  en  ré- 
fulte pour  chacun  de  ceux  envers  qui  elle 
eft  contractée  ,  6c  le  détriment  qu'en  fouf- 
frent  ceux  qui  l'ont  contractée  ,  s'évalue 
k  une  fomme  qui  eft  divifible.  C'efl  ce 
qu'enfeignc  Dumoulin  ,  ibid.p.  2.  n.  199., 
.  m  hic  affecîus  ,  dit-il ,  fit  quid  remotum 
&  fcparatum  à  fubflanild  obligationis  &  rd 
dcbitix  y   non  dlcltur  obligatio  dividua  vit 

P   V 


346       Tr.  des   Oblig; 

indivïdua  pênes  effeclum  ,  fed  fecundàm  Je 
&  fecundàm  naturam  rei  immédiate  in  eam 
deduciœ, 

%  n. 

Des  différentes  efpeces  a"  indivifibilité. 

291.  Dumoulin,  ibid.  p.  3.  n.  57.  & 
feqq.  &  n.  75.  diftingue  fort  bien  trois  ef- 
peces d'indiviiibilité  ,  celle  qui  eft  abfo- 
lue  &C  qu'il  appelle  individuum  contraclu  , 
celle  qu'il  appelle  indivifibilité  d'obliga- 
tion individuum  obligatione ,  &  celle  qu'il 
appelle  indivifibilité  de  payement  indivi- 
duum folutione. 

L'indivifibilité  abfolue  que  Dumoulin 
appelle  individuum  contraclu  ,  eft,  lorf- 
qu'une  chofe  eft  par  fa  nature  non  fufcep- 
tible  de  parties,  tellement  qu'elle  ne  pour- 
roit  pas  être  ftipulée  ou  promife  pour  par- 
tie :  tels  font  les  droits  de  fervitudes 
réelles ,  comme  par  exemple  un  droit  de 
paflage.  Il  eft  impoflible  de  concevoir  des 
parties  dans  un  droit  de  paflage  ;  &  par 
conféquent  on  ne  pourroit  pas  ftipuler  ni 
promettre  ces  fortes  de  chofes  pour  partie* 

292.  La  féconde  indivifibilité  eft  celle 
«[lie  Dumoulin  appelle  individuum  obliga- 
tione :  tout  ce  qui  eft  individuum  contrac- 
te l'eft  obligatione  ;  mais  il  y  a  certaines 
chofes  ,  qui  quoiqu'elles  eiuïent  pu  abfo- 


Part.  II.   C  h  a  p.  IV.     347 

lument  être  itipulées  ou  promifes  pour 
partie  ,  Se  par  conféquent  quoiqu'elles. 
ne  (oient  pas  inâividuœ,  con  racla  ;  néan- 
moins dans  la  manière  dont  elles  ont  été 
confidérées  par  les  parties  contractantes  , 
font  quelque  chofe  d'indivifible ,  &C  qui 
ne  peut  par  conféquent  être  du  par 
parties. 

On  peut  apporter  pour  exemple  de 
cette  indiviiibilité ,  l'obligation  de  la  conf 
truction  d'une  maifon ,  ou  d'un  bateau  ; 
cette  obligation  n'efl  point  indivifible  con- 
traclu ,  car  il  n'eft  pas  impoffible  qu'elle 
fe  contracte  par  partie.  Je  peux  convenir 
avec  un  maçon  qu'il  me  conftruira  pour 
partie  la  maifon  que  j'ai  deffein  de  faire 
conftruire  ;  put  à  ,  qu'il"  en  élèvera  les 
murs  jufqu'aupremierplancher;  mais  quoi» 
que  la  confirmation  d'une  maifon  ne  foit 
pas  indivifible  contraciu ,  elle  eu  ordinai- 
rement indivifible  obligatione;  carlorfque 
quelqu'un  fait  marché  avec  un  architecte 
de  lui  conftruire  une  maifon ,  la  conflruc- 
tion  de  la  maifon  qui  fait  l'objet  de  l'obli- 
gation eft,  de  la  manière  qu'elle  efl  con- 
fidérée  par  les  parties  contractantes  ,  quel- 
que chofe  d'indivifible  ,  &  quoi  nullam  re~ 
clplt  partium  prccjîationcm.  Il  efl  vrai  que 
cette  conflruaion  ne  peut  fe  faire  que  par 
parties  &:  fuccefîivement.  Mais  ce  n'efl 
pas  le  fait  paflager  de  la  conftrucrion  qui 

Pvj 


34^  Tr.  des  Oblige 
fait  l'objet  de  l'obligation,  c'eft  l'ouvrage* 
même  confommé  ,  c'eft  domns  conftruen- 
da  ;  ne  pouvant  donc  y  avoir  de  maifon 
qu'elle  n'ait  été  entièrement  conftruite, 
la  forme  ck  qualité  de  maifon  ne  pouvant 
réfulter  que  de  la  confommation  de  l'ou- 
vrage ,  &  ne  pouvant  pas  y  avoir  de  par- 
ties de  ce  quin'exifte  pas  encore  ;  il  s'en- 
fuit que  l'obligation  de  conftruire  une 
maifon  ,  ne  peut  s'accomplir  que  par  la 
conftru&ion  entière  de  la  maifon  ,  & 
conféquemment  que  cette  obligation  n'eft 
pas  fufceptible  de  parties ,  6c  ne  peut  s'ac- 
complir par  parties  :  c'eït  ce  que  veut 
dire  le  Jurifconfulte  en  la  loi  80.  §.  1.  ff, 
ad  leg.  falcid.  en  laquelle  pour  prouver 
que  l'obligation  de  conftruire  un  ouvrage, 
comme  un  théâtre  ,des  bains  ,  efl  indivi- 
duelle ;  il  rapporte  cette  râifon ,  neque 
cnimullum  balineum ,  aut  theatrum  ,  aut 
fladium  feciffe  intelligitur ,  qui  ei  propriam 
formant  quce  ex  conjummatione  contingit , 
non  dederit. 

Par  la  même  raifon  il  eft  dit  en  la  loi 
$5.  §.  2.  ff  de.  verb.  oblig.  que  l'obliga- 
tion de  la  çonftru£tion  d'un  ouvrage  efl 
individuelle  ,  fihguli  heredes  injolidum  te- 
nentur  ,  quia  operis  effeaus  in  partes  feindi 
non  pote  fi,  Opus  ,  dit  Dumoulin  ,  fit  pro 
parte  realiter  &  naîuraiiter  ;  fed  Ji  ïllud 
OPUS  FfERFreféras  ad  effeHum  &  prœf- 


Part.  I T.    Chap.  IV.     349 

tationem    cjus    quod  dcbctur  ,  tune  veruni 

non  cri:  p:r  partes  ficrl ,    quia  parte  fabri- 

,    non   efl  debitor  liberatus   in  ed 

;  Jlmplex  enim  fabricatio  &  operado 

ajijicns  non  débet ur  ,    fed  opus  effeclum 

eu  jus  pars  non  efl ,  fabricœ  pars  ,  chm  nul- 

flnt partes  dormis  quœ  nondum  efl  ?  nec 
furn  fïipulatus fabricant  ,  fed  fieri  domum  9 
id  efl  taie  opus  fub  tali  forma  confumma- 
tum,  quod  ante perfectionem  non  fubfiflit  , 
née  ullas  aclu  partes  habet ,  Molin.  tract, 
de  divid.  &  individ,  p.  3.  n.  76.  on  peut 
encore  ici  rapporter  la  loi  j.ff]  de  verb. 
flgnif.  qui  dit  que  ,  opère  locato  conduclo 
fignificari  non  *?yoy ,  id  efl  bperationem  ^fed 
a-:-riA<<rua.  9  id  efl  ex  opère  facto  corpus  ali- 
quod  faclum. 

Certaines  circonftances  avec  lefquelles 
efl  contractée  l'obligation  d'une, .chofe  , 
peuvent  aufTi  en  rendre  l'obligation  indi- 
visible ,  quoique  la  chofe  en  foi ,  &  déta- 
chée de  ces  circonstances ,  foit  très-divi- 
fible  ;  telle  eft  l'obligation  que  je  contrac- 
terois  envers  quelqu'un  ,  de  lui  fournir 
11".:1  place  déterre  pour  y  conftruire  un 
cm'il  y  entend  placer  ;  carquoi- 
:e  de  terre  que  j'ai  promife 
foit  quelque  chofe  en  foi  de  divifible  , 
loins  étant  duc  ,  non  comme  une 

.ce  de    terre  fimpliciîer  ,   mais   com- 

:  une  place  de  terre  deitinée  à  placer 


35o       T ft.   des    Oblig; 

un  preflbir  ,  elle  devient  fous  cette  vue 
quelque  chofe  d'indivifible  ,  parce  qu'on 
n'en  peut  rien  retrancher  fans  qu'elle  cefTe 
d'être  une  place  propre  à  placer  un  pref- 
foir ,  &  fans  qu'elle  cefle  par  conféquent 
d'être  la  chofe  qui  fait  l'objet  de  l'obliga- 
tion, Malin,  p.  2.  n.  314. 

293.  En  bref,  l'obligation  ihdivifible 
naturâ  &  contraciii  ,  eft  l'obligation  d'une 
chofe  qui  en  elle-même  ,  par  fa  nature  , 
&fous  quelque  efpece  qu'on  la  confldere, 
n'eft  pas  fufceptible  de  parties  ;  l'obliga- 
tion indivifible  obligaticne,eû  l'obligation 
d'une  chofe  ,  qui  confédérée  fous  le  ref- 
pecl:  fous  lequel  elle  fait  l'objet  de  l'obli- 
gation ,  n'eft.  pas  fufceptible  de  parties. 

Il  eft  évident  que  ces  obligations  qui 
font  indivifibles  ,  foit  contractu,  foit  obli- 
gations ,  le  font  zuffifolutione  ;  car  on  ne 
peut  payer  par  parties  ce  qui  n'eft.  pas 
fufceptible  de  parties. 

294.  H  y  a  une  troisième  efpece  d'in- 
divifibilité  qu'on  appelle  individuum  folu- 
tione  tantum. 

C'eft  celle  qui  ne  concerne  que  le  paye- 
ment de  l'obligation  ,  &:  non  l'obligation 
même  ,  lorfque  la  chofe  due  eft  par 
elle-même  divifible  &  fufceptible  de  par- 
ties ,  &  peut  être  due  pour  parties  ,  foit 
aux  différens  héritiers  du  créancier ,  foit 
par  les  différens  héritiers  du  débiteur  5 
mais  ne  peut  être  payée  par  parties. 


Part.  II.    Chap.  IV.     351 

Nous  rapporterons  plusieurs  exemples 
de  cette  efpece  d'indivifibilité  en  l'article 
Suivant  ,  011  nous  traiterons  de  la  nature 
&  des  effets  des  obligations  divifibles  , 
à  la  clafTe  defquelles  appartiennent  pro- 
prement les  obligations ,  dans  lefquelles 
le  rencontre  cette  efpece  d'indivifibilité  , 
puisqu'elle  ne  concerne  pas  l'obligation 
même,  quoique  néanmoins  la  Loi  2.  §. 
1.  ffl  de  vcrb.  oblig.  en  faffe  une  troifie- 
me  efpece  mitoyenne  entre  les  obliga- 
tions dividuelles  ,  ÔC  les  individuelles. 

§.  m. 

Plu fïeurs  efpeces  particulières  d'obligations 
à  Regard  de/quelles  on  demande  fi  elles 
Jont  divifibles  ouindivifibles. 

De  C  Obligation  de  livrer  une  pièce  de  terre. 

295.  L'obligation  de  livrer  une  pièce 
de  terre  fundum  tradi ,  eft  une  obligation 
divifible  ;  car  cette  tradition  peut  fe  faire 
par  parties  ;  on  peut  livrer  une  partie  de 
cette  pièce  déterre  :  le  fait  qui  fait  l'objet 
de  cette  obligation  étant  donc  un  fait  divi- 
sible ,  on  ne  peut  douter  félon  les  princi- 
pes que  nous  avons  établis  ,  que  cette 
obligation  ne  foit  divifible  :  notre  déci- 
fion  fe  trouve  confirmée  par  les  textes 


^5^        Tr;    des  Oblige 
de  droit  ;  car  quoique  l'obligation  d'urt 
commodataire  foit  l'obligation  de  remettre 
une  chofe  ,    obligatio  rem   tradi  ,    néan- 
moins la  loi    3.  §.  y.ff.  commod.  décide 
que  les  héritiers  en  font  régulièrement 
tenus  pour  la  part  feulement  dont  ils  font 
héritiers  ,  ce  qui  eftle  caractère  des  obli- 
gations divifibles  :  hères   ejus  qui  commo- 
datum   accepit ,  pro  ed  parte  quâ  hères  efî  9 
convenitur.  Il  eft  vrai  que  cette  obligation 
du  commodataire,  quoique  divifible  ,  quoad 
obLigationem  eft  indivifible  au  moins  quoad 
foluùonem  ;     mais   on    peut  facilement 
donner  des  exemples  d'obligations  tradi 
rem  ?  fundum  tradi  qui  foient  divifibles 
même  quoadfolutionem  ;  tel  eft  celui  que 
donne  Dumoulin  ,  p.  2.  n.  305.  je  tran- 
fige  avec  ma  partie  adverfe  fur  la  deman- 
de en  revendication  d'un  certain  hérita- 
ge ,    qu'elle  a  donnée    contre  moi ,  & 
je  m'oblige  par  cette  tranfa&ion  envers 
elle  à  le  lui  délaiffer  fans  aucune  garan- 
tie de  ma  part  ;  cette  obligation  qui  eft 
une  obligation////?*-//////  tradi ,  eu  divifible 
même  quoad  foluùonem  ;  &  fi  je  meurs 
avant  que  d'avoir  fait  le  délais  ,  laifTant 
quatre  héritiers  ,  chacun  de  mes  héritiers 
s'acquitte  de  cette  obligation,  en  aban- 
donnant l'héritage  pour  la  part  à  laquelle 
il  a  fuccédé. 

La  loi  7  2»  ff.  de  yerhonun  oblig.  paroîî 


Part.  II.     Chap.  IV.     35? 

néanmoins  diamétralement  contraire  à 
notre  décilîon  ;  car  l'obligation  fundum 
tnulî  y  eft  en  termes  formels  rapportée 
comme  un  exemple  d'obligation  indivi- 
llble  ,  avec  les  obligations  fojjam  fodiri  , 
infulam  fabricari,  vdjiquidjimilc  qui  font 
indivifibles  ,  tam  obligatione  quam  folu- 
tiont.  Dimoulin  ,p.  2.  n,  278.  ad  n.  3  59. 
après  avoir  rapporté  17  opinions  diffé- 
rentes de  Docteurs ,  pour  la  conciliation 
de  cette  loi ,  rapporte  la  Tienne  à  laquelle 
il  faut  fe  tenir;  il  penfe  avec  raifon  que 
cet  exemple  d'obligation  ,  fundum  tradi^ 
ne  doit  pas  s'entendre  indiftinctementde 
toute  obligation  par  laquelle  on  s'oblige 
à  livrer  une  pièce  de  terre  ,  mais  feule- 
ment de  l'obligation  par  laquelle  on  s'o- 
blige de  livrer  une  pièce  de  terre ,  avec 
des  circonftances  qui  en  rendent  l'obliga- 
tion indivifible  ,  comme  par  exemple  û 
voulant  bâtir  ma  maifon  6k:  n'ayant  point 
de  chantier  pour  y  placer  mes  matériaux 
nécefTaires  que  je  veux  faire  venir  pour 
cela ,  je  conviens  avec  mon  voifin  qu'il 
me  donnera  l'ufage  d'une  pièce  de  terre 
qu'il  a  près  de  ma  maifon  pourme  fervir 
de  chantier  ;  cette  obligation  eft  une  obli- 
gàùon  fundum  tradi  ,  non  jîmpliciter ,  fed 
ad  certum  ufum  Jînemque  prlncip aliter  con- 
Jîderatum  in  contrahcndo  ,  &  cette  fin  rend 
indivifible  cette  obïi^àtion fundum  tradi  ± 


5?4       Tr.    DES    Oblig. 

car  une  obligation  eft  indivifible  lorfqite 
ce  qui  en  fait  l'objet  n'eft  pas  fufceptible 
de  preflation  particulière  ,  cum  id  jus 
quod  in  obligatiomm  deduclum  ejl ,  non 
nifi  in  folidum  prœjlari  potejl  y  ce  qui  fe 
rencontre  dans  l'efpece  propofée  ,  car 
cette  pièce  de  terre  devant  m'être  four- 
nie pour  me  fervir  de  chantier  ,  elle  ne 
me  peut  être  fournie  pour  cette  fin  ,  que 
pour  le  total  ,  ptiifqu'une  partie  qui  ne 
feroit  pas  affez  grande  pour  placer  mes 
matériaux ,  ne  pourroit  fervir  à  la  fin 
pour  laquelle  elle  doit  m'être  fournie  : 
Dumoulin  rapporte  d'autres  exemples , 

312  p  3X3>  3*4*  3  M- 

De  F  obligation  d'une  corvée  ou  journée \ 

2,96.  L'obligation  d'une  journée  eft  in* 
divifible  ,  de  la  même  manière  que  l'o-« 
bligation  de  çonftruire  une  maifon  ;  car 
quoique  le  fervice  d'une  journée  ,  ne  foit 
pas  en  foi  quelque  chofe  d'indivisible , 
néanmoins  l'obligation  s'en  contracte 
comme  d'une  chofe  indivifible  ,  &  qui  ne 
peut  s'acquitter  pour  partie  ;  c'eft  pour* 
quoi  Ulpien  dit ,  nec  promitti  nec  folvi  nec 
deberi  ,  nec  peu  ,  pro  parte  poterit  opéra  , 
/,.  1  5 .  ffl  de  oper.  libert. 

Pareillement  Pomponius  en  la  Loi  3, 
'§.  1.  ff.  de  oper,  libert,  décide  que  le  fer* 


Part.  II.  Chap,  IV.  355 
vice  d'une  journée  ne  peut  s'acquitter  par 
partie,  par  celui  d'un  certain  nombre 
d'heures  ,  &  qu'en  conséquence  le  débi- 
teur d'une  journée  qui  auroit  travaille  juf- 
quïi  midi ,  6c  le  feroit  retiré  ,  n'auroit 
aucunement  acquitté  ion  obligation ,  &C 
demeureroit  débiteur  de  la  journée ,  non 
pars  operx  per  horas  folvi  potejî ,  quia  id 
efî  officii  diurni  ,  neque  ei  liberto  ,  quifex 
horis  duntaxat  meridianis  przjlo  fuijfct  ^  li- 
beratio  tjus  diei  conduit  ;  mais  après  qu'il 
aura  acquitté  la  journée  dont  il  demeure 
débiteur ,  il  pourra  demander  le  prix  de 
fa  demi-journée  qu'il  ne  devoit  pas. 

Aurefle  Dumoulin,/7.  2.  n.  355.  &feq, 
remarque  fort  bien  que  cette  indivifibi- 
lité  de  l'obligation  d'une  journée  n'efl 
qu'une  indivifibilité  tf  obligation  ,  &  non 
une  indivifibilité  abfolue  ou  indivifibilité 
contraciu;  car  rien  n'empêche  qu'on  ne 
puifTe  contracter  l'obligation  d'une  partie 
de  journée  comme  d'une  demi-journée  ; 
il  eft  vrai  que  la  Loi  15.  §.  1.  de  oper, 
libert.  dit ,  nec  promitti  pro  parte  opéra  po- 
tejî.  Mais  c'eft  une  pure  fubtilite;  le  Ju- 
rifconfulte  prend  opéra  pour  officium  diur- 
num  félon  la  définition  de  la  Loi  1,  fF.^. 
tu.  qu'il  regarde  félon  cette  idée  comme 
indivifible  ,  parce  que  fivous  le  divifez , 
ce  n'eft  plus  officium  diurnum  ?  mais  offi* 
cium  horarium* 


J5#       Tr.    des   ObligV 

JDe  l'obligation  de  faire  quelque  ouvrage'. 

297.  Nous  entendons  ici  par  ouvrage  ,' 
tffeclio  tranjiens  in  opus  fpecificum  perma- 
nens  ,  fuivant  l'exprefïion  de  Dumoulin  , 
p.  2. 72.361.  &  nous  avons  déjà  vu  ci- 
defïïis  ,  n.  291..  que  l'obligation  de  faire 
un  ouvrage  pris  en  ce  fens  ,  telle  que  l'o- 
bligation de  conflruire  une  maifbn  ,  faire 
une  ftatue,  un  tableau,  étoit  une  obli- 
gation indivisible  ,  non  de  cette  indivifi- 
bilité  abfolue  que  nous  avons  appellee 
avec  Dumoulin  indivinbilité  contraclu  , 
mais  de  la  fimple  indivifibilité  d'obli- 
gation* 

De  l'obligation  de  donner  une  certaine 
Comme  léguée  pour  la  conjlruclion  d'un 
Hôpital,    ou  pour  que  Iqii  autre  fin. 

298.  L'obligation  qui  réfulte  de  ce  legs 
eft  divifible  ,  puifque  c'efl  l'obligation  de 
donner  une  fomme  d'argent  ;  ce  qui  eu. 
ajouté  dans  le  teframent ,  pour  bâtir  un 
hôpital ,  n'exprime  que  le  motif  du  tefta- 
teur  ,  qui  l'a  porté  à  faire  ce  legs  ;  c'eft 
ratio  legandi  ;  mais  ce  motif  n'étant  point 
uni  à  la  difpofition  ratio  legandi  noncohœ- 
ret  legato  ,  L.  72.  §.  6.  ff.  de  cond.  &  dem, 
ne  peut  par  conféquent  influer  furlana^ 


Part  II.  Chap.1V.  357 
turc  du  legs ,  Cv  fiir  l'obligation  qui  en 
réfulte. 

Que  fi  le  teftateur  avoit  chargé  (es 
héritiers  de  bâtir  un  hôpital  dans  une  cer- 
taine ville,  6c  d'y  employer  une  certai- 
ne fomme  d'argent  ;  l'obligation  qui  au- 
roit  pour  objet  la  connru£tion  de  l'hôpi- 
tal ,  feroit  indivifible  ;  c'eft  à  cette  der- 
nière ei'pece  que  doit  s'appliquer  la  loi 
11.  §.  .23.  ffl  de  kg.  3e.  V.  Dumoulin, 
p.  2.  n.  368.  &feq* 

Article     IL 

De  la  nature  &  des   effets  des  obligations 
divifibles, 

§.   1. 

Principes  généraux. 

299.  Une  obligation  efr.  appellée  divî- 
fible ,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué, 
non  parce  qu'elle  efl  actuellement  divi- 
fée  ,  mais  parce  qu'elle  fe  peut  divifer  ; 
c'eft  pourquoi  quelque  divifible  que  foit 
la  chofe  due  ,  l'obligation  avant  qu'elle 
ait  été  divifée ,  eft  indivife  &C  ne  peut 
être  acquittée  par  parties  ,  comme  nous 
le  verrons  infràp.  3.  ch.  1.  art.  3.  §.  2. 

Il  faut  doue  bien  prendre  garde  à  nqj 


358       Tn.    des    O  b  l  i  g. 
point  confondre  l'inclivifion  ck  i'indivifi- 
bilité  ;  c'eft  la  première  des  clefs  de  Du- 
moulin, ir.  de  div.    &  indiv.  p.  3.  n.  7.  & 

Jcq.  71.    112. 

Cette  divifion  de  l'obligation  fe  fait  ou 
du  côté  du  débiteur,  ou  du  coté  du  créan- 
cier ,  ou  quelquefois  de  l'un  6k  de  l'autre 
côté  enfemble  ;  l'obligation  fe  divife  du 
côté  du  créancier  ,  lorfqifil  laifTe  plu- 
sieurs héritiers  :  chacun  des  héritiers  cil 
créancier  feulement  de  fa  part  ,  d'oii  il 
fuit  qu'il  ne  peut  exiger  cette  créance  que 
pour  cette  part ,  qu'il  ne  peut  donner  de 
quittance  que  pour  cette  part  ,  à  moins 
qu'il  n'ait  une  procuration  de  fes  cohéri- 
tiers pour  recevoir  la  leur  ;  de  -là  il  fuit 
pareillement  que  le  débiteur  peut  payer 
Séparément  à  chacun  de  ces  héritiers  la 
portion  qui  lui  cfl  due. 

L'obligation  fe  divife  pareillement  du 
côte  du  débiteur  ,  lorfqu'il  laifTeplufieurs 
héritiers  ;  chacun  des  héritiers  de  ce  dé- 
biteur ,  n'eft  tenu  de  la  dette  que  pour 
fa  part ,  ck  ordinairement  chacun  des 
héritiers  peut  obliger  le  créancier  à  rece- 
voir la  dette  pour  cette  part. 


Part.  II.    C  H  a  p.  IV.     359 

S-    il- 

M  iJtfoaiions  du  premier  effet  de  la  divijlon 
de  C  obligation  du  côte  du  débiteur, 

300.  Le  principe  que  nous  avons  éta- 
bli, que  dans  les  obligations  divisibles 
chaque  héritier  du  débiteur  n'eft  tenu  de 
la  dette  que  pour  la  part  dont  il  eft  héri- 
tier ,  reçoit  plulieurs  exceptions  &C  modi- 
fications. 

La  première  eft  à  l'égard  des  dettes  hy- 
potécaires  ;  en  ce  cas  ,  lorfque  les  héri- 
tiers du  débiteur  font  poffefteurs  d'im- 
meubles hypotéqués  à  la  dette  ,  quoique 
la  dette  fe  divife  entr'eux  ,  &  qu'en  con- 
féquence  ils  ne  ibient  tenus  de  l'atlion 
peribnnellequi  réfulte  de  l'obligation  du 
défunt,  que  pour  la  part  dont  ils  font 
fes  héritiers  ;  néanmoins  ils  peuvent  être 
pourfuivis  hypotécairement  pour  le  total 
de  cette  dette  ,  comme  pofTefTeurs  des 
biens  qui  y  font  hypotéqués.  Voyez  ce 
que  nous  avons  dit  à  ce  fujet  en  notre 
Introduction  au  titre  20  de  la  Coutume 
d'Orléans  ,  chap.  1.  feci.  3. 

301.  La  deuxième  eft  à  l'égard  des 
dettes  d'un  corps  certain  que  le  défunt 
a  lailTé  dans  fa  fuccefïion  ;  lorfque  le  dé- 
funt a  lailTé  des  héritiers  de  différentes 


360  Tr,  des  Oblig, 
efpeces  ,  les  uns  aux  meubles  &  acquêts, 
les  autres  aux  propres  ,  tous  ne  font  pas 
tenus  de  la  dette  de  ce  corps  certain;  il 
n'y  a  que  les  héritiers  du  patrimoine  du- 
quel il  fait  partie  ,  qui  en  foient  feuls 
tenus  ;  la  raifon  eft  que  le  défunt  n'en 
feroit  tenu  lui-mênfe  ,  s'il  vivoit  encore  , 
qu'autant  qu'il-le  pofféderoit  encore  ,  ou 
qu'il  auroit  ceflé  par  fon  fait  ou  fa  faute 
de  le  pofléder ;  feshéritiers du  patrimoine 
dont  le  corps  certain  ne  fait  point  partie  , 
qui  ne  Pont  par  conféquent  jamais  poiTé- 
dé  ,  ni  celle  de  le  pofléder  9  ne  peuvent 
donc  être  tenus  de  la  dette  de  ce  corps  • 
certain  ?  n'en  pouvant  être  tenus  que 
comme  le  défunt  qu'ils  repréfentent  le  fe- 
roit :  il  n'y  a  donc  que  les  héritiers  du 
patrimoine ,  dans  lequel  fe  trouve  ce  corps 
certain  ,  qui  en  puifTent  être  tenus. 

Mais  fi  par  le  partage  entre  les  héri- 
tiers de  ce  patrimoine  ,  ce  corps  certain 
dû  par  le  défunt  à  quelqu'un ,  a  été  com- 
pris dans  le  lot  échu  à  l'un  d'eux  ,  les 
autres  ne  font  pas  pour  cela  déchargés 
de  cette  dette ,  quand  même  ils  auroient 
chargé  celui  d'entr'eux  au  lot  duquel  ce 
corps  certain  efl  échu  d'acquitter  la  dette  5 
lorsqu'elle  deviendroit  exigible;  car  ayant 
été  une  fois  tenus  de  cette  dette  ,  ils  n'ont 
pu  par  leur  fait ,  en  comprenant  ce  corps 
certain  dans  la  mafle  des  biens  qu'ils  ont 

partagés 


Part.  II.  Chap.  IV.  361 
partages  entr'eux  ,  fe  décharger  de  l'obli- 
gation de  le  délivrer  au  créancier. 

302.  La  troifieme  modification  con- 
cerne encore  les  dettes d\in  corps  certain: 
quoique  la  dette  d'un  corps  certain  divifi- 
ble  ,  le  divife  entre  les  héritiers  du  débi- 
teur ,  qui  fuccédent  à  l'efpece  des  biens 
dont  il  fait  partie  ,  &  que  même  après 
le  partage ,  par  lequel  ce  corps  certain  eft 
échu  dans  le  lot  de  l'un  d'eux  ,  chacun  de 
ces  héritiers  continue  d'en  être  débiteur 
pour  fa  part ,  comme  nous  venons  de  le 
voir  ci-deflus  ;  néanmoins  celui  dans  le 
lot  duquel  il  eft  tombé  ,  peut  être  pour- 
fuivi  pour  le  payement  du  total ,  &  con- 
damné envers  le  créancier  au  payement 
du  total,  pourvu  que  le  jugement  foit 
rendu  avec  fes  cohéritiers  ou  par  défaut 
contre  eux,  s'il  n'a  pas  été  chargé  de  cet- 
te dette  par  le  partage. 

La  raifon  qu'en  rend  Dumoulin  eft  i 
que  quoique  l'acuon  qui  naît  de  cette  det- 
te foit  divifée  contre  chacun  des  héritiers 
du  débiteur  ,  néanmoins  comme  l'exécu- 
tion de  cette  a&ion  doit  fe  faire  pour  le 
total ,  fur  celui  d'entre  eux  qui  par  le  par- 
■  tage  en  eft  devenu  feul  pofferTeur  ,  il  s'en- 
fuit qu'il  peut  être  condamné  à  la  déli- 
vrance de  cette  chofe  pour  le  total ,  quia 
1  quamvis   aclio   mère  fit  perfonalis  ,  tamen 
1  txecutio  judlcati  in  nmfcripta  ejï,  &  divi-^ 
Tome  1%  Q 


362        Tr.    des    Oblig. 

jïo  non  débet  impedire  vim  futurijudicii ,  ncc 
executionem  in  rem  &  in  ejus  pofjefforem  , 
falvo  contra  coheredes  recurfu.  Molin.  p.  2. 
77.   84. 

Cette  décifion  a  lieu  lorfque  c'efl  en  fa 
qualité  d'héritier ,  &  par  le  partage  de  la 
fucceflion  que  cet  héritier  pour  partie  du 
débiteur ,  fe  trouve  pofïéder  en  entier  la 
chofe  due  ;  il  en  feroit  autrement  fi  c'étoit 
de  fon  chef  qu'il  la  poffédât.  Il  n'en  feroit 
pas  en  ce  cas  débiteur ,  &  il  ne  pourroit 
être  condamné  à  la  payer,  que  pour  la  part 
pour  laquelle  il  eil  héritier;  on  peut  tirer 
argument  de  la  loi  86.  §.  3.  fF.  de  leg. 
1°.  fi  fundus  ab  omnibus  heredibus  legatus 
fit ,  qui  unius  heredis  effet,  is  cuj  us  fundus 
effet  non  amplius  quàm  partem  fuam  pmfta- 
bit ,  cœteri  in  reliquas  partes  tenebuntur. 

Nous  venons  de  voir  que  lorfque  l'hé- 
ritier pour  partie  du  débiteur  d'un  corps 
certain  .  fe  trouvoit  en  cette  qualité  d'hé- 
ritier être  en  pofTefîion  pour  le  total  de 
cette  chofe  ,  il  pouvoit  être  condamné  à 
la  preftation  du  total ,  pourvu  que  la  (en- 
tence  fût  rendue  avec  fes  cohéritiers  , 
fuivant  que  Penfeigne  Dumoulin  ,  ibid. 
n.  84.  Cet  auteur  va  plus  lo'm9ibid.  p.  3. 
n.  242.  car  il  décide  que  l'héritier  peut  y 
être  condamné ,  même  fans  que  les  cohé- 
ritiers ayent  été  mis  en  caufe ,  lorfqu'il  efl 
évident  qu'ils  ne  pourroient  avoir  aucuns 


Part.  II.  Chap.  IV.  363 
moyens  de  Jéfenfe  ;  c'eftce  qu'il  décide 
dans  l'eipece  d'un  vendeur  ,  qui  ayant 
vendu  une  choie  livrable  dans  le  mois  , 
&i  ayant  reçu  le  prix ,  feroit  mort  dans 
ce  terme ,  biffant  plufieurs  héritiers  ;  il 
décide  que  la  vente  &  le  payement  du 
prix  étant  conftans  ,  celui  des  héritiers 
pardevers  qui  la  chofe  fe  trouve ,  doit 
après  l'expiration  du  terme ,  être  condam- 
né à  la  livrer  ,  fans  qu'il  ibit  reçu  à  met- 
tre en  caufe  fes  cohéritiers. 

303.  La  quatrième  modification  eft , 
lorfque  la  dette   confifte  dans  la  iimple 
reflitution  d'une  chofe  dont  le  créancier 
eft  propriétaire  ,  &  dont  le  débiteur  n'a 
voit  que  la  fimple  détention  ;  quoique  la 
chofe  ibit  divifible ,  fk  qu'en  conféquence 
la  dette  le  foit  aum" ,  néanmoins  celui  des 
héritiers  du  débiteur  pardevers  qui  eit  la 
chofe  ,  eit  tenu  pour  le  total   de  cette 
reflitution.    Par  exemple  ,   il  on  vous  a 
prêté  ou  donné  en  dépôt  une  bibliothè- 
que ;  quoique  cette  dette  foit  divifible  y 
celui  de  vos  héritiers  pardevers  qui  elle 
fe  trouvera,  fera  tenu  pour  le  total  de 
la  reflitution  de  cette  bibliothèque ,  hères 
ejus  qui  commodatum  accepit ,  pro  eâ  parti 
qud  hères  cjl,  convenitur  ,  niji forte  habitit 
totlus  reifacultatem  refiituendœ ,  nec  faciat  ; 
tune  enim  cendemnatur  in  folidum  ,    quia, 
hoc  boni  judicis  arbitrio  çonveniat ,  /.  2. 
§ .  3 .  ff.  commod%  Q  ij 


364       Tr,   des    Oblig, 

La  raifon  efl  que  cet  héritier  qui  a  par- 
devers  lui  la  chofe  entière ,  ayant  la  fa- 
culté de  la  rendre ,  &  n'ayant  pas  befoin 
d'attendre  pour  cela  le  confentement  de 
{es  cohéritiers  qui  n'ont  aucun  droit  dans 
cette  chofe  ,  &  auxquels  la  reflitution 
qu'il  en  fera  ne  peut  être  qu'avanîageufe 
en  les  déchargeant  de  l'obligation  en  la- 
quelle ils  font  de  faire  cette  reflitution  ; 
la  bonne  foi  ne  permet  pas  qu'il  refufe 
cette  reflitution  ,  c'en1  ce  qu'infinue  le 
Jurifconfulte  par  ces  termes  quia  hoc  boni 
judicis  arbitrio  conveniat  :  Si  cet  héritier 
n'efl  tenu  que  pour  fa  part  héréditaire  , 
exprima  &  primitivd  obligatione  depojiti 
aut  commodati  quœ  dividua  ejî ,  il  eu  tenu 
pour  le  total ,  de  cette  reflitution  qui  eft 
en  fon  pouvoir ,  ex  obligatione  accejjoriâ 
prœjlandi  bonam  fidem  ,  l'obligation  de  la 
bonne  foi  étant  une  obligation  indivifible, 
neque  enim  bona  fides  poteji  prœjtari  pr& 
parte.  O  eu  encore  une  des  clefs  de  Dumou- 
lin. Lex  12.  tabularum ,  dit-il ,  nondividit 
obligationes  etiam  dividlias  quateniis  refpi- 
ciunt  bonam  fidem  ;  unde  obligaùo  etiam 
dividua  ad  offîcium  bonœfidei  obligat  infoli- 
dum  ?  concurrente  facultate  prœ,jlandi  ,  & 
quatenîis  concurrit  &  quandocumque  hoc 
contigerit.  Molin.  p.   3.  n.    112. 

304.  Une  cinquième  modification,  eu. 
que  l'un  de  héritiers  par  le  fait  ou  la 


Part.  II.     Chap.  IV.     365 

faute  duquel  la  chofe  eft  périe  ,  eft  tenu 
du  total  de  la  dette  ;  la  raifon  le  tire  du 
principe  de  Dumoulin  qui  eft  que  l'obliga- 
tion principale  rem  dividuam  dandi  eft  di- 
vilible  à  la  vérité:  mais  l'obligation  accef- 
foire  pnrfliindi  boîiam  fidem  &  drfigentiam 
qui  y  eft  jointe  eft  indiviiible  ;  chacun  des 
héritiers  eft  à  cet  égard  tenu  injolidum  , 
me  en  7  pro  parte  diVgzntia  pmjiari  potejl  , 
d'où  il  fuh  que  celui  des  héritiers  qui  y  a 
manqué  ,  £v  par  le  fait  &  la  faute  duquel 
la  chofe  eft  périe ,  doit  être  tenu  pour  le 
total.  Suivant  ces  principes  ,  fi  quelqu'un 
s'eft  obligé  envers  moi  à  me  laifTer  jouir 
d'un  héritage,  foit  par  un  bail  à  ferme  qu'il 
m'en  a  fait ,  foit  par  la  vente  qu'il  m'a  fait 
d'un  droit  d'ufufruit  de  cet  héritage ,  6c 
qu'il  ait  laifle  quatre  héritiers  ;  fi  l'un  des 
héritiers ,  fans  aucun  droit  qu'il  ait  de  fon 
chef  dans  cet  héritage  ,  me  trouble  injus- 
tement dans  la  jouiftance  du  total  de  cet 
héritage  ,'  il  fera  tenu  pour  le  total  de  mes 
dommages  &  intérêts  ,  &  non  pas  feule- 
ment pour  la  part  dont  il  eft  héritier  ;  car 
quoique  l'obligation  principale  de  me  fai- 
re jouir ,  foit  divifible ,  l'obligation  accef- 
foire  prœflandi  bonam  fidem  qui  oblige  de 
n'apporter  aucu  trouble ,  eft  indivifible 
&  parle  par  conféquent  à  chacun  des  hé- 
ritiers pour  le  total,  &  l'héritier  qui  y 
contrevient  doit  être  tenu  des  dommages 
&  intérêts  pour  le  total.  Qiij 


366         Tr.   des    Oblig. 

De-là  cette  maxime ,  qu'un  héritier  ne 
peut  être  à  la  vérité  pourfuivi  pour  une 
dette  divifible ,  que  pour  la  part  pour  la- 
quelle il  eft  héritier  ?  lorfqu'il  n'eft  pour- 
fuivi qu'en  fa  feule  qualité  d'héritier  & 
pour  le  fait  du  défunt ,  mais  qu'il  peut  être 
pourfuivi  pour  le  total ,  lorfqu'il  eft  pour- 
fuivi pour  fon  propre  fait.  Multum  refirt 
unum  keredum  débitons  teneri  fecundarid 
obligatione  ut  keredem  tantiim  ,  idefi  ex  fac- 
to vel  nonfaclo  defuncii  tantùm  ;  an  verb  ut 
ipfum  ,  id  eji  ex  fuo  facto  proprio  vel  non 
facto.  Molin.  p.   3.  zz.    5. 

305.  A  l'égard  des  autres  héritiers  qui 
n'ont  concouru  par  aucun  fait  ni  faute  de 
leur  part  à  la  perte  de  la  chofe  due  9  ils 
font  libérés  ;  car  l'héritier  eft  tenu  de  la 
dette  comme  le  défunt  en  étoit  tenu  ,  le 
défont  auroit  été  libéré  par  la  perte  de  la 
chofe  arrivée  fans  fa  faute ,  l'héritier  doit 
donc  pareillement  être  libéré  par  la  perte 
delà  chofe  arrivée  fans  la  faute  du  défunt 
&  fans  la  fienne  propre  :  l'héritier  eft  bien 
tenu  des  faits  du  défont ,  puifqu'il  fuc- 
cede  aux  obligations  du  défunt ,  mais  il 
n'eft  pas  tenu  du  fait  de  fes  cohéritiers  : 
c'eft  ce  qui  eft  décidé  par  les  loix  9.  8c 
10.  ft*.  depofin  depofiti  actione  ,  Jï  de  facto 
defuncii  agatur ,  adversus  unum  ex  piuri- 
bus  heredibus  pro  parte  heteditaria  a  gère  de- 
beo'yji  verô  ex  fuo  deliclo ,  pro  parte  non 


Part.  IL    Chap.  IV.      367 

a*o  ;  mcrito  quià  mflimatio  rcfcrtur  ad  do- 
lum  qutm  infolldum  ipfe  admijit  9  nec  ad" 
versus  cohertdes  qui  dolo  carent  aciio  com- 
ptât. Paul  décide  la  même  chofe  pour  le 
prêt  à  ufage  ,  /.  17.  §.  2.  commod.  Molln, 
pag.  3.  n.  .139.  6-440. 

Que  il  on  avoit  flipulé  une  peine ,  en 
cas  que  la  chofe  ne  tut  pas  rendue  ;  en  ce 
cas  quoiqu'elle  ait  péri  par  la  faute  de  l'un 
d'eux  ,  &:  fans  le  fait  ni  la  faute  des  au- 
tres ,  ils  ne  laifTeront  pas  d'être  tenus  de 
la  peine,  chacun  pour  leur  pan;  car  l'o- 
bligation de  payer  la  fomme  convenue 
pour  la  peine  ,  eït  une  féconde  obligation 
que  le  défunt  a  contractée  qui  eft  condi- 
tionnelle ,  &  a  pour  condition  l'inexécu- 
tion de  la  première  ;  les  héritiers  du  dé- 
funt ont  chacun  pour  la  part  pour  laquelle 
ils  font  héritiers  du  défunt,  fîiccédé  à  cet- 
te féconde  obligation ,  fous  la  même  con- 
dition ;  ils  font  donc  tenus  ,  chacun  pour 
leur  part  héréditaire  ,  de  payer  cette  fom- 
me ,  dans  le  cas  de  l'exiftence  de  la  condi- 
tion, c'eft-à-dire,  dans  le  cas  oiila  première 
obligation  ne  feroit  pas  exécutée,  foit 
par  le  fait  ou  la  faute  du  défunt ,  foit  par 
celle  de  quelqu'un  de  (es  héritiers  ,  fauf 
leur  recours  contre  celui  de  leurs  cohéri- 
tiers par  le  fait  de  qui  la  chofe  a  péri  ;  c'efl 
ce  qu'enfeigne  Dumoulin  qui  dit  que  les 
cohéritiers  de  celui  par  le  fait  de  qui  la 

Q  iv 


36S  Tr.  des  Oblig. 
chofe  efl  périe  ,  font  tenus  en  ce  cas  de 
la  peine  ,  non  immédiate,  ex  faclo  &  culpâ 
dolofi ,  fed  ejus  occajione  &  tanquam  ex 
eventu  conditionis  ?  ex  obligatioiie  defuncli 
quœ  in  eosfub  eâ  conditione  defcendit.  Molin. 
d'  n.    440. 

C'en1  de  ce  cas  qu'entend  parler  Paul 
en  la  loi  44.  §.  j.ff.  fam.  erc.  lorfqu'il 
dit  :  Si  reliqui  pr opter  facium  unius  teneii 
cozperint  ?  tanquam  conditio  (lipulationis  he- 
reditariœ  extiterit  ,  habebunt  familica  ercif- 
cundiz  judicium  cum  eo  propter  quem  corn- 
mijja  fit  fiipulatio. 

Obfervez  que  pour  que  la  contraven- 
tion de  l'un  des  héritiers  rejaillirTe  fur  (es 
cohéritiers  ?  il  faut  qu'il  y  ait  une  féconde 
convention  expreffe ,  par  laquelle  le  dé- 
funt fe  foit  obligé  au  payement  d'une  cer- 
taine peine  ,  en  cas  d'inexécution  de  l'o- 
bligation principale ,  ou  par  laquelle  il 
fe  foit  obligé  aux  dommages  &  inté- 
rêts ,  en  cas  de  contravention  par  lui  ou 
fes  héritiers  ;  mais  il  ne  fufHt  pas  pour  cela 
qu'il  foit  dit  à  la  fin  de  l'a&e  ,  que  toutes 
les  parties  fe  font  obligées  à  tout  le  con- 
tenu de  lacle  ,  à  peine  de  tous  dépens , 
dommages  &  intérêts  ;  car  cette  daufe 
ne  contient  pas  une  féconde  obligation  ; 
hœc  claufuia  nihil  n  ivi  addit ,  cum  fit  ex 
(iylo  communi  ad  confit mandum  tantum  , 
Jecundum  materiam  fubj ecîam  9  &  ejus  limi* 
tes  y  ibid,  44  a. 


Part.  II.   C  h  ap.  IV.      369 

On  oppoiera  peut-être  contre  la  dil- 
tindion  de  Dumoulin,  que  dans  toutes 
les  conventions  qui  contiennent  une  obli- 
gation principale  ;  on  doit  toujours  fous- 
entendre  une  féconde  convention  tacite 
accefîbire  de  la  première ,  par  laquelle 
le  débiteur  s'engage  aux  dommages  &C  in- 
térêts ,  en  cas  de  contravention  par  lui 
ou  par  fes  héritiers  à  l'obligation  prin- 
cipale ;  que  cette  féconde  convention  ta- 
cite doit  avoir  le  même  effet  ,  que  fi  elle 
étoit  exprimée.  La  réponfe  eft ,  qu'il  e fl 
faux ,  qu'on  doive  fuppofer  cette  féconde 
convention,lorfqu'ellen'eft  pas  exprimée; 
ii  le  débiteur  qui  contrevient  à.  fon  obli- 
gation principale  ,  eft  tenu  des  dommages 
&  intérêts  réfultans  de  fa  contravention , 
ce  n'eft  pas  en  vertu  d'aucune  féconde 
convention  qu'on  doive  fuppofer ,  par  la- 
quelle il  fe  feroit  obligé  à  ces  dommages 
ck  intérêts  ;  c'eft  uniquement  parce  que 
cette  obligation  des  dommages  ck  inté- 
rêts, eft  renfermée  dans  l'obligation  prin- 
cipale ,  &C  que  cette  obligation  principale 
ix  proprid  naturâ  fe  convertit  contre  le 
contrevenant  en  une  obligation  de  dom- 
mages &  intérêts  ;  mais  en  ce  cas  ,  lorf- 
que  c'eft  l'un  des  héritiers  du  débiteur  qui 
contrevient  à  l'obligation  ,  les  autres  hé- 
ritier? qui  n'y  ont  pas  contrevenu  ne  font 
tenus  d'aucuns  dommages  &c  intérêts  -, 

Q  v 


37^  Tr»  des  O b l i  g» 
ces  héritiers  étant  bien  tenus  des  faits  du 
défunt  qu'ils  repréfentent ,  &  de  leur  pro- 
pre fait  ,  mais  n'étant  point  tenus  des  faits 
de  leur  cohéritier,  comme  il  a  déjà  été 
ci-defïiis  obfervé. 

3  06.  Lorfque  la  chofe  en1  périepar  le  fait 
ouïe  dol  de  plufieurs  d'entre  les  héritiers, 
chacun  d'eux  en  eft  tenu  folidairement , 
nec  enim ,  dit  Dumoulin ,  qui peccavit ,  ex 
eo  relevait  débet ,  quod  peccati  habet  con- 
fortent. 

Si  néanmoins  ces  héritiers  avoient  cha- 
cun parun  fait  particulier  perdu  ou  diverti 
différentes  parties  de  la  chofe  due,  chacun 
ne  feroit  tenu  que  de  la  perte  oudivertifle- 
ment  de  cette  partie  ;  car  en  ce  cas ,  unuf 
qu'fque  non  infolidum  yfedinparte  duntaxat 
dolum  admifit ,  c'eft  ce  que  décide  Mar- 
cellus  en  la  loi  zi.jf.  depofit.fi  duo  hère- 
des  rem  apud  defuncium  depojïtam  dolo  in- 
tervert erint  ,  quodam  cafu  in  partes  duntaxat 
tembuntur  ;  namfi  diviferunt  decemmillia9 
quœ  apud  defuncium  fuerant  ,  &  quina  mil- 
lia  finguli  abjiulerint ,  &  uterque  folvendo 
efl ,  in  partes  adjlricli  erunt  :  quod  fi  quœ 
fpecies  dolo  eorum  interverfafuerit^  infoli~ 
dum  conveniri  poterunt ,  nam  certè  verum 
efl  in  folidum  quemque  dolo  feciffe. 

Obfervez  à  l'égard  de  la  première  ef- 
pece  de  la  Loi  22.  qu'il  efl  dit, fi  uterque 
folvendo  eJi-9  car  fi  l'un  des  deux  héritiers 


Part.  IL  Chap.  IV.  371 
étoit  insolvable ,  celui  des  deux  qui  auroit 
été  folvable ,  auroit  été  en  faute ,  non- 
feulement  par  rapport  à  fa  moitié  ,  mais 
même  par  rapport  à  l'autre  moitiém'ayant 
pas  dû  partager  la  Tomme  donnée  en  dépôt 
au  défunt  ,  avec  Ton  cohéritier  infolva- 
ble.  Si  l'obligation  de  reftitusr  la  Tomme 
étoit  une  obligation  divifible,  l'obligation 
accefToire  de  la  garder  &  de  laconferver 
avec  bonne  Toi ,  étoit  une  obligation  in- 
diviTible  ,  dont  chacun  d'eux  étoit  tenu 
pour  le  total ,  &  à  laquelle  il  a  contrevenu 
non-Teulementparrapport  à  la  moitié  qu'il 
a  du  payer  ,  mais  aum*  par  rapport  à  l'au- 
tre qu'il  a  laine  à  la  merci  de  Ton  cohé- 
ritier inTolvable. 

307.  Une  Tixieme  exception  eft  que 
quoiqu'une  obligation  Toit  diviTible ,  l'un 
des  héritiers  du  débiteur  peut  en  être  tenu 
pour  le  total ,  Toit  par  une  convention  r 
Toit  par  le  teftament  du  défunt  qui  l'en 
aura  chargé  ,  ou  par  l'office  du  Juge  qui 
fait  le  partage  des  biens  de  la  fuccefiion  ; 
entous  ces  cas ,  l'un  des  héritiers  efhenu 
de  la  dette  pour  le  total ,  fans  que  les  au- 
tres héritiers  cenent  d'en  être  tenus  avec 
lui  pour  chacun  leur  part. 

308.  Il  réfulte  de  toutes  ces  modifica- 
tions que  aliud  cfl  unum  ex  plurlbus  five 
principalibus/îve  heredibustencri  infolidum9 
aliud  obligationetn  ejje  indiyiduam.  C'eftla 


372.       Tr.   des    Oblige 
troifieme  des  clefs  de  Dumoulin  9part.  y, 
n.  112. 

309.  Hors  ces  cas,  chaque  héritier  du 
débiteur  n'efl:  tenu  des  dettes  divisibles  que 
pour  la  part  dont  il  eft  héritier ,  &  il  n'efl: 
pas  même  tenu  fubfidiairement  du  furplus, 
en  cas  d'infolvabilité  de  fes  cohéritiers  : 
la  Loi  2.  cod.  de  hered.  aci.  qui  décide  que 
chaque  héritier  n'efl  tenu  des  dettes  du 
défunt  que  pour  fa  part  ,  ne  diftingue 
pointu  tous  les  héritiers  font  fol  vables  ou 
non.  Cela  eft  pris  même  de  l'idée  d'héri- 
tier ;  un  héritier  eft  celui  qui  fuccede  aux 
droits  actifs  Se  pafîifs  ,  c'eft-  à-dire  ,  aux 
dettes  &  obligations  du  défunt  ;  celui  qui 
n'efl:  héritier  que  pour  partie ,  n'y  fuccede 
que  pour  cette  partie  ;  il  n'en  eft.  donc  te- 
nu que  pour  cette  partie  ;  Finfolvabilité 
de  fes  cohéritiers  quifurvient ,  ne  le  rend 
pas  fucceffeur  pour  le  total  aux  droits  du 
défunt,  il  ne  l'eft  toujours  que  pour  fa 
part  ,  &  par  conféquent  il  ne  doit  être 
tenu  des  dettes  que  pour  fa  part. 

On  oppofe  que  les  dettes  étant  une 
charge  des  biens  ,  elles  doivent  être  ac- 
quittées pour  le  total ,  fur  les  biens  que 
retient  cet  héritier  en  partie.  Laréponfe 
eft  que  Puniverfalité  totale  des  biens  eu. 
chargée  du  total  des  dettes  ,  mais  les  por- 
tions de  cette  univerfalité  ne  font  char- 
gées que  d'une  pareille  portion  des  det- 


Part.  II.  Chap.  I  V.  375 
tes  :  on  iniifte  Se  on  dit ,  fi  le  débiteur 
avoit  dirîipc  la  moitié  de  fes  biens ,  l'au- 
tre moitié  qui  lui  refteroit,  feroit  char- 
gée du  total  des  dettes  ;  donc  lorfque  l'un 
des  héritiers  du  débiteur  a  difîipé  fa  moi- 
tié ,  l'autre  moitié  qui  appartient  à  l'au- 
tre héritier  doit  pareillement  être  chargée 
du  total  des  dettes  ;  je  nie  la  conféquence. 
Lorfque  le  débiteur  a  difïïpé  la  moitié  de 
fes  biens ,  ce  qui  lui  refte  eft.  le  total  des 
biens  de  la  perfonne  obligée  au  total 
de  la  dette  ;  &c  par  conféquent  le  total 
des  dettes  eft  une  charge  de  ce  qui  refte 
des  biens  ;  mais  lorfque  mon  cohéritier 
a  dilîipé  la  moitié  qui  lui  eft.  échue  ,  cel- 
le que  j'ai  n'efl  toujours  que  la  portion 
d'un  héritier  pour  moitié ,  qui  n'efl  tenu 
personnellement  des  dettes  que  pour  cet- 
te moitié  ;  cette  portion  ne  doit  donc  être 
chargée  que  de  la  moitié  des  dettes.  On 
infifte  encore ,  &  on  dit  que  le  créancier 
ne  doit  pas  foufFrir  de  la  multiplicité  des 
héritiers  ,  que  fon  débiteur  laifTe  ;  donc  la 
difïîpation  de  la  moitié  de  ces  biens  que 
fait  l'un  des  héritiers  ,  ne  doit  pas  lui  faire 
perdre  la  moitié  de  fa  dette  ;  puifque  fi  le 
débiteur  ou  l'unique  héritier  du  débiteur 
eût  perdu  cette  moitié  de  biens  ,  le  créan- 
cier ne  perdroit  rien  de  fa  dette  ;  la  ré- 
ponfe  eft, ,  que  ce  n'eft  qu'e*  accident!  que 
le  créancier  fouffre  en  ce  cas  de  lamulti- 


374      Tr.    des    Oblig. 
plicité  des  héritiers  qu'a  laifTé  le  débiteur; 
il  pouvoit  n'en  pas  fouffrir  en  arrêtant 
les  biens  de  la  fucceffion  avant  le  parta- 
ge ,  ou  en  veillant  à  fe  faire  payer. 

Cette  décifion,  que  l'héritier  pour  par- 
tie n'eft,  pas  tenu  des  dettes  pour  les  por- 
tions de  fes  cohéritiers  devenus  infolva- 
bles,  quand  même  fa  portion  feroit  plus 
que  fuffifante  pour  payer  le  total ,  étant 
tirée  des  principes  de  la  raifon  naturelle , 
&  de  la  nature  même  de  la  qualité  d'héri- 
tier ,  elle  doit  avoir  lieu  dans  le  for  de 
la  confcience  ,  auffi-bien  que  dans  le  for 
extérieur.  Molin.  part,  2.72.82. 

310.  Ce  principe  ,  qu'un  héritier  n'eft 
pas  tenu  de  Tinfolvabilité  de  fes  cohéri- 
tiers ,  reçoit  plufieurs  exceptions.  La  pre- 
mière >  qui  ne  foufFre  pas  de  difficulté,  eu 
lorfque  c'efï  par  le  dol  &  le  fait  d'un  héri- 
tier que  le  créancier  n'a  pu  fe  faire  payer 
par  les  autres  héritiers  devenus  infolva- 
blés  ,  putà  parce  que  cet  héritier  s'eflfait 
parler  pour  le  feul  héritier.  Molin.  ibid. 
n.  8  5.  in  fine. 

Dumoulin  apporte  pour  fécond  cas 
d'exception,celui  auquel  un  père  laifTeroit 
pour  héritiers  deux  enfans  ,  dont  l'un  au- 
roit  difîlpé  d'avance  ce  qu'il  auroitreçu  en 
avancement  de  fa  fuccemon ,  &  auquel  au 
moyen  de  ce  qu'il  efl  tenu  de  la  précomp- 
ter fur  fa  part ,  il  feroit  revenu  beaucoup 


Part.  II.    C  h  a  p.  IV.     375 

moins  dans  l'a£tifdes  biens  délaines  par  le 
père  ,  que  n'eft  la  parr  des  dettes  de  cette 
fuccefîion  dont  il  eft  tenu  en  fe  portant 
héritier  ;  l'autre  enfant  doit  répondre  en 
ce  cas  envers  les  créanciers  de  la  fuccef- 
fion  ,  de  la  part  des  dettes  dont  eil  tenu 
fon  frère  infolvable,  quoique  les  créan- 
ciers n'ayent  pas  eu  la  précaution  d'arrê- 
ter les  biens  de  la  fuccefîion  avant  le  par- 
tage ;  la  raifon  eir.  que  cet  enfant  ayant 
recueilli  prefque  tout  l'a£tif  des  biens  dé- 
laifîes  par  le  défunt ,  au  moyen  de  ce 
que  fon  frère  a  été  tenu  de  précompter  ce 
qu'il  avoit  reçu  du  vivant  du  père  com- 
mun ,  il  efï  j uite  qu'il  ne  profite  pas  aux 
dépens  des  créanciers  de  la  fuccefîion , 
de  ce  que  fon  frère  s'eft  mal-à-propos  por- 
té héritier  ;  il  y  a  lieu  en  ce  cas  de  préfu- 
mer une  collufion  entre  les  deux  frères, 
&  que  c'efl  dans  la  vue  de  fe  décharger 
d'une  portion  des  dettes  ,  &  d'en  frauder 
les  créanciers  ,  qu'il  a  engagé  fon  frère 
infolvable  à  fe  porter  héritier  :  hoc  eflin- 
jujium  ,  dit  Dumoulin ,  nec  fufplcione  col- 
lujlonis  vacat.  ibïd.  n.  j)j.  in  fine. 

Cet  Auteur,  n.  92.  apporte  pour  troi- 
fieme  exception  le  cas  auquel  le  créancier 
auroit  fait  un  prêt  au  défunt  qui  auroit  été 
lacaufe  de  la  fortune  du  défunt  ;  en  ce 
cas  l'héritier  folvable  étant  en  quelque 
façon  redevable  au  créancier  de  ce  qu'il 


376  Tr,  des  O  b  l  i  g. 
recueille  pour  fa  part  une  fuccefîion  opu- 
lente ,  ne  doit  pas  laiffer  perdre  au  créan- 
cier la  part  de  cette  créance  dont  eil  tenu 
fon  cohéritier  infolvable  ;  cette  décifion 
de  Dumoulin  fouffre  difficulté  :  j'avoue 
que  la  gratitude  exige  cela  ,  mais  la  grati- 
tude ne  forme  que  des  obligations  impar- 
faites qui  n'obligent  pas  dans  le  for  exté- 
rieur. 

§.  ni. 

Du  fécond  effet  de  la  divifion  de  la  dette  qui 
confijle  en  ce  qu'elle  peut  être  payée  par 
parties. 

311.  Nous  avons  vu  qu'un  des  effets  de 
la  divifion  de  la  dette  ,  foit  que  ce  fût  du 
côté  du  créancier ,  foit  que  ce  fût  du  côté 
du  débiteur  qu'elle  fût  arrivée  ,  étoit  que 
le  payement  de  la  dette  pouvoit  fe  faire 
par  parties  ;  fçavoir  pour  les  parties  qui 
font  dues  à  chacun  des  héritiers  du  créan- 
cier ,  &  pour  celles  dues  par  chacun  des 
héritiers  du  débiteur;  ce  principe  a  aufli 
fes  exceptions  <k  fes  modifications ,  non 
propter  individuitatem  obligationis,fed prop- 
ter  incongruitatem  folutionis  ,  dit  Dumou- 
lin ,  c'eft.  à-dire  ,  non  parce  que  le  paye- 
ment partiel  d'une  obligation  divifible  ne 
foit  pas  toujours  abfolument  oarlant  pof- 
fible  y  car  puif  que  la  chofe  due  a  dçs  par- 


Part.  II.  Chap.  IV.  377 
tîes  ,  c'eft  une  conféquence  nécefTaire 
qu'elle  puifTe  être  payée  par  parties;  mais 
fi  le  payement  de  ces  obligations  ne  doit 
pas  quelquefois  fe  faire  p^r  parties ,  c'efl 
parce  que  le  payement  partiel  n'eft  pas 
toujours  équitable  ;  aliiid  quippe  indivi- 
dultas  obligdtionis  ,  aliud  incongruitasfo* 
lutïonls ,  c'eft.  la  quatrième  des  clefs  de 
Dumoulin  ,  /?.  j.  n.  m, 

3  1  2.  Le  premier  cas  auquel  le  payement 
partiel  d'une  dette  quoique  divifible,  n'eft 
pas  valable  ,  eft  le  cas  des  dettes  alterna- 
tives ,  ou  de  chofes  indéterminées  :  par 
exemple ,  fi  celui  qui  eft  débiteur  d'une 
telle  malfon  ,  ou  d'une  fomme  de  dix  mille 
livres  lai  fie  deux  héritiers  ,  l'un  des  héri- 
tiers ne  fera  pas  admis  à  payer  la  moitié 
d'une  de  ces  deux  chofes  ,  jufqu'à  ce 
que  l'autre  héritier  paye  auiîi  l'autre 
moitié  de  la  même  chofe  ;  car  fi  l'un 
des  héritiers  ayant  payé  la  moitié ,  par 
exemple ,  de  la  maifon ,  l'autre  vouloit 
payer  la  moitié  de  la  fomme  ,  il  en  ré- 
fulteroit  un  préjudice  au  créancier  qui 
doit  recevoir  en  payement  Tune  des  deux 
chofes  entières  ,  &  non  pas  deux  moi- 
tics  de  deux  différentes  chofes.  Par  cette 
même  raiion  ,  quand  même  le  créancier 
aurait  volontairement  reçu  la  moitié  de 
Pu  a?  des  deux  chofes ,  putà  la  moitié  de  la 
fomme  ,  ce  payement  ne  recevra  fa  per* 


37S  Tr.  des  Oblig. 
feélion ,  même  pour  cette  moitié ,  que 
lorfqu'on  lui  aura  payé  l'autre  moitié  ;  Se 
û  parla  fuite  on  lui  donne  lamaifon  ,  il  y 
aura  lieu  à  la  répétition  de  ce  qui  auroit 
été  payé  en  argent.  înfràp.  3.  n.  525. 

Il  en  eit  de  même  des  dettes  de  chofes 
indéterminées ,  comme  file  défunt devoit 
indéterminement  un  arpent  de  terre,  l'un 
de  fes  héritiers  n'en1  pas  recevable  à  of- 
frir au  créancier  la  moitié  d'un  certain 
arpent  de  terre  ,  jufqu'à  ce  que  l'autre  hé- 
ritier donne  aufïï  en  payement  l'autre  moi- 
tié du  même  arpent  ;  autrement  il  en  ré- 
fulteroit  un  préjudice  au  créancier  à  qui 
il  eft  dû  un  arpent  entier  ,  &  qui  a  inté- 
rêt d'avoir  un  arpent  entier ,  plutôt  que 
la  moitié  de  deux  difFérens  arpens  ;  c'eït 
ce  qui  refaite  des  loix85«  §.  4»&;  L.  2.  §, 
2>ffi  de  verb.  ohlig.  Molin,  p.  2.  n.  12  y. 

Cette  indivifion  de  payement  doit  avoir 
lieu  ,  non-feulement  lorfque  la  dette  a  été 
divifée  du  côté  du  débiteur,  mais  auffi 
pareillement  lorfqu'elle  l'a  été  du  côté  du 
créancier  qui  a  lairTé  plufieurs  héritiers  -y 
car  il  eft  de  l'intérêt  de  ces  héritiers  du 
créancier  de  recevoir  une  feule  chofe  qui 
leur  eft  due  ,  qui  ne  foit  commune  qu'en- 
tre eux ,  plutôt  que  des  portions  de  dif- 
férentes chofes  qu'ils  auroient  chacun  en 
commun  avec  des  étrangers.  Molin.  ibid. 
p.  2.  72.130. 


Part.  II.   Chap.  IV.     379 

Lorfque  l'un  des  héritiers  du  débiteur 
a  été  libéré  pour  la  part  de  la  dette  ,  foit 
par  la  remiié  que  le  créancier  lui  en  a 
faite  ,  foit  autrement  ;  rien  n'empêche 
alors  que  l'autre  héritier  ne  puiffe  payer 
Tune  des  chofes  qu'il  voudra  pour  la  moi- 
tié qu'il  doit,  d.  L.  2.  §.  3.  La  raifon 
qui  empêchoit  le  payement  partiel  ceffe  , 
car  il  n'y  a  plus  lieu  de  craindre  que  le 
payement  fe  faffe  en  portions  de  diffé- 
rentes chofes. 

Obfervez  que  dans  le  texte  cité  après 
ces  mots  ^Jitamcn  homin&m  Jiipulatus^  cum 
uno  ex  heredibus  egero  ,  il  faut  fuppléer  , 
&  viclus  fuero  per  injuriam  judicis.  V* 
Cuj.  ad  d,  L.  Molin.  ibid.  p.  %.  n.  1 88. 

Obfervez  aufîi  que  l'indivifion  de  paye- 
ment d'une  dette  alternative  cerTe  d'avoir 
lieu ,  lorfque  cette  dette ,  par  l'extindion 
de  l'une  des  deux  chofes,  ceffe  d'être  al- 
ternative ,  &:  devient  déterminée  à  la 
chofe  qui  refte  ;  rien  n'empêche  en  ce 
cas  que  cette  chofe  puifTe  être  payée  par 
parties,  foit  par  les  différens  héritiers 
du  débiteur ,  foit  aux  différens  héritiers 
du  créancier. 

3  1 3 .  Le  fécond  cas  auquel  le  payement 
d'une  obligation ,  quoique  divifible  &  di- 
viiée  entre  plufieurs  héritiers  du  débiteur, 
ne  peut  fe  faire  par  parties ,  eft  lorfqu'on 
en  efl  convenu ,  en  contractant  l'obliga- 


380  Tr.  des  Oblig. 
îion  ou  depuis  ;  on  pourroit  néanmoins 
douter  fi  cette  convention  eu  valable  , 
parce  que  la  loi  56.  §.  1.  de  verb.  oblig. 
décide  qu'une  perfonne  ne  peut  en  con- 
tractant faire  qu'un  de  fes  héritiers  foit 
obligé  à  fa  dette  pour  une  plus  grande  part 
cme  celle  pour  laquelle  il  fera  héritier  : 
te  &  Titium  heredem  tuum  decem  daturum 
/pondes  :  Titii  perfona  fupervacue  compre* 
henfa  eji  \jiveenim  foins  hères  extittrit ,  in 
folidum  tenebitur  \five pro  parte  ,  eodem  mo- 
do que  cœteri  coheredes  ejus^  c'enVà-dire  , 
qu'il  fera  tenu  nonobflant  cette  claufe  de 
la  ftipulation  ,  pour  la  part  feulement 
dont  il  fera  héritier;  &  la  raifon  eft  que 
n'étant  héritier  du  contractant  que  pour 
cettepart ,  &  étant  par  conféquent étran- 
ger à  l'égard  des  autres  parts  ,  il  n'a  pu 
être  obligé  pour  les  autres  parts  par  la  pro- 
meuve du  contractant,  fuivant  le  principe 
de  droit,  que  nemo  nijldefe  promittere  po- 
tejl ,  non  de  extraneo. 

Nonobstant  celaDumoulindécideavec 
raifon  qu'on  peut  valablement  convenir 
qu'une  dette  ne  pourra  être  acquittée  par 
parties  par  les  dirférens  héritiers  du  débi- 
teur ,  Se  il  remarque  fort  bien  que  cette 
convention  eft  bien  différente  de  l'efpece 
de  la  loi  ci  -  deffus  rapportée  ,  laquelle 
tombe  fur  la  fubftance  même  de  l'obliga- 
tion; au  lieu  que  cette  convention  ne 


Part.  IL    Chap.  IV.     381 

concerne  que  la  manière  dont  le  paye- 
ment s'en  fera  ,  non  concemit  fubjiantiam 
obligationis ,  fed  modum  ;  und'c  qutrnadmo- 
Ju  m  pote  fi  in  pnzjudicium  heredum  determi- 
ruiri  locus  &  tcmpUS  foludonis  ,  ita  &  mo- 
dus.  Molin,  ibid.  part.  2.  n.  30.  &  31. 
Cette  convention  n'empêche  pas  que  l'un 
des  héritiers  du  débiteur  ne  foit  tenu  que 
pour  fa  part  de  la  dette  ;  mais  l'effet  eft 
qif  il  ne  peut  faire  le  payement  que  de  la 
choie  entière  conjointement  avec  (es 
cohéritiers ,  de  manière  que  les  offres 
qu'il  feroit  de  donner  fa  part,  feroient 
infuffifantes  pour  fatisfaire  même  pour  fa 
part  à  l'obligation  dont  il  eft  tenu  >  fi  fes 
cohéritiers  n'offrent  également  la  leur, 
V»  infrà ,  72.  316. 

3  14.  Cette  convention  que  la  dette  ne 
pourra  être  payée  par  parties  ,  empêche 
bien  que  les  héritiers  du  débiteur  ne  la 
puifTent  payer  par  parties ,  mais  elle  n'em- 
pêche pas  qu'elle  ne  puifîe  être  payée 
par  parties  aux  différens  héritiers  du 
créancier. 

Le  débiteur  nepeut  même  valablement 
payer  à  chacun  d'eux  que  fa  part  ;  &  s'il 
payoit  le  total  à  l'un  d'eux  ,  il  ne  feroit 
pas  libéré  envers  les  autres. 

Néanmoins  on  peutaufli  convenir  que 
l'un  des  héritiers  du  créancier  pourra  exi- 
ger le  total  ?  &  qu'on  pourra  lui  payer 


382  Tr.  des  Oblig. 
le  total;  auquel  cas  le  payement  qui  lui 
eft  fait  libère  le  débiteur  envers  tous  les 
héritiers  du  créancier  ,  dont  celui  à  qui 
le  payement  eft  fait ,  eft  comme  le  pré- 
pofépour  leurs  parts,  ou  comme  adjecius 
folutïonis  gratiâ  9    Molin.  ibid.  /z.  3 3. 

315.  Le  troilieme  cas  auquel  la  dette , 
quoique  divifée  entre  les  héritiers  du  dé- 
biteur ,  ne  doit  point  s'acquitter  par  par- 
ties ,  eft  lorfque  ,  fans  qu'il  y  ait  de  con- 
vention ,  il  réfulte  de  la  nature  de  l'en- 
gagement ,  ou  de  la  chofe  qui  en  fait  l'ob- 
jet ,  ou  de  la  fin  que  l'on  s'eftpropofée 
dans  le  contrat  ,  que  l'efprit  des  contrac- 
tai a  effectivement  été  ,  que  la  dette  ne 
pût  s'acquitter  par  parties  ;  cela  fe  pré- 
fume facilement ,  lorfque  la  chofe  qui 
fait  l'objet  de  la  convention  eft  fufcep- 
tible  à  la  vérité  de  parties  intellectuelles , 
&  eft  par  conféquent  divifible ,  mais  ne 
peut  être  divifée  en  parties  réelles.  Afo- 
lin.  p.  3.  n.  2.23. 

Cela  fe  préfume  même  à  l'égard  des 
chofes  qui  peuvent  fe  partager  en  par- 
ties réelles  ,  lorfqu'elles  ne  peuvent 
l'être  fans  qu'il  en  réfulte  un  préjudice 
au  créancier. 

Par  exemple  9  fi  j'ai  acheté  ou  pris  à 
ferme  un  certain  héritage  ,  quoique  cet 
héritage  foit  fufceptible  de  parties ,  néan- 
moins un  des  héritiers  de  celui  qui  me 


Part.  IL  Chap,  IV.  383 
l'a  vendu  ou  donne  à  ferme  ne  feroit 
pas  reçu  à  m'offrir  fa  part  indivifée  ou 
divifée  de  cet  héritage ,  pour  s'acquitter 
envers  moidefon  obligation  ,  fi  les  co- 
héritiers n'étoient  prêts  aufîi  de  leur  part 
à  me  délivrer  les  leurs;  parce  que  la  di- 
vifion  de  cet  héritage  me  porteroit  pré- 
judice ;  je  ne  l'ai  acheté  ou  pris  à  ferme  , 
que  pour  l'avoir  en  total ,  ou  pour  en 
jouir  en  total ,  &  je  n'en  aurois  pas 
acheté,  ni  pris  à  ferme  une   partie. 

La  fin  que  les  contractans  fe  font  pro- 
pofée  peut  aufïi  empêcher  le  payement 
partiel ,  même  des  dettes  d'une  fomme 
d'argent.  Par  exemple  ,  fi  par  une  tran- 
saction vous  vous  êtes  obligé  à  me  payer 
une  fomme  de  mille  écus  ,  avec  déclara- 
tion que  c'efr.  pour  me  tirer  de  prifon  où 
j'étois  détenu  pour  ladite  fomme  par  un 
créancier  ,  &  que  peu  après  vous  foyez 
mort  laifiant  quatre  héritiers  ,  un  de  ces 
héritiers  ne  fera  pas  reçu  à  m'offrir  fé- 
parément  le  quart  de  ladite  fomme ,  qui 
ne  peut  me  procurer  la  main-levée  de 
ma  perfonne ,  qui  a  été  l'objet  du  contrat, 
6c  que  je  ne  pourrois  pas  conferver  fure- 
ment  en  prifon ,  en  attendant  le  payement 
du  furplus.  Molin.  p.  %.  n.  40. 

316.  Dans  tous  les  cas  ci-defîus  rap- 
portés ,  dans  lefquels  une  obligation  , 
quoiqu'en  elle  -  même  divifible  ne  peut 


384        Tr.    des    Oblig. 

néanmoins  s'acquitter  par  parties  ;  le 
créancier  ne  peut  à  la  vérité  mettre  les 
héritiers  de  fon  débiteur  en  demeure  , 
qu'en  donnant  la  demande  contre  tous  ; 
la  demande  qu'il  feroit  à  l'un  d'eux  de  lui 
payer  le  total ,  ne  feroit  pas  valable  ,  &  ne 
le  mettroit  pas  en  demeure ,  puifque  l'o- 
bligation étant  divifible  ,  il  ne  doit  pas  le 
total  ;  mais  quoique  l'un  des  héritiers  ne 
foit  débiteur  que  de  la  partie  pour  laquelle 
il  eft  héritier,  &ne  puifTe  être  pourfuivi 
pour  le  total  ;  néanmoins  l'indivifion  de 
payement  empêche  qu'il  puifTe  valable- 
ment offrir  la  part  dont  il  efl  débiteur  ,  Si 
le  furplus  n'efl  offert  en  même  temps 
par  fes  cohéritiers  ;  c'eiT  pourquoi  de  tel- 
les offres  partielles  ,  non  -  feulement  ne 
mettent  pas  le  créancier  en  demeure  de 
recevoir  ,  &  n'arrêtent  pas  le  cours  des 
intérêts  ,  il  la  dette  eu  de  nature  à  en  pro- 
duire ,  mais  fi  l'héritier  qui  a  fait  ces  of- 
fres avoit  été  auparavant  mis  en  demeure 
par  une  demande  donnée  contre  tous  les 
héritiers  ,  ces  offres  imparfaites  ne  pur- 
geroient  pas  fa  demeure ,  &  n'empêche- 
roient  pas  qu'il  ne  fût  fujet  vis-à-vis  du 
créancier  à  toutes  les  peines  de  la  de- 
meure ,  fauf  fon  recours  contre  fes  co- 
héritiers   Molin.  p.  2  n.  243. 

Obfervez  qu'une  rente  constituée  ,  qui 
n'eSt  point  accompagnée  d'hypoteque  ,  fe 

diviie 


Part.  IL    C  h  a  p.  IV.     38  ? 

divife  entre  les  héritiers  du  débiteur  corn-' 
mêles  autres  dettes  ,  chacun  des  héritiers 
if  eft  tenu  de  la  continuer  &  d'en  payer  les 
arrérages  que  pour  la  part  pour  laquelle 
il  eft  héritier  ;  m&is  la  faculté  du  ra- 
chat fous  laquelle  elle  a  été  conftiîuée  , 
ne  fe  divife  pas  :  nous  avons  traité  cette 
matière  dans  notre  Traité  du  contrat  de 
conftitutïon  de  rente  ,  ch.  7.  art.  3 .  Voye^ 
Dumoulin  ?  tract,  de  div.  &  ind.  p.  2.  n. 
20J.    109.    &  p.  }.  n.  23.  &feq. 

§.  IV. 

Du  cas  auquel  la  divijîon  de  la  dette  fe  fait  t 
tant  de  la  part  du  créancier  ,  que  du 
débiteur. 

317.  Lorfque  la  dette  a  fouffert  divi- 
••  fion  tant  de  la  part  du  créancier  ,  que  de 
la  part  du  débiteur  ;  putà  û  le  créancier, 
a  laifTé  quatre  héritiers  ,  ck  que  le  débi- 
teur en  ait  pareillement  laifTé  quatre  ;  cha- 
cun des  héritiers  du  débiteur  ,  qui  parla 
divifion  qui  eft  arrivée  du  côté  du  débi- 
teur n'efttenu  que  du  quart  de  la  dette  , 
peut  payer  divifement ,  <k  pour  le  quart 
feulement  dont  il  eft  débiteur  ,  le  quart 
qui  eft  du  à  chacun  des  héritiers  du  créan- 
cier ,  c'eft-à-clire ,  qu'il  payera  à  chacun 
d'  >ix  le  quart  du  quart  qui  eft  un  feizie- 
r         total. 

Tome  /,  R 


3S6       Tr.    des    Oblic, 

S-   v: 

Si  la  réunion  des  portions,  foit  des  héritiers 
du  créancier  9foit  des  héritiers  du  débiteur 9 
en  une  feule  perfonne  y  fait  ceffer  la  faculté 
de  payer  la  dette  par  parties, 

3 18.  La  décifion  de  cette  queftion  dé- 
pend d'un  principe  qui  eii  que  la  diviiion 
de  la  dette  qui  fe  fait  par  la  mort  du  créan- 
cier ou  du  débiteur  qui  laiïTe  plufieurs  hé- 
ritiers ,  ne  fait  pas  d'une  dette  plufieurs 
dettes  ,  mais  elle  afîigne  feulement  à  cha- 
cun des  héritiers  ,  foit  du  créancier  ,  foit 
du  débiteur,  des  portions  dans  cette  det- 
te ,  qui  n'avoit  pas  de  portions  aupara- 
vant ,  mais  qui  en  étoit  fufceptible  ;  c'efl 
en  cela  feul  que  confifte  cette  divifion  ; 
il  n'y  a  toujours  qu'une  feule  dette,  unum 
dehitum  :  la  loi  9.  ff.  de paclis ,  le  dit  en 
termes  formels  :  effectivement  les  diffé- 
rens  héritiers  du  créancier  ne  font  créan- 
ciers que  de  celle  qui  a  été  contractée  en- 
vers le  défunt  ;  les  différens  héritiers  du 
débiteur  ne  font  débiteurs  que  de  celle 
qui  a  été  contractée  par  le  défunt.  Il  n'y 
a  donc  toujours  qu'une  dette  ;  mais  (  &C 
c'efl  en  cela  que  confiée  ta  divifion  )  cet- 
te dette  qui  étoit  indivifée  &  ne  conte- 
uoit  aucunes  portions ,  tant  qu'il  n'yavoit 


Part.  II.    Chap.  IV.      387 
qu'une  perfonne  qui  fût  débiteur  ,  6c une 
feule  qui  fut  créancier  ,    le  trouve  avoir 
des  portions  ,  &:  être  due  par  portions  , 
foit  à  chacun  des  héritiers  du  créancier  f 
foit  par  chacun  des  héritiers  du  débiteur. 
De  ce  principe  naît  la  décifion  de  la  ques- 
tion. Les  portions  de  la  dette  dans  les- 
quelles confiée  la  divifion  de  cette  dette, 
étant  produites  par  la  multiplicité  des 
perfonnes  à  qui  la  dette  efr.  due  ,  lorfque 
le  créancier  alaifTé  pîufieurs  héritiers,  ou 
par  la  multiplicité  des  perfonnes  par  qui 
la  dette  eft  due  ,  lorfque  le   débiteur  en 
a  laiflé  pîufieurs  ;  il  s'enfuit  que  lorfque 
cette  multiplicité  de  perfonnes  ceffe  ,  il 
ceffe  d'y  avoir  des  parties  dans  la  dette  ; 
cejjante  causa  ce [fat  effecîus'9  &  par  confé- 
quent  la  divifion  de  la  dette  ceffe  ,  &  elle 
celle  de  pouvoir  être  payée  par  portions. 
Si  donc  un  créancier  ou  un  débiteur  a 
laiffé  pîufieurs  héritiers,  &que  le  furvi- 
vant  des  héritiers  ait  été  lui-même  feul 
héritier  de  tous  les  prédécédes  ,  h  dette 
cellerade  pouvoir  être  payée  par  por- 
tions,  parce  que  nefe  trouvant  plus  qu'un 
feul  créancier  &c  un  feul  débiteur  de  la 
dette ,  il  n'y  a  plus  de  portions  dans  la 
dette. 

En  vain  dit-on  que  le  débiteur  ayant 
une  fois  acquis  le  droit  de  payer  par  por- 
tions, lorfque  le  créancier  a  laiffé  pîufieurs 


388       Tr.    des    O  b  l  i  g. 

héritiers  ,  il  ne  peut  plus  le  perdre  ;  que 
l'obligation  en  laquelle  chacun  des  héri- 
tiers du  créancier  étoit  de  recevoir  fa 
portion  féparément ,  doit  parler  au  fur- 
vivant  qui  a  fuccédé  à  toutes  les  obliga- 
tions des  prédécédés  ;  car  cela  feroit  vrai 
fi  cette  faculté  de  payer  par  portions  étoit 
intrinfeque  à. l'obligation,  &t  n'étoitpas 
au  contraire  uniquement  dépendante  de 
la  circonilanceextrinfeque  de  la  multipli- 
cité des  perfonnes  à  qui  ou  par  qui  la  det- 
te eftdûe  ,  laquelle  circonflance  ceffante, 
fon  effet  doit  cefTer.  Voyc^  Dumoulin  y 
p.  2.  n.  18 •  &  feq. 

Cette  décifion  n'a  pas  lieu  ,  lorfque  le 
dernier  furvivant  de  plufieurs  héritiers  du 
débiteur  a  recueilli  à  la  vérité  les  fiiccef- 
fions  des  prédécédés ,  mais  fous  bénéfice 
d'inventaire  ;  car  ce  bénéfice  empêchant 
la  confufion  des  patrimoines  des  fuccef- 
fions ,  &£  de  celui  de  l'héritier  bénéficiai- 
re ,  empêche  auffi  la  réunion  des  portions 
de  '  la  dette  ;  le  furvivant  doit  féparé- 
ment &  diverfement  la  portion  dont  il  eu 
tenu  de  la  dette  de  fon  chef,  &  celle  dont 
il  efî  tenu  comme  héritier  bénéficiaire  des 
prédécédés  ,  puifqu'il  eft  tenu  de  l'une  fur 
les  propres  biens  ,  &  qu'il  n'efl  tenu  des 
autres  que  fur  les  biens  des  fuccefÏÏons 
bénéficiaires  des  prédécédés  :  or  étant  te- 
nu féparément  ôç  diverfement  de  ces  diffé- 


P  a  II  T.  II,     C  H  A  P.  I  V.      389 

fentes  portions  de  la  dette  ,  c'en1  une  con- 
icquence  naturelle  qu'il  a  droit  de  les 
acquitter  (Séparément  ;  c'eft  l'avis  de  Du- 
moulin ,  p.  2.  n.  2.2. 

319.  La  réunion  des  portions  des 
héritiers  du  créancier  en  une  feule  per- 
fonne  tait  cefTer  la  faculté  de  payer  par 
portions ,  de  quelque  manière  que  cette 
réunion  fe  fafle  ,  non-feulement  lorfque 
l'un  de  ces  héritiers  eu  devenu  héritier 
de  tous  les  autres  ,  mais  aufîi  lorfqu'il  a 
acquis  par  ceiïion  les  droits  de  tous  les 
autres. 

Quid  s'il  n'y  avoiî  point .  de  ceiîîon  % 
l'un  des  héritiers  qui  auroit  feulement  la 
procuration  de  tous  les  autres  cohéritiers 
pour  exiger  la  dette  ?  ou  même  un  tiers 
qui  auroit  cette  procuration  de  tous,  pour- 
roit-ii  refufer  le  payement  d'une  portion  ? 
Il  femble  qu'il  ne  le  peut ,  car  il  n'y  a  point 
en  ce  cas  de  réunion;  il  y  a  effectivement 
plufieurs  perfonnes  à  qui  la  dette  erl  due, 
pour  la  portion  de  chacune  d'elles ,  6c  par 
conféquent  il  femble  qu'elle  peut  fe  payer 
par  portions  :  nonobftant  cette  raifon  , 
Dumoulin,  p.  2.  n.  25.  décide  que  ce 
procureur  de  tous  les  héritiers  peut  refu- 
fer de  recevoirlepayementdeladettepar 
portions  ;  la  raifon  eu ,  que  de  même  que 
lorfque  la  dette  fe  divife  entre  leshéritiers 
du  débiteur ,  cette  divifion  fe  fait ,  pour 

R  iij 


39^        Tr.   des    ObliG/ 
l'intérêt  de  ces  héritiers  ,    afin  qu'ils  ne 
foient  tenirs  chacun  de  la  dette  ,  que  pour 
leur  portion  héréditaire ,  &  qu'ils  puiffent 
s'en  libérer  en  payant  cette  portion  ;  de 
même  lorfque  la  dette  fe  divife  entre  les 
héritiers  du  créancier  ,  la  divifion  ne  fe 
fait  en  ce  cas  qu'en  faveur  &£  pour  l'inté- 
rêt des  héritiers  du  créancier  9  afin  que 
chacun  d'eux  n'ait  pas  befoin  d'attendre 
fes  cohéritiers ,  pour  exiger  Se  recevoir 
fa  portion  ;  ces  cohéritiers  du  créancier 
peuvent  donc  ne  pas  ufer  du  droit  qu'o- 
père cette  divifion  de  la  dette  ,  qui  n'efr, 
qu'en  leur  faveur,  fuivant  cette  maxime 
cle  droit  que  unicuiqut  libtrum  eji  juri  in 
favorem  fuum  introducio  rcnuntlare  ;  &  par 
conféquent  celui  qui  a  la  procuration  de 
tous  les  héritiers  peut  refufer  de  rece- 
voir la  dette  par  portions. 

3  20.  Tout  ce  que  nous  avons  dit  jus- 
qu'à préfent  a  lieu ,  Iorfque  les  portions 
de  pluiieurs  héritiers  d'un  feul  créancier 
ou  d'un  feul  débiteur  fe  réunifient  en  une 
même  perfoae  ;  il  faut  décider  autrement 
lorfqu'ime  dette  a  d'abord  été  contractée 
envers  deux  créanciers  ou  par  deux  dé- 
biteurs ,  fans  folidité  &£  pour  chacun  leur 
portion  ;  -en  ce  cas  ,  il  y  a  deux  dettes 
yraiment  diftinctes  &  féparées  ,  &  elles 
ne  cefTent  pas  de  l'être ,  quoique  l'un  des 
deux  créanciers  ou  l'un  des  deux  débiteurs 


P  ART.  II.  CHAP.  IV.  391 
ait  fuccédé  à  l'autre  ;  c'eft  pourquoi  le 
payement  continue  de  pouvoir  s'en  faire 
léparément  ,  Molin.  ibid.  n.  29. 

§■   vi. 

Différence  entre  la  dette  de  plufieurs  corps 
certains  ,  &  celle  de  plufieurs  chofis  in  dé- 
terminées  ,  touchant  la  manière  dont  elles 
Je  divijent. 

321.  Lorfque  la  dette  efl  de  plufieurs 
corps  certains  &:  déterminés  ,  put  à  d'un 
tel  arpent  de  terre  ,  &C  d'un  tel  autre  ar- 
pent, &  que  la  dette  vient  à  fe  divifer 
putà  par  la  mort  du  créancier  qui  a  laifTé 
deux  héritiers  ;  la  divifion  fe  fait  in  partes 
fingularum  rerum  ;  le  débiteur  ne  doit  pas 
l'un  des  deuxarpens  à  l'un  des  héritiers, 
6v  l'autre  arpent  à  l'autre  héritier  ;  mais 
il  doit  à  chacun  des  héritiers,  la  moitié 
dans  l'un  &  dans  l'autre  arpent ,  fauf  à  ces 
héritiers  à  les  partager  entr'eux. 

Il  en  eft  autrement  lorfque  la  dette  efr. 
de  deux  chofes  indéterminées  :  putà  fi 
dans  l'efpece  propofée  un  débiteur  eût  dû, 
non  pas  un  tel  arpent ,  mais  deux  arpens 
indéterminément  ;  en  ce  cas  ,  il  devroit 
à  chacun  des  héritiers  du  créancier  un 
arpent ,  &  non  pas  la  moitié  de  deux  ar- 
pens y  la  divifion  ne  fe  fait  pas  in  partes 

R  iv 


393        TR-    des    Oblig. 
Jinguldrum  rerum  9   mais  numeralemenr  0 
numéro  dividitur  abUgatio.  C'eft  la  décifion 
des  loix  ^ 4. jf.de  verb.  obi.  L  29. jf.  defolut. 

Art  1  c  le    III. 

De  la  nature  &  des  efets  des  Obligations 
individuelles* 

§.  1. 

Principes  généraux  fur  la  nature  des 
Obligations  individuelles. 

322.  L'obligation  individuelle  ,  étant 
l'obligation  d'une  chofe  ou  d'un  fait  qui 
n'eil  pas  fufceptible  de  parties  ni  réelles 
ni  intellectuelles  ;  c'efl  une  conféquence 
néceffaire  que  lorfque  deux  ou  plufieurs 
perfonnes  ont  contracté  une  dette  de  cette 
efpece  ?  quoiqu'elles  ne  Payent  pas  con- 
tractée folidairement ,  &  tanquam  correi 
debtndi;  néanmoins  chacun  des  obligés  eft 
débiteur  du  total  de  la  chofe  ou  du  fait 
qui  fait  l'objet  de  l'obligation  ;  car  il  ne 
peut  pas  en  être  débiteur  pour  une  part  feu- 
lement, puifqu'on  fuppofe  que  cette  chofe 
ou  ce  fait  n'efc  pas  fufceptible  de  parties. 

Par  la  môme  raifon  ,  lorfque  la  perfon- 
ne  qui  a  contracté  une  pareille  dette  ,  a 
laiffé  plufieurs  héritiers ,  chacun  des  hé- 


P  a  R  t.  IL    C  H  A  ?.  ï  V.     393 

ritiers  eft  débiteur  du  total  de  la  choie  , 
ne  pouvant  pas  être  débiteur  pour  partie 
de  ce  qui  n'en  eft  pas  ilifceptible  ,  ea  quœ 
in  partes  div'idi  nonpofjunt  ,fo/ida  àjingulis 
htrcdibus  dcbtniur ,  /.  1 92.  ff\  de  Reg.  jur. 

Pareillement,  lorfque  le  créancier  d'u- 
ne pareille  dette  a  laifle  plufieurs  héritiers, 
la  choie  eft  due  pour  le  total  à  chacun  des 
héritiers,  ne  pouvant  pas  l'être  pour  par- 
tie ,  puisqu'elle  n'en  eft  pas  ilifceptible. 

3  2  3 .  En  cela  Pindiviiîbilité  d'obligation 
convient  avec  la  folidité  ;  mais  elle  en 
diffère  principalement ,  en  ce  que  dans 
l'indivifibilité  d'obligation,  ce  qui  fait  que 
chacun  des  débiteurs  eft  débiteur  du  to- 
tal ,  venant  de  la  qualité  de  la  chofe  due 
qui  n'eft  pas  fufceptible  de  parties  ,  cette 
îndivifibilité  eft  une  qualité  réelle  de  l'o- 
bligation, quipaffe  avec  cette  qualité  aux 
héritiers ,  &  qui  fait  que  chacun  des  héri- 
tiers du  débiteur ,  eft  débiteur  pour  le 
total  ;  au  contraire  la  folidité  venant  du 
fait  des  perfonnes  qui  fe  font  obligées  cha- 
cune pour  le  total  ;  cette  folidité  eft  une 
qualité  perfonnelie  ,  qui  n'empêche  pas 
que  cette  obligation  folidaire  ne  fe  divife 
entre  les  héritiers  de  chacun  des  débiteurs 
folidaires  ,  qui  l'ont  contractée ,  &:  entre 
les  héritiers  du  créancier  envers  aui  elle 
a  été  contractée  ;  c'eft  ce  qu'explique  par- 
faitement Dumoulin  avec  fon  énergie  or- 

P.  v 


394       Tr.    des   Oblig. 

d inaire;  in  concis  credendiveldebendiqua* 
litas  dijiributiva  feu  multiplicativa  folidi  > 
perfonalis  efl  ,  &  non  tranjit  in  heredes  nec 
ad  heredes  ,  inter  quos  active  vel  paffive  di- 
yiditur  ;  fed  qualitas  folidi  in  individuis 
realis  efh ,  quia  non  perfonis  ut  illa  correo- 
rum ,  fed  obligationi  ipjî  &  rei  débitez  adheret, 
&  tranfit  ad  heredes ,  &  in  Jingulorum  he- 
redum  heredes  fîngulos  in  folidum ,  p.  z, 
n.  2.22. 

3  24.  De-là  naît  une  autre  différence  , 
entre  l'indivifibilité,  &c  lafolidité  ;  celle- 
ci  ne  procédant  pas  de  la  qualité  de  la 
chofe  due ,  mais  du  fait  perfonnel  des  co- 
débiteurs qui  ont  contracté  chacun ,  toute 
l'obligation  ;  non-feulement  ils  font  débi- 
teurs de  la  chofe  pour  le  total ,  mais  ils 
en  font  débiteurs  totaliter;  quoique  l'obli- 
gation primitive  qu'ils  ont  contractée  foli- 
dairement ,  vienne  à  fe  convertir  par  fon 
inexécution  en  une  obligation  fecondai- 
re  ,  ils  font  tenus  folidairement  de  cette 
obligation  fecondaire ,  comme  ils  l'étoient 
de  la  primitive.  Par  exemple ,  fi  deux  En- 
trepreneurs fe  font  obligés  envers  moi  fo- 
lidairement ,  à  me  conitruire  une  maifon 
dans  un  certain  temps  ;  en  cas  d'inexécu- 
tion de  cette  obligation  primitive ,  ils  fe- 
ront tenus  chacun  folidairement,  de  l'o- 
bligation des  dommages  &:  intérêts ,  en 
laquelle  l'obligation  primitive  s'eft  con- 
vertie. 


Part.  ïï.    Chap.  IV.     395 

Au  contraire  ,  lorfque  l'obligation  n'eft 
pas  folidaire  ,  mais  indivisible  ;  comme 
lorique  pluheurs  perfonnes  (e  font  obli- 
gées fans  folidité  à  quelque  choie  d'indi- 
viiible  ;  en  ce  cas  l'indivisibilité  ne  procé- 
dant que  de  la  qualité  de  la  choie  due 
qui   nVft  pas  fufceptible  de  parties,  les 
débiteurs   d'une    telle  obligation  font  à 
la  vérité  chacun  débiteurs  du  total ,   ne 
pouvant  pas  être  débiteurs  de  parties  d'u- 
ne chofe  qui  n'eft  pas  fufceptible  de  par- 
ties ,  (ingulifolidum  debent;  mais  ne  s'é- 
tant  pas  obligés  folidairement ,  non  debtnt 
totaliur  ;  aliud  eji ,  dit  Dumoulin,  p.  3. 
n.  112.  qutm  uneri  ad  totum  aliud  totali- 
ur ;  n'étant  débiteurs  pour  le  total ,  qu'à 
caufe  de  la  qualité  de  la  chofe  due  ,  qui 
n'eft  pas  fufceptible  de  parties ,  fi  l'obliga- 
tion primitive  vient  à  fe  convertir  en  l'obli- 
gation fecondaire  d'une  chofe  divifible , 
ces  débiteurs  n'en  feront  tenus  chacun  que 
pour  leur  part.  Par  exemple ,  fi  deux  En- 
trepreneurs fe  font  fans  folidité  obligés 
envers  moi  à  me  conftruire  une  maifon  ; 
quoiqu'ils  foient  tenus  chacun  pour  le  to- 
tal de  l'obligation  primitive ,  parce  qu'elle 
a  pour  objet  un  fait  qui  n'eft  pas  fufcep- 
tible de  parties  ;  néanmoins  en  cas  d'ine- 
xécution de  cette  obligation ,  ils  ne  feront 
tenus  chacun  que  pour  leur  portion  ,  de 
l'obligation  fecondaire  des  dommages  8c 

R  vj 


396      Tr.    des    Oblig. 

intérêts ,  en  laquelle  l'obligation  primitive 
s'en1  convertie  ,  parce  que  ces  dommages 
&:  intérêts  confirment  dans  un  j  fomme  d'ar- 
gent qui  eft  diviiible  :  il  refaite  de-là  que 
longe  aliud  efl  plures  teneri  ad  idem  in  foli* 
dum  ,  &  aliud  obligationem  ejje  individuam^ 
c'eft  encore  une  clef  de  Dumoulin,  ibid. 
Il  faut  dire  la  même  choie  à  l'égard  de 
plufieurs  créanciers  ,  ou  de  plufieurs  hé- 
ritiers d'un  créancier  d'une  chofe  indivi- 
sible ;  ils  font  créanciers  du  total  Jingulis 
folidum  dcbaur  ?   mais  ils  ne  le  font  pas 
totaliter  comme  le  font  des  cocréanciers 
Solidaires  qu'on  appelle  correi  credendi  ; 
$C  aliud  efl  pluribus  deberi  idem  in  folidum , 
aliud  obligationem  effe  individuam.  Tout 
ceci  va  s'éclaircir  in  decurfu  dans  les  para- 
graphes fui  vans. 

3ZJ.  De  ce  principe  ap?  aliud  ejl  debere 
totum  ?  aliud  efl  debere  totaliter  ;  il  fuit 
qu'une  obligation  indivifible  ne  laiffe  pas 
de  pouvoir  fouifrir  retranchement.  Par 
exemple ,  fi  mon  parent  par  fon  teftament 
jn'a  grevé  envers  Pierre  d'un  legs  d'un 
droit  de  fervirude  fur  mon  héritage  ,  qu'il 
ne  relie  dansfafucceiTion,toutes  charges 
acquittées ,  que  la  fomme  de  deux  cens 
livres ,  &  que  ce  droit  de  fervitude  foit 
de  valeur  de  trois  cens  livres  ;  quoique  ce 
legs  &  l'obligation  qui  en  réfulte  foient 
indi  viables  3  le  droit  de  fervitude  qui  en 


P  A  R  T.  1 1.      C  H  A  P.    I  V.      397 

fait  l'objet  étant  indiviiible  ;  néanmoins 
comme  je  ne  fuis  pas  tenu  de  cette  obli- 
gation totaliur,  mais  feulement  jufqu'à 
concurrence  des  deux  cens  livres ,  qui 
relient  de  net  dans  la  fuccefîion  ;  ce  legS; 
&  cette  obligation ,  quoiqu'indivifibles  , 
foufiriront  retranchement ,  non  pas  à  la 
vérité  par  rapport  à  la  chofe  même  qui 
erï  léguée  ,  &  qui  n'cfl  pas  fufceptible  de 
parties ,    mais  par  rapport  à  fa  valeur  ; 
c'efl  pourquoi  je  devrai  au  légataire  un 
droit  entier  de  fervitude ,  mais  à  la  charge 
qu'il  ne  pourra  l'exiger  qu'en  me  faifant 
raifon  de  la  fomme  qu'il  vaut  de  plus  , 
que  celle  de  deux  cens  livres ,  jufqu'à 
concurrence  de  laquelle  feulement  je  fuis 
tenu  du  legs.  Arg.  L  76.  ffi  de  leg.  20. 

S-  1 1. 

De  F  effet  de  tindivijlbiliu  de  V  Obligation. 
in  dando  aut  in  faciendo  ,  par  rapport 
aux  héritiers  du  créancier, 

326.  Lorfque  l'obligation  eft  indivifî- 
ble  ,  chaque  héritier  du  créancier  étant 
créancier  de  toute  la  chofe  ,  il  en  réfulte 
que  chacun  des  héritiers,  peut  donner  ht 
demande  pour  toute  la  chofe  contre  le 
débiteur. 

Par  exemple  y  fi  quelqu'un  s'eft  engagé 


398  Tr.  des  Oblig. 
envers  moi  de  me  faire  conilituer  pour 
l'utilité  de  mon  héritage ,  un  droit  de 
paffage  fur  le  fien  ,  ou  fur  quel  qu'autre 
héritage  voifin ,  ce  droit  étant  indivifible , 
chacun  de  mes  héritiers  pourra  donner  la 
demande  pour  le  total  contre  le  débiteur, 
/.  2.  §.  2.  ff,  de  verb.  oblig. 

Pareillement ,  fi  quelqu'un  s'eft  engagé 
envers  moi  à  me  faire  un  tableau ,  ou  à 
me  bâtir  une  maifon ,  chacun  de  mes  héri- 
tiers peut  lui  demander  qu'il  lui  fafTe  le 
tableau  en  entier  ,  ou  qu'il  bâtiffe  toute 
la  maifon. 

Mais  comme  chacun  de  mes  héritiers , 
quoique  créancier  de  toute  la  chofe ,  n'en 
efl  pas  néanmoins  créancier  totu/iter  ,  fi 
fur  la  demande  de  toute  la  choie  que  l'un 
de  mes  héritiers  aura  donnée  contre  le  dé- 
biteur ,  ce  débiteur  faute  d'exécuter  fon 
obligation ,  eu.  condamné  en  des  domma- 
ges &  intérêts  ,  il  ne  pourra  l'être  envers 
cet  héritier  ?  que  pour  la  part  dont  il  eft 
héritier  ;  car  quoique  créancier  de  toute 
la  chofe  ,  il  n'en  efl  néanmoins  créan- 
cier que  comme  mon  héritier  pour  partie; 
s'il  a  droit  de  demander  toute  la  chofe  , 
c'eft  que  la  chofe  ne  peut  être  demandée 
pour  partie ,  n'en  étant  pas  fufceptible  ; 
mais  l'obligation  de  cette  chofe  indivifi- 
ble, fe  convertiffant  par  l'inexécution ,  en 
une  obligation  de  dommages  6c  intérêts 


Part.  IL  Chap.IV.  399 
laquelle  eu  diviiible  ,  mon  héritier  pour 
partie  ne  peut  prétendre  dans  lefdits  dom- 
mages &  intérêts  ,  que  la  part  pour  la- 
quelle il  eu.  héritier,  /.  10.  §.  9.  rT.  fam. 
ercifc. 

En  cela  les  héritiers  du  créancier  d'une 
dette  indivisible ,  font  différens  des  créan- 
ciers Solidaires  qu'on  appelle  cartel  cre- 
dendi;  chacun  de  ceux-ci  étant  créancier 
non-feulement  de  toute  la  chofe  due ,  mais 
l'étant  totaliur\  fi  fur  la  demande  du  créan- 
cier ,  le  débiteur  ne  remplit  pas  fon  obli- 
gation ,  il  doit  être  condamné  envers  lui 
en  total ,  aux  dommages  &  intérêts. 

327.  De  ce  que  l'héritier  pour  partie 
d'une  dette  indivifible ,  quoique  créancier 
de  toute  la  chofe  ,  ne  l'eft  pas  néanmoins 
totaliur  ;  il  s'enfuit  aufîl  qu'il  ne  peut  pas 
faire  remife  en  entier  de  la  dette ,  comme 
le  pourroit un  créancier  folidaire ,  /.  13. 
§.  1  2.  ff.  de  accept. 

C'eft  pourquoi  û  le  créancier  d'une 
dette  indivifible  a  laiffé  deux  héritiers  9 
&:  que  l'un  d'eux  a  fait  remife  au  débi- 
teur de  la  dette  en  ce  qui  le  concerne  ,  le 
débiteur  ne  fera  pas  libéré  envers  l'autre. 
Néanmoins  cette  remife  aura  effet  ;  l'au- 
tre héritier  pourra  à  la  vérité  deman- 
der au  débiteur  la  chofe  entière,  mais  il 
ne  le  pourra,  qu'en  offrant  de  lui  faire  rai- 
ion  de  la  moitié  de  l'eftimation  de  cette. 


400  T  R.     DES    O  B  L  I  G. 

chofe;  car  la  chofe  due  ,  quoiqu'indivi- 
iible  en  foi ,  a  néanmoins  une  eftimation, 
laquelle  eft  divifible ,  6c  à  laquelle  on 
peut  en  ce  cas  avoir  recours  ;  c'eft  une 
modification  que  reçoit  en  ce  cas  l'indivi- 
fibilité  de  la  dette. 

Il  ne  fuffiroit  pas  au  débiteur  d'ofFrir 
à  celui  qui  n'a  pas  remis  fon  droit ,  la  moi- 
tié du  prix  de  la  choie  due  :  car  cet  héri- 
tier eft  créancier  de  la  chofe  même  ,  &C 
fon  cohéritier  en  faifant  remife  de  ion 
droit ,  n'a  pu  préjudicier  à  celui  de  cet 
héritier  :  c'eft  ce  qu'enfeigne  Dumoulin  , 
Tr.  de  div.  &  ind.p.  3.  n.  189.  ftipulator 
fervitutis  reliquit  duos  keredes  quorum  unus 
accepto  fecit  promijjori,  .  . .  débet  alteri  he- 
redum  totam  fervitutem  fed  non  totaliter  y 
utpote  deducendâ  œfîimatione  dimidice,  par- 
tis  fed  cujus  ejl  eleciio  ?  breviter  dico 

créditons  ,  yidelicet  alterius  heredis  y  quia  co~ 
hères  ttiam  vendendo  &  pretium  recipiendo 
nocere  non  potuit  >  nifi  in  refujione  pretii  y 
Ji  hic  hères  noluit  jusfuum  vender'e  ;  igitur 
gratis  remit  te  ndo  non  potejl  in  plus  nocere* 

318.  La  même  chofe  doit  avoir  lieu  > 
lorîque  le  débiteur  eft  devenu  héritier 
pour  moitié  du  créancier  ;  l'autre  lui  de- 
mandera la  chofe  entière ,  en  offrant  de 
lui  faire  raifon  de  la  moitié  de  l'eftimation» 

329.  Tout  ce  que  nous  avons  dit  de 
pluueurs  héritiers  du  créancier  d'une  dette 


Part.  II.  C  H  a  p.  I  V.  401 
indivifible,  reçoit  application  à  l'égard  de 
plulicurs  créanciers  nonfolidaires,envers 
qui  une  pareille  dette  auroit  été  contractée. 

$.  m. 

De  F  effet  des  Obigations  indivifibles  în 
dando  aut  in  faciendo  ,  par  rapport  aux 
héritiers  du  débiteur, 

330.  Lorfque  la  dette  eft  indivifible, 
chacun  des  héritiers  du  débiteur  étant  dé- 
biteur de  la  chofe  entière  ,  il  en  réfuîte 
qu'on  peut  donner  la  demande  contre  cha- 
cun des  héritiers ,  pour  la  chofe  entière  ; 
mais  comme  il  n'en  eft  pas  débiteur  tota- 
litér ,  qu'il  ne  l'eft  que  comme  héritier 
en  partie  du  débiteur  ,  &£  conjointement 
avec  fes  cohéritiers ,  il  fuit  de-là  qu'étant 
afïigné ,  il  peut  demander  un  délai  pour 
appeller  ck  mettre  en  caufe  fes  cohéri- 
tiers ,  &c  qu'il  ne  doit  être  condamné 
feul ,  que  faute  par  lui  de  les  avoir  appel- 
lés  en  caufe.  Dumoulin  fonde  cette  cléci- 
fion  fur  la  loi  1 1 .  §.  23  ,ff\  de  kg.  3  °.  Si  in 
opère  civitatis  faciendo  reliciumjit  ,  unum 
quemque  hetedem  infolidum  teneri  D.  Mar- 
ais &  Férus  Proculœ  referipferunt ;  tempus 
tamen  echeredi  ProcuLe ,  quem  Procula  vo- 
cari  dejideravit ,  utfecum  curaret  opusfieri \ 
prxjîiterunt ,  intrà  quod  mittat  ad  opusfa- 
ciendum  ,  pojiquamfolam  Proculam  voluc* 


402         Tr.    des   Oblig. 
runt  facere  ,  imputaturamfumptum  coheredi. 
Dumoulin,/?,  j.  n.  90.  &  104.  &  p.  2. 
71.  469.    &  feq. 

En  cela  ces  cohéritiers  font  différens 
des  coobligés  folidairement ,  qu'on  appel- 
le 9  Corrà  dzbcndi  ,  lefquels  doivent  cha- 
cun totam  rem  &  totaliur  ,  &C  ne  font,  pas 
reçus  par  conféquent  (fice  n'eit  par  grâce 
qui  à  la  vérité  s'accorde  toujours  )  à  de- 
mander délai  pour  mettre  leurs  coobligés 
en  caufe,  mais  font  obligés  de  payer  aufîi- 
tôt  qu'ils  font  interpellés  ,  &:  ne  peuvent 
demander  autre  chofe  au  créancier  ,  que 
la  cefôon  de  fes  a&ions  contre  leurs  coo- 
bligés lorfqu'ils  l'auront  payé.  Dumoulin 
établit  cette  différence  ,  p.  3.  n.  107. 

3  3  1.  Il  y  a  plus  :  lorfque  l'héritier  qui 
efl  afîigné  par  le  créancier  cl  une  dette 
indivifible  ,  n'eil  héritier  que  pour  une 
petite  partie ,  &  qu'il  y  a  un  héritier  pour 
une  plus  grande  partie  ;  putà  fi  dans  les 
Coutumes  d'Anjou,  deTouraineôc  autres 
femblabîesJe  créancier  afïignoit  un  puîné 
qui  n'eft  héritier  que  pour  une  petite  par- 
tie ,  l'aîné  noble  étant  héritier  principal  ; 
en  ce  cas  l'héritier  afîigné  non-  feulement 
peut  demander  délai  pour  afTigner  fes  co- 
héritiers, mais  il  peut  demander  que  ce 
foit  le  créancier  lui-même  ,  qui  appelle 
en  caufe  ce  principal  héritier  ,  aux  offres 
que  le  puîné  fera  de  contribuer  à  ce  qui 
eft  demandé.  Molin.  ibid%  n,  105. 


Part.  II.  Chàp.  IV.  403 
332.  Aufiirplus  ,  fur  l'effet  de  l'obliga- 
tion indivisible  in  dando  vel  in  facundo  , 
par  rapport  aux  héritiers  du  débiteur ,  il 
faut  diftinguer  avec  Dumoulin  trois  cas  ; 
ou  cette  dette  efl  de  nature  à  ne  pouvoir 
être  acquittée  que  par  le  feul  des  héri- 
tiers du  débiteur  qui  eft  afîigné  ,  ou  elle 
eft.  de  nature  à  pouvoir  être  acquittée  fc- 
parément ,  foit  par  celui  qui  eft.  afîigné  , 
foit  par  chacun  de  fes  cohéritiers  ,  ou  elle 
elr.  de  nature  à  ne  pouvoir  être  acquittée 
que  par  tous  conjointement. 

On  peut  apporter  pour  exemple  du 
premier  cas  ,  la  dette  d'une  fervitude  de 
vue  ou  de  pafïage  que  le  défunt  a  promis 
d'impofer  fur  un  de  fes  héritages  ,  qui 
eft  tombé  par  le  partage  à  Fun  de  fes  hé- 
ritiers; il  n'y  a  que  cet  héritier  à  qui  cet 
héritage  efl  tombé  par  le  partage  ,  qui 
puifie  acquitter  cette  dette  ,  parce  qu'une 
fervitude  ne  peut  être  impofée  que  par 
le  propriétaire  de  l'héritage  ;  en  ce  cas  il 
fera  feul  condamné  à  la  preftation  du  droit 
de  fervitude  ,  &  il  pourra  être  contraint  à 
l'impofer  par  une  fentence  qui  ordonnera 
que  faute  par  lui  de  l'impofer,  la  fentence 
vaudra  pour  titre  de  constitution  de  la  fer- 
vitude. Molin.  p.  3.  n.  100.  fauf  à  lui  fon 
recours  ou  indemnité  contre  (es  cohéri- 
tiers ,  s'il  n'a  pas  été  chargé  par  le  parta- 
ge de  l'acquittement  de  cette  dette. 


404  T  R.    DES     O  B  L  I  G. 

333.  On  peut  apporter  pour  pre- 
mier exemple  du  fécond  cas  ,  la  dette 
d'une  pareille  fervitude  que  le  défunt  fe 
feroit  engagé  de  faire  avoir  à  quelqu'un 
fur  l'héritage  d'un  tiers  ;  la  chofe  qui  fait 
l'objet  de  cette  obligation  eft  une  chofe 
indivifible  ,  &;  qui  de  fa  nature  peut  être 
acquittée  féparément  par  chacun  des  hé- 
ritiers du  débiteur  ;  car  c'eft  une  chofe 
poffible  à  chacun  d'eux  ,  au  moins  naturd 
de  s'accommoder  avec  le  propriétaire  de 
l'héritage  ,  fur  lequel  le  défunt  a  promis 
àfon  créancier  de  lui  faire  avoir  un  droit 
de  fervitude  :  le  créancier  pourra  donc 
demander  ce  droit  de  fervitude  pour  le 
total  à  chacun  des  héritiers  du  débiteur, 
puifque  ce  droit  étant  indivifible ,  chacun 
d'eux  eil  tenu  de  lavette  pour  le  total;  mais 
comme  cet  héritier,  quoique  débiteur  de 
cedroit  de  fervitude  pour  le  total,  n'en  eft 
pas  néanmoins  tenu  totaliter,  &c  qu'il  en 
eft  tenu  conjointement  avec  fes  cohéri- 
tiers ,  il  peut  demanderdélai  pour  les  met- 
tre en  caufe  ,  poiïr  que  lui  &  les  héritiers 
conjointement ,  faffent  avoir  au  créancier 
le  droit  de  fervitude  qui  lui  eft  dû  ;  ou 
que  faute  de  le  lui  faire  avoir ,  ils  foient 
tous  condamnés  aux  dommages  &  inté- 
rêts du  créancier  ;  y  étant  tous  condam- 
nés ,  ils  n'en  feront  tenus  que  pour  leurs 
parts  ,  parce  que  cette  obligation  de  dom- 
mages &  intérêts  eft  divifible. 


Part  II.  Ghap.  IV.  405 
Que  s'il  néglige  d'appeller  (es  cohéri- 
tiers ,  &:  qu  il  demeure  feul  en  caufe  ,  il 
fera  condamné  feul  à  faire  avoir  au  de- 
mandeur le  droit  de  fervitude  qui  lui  a 
été  promis  par  le  défunt  ;  &.  à  faute  de 
ce  ,  il  fera  condamné  feul  aux  dommages 
oc  intérêts  ,  fauf  fon  recours  contre  fes 
cohéritiers  ,  Molin.p.z.n.  175.  car  ayant 
négligé  de  les  appeller  en  caufe  ,  il  doit 
feul  fubir  la  condamnation  ;  il  efltenuen 
ce  cas  quafi  ex  faclo  proprio  pour  s'être 
chargé  feul  de  la  caufe ,  &  non  tantum 
quafi  hères. 

Obfervez  que  cette  condamnation  de 
dommages  &  intérêts  doit  avoir  lieu  , 
quand  même  les  héritiers  de  celui  qui  a 
promis  cette  fervitude ,  feroient  prêts  de 
l'acheter  du  propriétaire  de  l'héritage,  fur 
lequel  le  défunt  a  promis  de  la  faire  im- 
pofer ,  &  que  ce  propriétaire  ne  voudroit 
pas  9  à  quelque  prix  que  ce  fût ,  l'accor- 
der ;  car  comme  nous  l'avons  déjà  vuail- 
leurs  ,  il  fuffit  que  ce  qui  a  été  promis  foit 
en  foi  pofïïble ,  quoiqu'il  ne  foit  pas  au 
pouvoir  du  défunt  qui  l'a  promis  ck  de  fes 
héritiers  ,  pour  que  l'obligation  foit  va- 
lable ,  &  donne  lieu  par  fon  inéxecution 
à  des  dommages  &C  intérêts  ;  celui  qui  a 
contracté  l'obligation  ,  doit  s'imputer  de 
s'être  fait  fort  de  ce  tiers  témérairement, 
Un  fécond  exemple,  eil  l'obligation 


406  T  r.  des  Oblig. 
que  j'aurois  contractée  envers  quelqu'un 
de  lui  faire  bâtir  un  certain  édifice  fur  fon 
terrein;  cette  obligation  eft  indivisible; 
le  créancier  peut  conclure  contre  chacun 
de  mes  héritiers  ,  à  ce  qu'il  foit  condam- 
né à  faire  l'édifice  entier  ;  mais  comme 
chacun  de  mes  héritiers  ,  quoique  débi- 
teur de  toute  la  conflruclion  de  l'édifice  , 
n'en  eft.  pas  néanmoins  débiteur  folidai- 
re ,  il  a  droit  de  requérir  que  fes  cohéri- 
tiers foient  mis  en  caufe  ,  &  étant  tous  en 
caufe  ,  faute  par  eux  de  remplir  l'obliga- 
tion ,  ils  feront  condamnés  aux  dommages 
ôc  intérêts  ,  chacun  feulement  pour  fa 
part  héréditaire. 

Au  refte,  ceux  qui  étoient  prêts  d'y 
concourir  ne  feront  pas  moins  condam- 
nés ,  que  ceux  qui  refuferoient  de  le 
faire  ,  îauf  leurs  recours  entr'eux ,  parce 
que  chacun  d'eux  eft  obligé  à  conflruire 
l'édifice  entier  ,  &:  que  c'efl  une  chofe 
que  chacun  d'eux  peut  féparément  faire. 

Que  fi  l'un  de  mes  héritiers  afîigné 
pour  la  conftru&ion  entière  de  l'édifice  , 
ne  faifoit  pas  mettre  en  caufe  (es  cohéri- 
tiers ,  il  pourroit  être  condamné  feul  aux 
dommages  &.  intérêts  pour  le  total  en  cas 
d'inexécution  de  l'obligation  ;  c'efl  fa  fau- 
te de  n'avoir  pas  mis  en  caufe  fes  cohéri- 
tiers. 

334.  Il  refle  à  parler  du  troifieme  cas 


Part.  II.    Chap.  IV.     407 
auquel  la  dette  indivisible   ne  peut  être 
acquittée  que  conjointement  par  tous  les 
obligés.  On  peut  apporter  pour  exem- 
ple le  cas    auquel  quelqu'un  ,   par  une 
tranfa&ion  ,  s'en1    obligé    envers   vous 
de   vous  confirmer    fur     fon    héritage 
un  droit  de  paffage  pour  aller  au  vôtre  , 
par  l'endroit  de  fon  héritage  qu'il  vous 
indiqueroit;  ficet  homme  avant  d'avoir 
accompli  cette  obligation  ert  mort ,  &ca. 
laiflé  plufieurs  héritiers  ,   entre  lefquels 
cet  héritage  eft  commun, l'obligation  d'im- 
pofer  le  droit  de  pafiage  ,  à  laquelle  ils 
îucccdent  ,  efl  une  obligation  indivifible , 
qui  ne  peut  s'acquitter  que  conjointement 
par  tous  lefdits  héritiers  ,  un  droit  defer- 
vitude  ne  pouvant    être  impofé  fur  un 
héritage  ,  que  par  tous  ceux  qui  en  font 
les  propriétaires.  L.  2.ff.  dz  ferv*  L.  18. 
ff,  tomrn.  Prxd. 

Dans  le  cas  de  cette  elpece  d'obliga- 
tion ,  fi  l'un  des  héritiers  déclare  qu'il 
eft  prêt ,  autant  qu'il  efî  en  lui ,  d'accom- 
plir l'obligation,  &  qu'il  ne  tienne  qu'à 
l'autre  héritier  qu'elle  foit  accomplie  ;  il 
n'y  a  que  celui  qui  refufe  qui  doit  être 
condamné  aux  dommages  &  intérêts  re- 
fultans  de  l'inexécution  ;  car  celui  qui 
offre  n'efr.  pas  en  demeure  ,  Molin.  ibid. 

Que  s'il  y  avoit  eu  une  peine  ftipiûee, 


408  Tr.  des  Oblig. 
en  cas  d'inexécution  de  l'obligation  ,  le 
coobligé  ou  le  cohéritier  qui  n'avoitpas 
été  en  demeure  ne  laifTeroit  pas  d'être  fu- 
jet  pour  fa  part  à  la  peine ,  par  la  demeu- 
re de  l'autre  ;  non  immédiate  ?  fed  ejus  oc- 
cajîone ,  &  tanquam  ex  conditionis  eventu  , 
de  même  que  dans  les  obligations  divifi- 
bles ,  fauf  fon  recours  contre  fon  coo- 
bligé. 

335.  Obfervez  que  la  loi  25.  §.  10. 
ffl  fam.  erc.  ne  contient  rien  de  con- 
traire à  toutes  les  diftinftions  que  nous 
avons  faites  jufqu'à  préfent  ;  car ,  com- 
me le  remarque  Dumoulin ,  /?.  3.  n.  99. 
ce  texte  ne  fuppofe  pas  que  l'héritier  pour 
partie  du  débiteur  d'une  chofe  indivifible 
îbit  toujours  &  indiftin&ement  tenu  d'en 
payer  Teflimation  pour  le  total ,  en  cas 
d'inexécution  ;  mais  il  décide  feulement 
que  dans  le  cas  auquel  il  en  feroit  tenu 
putà  ,  lorfqu'il  s'eft  laifTë  condamner  fans 
appeller  fes  cohéritiers  qui  en  étoient 
tenus  comme  lui ,  il  a  contre  eux  Paclion 
familiœ  ercifcundœ  ?  pour  s'en  faire  faire 
raifon  au  partage. 

§.     V  I. 

De  l'effet   des  Obligations  indivijibles 
in  non  faciendo. 

336,  Lorfque  quelqu'un  s'efl  obligé 

envers 


P  A  R  T.   I  î.     C  H  A  P.    I  V.       409 

envers  un  autre  à  ne  pas  faire  quelque 
choie  ,  ii  ce  qu'il  s'eft  obligé  à  ne  pas 
faire  eit  quelque  chofe  d'indivifible;/>#rrf, 
s'il  s'eit  obligé  envers  fon  voifin  à  ne  le 
point  empêcher  de  parler  par  fes  héri- 
tages ,  la  contravention  faite  par  un  feul 
de  fes  héritiers  donne  ouverture  à  l'ac- 
tion du  créancier  contre  tous  les  héri- 
tiers, pour  qu'il  leur  foitfait  des  défenfes, 
&  qu'ils  foient  condamnés  en  fes  dom- 
mages &  intérêts  ,  avec  cette  différen- 
ce que  celui  qui  a  fait  la  contravention 
y  doit  être  condamné  pour  le  total ,  quia 
non  tenetur  tantum  tanquam  heres^fed  tan- 
quam ipfe  &  ex  facîo  proprio  ;  &c  que  les  au- 
tres héritiers  doivent  être  condamnés  feu- 
lement pour  la  part  pour  laquelle  ils  font 
héritiers  ,  (k  fauf  leur  recours  contre 
celui  qui  a  fait  la  contravention ,  pour 
qu'il  foit  tenu  à  payer  à  leur  décharge,  ou 
à  les  indemniser  s'ils  ont  été  contraints 
de  payer;  ils  ne  font  pas  tenus  folidaire- 
ment  comme  celui  qui  a  contrevenu  , 
mais  feulement  pour  leur  part  héréditaire, 
quia  tenentur  tantùm  ut  heredes.  C'eil  en 
ce  fens  que  Dumoulin  enfeigne  qu'on 
doit  entendre  la  Loi  2.  §.  }.ff.  deverb. 
oblig.  Si  jiipulatus  fuero  perte  non  ficri 9  ne- 
que  per  heredem  tuum  quominùs  mihi  ire 
agere  liceat ,  &  unus  ex pluribus  heredibus 
prohibuerit  9  tenentur  &  coheredes  ejus  ,fed 
Tome  /,  S 


4io        Tr.    des    Oblig. 
familics    efcifcundte    répètent    ab    eo  quod 
prœftiterint.  Dumoulin  ,  p.  j.  n.  168.& 

Au  refte  ,  vis-à-vis  du  créancier  ceux 
qui  n'ont  point  contrevenu  font  tenus 
pour  leur  part  de  la  contravention  de 
leur  cohéritier ,  &c  en  cela  les  obligations 
in  non  faciendo  différent  des  obligations 
in  faciendo  ;  car  lorfque  l'obligation  con- 
fiée à  faire  quelque  chofe  d'indivifible , 
qui  ne  peut  fe  faire  féparément  par  cha- 
cun des  deux  héritiers  du  débiteur ,  mais 
qui  doit  être  fait  par  les  deux  enfem- 
ble  ,  &  que  l'un  des  deux  fe  préfente 
pour  le  faire  ?  tandis  que  l'autre  refufe  de 
concourir  ;  nous  avons  vu  ci-defTus  ,  n, 
334.  que  fuivant  le  fentiment  de  Dumou- 
lin ,  le  créancier  n'avoit  point  d'aclion 
contre  celui  qui  n'étoit  point  en  de- 
meure ,  mais  feulement  contre  celui  qui 
avoit  refufé. 

La  raifon  de  différence  eft  que  c'eft 
la  demeure  du  débiteur  qui  donne  lieu  à 
l'aôion  dans  les  obligations  in  faciendo  ; 
d'où  il  fuit  qu'elle  ne  peut  avoir  lieu 
contre  celui  qui  efl  prêt,  quantum  infc 
eft ,  à  remplir  l'obligation  ,  &  qui  n'eft 
point  par  conféquent  en  demeure  ;  au 
contraire  dans  les  obligations  in  non  fa- 
ciendo ,  c'efl  le  fait  même  dont  le  débi- 
teur a  promis  que  lui  &  fes  héritiers  s'ab- 


Part.  II.  Chap.  IV.  411 
iHendroient ,  qui  donne  lieu  à  l'aftion 
du  créancier;  c'eit  pourquoi  iliuffit  que 
l'un  des  héritiers  du  débiteur  ait  fait  cela, 
pour  qu'il  y  ait  lieu  à  Faction  contre  tous; 
on  doit  fuppoferque  telle  a  été  l'inten- 
tion des  contra£tans  ,  parce  qu'autrement 
celui  envers  qui  le  débiteur  s'efr.  obligé 
de  ne  pas  faire  quelque  chofe  n'auroit  pas 
fes  furetés ,  &:  il  arriveroit  que  ibuvent 
lorfqu'on  auroit  fait  ce  qu'il  a  été  ftipulé 
qu'on  ne  feroit  pas  ,  il  ne  pourroit  agir 
contre  perfonne  ,  faute  de  fçavoir  qui 
Pauroit  fait ,  n'étant  pas  fouvent  facile  , 
lorfqu'une  chofe  eft  faite  ,  de  fçavoir  par 
qui  elle  a  été  faite  ;  au  lieu  que  dans  les 
obligations  qui  confident  à  faire  quelque 
choie  ,  on  ne  peut  ignorer  celui  qui  efl: 
en  demeure  de  le  faire  ,  par  l'interpella- 
tion  qui  lui  eu.  faite. 

Dumoulin  ,  p.  i.n.  27.  donne  aux  hé- 
ritiers ,  qui  n'ont  pas  contrevenu,  l'ex- 
ception de  difcufîion  par  laquelle  ils  peu- 
vent obliger  le  créancier  à  difcuter  préa- 
lablement à  leurs  rifques ,  celui  qui  a  con- 
trevenu. 


Sij 


412.        Tr.    des    Oblig. 

CHAPITRE     V. 
Des  obligations  pénales. 

337.T  'Obligation  pénale  eft,  comme 
<L  nous  l'avons  déjà  vu  ,  celle  qui 
naît  de  la  claufe  d'une  convention  ,  par 
laquelle  une  perfonne  ,  pour  affurer  l'exé- 
cution d'un  premier  engagement,  s'enga- 
ge par  forme  de  peine  à  quelque  chofe  , 
en  cas  d'inexécution  de  cet  engagement  : 
par  exemple ,  ii  vous  m'avez  prêté  un 
cheval  pour  faire  un  voyage  ,  que  je  me 
fuis  obligé  de  vous  rendre  fain  &  fauf , 
&  de  vous  payer  cinquante  piftoles ,  fi  je 
ne  vous  le  rendois  pas  fain  &  fauf  ;  cette 
obligation  que  je  contracte  de  vous  payer 
cinquante  piftoles ,  au  cas  que  je  ne  vous 
"J-.  fiïù  le  rende  pas  >  eft  une  obligation  pénale. 
Pour  traiter  cette  matière  avec  ordre  , 
après  avoir  expofédans  le  premier  article 
les  principes  généraux  fur  la  nature  des 
obligations  pénales  ,  nous  verrons  dans 
le  fécond  quand  il  y  a  ouverture  à  la  pei- 
ne. Nous  examinerons  dans  le  troifieme , 
fi  le  débiteur  peut ,  en  s'acquittant  pour 
partie  de  fon  obligation  ,  éviter  la  peine 
pour  partie  ;  nous  difeuterons  dans  le 


Part.  II.  Chap.  V.  413 
quatrième  ,  fi  la  peine  efl  encourue  pour 
le  total  &  par  tous  les  héritiers  du  débi- 
teur ,  par  la  contravention  de  l'un  d'eux  ; 
&  dans  le  cinquième  ,  fi  la  contravention 
faite  envers  l'un  des  héritiers  du  créan- 
cier ,  fait  encourir  la  peine  pour  le  total , 
£c  envers  tous  lefdits  héritiers. 

Article   Premier. 

De  la  nature  des  obligations  pénales* 

Premier    Principe. 

338.  L'obligation  pénale  étant  par  fa  V  ^ 
nature  acceffoire  à  une  obligation  primi-  *'~ 
tive  ck  principale  ,  la  nullité  de  celle-ci 
entraîne  celle  de  l'obligation  pénale  ;  la 
raifon  eft  qu'il  eu  de  la  nature  des  chofes 
accefïbires  de  ne  pouvoir  fubfifte'r  fans 
la  chofe  principale  ;  quum  caufa  princi- 
palis  non  confîjîit ,  ne  ea  quidem  quœ  Je- 
quuntur  locum  obtinent ,  /,.  129.  §.  i.  ffl 
de  reg./l.jur.  D'ailleurs  l'obligation  pé- 
nale étant  l'obligation  d'une  peine  ftipu- 
lée  en  cas  d'inexécution  de  l'obligation 
primitive;  fi  l'obligation  primitive  n'eft  pas 
valable,  l'obligation  pénale  ne  peut  avoir* 
lieu  ,  parce  qu'il  ne  peut  pas  y  avoir  de 
peine  de  l'inexécution  d'une  obligation , 
qui  n'étant  pas  valable  ,  n'a  pu  ni  dû  être 
exécutée. 

S  iij 


Ï414       Tr.    des    Oblig.4 

La  loi  69  ffl  de  verb.  oblig.  contient  il» 
exemple  de  notre  décision  :  vous  m'aviez 
promis  de  me  donner  ou  de  me  repré- 
senter un  certain  efclave  que  vous  igno- 
riez être  mort ,  &t  de  me  payer  une  cer- 
taine fomme  par  forme  de  peine ,  en  cas 
que  vous  manouafîiez  ou  de  me  le  don- 
ner ou  de  me  le  reprélenter.  Ulpien  dé- 
cide que  l'obligation  de  la  peine  n'eft 
pas  plus  valable  que  l'obligation  princi- 
pale ,  qui  étant  l'obligation  d'une  chofé 
impon*ible  ,  ne  peut  pas  valoir.  Si  homo 
mortuus  fijli  non  potejl ,  nec  pœna  rei  im~ 
pofiibilis  committetur  ,  quemadmodum  fi 
quis  S  rie  hum  mortaum  dare  Jîipulatus  ,  fi 
datus  non  effet  ,  pœnam  Jlipulctur. 

339.  Ce  principe  que  la  nullité  de  l'o* 
bligation  primitive  entraîne  celle  de  l'o- 
bligation pénale  ,  reçoit  exception  dans 
le  cas  d'une  obligation  à  l'accomplifle- 
ment  de  laquelle  celui  envers  qui  elle  a 
été  contractée  n'a  aucun  intérêt  apprétia- 
ble  ;  putà  ,  cùm  quis  alteri  flipulatus  eji. 
Nous  avons  vu  ci-defTus  ,  n.  54.  que  cet- 
te obligation  éîoit  nulle  ;  néanmoins  l'o- 
bligation pénale  ,   qui  y  eft  ajoutée  eft 

•valable  :  alteri  jîipulari  nemo  potejl 

Plane  fi  quis  velit  hoc  facere  ,  pœnam  Jli- 
pulari  conveniet  9  ut  nifi  ita  factum  ficut 
cjl  comprehenfum  ,  committatur  pœnœ  fli* 
pulatio  etiam  û  cujus  nihil  interejl  ,  &c% 


Part  IL  Chap.  V.  415 
In  pic.  Tu.  de  inuc.  ftip.  §.  18.  La  raifon 
eft  ,  que  l'obligation  principale  n'eft 
nulle  en  ce  cas  que  parce  que  le  débi- 
teur y  peut  impunément  contrevenir  , 
celui  envers  qui  elle  a  été  contractée 
n'ayant  en  ce  cas  aucuns  dommages  &  in- 
térêts à  prétendre  en  cas  d'inexécution  : 
l'obligation  pénale  qui  cft  ajoutée  purge 
ce  vice ,  en  empêchant  le  débiteur  d'y 
pouvoir  contrevenir  impunément. 

Pareillement  quoiqu'on  ne  puifTe  pas 
promettre  valablement  le  fait  d'autrui , 
l'obligation  pénale  ajoutée  à  une  conven- 
tion par  laquelle  quelqu'un  a  promis  le 
fait  d'un  tiers ,  eft  valable ,  parce  que  la 
claufe  pénale  fait  voir  que  celui  qui  a 
promis  n'avoit  pas  Amplement  intention 
de  promettre  le  fait  de  ce  tiers,  mais  de  fe 
faire  fort  de  ce  tiers  ;  &  par  conféquent 
il  a  promis  non  de  alio^fed  defe,  fuprà, 
n.  56. 

Frain  en  fon  Recueil  d'Arrêts  du  Par- 
lement de  Bretagne  ,  en  rapporte  un  du 
12.  Janvier  1621  ,  qui  a  jugé  fuivant  ce 
principe.  Le  parent  d'un  Chanoine  qui 
avoit  ofïenfé  î'Evêque  de  Saint-Maîo  , 
avoit  promis  à  I'Evêque  que  le  Chanoine 
pendant  quatre  mois  ne  paroîtroit  pas 
dans  la  ville  ,  &c  s'étoit  obligé  à  payer 
en  cas  de  contravention  une  fomme  de 
300  liv.  Le  cas  étant  arrivé,  la  conven- 

S  iv 


'416        Tr.    des    Oblig. 
tion  fut  jugée  valable  ,   6c  la  peine  en- 
courue. 

Sec  on  d     Principe. 

Vil  fi?  34°*  ^a  nullité  de  l'obligation  pénale 
/  n'entraîne  pas  celle  de  l'obligation  pri- 
mitive. La  raifon  eft  que  PacceiToire  ne 
peut  à  la  vérité  fubfifter  fans  le  princi- 
pal ,  mais  le  principal  ne  dépend  pas  de 
l'accefïbire ,  èc  peut  fubfifter  fans  lui  ; 
c'efl:  ce  qu.e  décide  la  Loi  97.  rT.  de  verb. 
oblig.  Jl  jiipulatus  fum  le  Jijli ,  nlji  Jliteris 
hyppocentaurum  dari  ,  perinde  erit  atquefi 
te  jijli  (olummodo jiipulatus  ejfem  ,  &£  com- 
me dit  Paul  en  la  loi  126.  §.  3.  d.  Tit. 
JDetraciâ  prima  Jlipulatione  prior  manet 
Utilis. 

Troisième    Principe, 

341.  L'obligation  pénale  a  pour  fin 
d'aflurer  l'exécution  de  l'obligation  prin- 
cipale. 

De-là  on  doit  conclure  que  la  vue  des 
contraclans  n'a  point  été  d'éteindre  ni 
de  réfoudre  par  l'obligation  pénale  l'obli- 
gation principale ,  ni  de  la  fondre  dans 
l'obligation  pénale,  L.  122.  §.  2.  f.  de 
verb.  oblig. 

C'en1  pourquoi  quoiqu'il  y  ait  eu  ou- 


Par  t.  II.  Chap.V.  417 
▼erture  à  Fobligation  pénale  ,  par  la  de- 
meure en  laquelle  a  été  le  débiteur  d'exé- 
cuter l'obligation  principale  ;  le  créancier  V^  ^ 
peut ,  au  lieu  de  demander  la  peine  ft.ipu--fii.li- 
lée  ,  pourfuivre  l'exécution  de  l'obliga- 
tion principale  ,  L.zS.ff.  deacl.  empt.  L* 
122.  §.  2.  ff.  de  verb.  oblig.  &  pajjim. 

C'ert  pourquoi  Jorfqu'cn  ftipulant  une 
certaine  fomme  en  cas  d'inexécution  d'une 
première  obligation  ,  l'intention  des  par- 
ties a  été  que  dans  ce  cas  ,  auffi-tôt  que 
le  débiteur  auroit  été  mis  en  demeure  de 
fatisfaire  à  la  première  obligation  ?  il  ne 
fut  plus  dû  autre  chofe  que  la  fomme  con- 
venue ,  une  telle  flipulation  n'eft  pas  une 
ftipulation  pénale  ;  l'obligation  qui  en  re- 
faite n'eft  pas  une  obligation  pénale,  mais 
une  obligation  aufîi  principale  qu'étoit  la 
première  ,  dont  les  parties  ont  eu  inten- 
tion de  faire  novation  :  c'eft  de  cette  ef- 
pece  dont  il  eft.  parlé  en  la  loi  44.  §.  j£/7. 
ff.  de  obL   &  acï. 

Sur  la  queftion  de  fçavoir  quand  on 
doit  eftimer  que  les  parties  ont  eu  cette 
intention  de  faire  novation.  Voyez  ce  qui 
en  eft.  ait  infrà  ,/\  3.  ch.  z.art.  4.  §.  2. 

Quatrième    Principe. 

342.  Cette  peine  eflftipulée  dans  l'in- 
tention de  dédommager  le  créancier  de 

S  v 


4*8        Tr.    des   Oblig; 
l'inexécution  de  l'obligation  principale  Jy 
tft-      elle  efl  par  conféquent  compenfatoire  des 
flU.  ^- ^dommages  &  intérêts  qu'ilfoufFre  de  l'ine- 
xécution de  l'obligation  principale. 

Il  luit  de-  là  qu'il  doit  en  ce  cas  choifir 
ou  de  pourfuivre  l'exécution  de  l'obliga- 
tion principale,  ou  la  peine;  qu'il  doitfe 
contenter  de  l'une  ou  de  l'autre  ,  &C  qu'il 
ne  peut  pas  exiger  les  deux. 

Néanmoins  comme  l'obligation  pénale 
ne  peut  donner  aucune  atteinte  à  l'obliga- 
tion principale  ;  ii  la  peine  que  le  créan- 
cier a  perçue  pour  l'inexécution  de  l'obli- 
gation principale  ne  le  dédommageoit  pas 
fuffifamment ,  il  ne  laifîeroit  pas  ,  quoi- 
qu'il ait  perçu  cette  peine,  de  pouvoir 
demander  les  dommages  &  intérêts  ré- 
fultans  de  l'inexécution  de  l'obligation 
principale  ,  en  imputant  &  tenant  comp- 
te fur  lefdits  dommages  &  intérêts  ,  de  la 
peine  qu'il  a  déjà  perçue  :  c'elt  la  déci- 
sion des  loix  z8.  ffl  de  aci.  empt.41.  &  42. 
ff.  pro  foclo. 

Au  refte  le  Juge  ne  doit  pas  être  facile  à 
écouter  le  créancier  qui  prétend  que  la 
peine  qu'il  a  perçue  ,  ne  le  dédommage 
pas  fuffefamment  de  l'inexécution  de  la 
convention  ;  car  les  parties  ayant  par  la 
fixation  de  la  peine  ,  réglé  &  fixé  elles- 
mêmes  les  dommages  &  intérêts  ,  qui  ré- 
iiilteroient  de  l'inexécution  de  la  conven- 


Part.  II.   Chap.  V.      4,^ 

tion ,  le  créancier  en  demandant  de  plus 
gros  dommages  &£  intérêts ,  femble  reve- 
nir contre  une  eftimation  qu'il  a  faite  lui- 
même  ,  en  quoi  il  ne  paroît  pas  receva- 
ble  ,  à.  moins  qu'il  n'eût  la  preuve  à  la 
main  ,  que  le  dommage  par  lui  foufTert , 
excède  la  peine  convenue ,  comme  dans 
cette  elbece  ;  fi  un  marchand  m'a  prêté 
la  voiture  ,  à  la  charge  que  je  la  lui  ren- 
drois  un  certain  jour,  auquel  il  en  auroit 
befoin  pour  mener  les  marchandifes  à 
une  certaine  foire  ,  à  peine  de  trente  liv. 
faute  de  la  lui  rendre  au  jour  indiqué  ; 
ce  marchand  à  qui  j'ai  promis  de  la  ren- 
dre peut  ne  le  pas  contenter  de  cette  fom- 
me  de  trente  livres  ,  s'il  a  la  preuve  à  la 
main  qu'il  a  été  obligé  d'en  louer  une 
pour  cinquante  livres  ,  &:  que  le  prix 
commun  des  voitures  ,  pour  aller  à  cette 
foire  ,  étoit  de  la  fomme  de  cinquante 
livres  ,  dans  le  temps  auquel  je  de  vois  lui 
rendre  la  fienne. 

343.  De  même  que  la  claufe  pénale 
n'ôte  point  à  celui  qui  a  ftipulé  la  peine, 
l'a£honqui  naît  de  l'engagement  principal, 
de  même  elle  ne  lui  ôte  point  non  plus 
les  exceptions  &c  fins  de  non-recevoir  qui 
en  pourroient  réfulter. 

Par  exemple,  fi  je  fuis  convenu  avec 
un  mineur  devenu  majeur,  qu'il  ne  re- 
viendroit  point  contre  la  vente  d'un  lié- 

Svj 


410       Tr.    des    O  b  li  g. 

ritage  qu'il  m'a  faite  en  minorité  ,  &C  que 
j'aie  fHpulé  de  lui  par  forme  de  peine 
une  certaine  fomme  ,  au  cas  qu'il  contre- 
vînt à  la  convention;  s'il  vient  par  la 
fuite  à  m'anVner  en  entérinement  de 
lettres  de  refcifion  contre  cette  aliénation, 
la  claufe  pénale  inférée  dans  notre  traité  , 
n'empêchera  pas  que  je  ne  puifTe  oppofer 
contre  fa  demande  la  fin  de  non-recevoir, 
qui  réfulte  de  l'engagement  principal  qu'il 
a  contracté  dans  notre  traité ,  de  ne  point 
revenir  contre  cette  aliénation.  Mais  com- 
me celui  qui  a  ftipulé  la  peine  ne  peut  pas 
percevoir  &  la  peine ,  &£  ce  qui  efl  ren- 
fermé dans  l'engagement  principal  ,  û 
j'ufe  de  la  fin  de  non-recevoir,  &  que  je 
le  fafle  déclarer  non-recevable ,  je  ne 
pourrai  plus  exiger  de  lui  la  peine  que  j'ai 
fHpulée;  &C  vice  versa  û  j'ai  exigé  de  lui 
la  peine,  je  ne  pourrai  pas  ufer  de  la  fin 
de  non-recevoir.  G'eït.  ce  qui  réfulte  de 
la  loi  10.  §.  i.  ff.  de  pact. 

La  décifion  de  cette  loi  n'a  rien  de 
contraire  à  celle  de  la  loi  122.  §.  6.  ffi 
de  verb.  ob/ig.  rapportée  infrà  en  Fart,  filt- 
rant ,  n,  348.  Lorfque  j'ai  eu  convention 
fous  une  certaine  peine  ,  avec  vous  de- 
venu majeur,  que  vous  ne  reviendriez 
pas  contre  la  vente  d'un  héritage  que 
vous  m'aviez  faite  en  minorité  ;  l'objet 
de  cette  convention  efl  de  me  procurer 


Part.  II.  C  ha  p.  V.  421' 
ta  libération  d'une  action  refciibire  que 
vous  aviez  effectivement  contre  moi  ; 
c'eft  pourquoi  lorfquen  vous  oppofant  la 
fin  de  non-recevoir  qui  réfulte  de  cette 
convention ,  &:  en  vous  faifant  en  confé- 
quence  déclarer  non-recevable  dans  votre 
action ,  je  me  fuis  procuré  la  libération  de 
cette  action,  je  ne  peux  plus  vous  de-  A 
mander  la  peine ,  autrement  j'aurais  tout 
à  la  fois  &  la  chofe  &:  la  peine  ,  ce  qui 
ne  peut  pas  être  :  telle  eft  l'efpece  de  la 
loi  10.  §.  1.  ffl  depact.  que  nous  venons 
de  rapporter;  celle  de  la  loi  122.  qui 
nous  eft  oppofée  ,  eft  très-différente. 
Après  un  partage  qui  eft  par  lui-même 
valable ,  &  non  fujet  à  aucune  action  ref- 
cifoire  ,  dans  la  crainte  d'effuyerun  pro- 
cès ,  quoique  mal  fondé ,  nous  fommes 
convenus  fous  une  certaine  peine  de  ne 
pas  revenir  contre  ;  l'objet  de  cette  con- 
vention n'eft  pas  ,  comme  dans  l'efpece 
précédente  ,  de  me  procurer  la  libération 
de  quelque  action  refeifoire  que  vous  euf- 
fiez  contre  ce  partage ,  puifque  vous  n'en 
aviez  aucune  ;  le  feul  objet  de  cette  con- 
vention ,  eft  de  ne  pas  effuyer  un  procès  % 
c'eft  pourquoi  û  vous  m'en  avez  fait  un  y 
quoique  j'aie  obtenu  le  congé  de  votre 
demande  ,  il  y  aura  lieu  à  la  peine  ;  car 
la  feule  chofe  qui  faifoit  l'objet  de  notre 
convention  >  étant  de  ne  pas  effuyer  un 


"412  Tr.  des  Oblig. 
procès ,  quoique  mal  fondé  ,  m'en  ayant 
fait  efTuyer  un ,  il  eu  vrai  de  dire  que  vous 
m'avez  privé  de  ce  qui  faifoit  l'objet  de 
notre  convention  ,  d'où  il  fuit  qu'il  y  a 
lieu  à  la  peine. 

344.  Notre  règle,  que  le  créancier  ne 
peut  avoir  tout  à  la  fois  le  principal  & 
la  peine  ,  foufFre  exception ,  non-feule- 
ment lorfqu'il  eft.  dit  exprefîement  dans 
la  claufe  pénale ,  que  faute  par  le  débi- 
teur d'accomplir  fon  obligation  dans  un 
certain  temps  ,  la  peine  fera  encourue  5c 
due  ,  fans  préjudice  de  l'obligation  prin- 
cipale ,  ce  qui  s'exprimoit  par  ces  termes  , 
rato  manente  paclo  ,  L.  16.  ff.  de  tranf. 
mais  même  toutes  les  fois  qui']  paroît  que 
la  peine  eft  ftipulée  pour  réparation  de  ce 
que  le  créancier  doitfouffrir,  non  de  l'ine- 
xécution abfolue  de  l'obligation ,  mais  du 
/il«j-  fimple  retard  dans  l'exécution  de  l'obliga- 
$%.  tion  ;  car  en  ce  cas  le  créancier,  qui  a 
foufFert  du  retard  ,  peut  recevoir  le  prin- 
cipal &  la  peine. 

Cinquième    Principe. 

4*vC      345.  La  peine  flipulée  en  cas  d'inexé- 
41AV  cuti011  d'une  obligation  peut  ,  lorfqu'elle 
eu  excefîive  ,  être   réduite  &  modérée 
par  le  juge. 

Ce  principe  efï  tiré  d'une  décifion  de 


Pat. t.  II.    Chap.    V.     413 

Dumoulin  en  fon  traitée  eo  quod interejl , 
n.  1^  &  Jeq*  il  le  fonde  fur  ce  que  la 
nature  de  la  peine  eft  de  tenir  lieu  dès 
dommages  &£  intérêts  qui  pourroient  être 
prétendus  par  le  créancier ,  en  cas  d'inexé- 
cution de  l'obligation;  donc,  dit-il,  de 
même  que  lorfque  le  créancier  fait  monter 
à  une  fomme  excefîive  les  dommages  &C 
intérêts  qu'il  prétend  fouffrir  de  l'inexé- 
cution de  l'obligation ,  le  juge  doit  la  ré- 
duire ,  &  que  la  loi  unique  ,  cod.  de  fent. 
qux  pro  eo  quod  interejl  prof,  ne  permet 
pas  qu'elle  excède  le  double  de  la  va- 
leur de  la  chofe  qui  a  fait  l'objet  de  l'obli- 
gation primitive  ;  de  même  lorfque  la 
peine  flipuiée  au  lieu  de  dommages  & 
intérêts  eft  excefîive ,  elle  doit  être  rédui- 
te ;  car  cette  peine  peut  bien  à  la  vérité 
excéder  la  fomme  à  laquelle  montent  les 
dommages  &  intérêts  ,  &  être  même  due 
dans  le  cas  auquel  le  créancier  n'en  fouf- 
friroit  aucuns ,  parce  qu'elle  eft  ffipulée 
pour  éviter  la  dlfcufïion  du  fait ,  Û  le 
créancier  a  fouffert  effectivement ,  &  à 
combien  monte  ce  qu'il  a  fouffert;  mais 
tenant  lieu  des  dommages  &  intérêts  du 
créancier  ;  il  encontre  fa  nature  ,  qu'elle 
puiffe  être  portée  au  de-là  des  bornes  que 
la  loi  preferit  aux  dommages  &  intérêts  : 
û  la  loi  ci-denus  citée  les  reilreint ,  &c 
ne  permet  pas  qu'ils  foient  prétendus  ultra 


414  Tr.  des  Oblig. 
duplum  ,  même  dans  le  cas  auquel  l'inexé- 
cution du  contrat  auroit  effectivement 
caufé  une  plus  grande  perte  au  créancier 
qui  par  ce  moyen  fe  trouve  verfarl  in  dam- 
no  ;  à  plus  forte  raifon  on  doit  modérer 
la  peine  excefîlve  à  laquelle  le  débiteur 
s'eft  témérairement  fournis ,  lorfque  le 
créancier  n'a  pas  fouffert  de  perte ,  ou 
qu'il  n'en  a  fouffert  qu'une  beaucoup  au- 
deffous  de  la  peine  ftipulée ,  &  par  con- 
féquent  dans  le  cas  auquel  certat  de  lucro 
captando  ;  enfin  Dumoulin  fe  fonde  fur  le 
texte  de  ladite  loi  un.  cod.  de  fent.  pro  eo 
quod  interejl ,  &c.  qui  dans  la  généralité 
de  fes  termes  paroît  comprendre  interejfe 
conventionale  aiifïi-bien  que  toute  autre 
efpece  de  dommages  &  intérêts. 

Azon  a  été  d'une  opinion  contraire  à 
celle  de  Dumoulin ,  &:  il  décide  qu'une 
peine  conventionnelle  ftipulée  par  forme 
de  dommages  &c  intérêts,  n'eff  fujette  à 
aucune  modération  ;  on  peut  dire  pour  fon 
fentiment  qu'il  y  a  une  différence  entre 
l'intérêt  conventionnel ,  &  les  dommages 
&  intérêts  qui  ne  font  pas  réglés  par  le 
contrat  ;  à  l'égard  de  ceux-ci  ,  il  eu  bien 
vrai  que  le  débiteur  en  contractant  l'obli- 
gation primitive,  eft  cenfé  avoir  contracté 
l'obligation  fecondaire  des  dommages  & 
intérêts  qui  réfulteroient  de  l'inexécution 
de  l'obligation  primitive  ,  mais  il  y  a  lieu 


Par  t.  IL    Chap.  V.      425 

de  préfumer  qu'il  n'a  pas  entendit  s'obli- 
ger in  immcnjum  aux  dommages  &  inté- 
rêts ,  mais  feulement  intràjujium  modum^ 
&  jufqu'à  concurrence  de  la  fomme  à  la- 
quelle il  étoit  vraifemblable  qu'ils  piuTent 
monter  ;  mais  on  ne  peut  pas  dire  la  même 
choie  de  l'intérêt  conventionnel,car  ubi  efl 
eiidcns  voluntas ,  non  rdinquitur pr&fump* 
tïoni  locus  ;  quelqu'excefTive  que  foit  la 
fomme  ftipulée  par  forme  de  peine ,  en 
cas  d'inexécution  de  la  convention  ,  le 
débiteur  ne  peut  difconvenir  qu'il  a  en- 
tendu s'y  obliger ,  lorfque  la  claufe  du 
contrat  efl:  exprefle.  Nonobfïant  ces  rai- 
fons  ,  la  décifion  de  Dumoulin  paroît  plus 
équitable  ;  lorfqu'un  débiteur  fe  foumet  à 
une  peine  excefîive ,  en  cas  d'inexécution 
de  l'obligation  primitive  qu'il  contracte  , 
il  y  a  lieu  de  préfumer  que  c'eft  la  faufTe 
confiance  qu'il  a ,  qu'il  ne  manquera  pas 
à  cette  obligation  primitive  ,  qui  le  porte 
à  fe  foumettre  à  une  peine  aufîi  excefîive, 
qu'il  croit  ne  s'engager  à  rien  en  s'y  fou- 
mettant ,  &c  qu'il  efl  dans  la  difpofition 
de  ne  s'y  pas  foumettre  ,  s'il  croyoit  que 
le  cas  de  cette  peine  pût  arriver  ;  qu'ainfi 
le  confentement  qu'il  donne  à  l'obligation 
d'une  peine  aufîi  excefîive,  étant  un  con- 
fentement fondé  (ur  une  erreur,  &  fur 
une  illufion  qu'il  fe  fait ,  n'efï  pas  un  con- 
fentement valable  ;  c'eft pourquoi  cespei- 


%i6  Tr,  des  Oblig. 
nés  excefiïves  doivent  erre  réduites  à  fô' 
valeur  vraisemblable  à  laquelle  peuvent 
monter  au  plus  haut  les  dommages  &  in- 
térêts du  créancier  refliltans  de  l'inexé- 
cution de  l'obligation  primitive  ;  cette  dé- 
cifion  doit  avoir  lieu  dans  les  contrats 
commutatifs  ,  parce  que  l'équité  qui  doit 
régner  dans  ces  contrats  ne  permettant 
pas  que  Tune  des  parties  profite  &  s'en- 
richifle  aux  dépens  de  l'autre ,  il  feroit 
contraire  à  cette  équité  que  le  créancier 
s'enrichit  au  dépens  du  débiteur  ,  en 
exigeant  de  lui  une  peine  trop  exceffive 
&tropmanifeftementau-denTus  de  ce  qu'il 
a  fbuffert  de  l'inexécution  de  Fogîigation 
primitive  :  la  décision  doit  pareillement 
avoir  lieu  dans  les  donations ,  cum  nemini 
Çua  liber  a  l'un  s  debeat  effè  capùofa. 

Le  texte  des  inftituts  mithredeînut.  Stip. 
§.  20.  non  plus  que  la  loi  38.  §.  17.  ffl  de 
verb.  oblig.  ne  décident  rien  contre  la  déci- 
fion  de  Dumoulin  ;  car  de  ce  qu'il  y  eft 
dit ,  pœnam  cum  quis  Jiipulatur  9  non  inf- 
picitur  quod  inttrfit  ejus  ,  fcd  quœ  fit  quan- 
titas  in  conditions  (lipulationis ,  il  s'enfuit 
feulement  que  la  peine  peut  être  due  , 
quoique  celui  qui  l'a  ilipulée  ne  foufFre 
rien  de  l'inexécution  de  l'obligation  pri- 
mitive ,  ou  fouffre  moins  ;  mais  il  ne  s'en- 
fuit nullement  que  cette  peine  puifle  être 
immenfe ,  6c  n'avoir  aucune  proportion 


Part.  II.    C  h  a  p.  V.      417 

avec   ce  qui  fait  l'objet  de  l'obligation 
primitive., 

A  l'égard  de  la  loi  56.  de  Evicî.  qui 
fuppofe  qu'on  peut  Stipuler  dans  un  con- 
trat de  vente  ,  la  restitution  du  triple  ou 
même  du  quadruple  du  prix  en  cas  d'é- 
viction, on  y  répond  différemment.  Noodt 
prétend  que  les  mots  triplum  aut  quadru- 
plum  font  un  mauvais  GloSTeme  qui  n'efl 
pas  du  texte  ,  &:  qui  en  doit  être  retran- 
ché. Dumoulin,  ibid.  n.  167.  &  feq.  ré- 
pond mieux ,  en  difant  qu'il  n'eSt  pas  ques- 
tion dans  cette  loi  de  ce  qu'on  peut  va- 
lablement Stipuler  en  cas  d'éviction,  Se 
qu'ai nfi  on  ne  doit  pas  en  conclure  qu'on 
puiffe  toujours  &  indistinctement  dans 
tous  les  contrats  de  vente  Stipuler  vala- 
blement la  restitution  du  triple  ou  du  qua- 
druple du  prix  en  cas  d'éviction  ;  qu'on 
en  doit  feulement  conclure  que  cette  Sti- 
pulation peut  avoir  lieu  quelquefois  dans 
les  contrats  de  vente  ;  &  ces  cas  font 
ceux  dans  lefquels  une  chofe  a  été  vendue 
non  purement  &  fimplement ,  mais  dans 
les  circonstances  d'un  rifque  de  fouffrir 
par  l'acheteur  une  groffe  perte  dans  (es 
autres  biens ,  en  cas  d'éviction  de  la  cho- 
fe vendue ,  lequel  rifque  a  été  prévu ,  & 
connu  par  les  parties  contractantes  ;  com- 
me dans  cette  efpece  ;  je  vends  à  un  mar- 
chand un  peu  avant  le  temps  de  la  Foire 


^428  Tr.  des  OblîG. 
une  loge  avec  déclaration  par  le  contrat 
que  c'en1  pour  y  mettre  fes  marchandifes  ; 
le  rifque  que  court  l'acheteur  en  cas  d'é- 
viction dans  le  temps  de  la  Foire  de  ne 
plus  trouver  de  loge  dans  la  Foire  à  ache- 
ter ni  à  louer,  &  par  conféquent  de  ne  pou- 
voir débiter  fes  marchandifes,  eft  le  rifque 
d'un  dommage  prévu  au  temps  du  contrat 
par  les  contractans ,  qui  peut  furpaffer  de 
beaucoup  le  prix  de  la  loge ,  &  auquel 
le  vendeur  fe  foumet  ;  c'en1  pourquoi  dans 
ce  cas  ,  les  dommages  &  intérêts  qui  ne 
feroient  pas  fixés  parle  contrat  pourroient 
être  efrimés  au-delà  du  double ,  du  triple 
&  du  quadruple  du  prix  de  la  chofe  ven- 
due ;  pareillement  on  peut  dans  le  même 
cas  flipuler  une  peine  au-delà  du  double 
du  prix  de  cette  chofe ,  &  la  peine  n'efl 
pas  en  ce  cas  jugée  excefiive,  pour  n'avoir 
pas  de  proportion  avec  le  prix  de  la  chofe 
vendue ,  pourvu  qu'elle  en  ait  avec  le 
dommage  que  l'acheteur  a  fouffert  de 
n'avoir  pu  débiter  fes  marchandifes ,  puif- 
que  c'eft  pour  tenir  lieu  de  ce  dommage  , 
qu'elle  a  été  ftipulée. 

346.  Il  refte  à  obferver  que  fi  la  peine 
qui  tient  lieu  de  dommages  &  intérêts 
ordinaires  ,  eft  réductible  lorfcu'elle  eft. 
excefîive  ,  à  plus  forte  raifon  les  peines 
ftipulées  en  cas  de  défaut  de  payement 
d'une  fomme  d'argent  ou  autre  chofe  qui 


Part.  II.  Chap.  V.  419 
fe  confomme  par  l'ufage  doivent -elles 
être  réduites  au  taux  légitime  des  intérêts 
dont  elles  tiennent  lieu ,  ou  même  entière- 
ment rejettées,  dans  les  cas  auxquels  il 
n'efi:  pas  permis  d'en  ftipuler. 

Article    IL 

Quand  y  a-t-il  li;ii   à  V ouverture  de 
C Obligation  pénale. 

$■   1. 

Du  cas  auquel  la  claufe  pénale  a  été  ajoutez 
à  V  obligation  de  ne  pas  faire  quelque  chofe» 

347.  Il  eft  évident  en  ce  cas  qu'il  y  a 
ouverture  à  l'obligation  pénale  ,  &c  que 
la  peine  en1  due ,  aufîi-tôt  que  celui  qui 
s'étoit  obligé  fous  cette  p^ine  à  ne  pas 
faire  quelque  chofe ,  a  fait  ce  qu'il  s'étoit 
obligé  de  ne  pas  faire. 

348.  Eft-  il  néceffaire  que  le  fait  qui 
donne  ouverture  à  l'obligation  pénale  ait 
eu  effet?  Cela  dépend  de  l'intention  qu'ont 
eu  les  parties. 

Suppofons  qu'en  fin  d'un  a£te  de  parta- 
ge ou  de  tranfaction  que  nous  avons  fait , 
nous  nous  fommes  promis  réciproque- 
ment de  ne  pas  revenir  contre,  fous  peine 
par  le  contrevenant  de  payer  une  ce*- 


430  Tr,  des  Oblîg. 
taine  fomme  à  i'autre  ;  depuis  vous  avez" 
donné  demande  contre  moi  pour  faire 
déclarer  l'acte  nul;  cette  demande  ,  quoi- 
qu'elle n'ait  pas  eu  d'effet  ,  &c  que  le  con- 
gé en  ait  été  prononcé  ,  donne  ouver- 
ture à  la  peine  contre  vous  ,  arg.  L.  122. 
§.  6  ■  ff.  dt  verb.  ohllg.  La  raifon  eft  qu'en 
ftipuiant  de  vous,  fous  une  certaine  pei- 
ne ,  que  vous  ne  reviendriez  pas  contre 
l'acte  ,  ce  que  j'ai  entendu  n'étoit  pas 
précifément  que  vous  ne  porteriez  aucu- 
ne atteinte  à  cet  acte  ,  lequel  étant  vala- 
ble par  lui-même  ,  n'en  étoit  pas  fufcep- 
tible  ,  quand  même  je  ne  l'aurois  pas  fti- 
pulé;  ce  que  j'ai  entendu  flipuler  de  vous 
étoit  plutôt  que  vous  ne  me  feriezpas  de 
procès  :  ilfufîitdonc  que  vous  m'ayez  fait 
un  procès  ,  quoique  vous  y  ayez  fuc- 
combé ,  pour  qu'il  y  ait  ouverture  à  la 
peine  ;  on  nç  peut  pas  dire  en  ce  cas  que 
dans  cette  efpece  je  me  fais  payer  tout-à- 
la  fois  de  l'obligation  principale  &  de  la 
peine  ,  ce  qui  eft  contraire  au  quatrième 
principe  que  nous  avons  établi  en  Parti- 
cle  précédent  ;  car  l'obligation  principa- 
le que  vous  avez  contractée  envers  moi 
de  ne  pas  revenir  contre  l'acte  ,  ck;  à  la- 
quelle l'obligation  pénale  étoit  attachée, 
avoit  pour  objet  que  vous  ne  me  feriez 
pas  de  procès  ;  je  n'ai  pas  été  fatisfait , 
puifquevous  m'en  avez  fait  efîuyerun: 
je  peux  donc  exiger  la  peine* 


Part.  II.    C  H  a  p.  V.      431 

Au  contraire  ,  ii  j'ai  itipulé  de  vous 
fous  une  certaine  peine  que  vous  ne  loue- 
riez pas  votre  mai  ion  voiiine  de  celle  que 
j'occupe,  à  aucun  ouvrier  le  fervant  de 
marteau  ;  le  bail  que  vous  en  auriez  fait 
à  un  ferrurier  ,  s'il  n'a  pas  été  exécuté  , 
ne  donnera  pas  ouverture  à  la  peine  ; 
car  ce  que  je  me  fuis  propofé  en  ftipulant 
cela  de  vous  ,  éto;t  que  vous  nemecau- 
feriez  pas  l'incommodité  du  bruit  que 
font  ces  ouvriers  ;  le  bail  n'ayant  pas  été 
exécuté  ,  ne  m'a  caufé  aucune  incom- 
modité ,  il  ne  doit  donc  pas  donner  lieu 
à  la  peine. 

Par  la  même  raifonPapinien  décide  en 
la  loi  6.  ffl  deferv.  export,  que  lorfqu'un 
efclave  a  été  vendu  à  condition  que  l'a- 
cheteur ne  l'affranchiroit  point ,  &  fous 
une  certaine  peine  ,  s'il  le  faifoit ,  l'ade 
nul  d'aifranchifTement  ne  donne  pas  ou- 
verture à  la  peine, 

§.  m. 

Du  cas  auquel  la'claufe  pénale  a  et i  ajou- 
tée à  l'obligation  de  donner  ou  défaire 
quelque  chofe. 

349.  En  ce  cas  il  y  a  ouverture  à  la 
peine ,  lorfque  le  débiteur  a  été  mis  en 
demeure  de  donner  ou  de  faire  ce  qu'$ 


432*  Tr.  des  Oblig. 
a  promis.  Les  Loix  Romaines  font  une 
diftinclion  ,  fi  la  convention  contient  un 
terme  préfîxdans  lequel  le  débiteur  doit 
donner  ou  faire  ce  qui  a  été  convenu , 
ou  fi  elle  n'en  contient  point  :  au  premier 
cas  elles  décident  que  la  peine  eft  due  de 
plein  droit  ,  aulîi-tôt  que  le  terme  eft.  ex- 
piré ,  fans  qu'il  foit  befoin  qu'il  ait  été 
fait  aucune  interpellation  au  débiteur  ,  &c 
qu'il  ne  pourroit  pas  en  être  déchargé  , 
en  offrant  après  l'expiration  du  terme,  de 
fatisfaire  à  l'obligation  principale ,  1.23, 
ff.  de  obi.  &  a  ci. 

L'expiration  du  terme  paroifîbit  aux 
Jurifconfultes  Romains  tellement  fuffifan- 
te  pour  donner  ouverture  à  la  peine  fans 
qu'il  fût  befoin  de  conflituer  autrement 
en  demeure  le  débiteur  ,  qu'elle  y  don- 
noit  ouverture  ,  même  dans  le  cas  auquel 
le  débiteur  feroit  mort  auparavant ,  fans 
laiffer  aucuns  héritiers ,  &  par  conféquent 
quoiqu'il  ne  fe  trouvât  perfonne  qui  pût 
être  conflitué  en  demeure  ;  c'eflladéci- 
fion  de  la  loi  77.  ff.  de  verb.  oblig. 

Il  y  a  plus  ;  la  loi  113  /  ff.  de  verb.  oblig. 
décide  que  lorfque  l'obligation  à  laquelle 
la  claufe  pénale  a  été  ajoutée,  confifte  à 
faire  dans  un  certain  terme  quelque  ou- 
vrage dont  la  conftruc"tion  exige  un  cer- 
tain temps ,  la  peine  eft  due  même  avant 
l'expiration  du  terme  ,  aufli-tôt  qu'il  de- 
vient 


P  ARf.  II.    Chap.  V.      433 

vient  certain  que  l'ouvrage  ne  peut  être 
fait  dans  le  terme  préfix  ;  de  manière  que 
la  prorogation  du  terme  quiferoit  depuis 
accordée  au  débiteur  ne  le  déchargeroit 
pas  de  la  peine  encourue  avant  cette  pro- 
rogation. 

Au  fécond  cas  ,  lorfque  l'obligation  de 
donner  ou  faire  quelque  chofe  ne  contient 
aucune  préfîxion  de  terme  ?  en  ce  cas  la 
loi  112.  §.  2.  décide  qu'il  n'y  a  ouver- 
ture à  la  peine  que  par  la  litis-contefta- 
tion  fur  la  demande  du  créancier. 

Selon  nos  ufages ,  foit  que  l'obligation  V*  /**' 
primitive  contienne  un  terme  dans  lequel 
elle  doive  être  accomplie  ,  foit  qu'elle 
n'en  contienne  aucun  ,  il  faut  ordinaire- 
ment *  une  interpellation  judiciaire  pour 
mettre  le  débiteur  en  demeure  ,  ck  pour 
donner  en  conféquence  ouverture  à  la 
peine. 

Il  nous  refte  à  obferver  qu'il  ne  peut 
y  avoir  lieu  à  la  peine  ,  lorfque  c'eft  par 
le  fait  du  créancier  que  le  débiteur  a  été 
empêché  de  s'acquitter  de  fon  obligation, 
L.  12  2.  §.  j.  de  verb.  oblig. 

J'ai  dit  ordinairement ,  car  il  y  a  des  cas  auxquels  la 
peine  >  aufïi-bicn  que  les  dommages  &  intérêts  peuvent 
être  encourus  fans  interpellation  ,  fuprà  n.   147. 

Tome  I,  T 


434        T  &•    P^s    Oblig. 

Article    III. 

5i  /e  débiteur  peut  en  s* acquittant  par  par- 
ties de  fon  obligation ,  éviter  la  peine 
pour  partie. 

3  50.  Un  débiteur  ne  peut  payer  à  fon 
créancier  malgré  lui  partie  de  ce  qu'il  lui 
doit ,  tant  que  fon  obligation  ,  quoique 
divifible ,  eÛ  encore  indivifée  ,  fuivant 
que  nous  le  verrons  infrà  ,  p.  3.  ch.  1. 

»«    y    art.  3 .  §.  2.  c'efc  pourquoi  les  offres  qu'il 

feroit  à  fon  créancier  de  lui  payer  partie 

de  ce  qu'il  lui  doit ,  ne  peuvent  lui  évi- 

'ter  aucune  partie  de  la  peine  ftipulée  en. 

^iiil\.  cas  d'inexécution  ,  fi  le  créancier  refufe 
ce  payement  partiel. 

Mais  fi  le  créancier  a  volontairement 
reçu  partie  de  fa  dette,  y  aura-t-illieu 
à  la  peine  pour  le  total ,  en  cas  de  défaut 
de  payement  de  la  partie  qui  refte  à 
payer  ?  Ulpien  en  la  loi  9.  §,  1.  if.  Si 
qui  s  caution,  in  jud.  décide  qu'encore 
'  bien  que  félon  la  fubtilité  du  droit,  il  put 
paroître  que  la  peine  doit  en  ce  cas  être 
encourue  pour  le  total  ,  néanmoins  il 
eiî  équitable  qu'elle  ne  le  foit  que  pour  la 
même  part  oui  refle  à  acquitter  de  l'obli- 
gation principale  ;  la  vraie  raifon  de  cet- 
te déchion  efî  celle  que  donne  Dumou- 


Part.  II.    Chap.  V.      435 
Bh  ,  ev  que  nous  avons  ci-deiïus  rappor- 

,  fçavoir  ,  que  la  peine  étant  ceniée 
prômife  pour  le  dédommagement  de  l'ine- 
xécution  de  l'obligation  principale  ,  le 

ancierne  peut  pas  recevoir  l'un  &  l'au- 
tre; lors  donc  qu'il  a  été  payé  pour  une 
partie  de  l'obligation  principale,  il  ne  peut 
plus  recevoir  la  peine  pour  cette  partie  ; 
autrement  il  recevroit  l'un  &:  l'autre  ;  ce 
qui  ne  fe  doit  pas  ;  c'eft  la  dixième  clef 
de  Dumoulin  dans  fon  Traité  dedivid.  & 
lnd.lv.  p%  l.fi.  112.  in  omnibus  jive  indi- 
viduis  ,Ji\edivïduis peena  non  committitur^ 
721/2  pri  parte  contraventionis  efficacis  ,  nec 
pote  fi  exigi  cum  principah  ;  fed  creditor  non 
tenetur partem  princ'ip ails  ,  & partem pœna 
a  cci père. 

Ceci  s'éclaircira  par  un  exemple  :  en 
me  vendant  une  métairie  dénuée  de  bef- 
tiaux  nécefTaires  pour  la  faire  valoir,  vous 
vous  êtes  obligé  de  me  fournir  deux  pai- 
res de  bœufs  ,  à  peine  de  cinq  cens  liv. 
de  dommages  6k  intérêts  ,  au  cas  que  vous 
manqua  fiiez  de  me  les  fournir  ;   vous  ne 
pourrez,  pas  dans  cette  efpece  m'obliger 
à  recevoir  une  paire  de  bœufs,  n'étant 
pas  obligé  de  recevoir  pour  partie  ce  qui 
m'ert  du  ;    &  conféquemment  les  offres 
que  vous  me  feriez  d'une  paire  de  bœufs, 
fi  je  ne  veux  pas  la  recevoir  ,  n'empêche- 
ront pas  que  vous  ne  foyez  tenu  envers 

Tij 


436  Tr.  des  Oblig, 
moi  de  la  peine  entière  de  cinq  cents  Kr. 
mais  fi  j'ai  volontairement  reçu  une  des 
paires  de  bœufs  que  vous  me  deviez  , 
faute  par  vous  de  me  fournir  l'autre  paire, 
je  ne  pourrai  vous  demander  que  la  moi- 
tié de  la  peine  ;  car  ayant  reçu  une  partie 
de  ce  qui  faifoit  l'objet  de  l'obligation 
principale  ,  je  ne  peux  avoir  la  peine  en- 
tière ,  ne  pouvant  pas  avoir  l'un  &  l'au- 
tre. 

351.  Notre  principe  que  la  peine  n'eft 
due  qu'à  proportion  &:  pour  la  part  pour 
laquelle  l'obligation  principale  n'eft  pas 
exécutée,  a  également  lieu,  foit  que  vous 
vous  foyez  engagé  à  une  telle  peine  au  cas 
que  vous  feriez  telle  chofe  ,  foit  que  vous 
me  l'ayez  promife  au  cas  qu'un  tiers  fe- 
roit  une  telle  chofe  ;  par  exemple,  fi  vous 
vous  êtes  fait  fort,  fous  peine  de  me 
payer  cent  écus  ,  que  Pierre  ne  reven- 
diqueroit  pas  fur  moi  un  certain  héritage , 
la  peine  fera  due  feulement  pour  la  moi- 
tié ,  û  Pierre  ne  le  revendique  que  pour 
moitié  ,  à  moins  qu'il  n'apparût  d'une 
intention  contraire  des  parties.  Molin. 
ïbld.  p.  3 .  n.  5  3  1 . 

352.  Ces  décifions  ont  fur  -tout  lieu  à 
l'égard  des  obligations  de  chofes  divifi- 
blés  :  il  fembleroit  qu'elles  ne  pourroient 
recevoir  d'application  aux  obligations  de 
chofes  indivisibles  ;  néanmoins  elles  s'y 
appliquent  quelquefois* 


Part.  II.     Chap.  V.      437 

i°.  Quoique  l'exercice  d'une  fervitude 
prédiale  foit  quelque  chofe  d'indivifible  , 
&  qu'en  conféquence  l'obligation  que 
contracte  le  pofTefleur  de  l'héritage  fer- 
vant  ,  de  fouffrir  l'exercice  de  la  fervi- 
tude  ,  foit  une  obligation  indivifible  ; 
néanmoins  fi  cette  fervitude  eft  limitée  à 
une  certaine  fin  ,  pour  laquelle  elle  a  été 
constituée  ,  laquelle  fin  fe  termine  à  quel- 
que chofe  de  divifible  ,  la  peine  fe  divi- 
fera ,  fi  cette  ûa  a  été  remplie  pour  par- 
tie ,  &  n'aura  lieu  que  pour  la  partie 
pour  laquelle  elle  n'aura  pas  été  rem- 
plie ;  ceci  va  s'éclaircir  par  un  exemple. 

J'ai  un  héritage  qui  a  un  droit  de  fer- 
vitude fur  le  vôtre  ,  lequel  droit  confilte 
€n  ce  que  les  porTeffeurs  de  l'héritage  fer- 
vant  font  obligés  ,  au  temps  des  vendan- 
ges ,  de  fouffrir  que  mes  gens  tranf- 
portent  ma  vendange  par  cet  héri- 
tage ,  à  peine  de  cent  écus  en  cas  de 
trouble  fait  à  mon  droit  de  fervi- 
tude ;  dans  cette  efpece  ,  fi  après  avoir 
laifle  paffer  la  moitié  de  ma  vendange  , 
vous  avez  empêché  le  tranfport  du  fur- 
plus  ,  par  votre  héritage  ,  vous  n'avez 
encouru  la  peine  de  cent  écus  que  pour 
moitié  ;  car  quoique  la  fervitude  de  paf- 
fage  foit  indivifible  9  &:  que  l'obligation 
de  fouffrir  l'exercice  de  cette  fervitude  , 
foit  l'obligation  de  quelque  chofe  d'indi- 

T  iij 


43  ^  Tr.  des  O  b  li  g. 
vifible  ;  néanmoins  comme  cette  fervî- 
tude  efl  limitée  à  une  fin  ,  qui  efi  le  trans- 
port de  ma  vendange  ,  &  que  ma  ven- 
dange eil  quelque  chofe  de  divifîble,  on 
ne  peut  difconvenir  que  j'ai  joui  en  par- 
tie de  la  fin  pour  laquelle  la  fervitude  a 
été  impofée  ,  &  que  vous  m'en  avez 
fouifert  jouir  en  me  lairTant  tranfporter 
par  votre  héritage  la  moitié  de  ma  ven- 
dange ;  je  ne  pourrai  donc  demander  que 
la  moitié  de  la  peine  ;  car  je  ne  peux  pas 
percevoir  la  peine  pour  le  total,  &  jouir 
en  partie  de  l'utilité  de  mon  droit  de  fer- 
vitude ;  je  ne  peux  pas  avoir  tout  à  la 
fois  l'un  &  l'autre  ;  c'efl  ce  qu'enfeigne 
Dumoulin  dans  l'efpece  que  nous  venons 
de  rapporter  ,  quia  ,  dit-il  ,  heu  firvitus 
de  Je  individua  9  dividuatur  ex  accidenti ,  & 
ex  fine  dividuo...  &  débet  judicari  fecundhm 
régulant  dividuorum  ,  p.  3.^.3  63 . 

353.  20.  Nos  principes  reçoivent  en- 
core quelqu'application  ,  même  à  l'égard 
des  obligations  indivifibîes  dans  l'efpece 
fuivante  6k  autres  femblables  ;  vous  vous 
êtes  engagé  par  un  traité  fous  une  cer- 
taine peine  à  me  faire  conft.it.uer  un  droit 
de  fervitude  de  paflage  ,  fur  un  héritage 
dont  vous  avez  l'ufufruit ,  &  qui  efl  voi- 
fin  du  mien ,  en  vous  faifant  fort  des 
propriétaires  ;  trois  des  propriétaires  ra- 
tifient ,  un  feul  reflife  d'impofer  la  fervi' 


P  ar  t.  Iî.  Chap.  V.  439 
tudè  ;  là  peine  à  la  vérité  m'eftdûe  en  en- 
,  car  le  refus  d'un  Seul  propriétaire 
d'impofer  la  fervitude  ,  empêche  qu'elle 
ne  foit  aucunement  impofée  ,  nonobftant 
la  ratification  des  trois  autres ,  un  droit  de 
fervitude  ne  pouvant  être  impofe  pour 
partie,  &  ne  pouvant  par  conféquent  être 
nnpofé  que  par  tous  les  propriétaires  ; 
mais  comme  cette  ratification  ,  quoiqu'el- 
le foit  entièrement  inutile  pour  impofer 
un  droit  réel  de  fervitude  fur  l'héritage  ,  a 
néanmoins  un  effet ,  qui  confifte  à  obliger 
perfonnellement  ceux  qui  ont  ratifié  à  me 
laifTerpaffer  ;  je  ne  peux  exiger  toute  la 
peine  qu'en  me  défiftant  de  mon  droit , 
quiréfultede  cette  obligation;  autrement 
je  ne  pourrai  exiger  qu'une  partie  de  la 
peine  ,  ne  pouvant  pas  percevoir  toute 
la  peine  ,  &  en  même  tems  percevoir 
quelque  chofe  de  l'obligation  principale. 
MoLin.  p.  3. 7z.  472.  &  473. 

354.  Notre  principe  que  la  peine  n'efl 
due  qu'à  proportion  de  la  part  pour  la- 
quelle l'obligation  principale  n'a  pas  été 
exécutée  a  lieu ,  quand  même  la  peine 
confifteroit  dans  quelque  chofe  d'indi- 
vifible.  Finge  ,  je  vous  ai  vendu  un  héri- 
tage dont  vous  m'avez  payé  le  prix  comp- 
tant ,  fauf  cinquante  piftoles  que  vous 
vous  êtes  obligé  de  me  payer  dans  un 
an  ;  &  il  a  été  convenu  entre  nous  qu'à 

Tiv 


440  Tr.  des  Oblig. 
défaut  de  payement  de  cette  fomme  J 
vous  m'accorderiez  à  la  place  de  cette 
fomme  un  droit  de  vue  fur  une  maifon 
à  vous  appartenante ,  voifine  de  la  mien- 
ne ;  j'ai  reçu  de  vous  vingt-cinq  piftoles  ; 
faute  du  payement  dufurplus  je  ne  peux 
exiger  la  peine  pour  le  total ,  mais  feule- 
ment pour  la  moitié  pour  laquelle  l'obli- 
gation principale  n'a  pas  été  exécutée  ; 
&  comme  la  peine  confiée  dans  un  droit 
de  fervitude  qui  eft  quelque  chofe  d'indi- 
vifible  ,  6c  non  fufceptible  de  parties ,  il 
faudra  qu'en  vous  demandant  que  vous 
m'accordiez  ce  droit  de  fervitude  ,  je 
vous  offre  de  vous  payer  la  moitié  de 
la  valeur  ,  la  peine  ne  m'étant  due  que 
pour  moitié.  Molin.  p.^*n,  523.  &fuiv. 
V.  fuprà. 

Article    IV. 

Si  la  peine  eji  encourue  pour  le  total  & 
par  tous  les  héritiers  du  débiteur  ,  par 
la  contravention  de  Cun  d'eux. 

Il  faut  à  cet  égard  diftinguer  entre  les 
obligations  indivifibles  ôt  les  obligations 
diviîibles. 


Part.  II.   Chap.  V.      441 
$.    I. 

Dccijion  de   la.  queflion  à   regard  des 
Obligations  indivijibks. 

355.  Lorfque  l'obligation  primitive  Ç./l$ 
qui  a  été  contrariée  fous  une  claufe  pé- 
nale eft  l'obligation  d'une  choie  indivi- 
fible ,  la  contravention  faite  à  cette  obli- 
gation par  un  feul  des  héritiers  du  débi- 
teur ,  donne  ouverture  à  toute  la  peine  , 
non-feulement  contre  celui  qui  a  donné 
ouverture  à  la  peine  par  fa  contraven- 
tion ,  mais  même  contre  tous  fes  cohéri- 
tiers qui  font  tous  tenus  de  cette  peine  , 
pour  la  part  dont  ils  font  héritiers  ,  fauf 
leur  recours  contre  celui  qui  par  fa  con- 
travention a  donné  ouverture  à  la  pei- 
ne ,  pour  en  être  par  lui  acquittés. 

Par  exemple  ,  fi  quelqu'un  s'eil  obligé 
envers  moi  de  me  laifTer  paffer  fur  fon 
héritage  contigu  àlamaifon  que  j'occupe, 
tant  que  j'occuperois  cette  maifon  ,  à 
peine  de  dix  livres  de  dommages  &  inté- 
rêts ,  en  cas  d'empêchement  ;  fi  quel- 
qu'un des  héritiers  de  mon  débiteur  me 
bouche  le  paffage  ,  quoique  fans  la  parti- 
cipation &  contre  le  gré  defes cohéritiers, 
la  peine  entière  des  dix  livres  fera  encou- 
rue ,  ôc  elle  le  fera  contre  chacun  des 

Tv 


44-       Tr.    des    O  b  l  i  g. 

héritiers  de  mon  débiteur ,  qui  en  feront 
tenus  chacun  pour  leur  part  héréditaire  ; 
carie  fait  qui  fait  l'objet  de  l'obligation 
primitive  9  étant  indivifible ,  n'étant  pas 
iiifceptible  de  parties ,  la  contravention 
qui  eft  faite  par  l'un  des  héritiers  du  dé- 
biteur à  cette  obligation  ,  eft  une  con- 
travention à  toute  l'obligation  ,  qui  doit 
par  conféquent  faire  encourir  toute  la 
peine  par  tous  ceux  qui  en  font  tenus  , 
comme  héritiers  du  débiteur  qui  s'en; 
obligé  à  cette  peine  en  cas  de  contra- 
vention. 

C'efl  la  décifion  de  Caton  en  la  loi  4» 
§.  i.ff.  de  verb.  oblig.  Cato  f crible  : pœnâ 
certœ  pecuniœ  promijfd  ,  fi  quid  aliter  fit 
facîum  ;  mortuo  promijjore  ,  fi  ex  pluribus 
heredibus  nnus  contra  quàm  cautum  fit  ? 
fecerit  ;  aut  ab  omnibus  heredibus  pœnam 
committi  pro  portione  hereditarid  ?  aut  ah 
uno  pro  portione  fud  ;  ab  omnibus ,  fi  id 
facium  de  quo  cautum  ejl  individuum  fit  , 
yeluti  iter  fieri ,  quia  quod  in  partes  divi- 
di  non  poteji  ,  ab  omnibus  quodam  modo 
facium  vider  etur.  Et  plus  bas  :  Omnes  com- 
mifïffevidentur  ,  quodnifi  in  folidum  pec- 
cari poterie ,  il/am  ftipulat'wnem per te  non 
fieri  quominiis  mihi  ire  agere  liceat. 

Le  Jurifconfulte  Paul  décide  la  même 
chofe  en  la  loi  85.  §.  ï-ff-d  tit.  quo- 
niam  liât  ab  uno  prohibeor  7  non  tamen 


Part.  II.    Chap.  V.       443 
in  parum  prohibeor  ;    6c   il  ajoute ,  j'ed 

Uti  famili*  treifeundx  judicio  fardent 
dam  nu  m. 

Les  héritiers  n'étant  tenus  de  la  peine, 
chacun  que  pour  la  part  dont  il  efl  héri- 
tier ,  l'ont  en  cela  différents  des  débiteurs 
folidaires  ,  qui  font  débiteurs  de  la  peine 
pour  le  total,  lorsqu'elle  eft  encourue  par 
l'un  d'eux  ,  comme  ils  le  font  du  princi- 
pal.  <tyi  ^  *!••• 

356.  Le  créancier  peut-il  demandera 
peine  entière  à  celui  des  héritiers  qui  a 
fait  la  contravention  ?  La  raifon  de  dou- 
ter eft  que  la  loi  ne  le  dit  pas,  &  qu'elle 
dit  au  contraire  que  la  peine  eft  due  par 
tous  les  héritiers  ,  pour  leur  portion  hé- 
réditaire feulement.  On  ajoute  que  la  con- 
travention de  l'héritier  ne  donne  ouver- 
ture à  la  dette  de  la  peine  qu'entant  que 
cette  contravention  eft  comme  la  condi- 
tion fous  laquelle  l'obligation  de  la  peine 
a  été  contractée  par  le  défunt  ;  cette 
dette  de  la  peine  qui  a  été  contractée  par 
le  défunt ,  étant  une  dette  du  défunt ,  6c 
une  dette  divifible  ;  l'héritier  n'en  peur 
être  tenu  que  pour  la  portion  pour  la- 
quelle il  eft  héritier,  6c  pour  laquelle  il 
fuccede  en  cette  qualité  aux  dettes  dit 
défunt. 

Il  faut  décider  néanmoins  que  l'héritier 
qui  contrevient  à  l'obligation  indivifible 

T  v) 


'444  Tr.  des  Oblig, 
contra&ée  par  le  défunt,devient  débiteur 
de  la  peine  pour  le  total  ;  on  ne  peut  dou- 
ter qu'il  en  eft  tenu  au  moins  obliquement 
&  indirectement  ;  car  étant  tenu  d'acquit- 
ter fes  cohéritiers  des  parts  dont  ils  en 
font  tenus  ,  le  créancier  doit  être  admis  , 
pour  éviter  le  circuit  d'à  Étions  ,  à  lui  de- 
mander la  peine  non-feulement  pour  fa 
part ,  mais  pour  celle  de  fes  cohéritiers 
dont  il  eft  tenu  de  les  acquitter ,  &  par 
conféquent  pour  le  total. 

Dumoulin,/;.  3.  n.  173.  &  174.  & 
paffîm  alibi ,  va  plus  loin  ,  &  foutientque 
cet  héritier  doit  la  peine  pour  le  total , 
non-feulement  obliquement ,  mais  même 
directement  ;  car  l'obligation  primitive 
étant  fuppofée  indivifible  ,  il  en  eft  débi- 
teur pour  le  total,  &c  débiteur  fous  la 
peine  convenue  :  or  fa  contravention  à 
une  obligation  dont  il  eft  tenu  pour  le  to- 
tal ,  doit  lui  faire  encourir  toute  la  peine. 
Cela  fe  prouve  par  un  argument  tiré  de 
la  loi  9.  ff.  depof.  que  nous  avons  ci- 
demis  rapportée  ;  il  eft  décidé  que  l'héri- 
tier en  partie  du  dépofitaire  5  qui  par  fon 
fait  a  caufé  la  perte  de  la  chofe  donnée 
en  dépôt  au  défunt ,  eft  tenu  pour  le  to- 
tal des  dommages  &:  intérêts  envers  ce- 
lui qui  l'a  donnée  en  dépôt  ,  parce  que 
quoique  l'obligation  principale  de  refti- 
tuer  la  chofe  dépofée  ?  foit  une  obligation 


Part.  II.    Chap.  V.      44? 

dlviiible  ,  l'obligation  accefToire  de  la 
preftation  de  la  bonne  foi  pour  la  con- 
servation de  la  chofe  dépotée  ,  eft  une 
obligation  indivifible ,  dont  chacun  des 
héritiers  du  dépofitaire  eft  tenu  pour  le 
total ,  &  qui  le  rend  débiteur  pour  le 
total  des  dommages  tk  intérêts  du  créan- 
cier, lorfqu'il  y  contrevient;  que  fi  un 
héritier  pour  partie  qui  contrevient  par 
fon  fait  à  une  obligation  indivifible  du 
défunt  ,  eft  débiteur  pour  le  total  des 
dommages  &  intérêts  ,  il  doit  l'être  aufïï. 
pour  le  total  de  la  peine  ,  puifque  la  pei- 
ne tient  lieu  des  dommages  &  intérêts,  ÔC 
n'en  eft  que  la  liquidation  convenue 
par  les  parties  elles-mêmes  :  tel  eft.  le  rai- 
sonnement de  Dumoulin. 

A  l'égard  de  la  première  objection  tirée 
du  §.  Catc.  La  réponfe  eft  que  lorfque 
Caton  décide  que  dans  les  obligations  in- 
divifibles  ,  la  contravention  faite  par  l'un 
des  héritiers  fait  encourir  la  peine  contre 
chacun  d'eux  pour  leurs  portions  hérédi-r 
taires ,  il  n'entend  parler  que  des  héri- 
tiers qui  n'ont  point  participé  à  la  contra- 
vention. A  l'égard  delà  deuxième  objec- 
tion qui  confifte  à  dire  que  l'obligation  de 
la  peine  étant  une  obligation  divifible 
contractée  par  le  défunt ,  chaque  héritier 
ne  peut  être  tenu  que  pour  la  part  dont  il 
eft  héritier;  la  réponfe  de  Dumoulin  eft, 


446  Tr.  des  Oblig. 
que  cela  eft  vrai  lorfque  l'héritier  nreit 
eft  tenu  que  comme  héritier,  tanquàm 
hères;  mais  lorfqu'il  en  eft  tenu  ut  ipfe  & 
ex  proprio  facto  ,  il  en  eft  tenu  pour  le  to- 
tal ,  6c  c'eft  une  de  (es  clefs  pour  déci- 
der les  queftions  fur  cette  matière  :  aliud 
ejl  teneri  heredem  ut  heredem  ,  aliud  tenert 
ut  ipfum.  Tr.  de  div.  &  indiv.  p.  3.  n.  5. 
&  112. 

357.  Lorfque  la  contravention  à  une 
obligation  indivifible  eft  faite  par  un  des 
héritiers  du  débiteur ,  l'héritier  qui  a  fait 
la  contravention  étant  tenu  de  la  peine 
pour  le  total ,  il  faut  par  la  même  raiion 
décider  que  lorfque  la  contravention  a 
été  faite  par  plufieurs  héritiers  ,  chacun 
d'eux  eft  folidairement  tenu  de  la  peine  ; 
car  les  contraventions  de  fes  cohéritiers 
ne  diminuent  pas  la  tienne  ,  me  qui  pee- 
cavit)  ex  eorelevari  débet  5  quodpeccaticon- 
fortem  habuit  ;  multitude*  peccantium  non 
exonérât ,  fed  potiùs  aggravât.  Molin.  ibid. 
p.  3.  n.  148. 

358.  Tout  ce  que  nous  avons  dit  dans 
ce  paragraphe  à  l'égard  des  héritiers  du 
débiteur  d'une  dette  indivifible  ,  reçoit 
application  à  l'égard  de  plufieurs  débiteurs 
principaux  qui  ont  contracté  enfemble 
fans  folidité  ,  &  fous  une  peine  ,  une  obli- 
gation indivifible  ;  la  contravention  faite 
par  l'un  d'eux  oblige  les  autres  à  la  prêt- 


Part.  II.  Chap.  V.  447 
tation  de  la  peine  ,  chacun  pour  fa  part 
virile  ,  faut  leur  recours  ,  de  elle  oblige 
pour  le  total  celui  qui  l'a  faite  ;  lorfque 
la  contravention  a  été  faite  par  plufieurs 
elle  y  oblige  folidairement» 

s-  n- 

Dêcifion  de  la  quefîion    à  l'égard  des 
Obligations  divifibles. 

359.  Lorfque  l'obligation  primitive  >  d- ,, 
qui  a  été  contractée  fous  une  claufe  pé- 
nale ,  efr.  l'obligation  d'un  fait  diviûble , 
Caton  au  paragraphe  ci-derTus  cité,  paroît 
décider  que  celui  des  héritiers  du  débi- 
teur qui  contrevient  à  cette  obligation  , 
encourt  feul  la  peine  pour  la  part  dont  il 
eft  héritier  ;  fi  de  eo  cautum  fit  quod  divi- 
fionem  rccipiai  ,  veluti  amplius  non  agi  9 
mm  hereddm  qui  adversùs  eafecit,piopor~ 
îione  fuâ  folum  pœnam  committere. 

On  peut  faire  de  cette  manière  l'ef- 
pece  de  la  loi  ;  une  perfonne  s'efl:  enga- 
gée envers  moi  ,  fous  peine  de  300HV. 
a  acquiefeer  à  la  fentence  d'un  arbitre  , 
qui  avoit  donné  congé  d'une  demande, 
par  laquelle  elle  fe  croyoit  être  ma  créan- 
cière de  dix  muids  de  bled  ;  un  de  fes 
héritiers  qui  l'eft  pour  une  cinquième 
portion  y  a  ?  contre  la  foi  de  cette  con- 


'44^        Tr.    des    Oblig. 

vention  ,  renouvelle  la  conteftation ,  Se 
m'a  demandé  fa  cinquième  portion  de  dix 
muids  de  bled  ,  que  l'arbitre  avoit  jugé 
que  je  ne  de  vois  pas  ;  il  encourt  feul  la 
peine  convenue  ,  ôc  il  ne  l'encourt  que 
pour  la  cinquième  portion  dont  il  eft.  hé- 
ritier ;  la  raifon  eft  que  l'obligation  eft 
divifible  ,  &  cet  héritier  n'y  ayant  pu 
contrevenir  que  pour  la  part  pour  la- 
quelle il  en  eu  tenu ,  il  ne  peut  être  tenu 
de  la  peine  que  pour  cette  part  ;  fes  cohé- 
ritiers qui  non  -  feulement  n'y  ont  pas 
contrevenu,  mais  ont  fatisfait  pour  leur 
part  à  cette  obligation  ,  en  acquiefçant 
pour  leur  part  à  la  fentence  de  l'arbitre  , 
ne  peuvent  être  tenus  de  cette  peine  ;  le 
créancier  qui  eft  fatisfait  pour  leur  part 
de  l'obligation  principale  ,  ne  peut  exi- 
ger la  peine  pour  leur  part ,  ne  pouvant 
être  à  la  fois  payé  de  l'obligation  prin- 
cipale &  de  la  peine  ,  comme  on  l'a  vu 
ci-defTus ,   72.342.  &fuiv. 

Le  paragraphe  4.  fi  forum  de  la  loi  5. 
d.  lit.  paroît  contraire  à  cette  décifion 
de  Caton  ;  il  y  eft  décidé  que  lorfque  l'un 
des  héritiers  du  débiteur  a  fatisfait  à  l'o- 
bligation pour  la  part  dont  il  étoittenu  , 
il  ne  laifte  pas  d'encourir  la  peine  ,  fi  fon 
cohéritier  n'y  fatisfait  pas  pareillement , 
feuf  à  lui  fon  recours  contre  ce  cohéri- 
tier qui  a  fait  encourir  la  peine  ,  en  ne 


P  A  R  T.  I  I.     C  H  A  P.  V.        449 

fhtisfaifant  pas  de  fa  part  à  l'obligation  , 
fi  forum  promiferis  ,  &  fi  ta  foluta  non 
effet ,  pœnam  ;  etiamfi  unus  ex  heredibus 
tuis  portionem  fuam  ex  forte  folverît ,  ni" 
hilominiis  pœnam  committet ,  donec  portio 
coheredis  folvatur.  .  .  .  Sed  à  coherede  ei 
fatisfieri  débet  ;  nec  enim.  aliud  in  his  jlipu- 
lationiBiis  fine  injuria Jîipulatori s  conjlitui 
potejl. 

Les  interprètes  ,  tant  anciens  que  mo- 
dernes ,  fe  font  efforcés  à  concilier  ces 
deux  textes  :  Dumoulin  rapporte  diffé- 
rentes conciliations  des  anciens  Interprè- 
tes :; a'il  réfute  toutes. 

II  faut  s'en  tenir  à  celles  de  Cujas  Se 
de  Dumoulin  ,  Tr.  de  div.  &  ind.p.  i.  nm 
62.  &  feq.  qu'on  doit  réunir  en  une,  ÔC 
dire  ;  lorfque  l'obligation  eft  divifible  , 
tàm  folutione  quàm  obligatione  ,  lorfque 
l'intention  des  parties ,  en  ajoutant  la 
claufe  pénale,  a  été  fimplementd'affurer 
l'exécution  de  l'obligation  ,  &  non  d'em- 
pêcher que  le  payement  ne  pût  s'enfai-* 
re  par  parties  par  les  différens  héritiers  du 
débiteur  ,  fur-tout  lorfque  le  fait  qui  fait 
l'objet  de  l'obligation  primitive  ,  eft  tel 
que  les  différens  héritiers  du  débiteur  ne 
peuvent  l'ac  freinent ,  que  cha- 

cun pour  la  >nt  il  eft  héritier  ,  en 

ce  cas  la  décifi  de  Caton  doit  avoirlieu; 
celui  des  héritiers  du  débiteur  qui  çon- 


450        Tr.    des    Ob  li  g. 

frevientà  l'obligation  ,  doitfeul  encourir 
la  peine  ,  &  pour  la  part  feulement  dont 
il  eu  héritier;  le  fait  rapporté  dans  l'ef- 
pece  du  §.  Cato  :  amplius  non  agi,  eft 
de  ces  faits  dividbles  tàm  folutione  quàm 
obligationc ,  &  qui  par  la  nature  des  cho- 
fes  ,  ne  peuvent  s'accomplir  parles  difFé- 
rens  héritiers  de  celui  qui  a  contracté 
l'engagement ,  que  pour  la  part  dont  cha- 
cun eu  héritier  ;  car  aucun  de  ces  héri- 
tiers ne  fuccédant  que  pour  fa  part  au 
droit  &  à  la  prétention  que  le  défunt  s'eft 
engagé  de  ne  pas  exercer  ,  chacun  des 
héritiers  ne  peut  que  pour  fa  part  con- 
trevenir à  cet  engagement  ou  l'exécu- 
ter, en  renouvellant ,  ou  nerenouvellant 
pas  cette  prétention  pour  la  part  qu'il 

Au  contraire  ,  lorfque  l'obligation  efl 
divifible  à  la  vérité  ,  quoad  obligationzm  , 
mais  indivifible,  quoadfolutionem  ,  &  que 
l'intention  des  parties  a  été  ,  en  ajoutant 
la  claufe  pénale  ,  que  le  payement  ne  pût 
fe  faire  que  pour  le  total ,  &£  non  par 
parties  ;  en  ce  cas  chacun  des  héritiers  , 
en  fatisfaifant  pour  fa  part  à  l'obligation 
primitive  n'évitera  pas  d'encourir  la  pei- 
ne ;  &  c'eitàce  cas  qu'on  doitreftraindre 
le  §.  Jifortem ,  lequel  fe  concilie  avec  le 
§.  Cato, 

Dumoulin,  p.  i.  n.  72.  donne  pour 


Part.  II.   Chap.  V.      451 

exemple  de  la  dccifion  du  §.  Ji  forum  y 
l'efpece  d'un  Négociant  quia  ftipulé  de 
l'on  débiteur  une  certaine  fomme  par 
forme  de  peine  ,  au  cas  que  la  fomme 
principale  à  lui  due  ne  lui  fut  pas  remife 
dans  un  certain  lieu,  au  temps  d'une  cer- 
taine foire  ;  les  offres  que  l'un  des  héri- 
tiers feroit  de  lui  remettre  fa  part  de  ladite 
fomme  ,  ne  doivent  pas  empêcher  que  la 
peine  ne  fait  due  pour  le  total  ,  faute 
d'offrir  le  total  ;  parce  que  ce  négociant 
ne  pouvant  faire  les  affaires  qu'il  a  à  la 
foire  ,  qu'avec  le  total  de  la  fomme  qui 
lui  eft  due  ,  l'intention  des  parties  a  été 
en  ftipulant  la  peine  qu'elle  fût  encourue 
pour  le  total ,  faute  du  payement  du  to- 
tal de  la  fomme  due  ,  &  nonobftant  le 
payement  partiel  qui  en  feroit  fait  ;  car 
ce  payement  partiel  ne  peut  réparer,  mê- 
me pour  partie  ,  le  tort  que  le  créancier 
fouffre  du  retard  du  payement  dufurplus, 
&  c'efl  pour  la  réparation  de  ce  tort  que 
la  peine  a  été  ftipulée.  Obfervez  aunl 
que  dans  l'efpece  du  §.Jî forum,  la  peine 
eft  ftipulée  pour  le  retard  de  l'exécution, 
cknon  pour  l'inexécution;  c'eft pourquoi 
le  créancier  doit  recevoir  le  principal  6c 
la  peine. 

La  loi  85.  §.  6.  d.  t.  eft  aufîi  dans 
l'efpece  d'une  obligation  divifible  à  la 
vérité,  queadobUgationcm 7  mais  indivi- 


452.         Tr.   des   Oblig. 

fible,  quoad folutlonem  ;  il  eft  dit  dans 
l'efpece  de  cette  ftipulation  ?  fi  fundus 
Titianus  datus  non  erit ,  ccntum  dari  ;  nift 
totus  detur ,  pœna  committitur  ccntum  ,  ncc 
prodeji  partes  fundi  dare  cejfante  uno  ; 
quemadmodùm  ncc  prodeji  ad  liberandum 
pignus ,  partes  creditorifolvere  ;  quoique 
l'obligation  de  donner  fundum  Titianum 
foit  une  obligation  divifible  ,  quoad  obli- 
gationem  ,  néanmoins  cette  obligation, 
foit  qu'elle  naifTe  d'un  contrat  de  vente  , 
ou  d'un  contrat  d'échange  ,  ou  de  tran- 
fa&ion,  ou  de  quelqu'autre  caufe  ,  eft 
îndivifible  quoad folutlonem,  le  créancier 
ayant  intérêt  de  n'avoir  pas  le  fond  Titien 
pour  partie ,  6c  n'ayant  entendu  l'acquérir 
que  pour  le  total  ;  c'eft  pourquoi  fi  l'un 
des  héritiers  du  débiteur  eft  en  demeure 
de  donner  fa  part  de  cet  héritage  ,  les  of- 
fres des  autres  héritiers  de  donner  les  leurs, 
la  celîion  même  qu'ils  en  auroient  faite 
au  créancier ,  qui  ne  l'auroit  acceptée 
qu'en  attendant  6c  comptant  fur  la  cef* 
fion  du  furplus  ,  n'empêcheroit  pas  le 
créancier  de  pouvoir  demander  la  peine 
pour  le  total ,  en  offrant  néanmoins  de  fe 
défifter  des  portions  de  l'héritage  qu'il  au- 
roit  reçu  ;  car  il  ne  peut  avoir  l'un  &C 
l'autre. 

360.    Dans   le  cas   du   §.  fi  forum  , 
îorfque  l'un  des  héritiers  pour  partie  dit 


Part.  II.    Chap.  V.      453 

débiteur  ,  en  ne  fatisfaifant  pas  à  l'obli- 
gation primitive  ,  pour  la  part  dont  il 
étoit  tenu ,  a  fait  encourir  la  peine  con- 
tre les  autres  qui  étoient  prêts  d'y  fatis- 
faire  pour  leurs  parts  ,  encoure-t-il  lui- 
même  cette  peine  pour  le  total  ?  Il  ne  l'en- 
court directement  que  pour  la  part  dont 
il  eft  héritier  ;   car  n'étant  tenu  de  l'obli- 
gation primitive  que  pour   cette  part , 
il  ne  peut  y  avoir  contrevenu  lui-même 
que  pour  cette  part ,    il  ne  peut  donc 
encourir  que  pour  cette  part  la  peine  , 
qui  doit  être  proportionnée  à  la  contra- 
vention ;   en  cela  les  obligations  divifi- 
bles  différent  des  indivifibles  ;  mais  quoi- 
qu'il ne  foit  tenu  directement  de  la  peine 
que  pour  fa  part ,  il  en  eft  tenu  indirec- 
tement pour  le  total  ;  car  fes  cohéritiers 
qui  étoient  prêts  d'accomplir  l'obligation 
pour  leur  part ,  ayant  encouru  pour  leur 
part  la  peine ,  par  la  demeure  en  laquelle 
cet  héritier  a   été  d'y  fatisfaire  pour  la 
fienne  ,  cet  héritier  eft  tenu  envers  eux 
judicio  familiœ  crcifcundœ, ,  de  les  en  ac- 
quitter ,  d.  §.  (I forum  ,  &  pour  éviter  un 
circuit  d'actions  inutile ,  le  créancier  peut 
être  reçu  à  exiger  de  cet  héritier  la  peine , 
non-feulement  pour  la  part  dont  il  eft  tenu 
directement ,  mais  aufïi  pour  celles  de 
fes  cohéritiers  ,  dont  il  eft  tenu  de  les  ac- 
quitter ,  &  par  çonféquent  pour  le  total. 


454       Tr.     des    Oblig. 

361.  Nous  avons  parlé  jufqu'à  préfent 
du  cas  auquel  l'héritier  pour  partie ,  à  man- 
qué de  iatisfaire  à  une  obligation  divifi- 
ble  du  défunt  ,  pour  la  part  dont  il  en 
étoittenu;  l'efpece  du  §.  Cato  9  Se  celle 
du  §.Jiforrem9  quoique  différentes  en- 
tr'elles  ,  comme  nous  l'avons  obfervé , 
font  l'une  &  l'autre  dans  ce  cas  ;  on  peut 
fuppofer  un  autre  cas ,  fur  lequel  nous 
n'avons  aucun  texte  de  droit ,  c'eft  celui 
auquel  l'héritier  pour  partie  de  celui  qui 
auroit  contracté  ,  fous  une  claufe  pénale  , 
une  obligation  divifible  ,  contreviendroit 
pour  le  total ,  oc  non  pas  feulement  pour 
la  part  dont  il  eft  héritier  ?  à  cette  obli- 
gation du  défunt. 

Par  exemple  ,  une  perfonne  a  affermé 
fon  héritage  à  quelqu'un  ,  ck  laiffe  quatre 
héritiers  ,  dont  l'un  a  expulfé  le  fermier 
pour  le  total  ;  on  fait  fur  cette  efpece 
deux  queftions  ;  la  première  ,  de  fçavoir 
fi  en  ce  cas  la  peine  eft  encourue  pour 
le  total  par  cet  héritier  ;  la  féconde  ,  fi 
elle  eft  encourue ,  non-feulement  contre 
lui ,  mais  contre  (es  cohéritiers  pour 
leur  part  héréditaire  ?  La  raifon  de  douter 
fur  ces  deux  queftions  ?  eft  que  cet  héri- 
tier n'étant  tenu  comme  héritier  que  pour 
la  part  dont  il  eft  héritier ,  de  l'entretien 
du  bail  ,  il  doit  être  regardé  comme 
étranger  pour  les  autres  parts;  le  trouble 


P  ART.    11.     C  H  A  P.   V.        455 

qu'il  tait  au  fermier  ,  il  ne  le  fait  comme 
héritier  que  pour  fa  part,  il  le  fait  com- 
me étranger  pour  les  autres  parts  :  d'où 
on  conclue! ,  que  de  même  que  le  trouble 
qu'un  étranger  fans  droit  auroit  apporté  à 
la  jouifîance  du  fermier,  n'auroit  pas  don- 
ne ouverture  à  la  peine ,  ni  contre  cet 
étranger  ,  qui  auroit  feulement  été  tenu 
des  dommages  &  intérêts  ;  ni  contre  les 
héritiers  du  bailleur,  qui  auroient  feule- 
ment été  tenus  de  faire  remife  au  fermier 
de  la  ferme  ,  à  proportion  du  définit  de 
jouiftance  ,  en  cas  d'infolvabilitéde  celui 
qui  a  fait  le  trouble  ;  de  même  dans  cette 
cfpece  la  peine  ne  doit  pas  être  encourue 
contre  cet  héritier  en  partie,  fi  ce  n'eft 
pour  la  paît  dont  il  eft  héritier;  il  doit 
feulement  être  tenu  des  dommages  &C  in- 
térêts pour  le  furplus ,  &  la  peine  ne  doit 
pas  non  plus  être  encourue  contre  fes  co- 
héritiers ;  néanmoins  Dumoulin ,  qui  agi- 
te ces  queftions  ,  p.  3 .  n.  41  2.  &jeq.  dé- 
cide que  dans  cette  efpece ,  la  peine  eft 
encourue  pour  le  total  contre  cet  héritier 
en  partie ,  &  même  qu'elle  eft  encourue 
contre  fes  cohéritiers ,  pour  la  part  dont 
chacun  eft  héritier.  Pour  établir  fa  déci- 
fion  ,  &  pour  réfuter  en  même  temps  le 
raifonnement  que  nous  venons  de   rap- 
porter, il  diftingue  dans  cette  obligation 
d'entretenir  le  bail  ?  6c  dans  toutes  les 


456  Tr.  des  Oblîg. 
autres  obligations  divifibles,  deux  efpeces 
d'obligations  ;  la  principale,  telle  qu*eft, 
dans  cette  efpece  ,  celle  d'entretenir  le 
bail ,  laquelle  eil  divifible  ;  6l  l'obliga- 
tion acceflbire  ,  qui  eu  l'obligation  de  la 
preftation  de  la  bonne  foi ,  laquelle  efl 
îndivifible  ,  &  dont  en  conféquence  cha- 
que héritier  eft  tenu  pour  le  total  ;  l'héri- 
tier en  partie  du  bailleur ,  qui  expulfe 
le  fermier  ,  n'étoit  à  la  vérité  tenu  de 
l'obligation  principale  que  pour  fa  part  ; 
mais  il  étoit  tenu  pour  le  total  &  indivi- 
fément ,  de  la  preftation  de  la  bonne  foi; 
cette  bonne  foi  Pobligeoit  à  n'apporter 
aucun  trouble  à  la  jouiffance  du  fermier  , 
non-feulement  pour  fa  part,  mais  même 
pour  les  autres  parts  ;  en  expulfant  le 
fermier ,  du  total  de  la  jouiffance  ,  il  ne 
doit  donc  pas  être  confidéré  comme 
ayant  fimplement  péché  comme  étranger, 
par  rapport  aux  autres  parts ,  mais  com- 
me ayant  contrevenu  à  l'obligation  de  la 
preftation  de  la  bonne  foi  dont  il  étoit 
tenu  comme  héritier ,  même  par  rapport 
aux  autres  parts  ;  cette  contravention 
étant  donc  une  contravention ,  même  par 
rapport  aux  autres  parts  ,  &C  par  confé- 
quent  pour  le  total,  à  une  obligation  héré- 
ditaire contractée  par  le  défunt ,  fous  la 
peine  contenue  en  la  convention ,  elle 
doit  donner  ouverture  pour  le  total  à  la 

peine. 


P  art.  II.    Chap.  V.      457 

peine  contre  l'héritier  qui  y  a  contre- 
u  ;  telle  eft  la  décifionde  Dumoulin 
fur  la  première  queftion.  Dumoulin  con- 
firme cette  décifion  par  ce  raifonnement; 
s'il  étoit  vrai ,  dit-il ,  que  cet  héritier  en 
expuliant  totalement  le  fermier  ,  ne  dût 
Être  cenfé  avoir  contrevenu  que  pour  fa 
part  ,    &  dût   être    confidéré    comme 
n'ayant  péché  que  comme  étranger  pour 
les  autres  parts  ,  il  s'enfuivroit  que  le 
fermier  n'auroit  point  pour  raifon  de  cette 
contravention  pour  lefdites  parts ,  l'hypo- 
thèque furies  biens  du  défunt  réfultante 
de  fon  bail  ;  il  s'enfuivroit,  que  quoique 
le  bail  eût  été  pafTé  fous  un  fceau  attri- 
butif de  jurifdiclion,  tel  qu'efl  celui  du 
Châtelet  d'Orléans ,  le  fermier  ne  pour- 
roit  traduire  cet  héritier  qui  Pauroit  ex- 
pulfé  devant  le  Bailli  d'Orléans ,  fi  ce  n'efl: 
pour  la  part  dont  il  eft  héritier  :  or  c'efl: 
ce  que  perfonne  ne  s'avifera  de  dire  ;  donc 
cet  héritier  en  partie  en  expulûnt  le  fer- 
mier ,   doit  être  réputé  avoir  contreve- 
nu ,  non-feulement   pour  fa  part ,  mais 
pour  les  autres  parts  ,  &  pour  le  total , 
à  une  obligation  héréditaire ,  &  par  con- 
1  e  quent  il  doit  encourir ,  pour  le  total ,  la 
peine  convenue  en  cas  de  contravention. 
A  Pcgard  de  la  féconde  question  ,  Du- 
moulin  par  la  même  raifon  décide  que 
la  peine  eft  encourue,   non -feulement 
Tome  I,  V 


458  Tr.  des  Oblig, 
contre  cet  héritier ,  mais  contre  chacun 
de  fes  cohéritiers  pour  la  part  dont  ils  font 
héritiers  ;  car  par  la  claufe  pénale  le  dé- 
finit s'eit  obligé  lui  &  tous  fes  héritiers 
au  payement  de  la  peine  ,  en  cas  de  con- 
travention à  l'obligation  primitive  ;  il  fuf- 
ût  donc  qu'il  y  ait  eu  une  contravention 
pour  que  Ton  puiffe  dire  ,  que  la  condi- 
tion fous  laquelle  a  été  contractée  cette 
obligation  de  la  peine ,  ait  exifté ,  &C  par 
conséquent  pour  que  tous  les  héritiers  du 
défunt  en  foient  tenus. 

Si  le  défunt  avoit  donné  des  cautions 
in  omncm  caufam ,  dont  le  cautionnement 
s'étendit ,  tant  à  l'obligation  primitive  , 
qu'à  l'obligation  pénale  ;  le  fait  de  cet 
héritier ,  qui  a  expulfé  le  fermier ,  auroit 
obligé  les  cautions  à  la  prefration  de  la 
peine  ;  à  plus  forte  raifon  doit-il  obliger 
fes  cohéritiers  qui  fuccedent  à  cette  obli- 
gation comme  débiteurs  principaux. 

362.  Cette  décifion  fur  la  féconde 
queftion  a  lieu  quand  même  celui  des 
héritiers,  qui  a  expulfé  le  fermier,  fe- 
roit  feul  tenu  de  l'obligation  primitive 
ée  l'entretien  du  bail ,  comme  dans  cette 
efpece.  J'ai  fait  bail  d'un  propre  pater- 
nel à  un  fermier ,  fous  la  peine  de  deux 
cents  livres ,  au  cas  que  je  manquafTe  à  le 
faire  jouir;  je  laifîe  un  héritier  de  ce  pro- 
pre paternel ,  6c  plufieurs  héritiers  d'une 


Part.  II.  Chap.V.  459 
autre  ligne  à  mes  autres  biens  ;  cet  héri- 
tier  paternel  empêche  par  fon  fait  le  fer- 
mier de  jouir  \putà,  en  vendant  l'héritage 
(ans  charger  l'acquéreur  de  l'entretien  du 
bail  ;  quoique  cet  héritier  fut  feul  tenu 
de  l'obligation  primitive  de  l'entretien  du 
bail ,  fuivant  les  principes  expofés  ci- 
deflus  ,  n,  301.  cette  obligation  étant 
l'obligation  d'un  corps  certain  auquel  il 
a  feul  fuccédé  ;  néanmoins  fa  contraven- 
tion à  catte  obligation  fera  encourir  la 
peine  à  tous  les  héritiers  ?  pour  la  part 
dont  chacun  eft  héritier  ;  car  la  dette  de- 
là peine  eft  la  dette  d'une  fomme  d'argent 
contractée  par  le  défunt ,  fous  la  condi- 
tion de  cette  contravention ,  à  laquelle 
dette  par  conféquent  tous  les  héritiers  du 
défunt  fuccedent  ;  au  relie  ils  ont  recours 
contre  celui  qui  a  fait  la  contravention, 
Molin.  part.    3.  ri.  430. 

363.  Voici  une  autre  efpece  ;  unufu- 
fruitier  a  fait  un  bail  à  ferme  de  l'héri- 
tage dont  il  avoit  l'ufufruit ,  en  taifant  fa 
qualité  d'ufufruitier  ,  &  fe  portant  pour 
propriétaire  ;  il  y  a  une  peine  de  200. 1. 
ftipulée  au  profit  du'f  .rmier ,  au  cas  qu'il 
manque  de  le  faire  jouir  ;  il  laiffe  quatre 
héritiers,  l'un  defquels  eft  propriétaire 
de  l'héritage  ,  qui  en  fa  qualité  de  pro- 
priétaire expuife  le  fermier  ;  il  y  a  lieu 
a  la  peine  contre  les  quatre  héritiers  ; 

Vii 


Afio        T  R.      DES     O  B  L  I  G.' 

mais  celui  qui  l'a  expuifé  n'en  efl  tenu 
que  pour  fa  part  ;  &c  n'efï  pas  obligé , 
comme  dans  l'efpece  précédente ,  à  in- 
demnifer  les  autres  ;  car  ayant  en  fa  qua- 
lité de  propriétaire  le  droit  de  jouir  de 
fon  héritage ,  il  n'a  pas  péché  contre  la 
bonne  foi ,  dolo  non  facit  qui  jure  fuo 
utitur  ;  il  n'eft  tenu  de  l'inexécution  du 
bail  &  de  la  peine  qu'en  fa  qualité  d'héri- 
tier ,  &  par  conféquent  feulement  pour 
fa  part  héréditaire.  Molin.  ibid.  n°.  43  2. 

Article     V. 

Si  la  peine  efl  encourue  pour  le  total  9  & 
envers  tous  les  héritiers  du  créancier ,  par 
la  contravention  faite  envers  tun  d'eux, 

364.  Paul  en  la  loi  2.  §.Jin.  de  verb* 
oblig.  décide  cette  queftion  dans  l'efpece 
d'une  Hipulation  pénale  appofée  à  une 
obligation  primitive  indivifible  ;  finge  , 
vous  vous  êtes  par  une  tranfa&ion  obligé 
envers  moi  de  me  laifîer  paffer  moi  &C 
mes  héritiers  par  votre  parc ,  tant  à  pied 
qu'à  cheval  &c  avec  des  bêtes  de  charge  , 
à  peine  de  douze  livres  en  cas  de  con- 
travention à  votre  obligation  ;  j'ai  laiffé 
quatre  héritiers  ;  vous  avez  empêché  l'en- 
trée du  parc  à  l'un  des  quatre  héritiers  , 
&  l'avez  permife  aux  trois  autres  j  Paul 


Part.  II.    Chàp.  V.      461 
décide  qu'en  ce  cas  la  contravention  étant 
ire  à  une  obligation  indivisible  ,  &C  non 
ilifceptible  de  parties  ,  ne  peut  être  une 
contravention  partielle  ;  qu'ainfi  la  peine 
à  laquelle  elle  donne  lieu  ,  paroîtroit ,  fé- 
lon la  fubtilité  du  droit ,  devoir  être  en- 
courue pour  le  total  ,   au  profit  de  tous 
les  héritiers;  néanmoins  que  félon  l'équi- 
té qui  doit  en  ce  cas  prévaloir  à  la  fubti- 
lité ,  la  peine  ne  doit  être  encourue  qu'en- 
vers celui  des  héritiers  à  qui  on  réfiifç 
l'entrée,    &  qu'elle  ne  doit  l'être  que 
pour  fa  part  héréditaire  feulement,  Sijli~ 
pulator  dccejjhit  qui  Jiipulatus  erû^fihihe* 
redique  fuo  a^ere  licere  ,  &  unus  ex  kzrzdU 
bus  cjus  prohibeatur  ;  fî  pœna  Jit  adjccla  y 
infolidum  ,  conwiitwuî ,  fed  qui  nonfunt 
prohibitif  doli  exceptime  fummovebuntur*  d. 
§.  La  raifon  efï  que  l'équité  ne  permet 
pas  que  les  trois  héritiers  ,  à  qui  ie  débi- 
teur a  accordé  l'entrée  de  fon  parc ,  puif- 
fent  en  même  temps  percevoir  tout  le 
fruit  de  l'exécution  de  l'obligation ,  &c 
percevoir  la  peine  ftipulée  pour  l'inexé- 
cution de  cette  obligation  ,  ni  qu'ils  puif- 
fent  fe  plaindre  de  la  contravention ,  que 
le  débiteur  a  faite  à  fon  obligation  envers 
leur  cohéritier ,   à  laquelle    contraven- 
tion ils  n'ont  aucuns  intérêts  ,  non  débet 
aliquis  haberefimul  implementum  obligation 
nis ,  &  pœnam  contraventions ,    &  pœna 

V  iij  ' 


462       Tr.    des    Oblig. 

quœ  fubrogatur  loco  ejus  quodinterejl ,  non 
débet  committi  kis  qui  non  funt prohibitif  & 
quorum  nullâ  interejl  çckcredem  ip forum  ejje 
prohibition ,  Molin.p.  1 .  n.  3 1.  &  3  5 .  La  loi 
3.  §.  1.  <£  m',  paroît  contraire  :  la  réponfe 
elr  qu'Uîpien  ne  parle  que- félon  la  îiibti- 
îiîé  du  droit. 

La  contravention  faite  à  l'obligation 
par  le  débiteur  envers  l'un  des  héritiers  , 
ne  donnant  lieu  à  la  peine  qu'envers  cet 
héritier,  &  pour  fa  part  héréditaire  feu- 
lement y  quoique  l'obligation  primitive 
fût  indivifibie  ;  à  plus  forte  raifon  doit- 
on  décider  la  même  chofe  ,  lorfque  l'obli- 
gation primitive  efl  une  obligation  divi- 
sible. 


CHAPITRE     VI. 

Des  Obligations  acceffbires  desfidijujfeurs  % 
&  autres  qui  accèdent  à  celle  d'un  prin~ 
'  cipal  débiteur, 

CE  Chapitre  elt  divifé  enhuit  Sections, 
dont  les  fept  premières  concernent 
les  cautionnemens  :  nous  traiterons  dans 
la  première  de  la  nature  du  cautionne- 
ment ;  nous  verrons  dans  la  deuxième 
quelles  font  les  différentes  efpeces  de 


Part  IL   G  h  ap.  VI.     463 

cautions  ;  dans  latroifieme  nous  traiterons 
des  qualités  que  doivent  avoir  les  cau- 
tions ;  nous  verrons  dans  la  quatrième 
pour  qui ,  envers  qui ,  pour  quelle  ef- 
pece  d'obligation  ,  61  comment  fe  con- 
sent les  cautionnemens  ;  dans  la  cin- 
quième 5  à  quoi  ils  s'étendent  ;  dans  la 
fixieme  nous  traiterons  des  manières  dont 
reignent  les  cautionnemens ,  ck  des  dif- 
férentes exceptions  que  la  loi  accorde  aux 
cautions  ;  dans  la  feptieme  ,  des  adions 
qu'a  de  fon  chef  la  caution  contre  le  dé- 
biteur principal  &c  contre  fes  fidéjurTeurs  ; 
la  huitième  &  dernière  Section  traite  des 
autres  efpeces  d'obligations  accefîbires. 

Section    première. 

De  la  nature  du  cautionnement  :  définition 
des  cautions  oufidéjujjeurs  ?  &  les  Corol- 
laires qui  en  dérivent. 

365.  Le  cautionnement  ert  un  contrat 
par  lequel  quelqu'un  s'oblige  pour  un  dé- 
biteur envers  le  créancier  ,  à  lui  payer 
en  tout  ou  en  partie  ce  que  ce  débiteur 
lui  doit  ,  en  accédant  à  fon  obligation. 

On  appelle  caution  ,  ou  fidéjufTeur  , 
celui  qui  contracte  une  telle  obligation. 

Le  cautionnement  ,  outre  le  contrat 
qui  intervient  entre  la  caution  &  le  créan- 

Viv 


464  Tr.  des  Oblig. 
cier  envers  qui  la  caution  s'oblige  ,  ren- 
ferme auïïi  afTez  fouvent  un  autre  con- 
trat ,  qui  eft  cenfé  intervenir  au  moins  ta- 
citement ,  entre  la  caution  &:  le  débiteur 
pour  qui  la  caution  s'oblige  ,  &  ce  con- 
trat efl  le  contrat  de  mandat ,  qui  eft  tou- 
jours cenfé  intervenir  lorfque  c'efl  au  fçu 
&  au  gré  du  débiteur  principal  que  la 
caution  s'oblige  pour  lui ,  fuivant  cette 
règle  de  droit  9femper  qui  non  prohiba  pro 
Je  intervenire  9  mandare  crédit  tir  ,  £.  60. 
ff.de  R.J.  Lorfque  le  cautionnement  a  été 
fait  à  l'infçu  du  débiteur  qu'on  a  caution- 
né ,  il  ne  peut  pas  être  cenfé  renfermer 
aucun  contrat  entre  la  caution  &  ce  débi- 
teur ;  mais  il  efl  cenfé  intervenir  en  ce 
cas  entr'eux  Pefpece  de  quafi  -  contrat  , 
qu'on  appelle  ,  negotiorum  gejiorum  :  nous 
traiterons  des  obligations  qui  naifTent  de 
ce  contrat  de  mandat ,  ou  du  quaû-con- 
trat  negotiorum  gejiorum  ,  en  la  feptieme 
ie&ion  de  ce  chapitre. 

Le  contrat  qui  intervient  entre  la  cau- 
tion &  le  créancier  envers  qui  elle  s'o- 
blige ,  n'eft.  pas  de  la  clafTe  des  contrats 
bienfaifans  ;  car  le  créancier  ne  reçoit  par 
ce  contrat  rien  au-delà  de  ce  qui  lui  eil 
du  ;  il  ne  fe  procure  qu'une  fureté  pour 
ce  qui  lui  eft  dû  ,  fans  laquelle  il  n'auroit 
pas  coiitra&é  avec  le  débiteur  principal  , 
ou  ne  lui  auroit  pas  accordé   le  terme 


Part.  II.  Chap.  VI.  465 
qu'il  lui  accorde  :  mais  le  cautionnement 
renferme  un  bientait  à  l'égard  du  débi- 
teur pour  qui  la  caution  s'oblige. 

De  la  définition  que  nous  venons  de 
donner  du  cautionnement  &  des  cautions, 
dérivent  plusieurs  Corollaires. 

Corollaire   premier. 

366.  L'obligation  des  fidéjufïeurs  étant 
fuivant  notre  définition  ,  une  obligation 
accefïbire  à  celle  du  débiteur  principal , 
il  en  réfulte  qu'il  eu  de  l'effence  de  l'obli- 
gation des  fidéjiuTeurs,qu'il  yaituneobli- 
gation  d'un  principal  débiteur   qui  foit 
valable  ;  conféquemment  fi  celui  pour 
qui  le  ndéjuffeur  s'eft  obligé  envers  vous 
n'étoit  pas  votre  débiteur ,  le  ridéjuiTeur 
ne  feroitpas  obligé;  l'obligation  accef- 
foire  ne  pouvant  pas  fubfifter  fans  une 
obligation  principale  ,   fuivant  cette  rè- 
gle de  droit ,  cùm  caufa  principalis  non 
confijiit  ^  ne  ea  quidem  quee  fcquuntur  lo- 
cùm  habent ,  Z.  178.  ffl  de  reg.jur. 

Corollaire    II. 

3  67.  Une  féconde  conféquence  de  no- 
tre définition  eft  que  le  fidéjuffeur ,  en 
s'obligeant  pour  quelqu'un ,  ne  le  dé- 
charge point  de  fon  obligation,  mais  ea 

y  y 


466  T r.  des  Oblig. 
contra  cle  une  qui  accède  à  la  fienne  ;  en 
quoi  le  fidéjinïeur  efi  différent  de  celui 
qu'on  appelle  en  Droit,  Expromijjor  , 
qui  s'oblige  envers  le  créancier  de  ma- 
nière que  le  créancier  l'accepte  pour 
débiteur  ,  à  la  place  de  l'autre  qu'il  dé- 
charge. 

Corollaire    III. 

368.  Il  réfuîte  de  notre  définition  que 
le  fidéjufTeur  ne  peut  valablement  s'obli- 
ger qu'à  la  preftation  de  la  chofe  même 
à  laquelle  le  débiteur  principal  eft  obli- 
gé ,  ou  à  la  preftation  d'une  partie  de  cet- 
te même  chofe  ;  c'en:  pourquoi  fi  quel- 
qu'un fe  rendoit  caution  envers  moi  pour- 
cent  muids  de  bled  ,  pour  une  perfonne 
qui  me  doit  deux  mille  livres  ,  ce  cau- 
tionnement feroit  nul,  L.  42.  ff.  defide- 
juff.  quia  in  aliam  rem  quam  quce  eji  fide- 
jufjbr  obligari  non  potefi^  quia  ,  non  ut  œf- 
timatio  rerum  quce  rnercis  numéro  habentur 
ïnpecunid  mimer  atâfieri  pote  fi ,  ita  pecunia 
qjuoque  merce  cejlimanda  eji. 

Contra  vice  versa ,  on  peut  valablement 
fe  rendre  caution  envers  moi  pour  une 
Comme  de  deux  mille  livres ,  pour  celui 
qui  me  doit  cent  muids  de  bled  ;  car 
Fargent  étant  l'eftimation  commune  de 
toutes,  les,  chofes \x  celui:  qui  me  doit  une 


Part.  II.    Ch  a  p.  VI.    467 

quantité  de  cent  muids  de  bled  de  valeur 
de  deux  mille  livres  ,  nie  doit  effe clive- 
ment  &:  véritablement  deux  mille  livres, 
cv  par  conféquent  celui  qui  s'oblige  pour 
lui  envers  moi  à  me  payer  deux  mille 
livres  ,  ne  s'oblige  pas  à  quelque  chofe 
de  différent  de  ce  qui  m'ert  dû  par  mon 
principal  débiteur. 

369.  Si  quelqu'un  s'étoit  obligé  envers 
moi  à  me  donner  un  certain  héritage ,  & 
qu'un  autre  le  cautionnât  pour  l'umfhiit 
de  cet  héritage  ,  le  cautionnement  feroit- 
il  valable  ?  Oui ,  car  l'ufufruit  étant  un 
droit  dans  cet  héritage  qui  m'efr.  dû,  tait 
en  quelque  façon  partie  de  la  chofe  qui 
m'eft  due  ,  &  par  conféquent  on  ne  peut 
pas  dire  que  la  caution  fe  feroit  obligée  à 
quelque  chofe  de  différent  de  la  chofe 
due  par  le  débiteur  principal  ;  c'ert  ce 
eue  décide  Caïus  en  la  loi  70.  §.  z.ffl  de 
fidejujj\  In  eo  ,  dit  -  il  ,  videtur  dubitatio 
effe ,  ufusfrucîus  pars  rci  Jit  an  proprium' 
quiddam  ?  fed  cum  ufusfrucîus  ,  fundi  jus 
eji  ,  incivile  efifidejujjorem  ,  ex  fuâ  promif- 
Jïone  non  temri. 

Corollaire    IV. 

370.  Il  réfulte  de  cette  définition  crue  fa 
caution  ne  peut  valablement  s'obliger  à 
plus  qu'à  ce  à  quoi  le  débiteur  principal 

V  vj, 


468  Tr.  des  Oblig. 
eft  obligé  ;  &  comme  le  plus  s'ef  lime  non- 
feulement  quantitau  ,  mais  auffi  du,  loco , 
conditionc,  modo,  il  en  réfulte  que  le 
fidéjuffeiir  ne  peut  s'obliger  à  des  condi- 
tions plus  dures  ,  que  le  principal  obligé; 
car  l'obligation  acceiîbire  ne  peut  furpaf- 
fer  la  principale  ;  mais  il  peut  s'obliger  à 
des  conditions  moins  dures  ;  c'eft  ce  que 
décide  la  Loi  8.  §.  j.ff.defidejujf.  lllud 
commune  eji  in  univcrfis  qui  pro  aliis  obli- 
gantur  ,  quodjifuerint  in  duriorem  caufam 
adhibiti ,  placuit  eos  omninb  non  obligari  , 
in  leviorcm  plane  caufam  accipi  poffunt. 

Il  réfulte  de  ce  principe  que  fi  quel- 
qu'un s'efl:  rendu  caution  pour  une  fom- 
me  déterminée  ,  putà  pour  une  fomme 
de  trois  cents  livres  ,  pour  un  débiteur 
dont  la  dette  n'étoit  pas  encore  liquidée  , 
îa  fixation  du  cautionnement  à  la  fom- 
me de  300  liv.  doit  être  cenfée  n'avoir 
été  faite  qu'en  faveur  de  la  caution  ,  &C 
à  l'effet  feulement  que  il  par  la  liquida- 
tion qui  fe  feroit  ,  la  dette  mont  oit  aune 
plus  grande  fomme ,  la  caution  n'en  fe- 
roit tenue  que  pour  3  00  liv.  Mais  fi  par 
la  liquidation  la  dette  étoit  liquidée  à  une 
fomme  moindre  ,  putà  à  2 50 liv.  la  cau- 
tion qui  ne  peut  devoir  plus  que  le  prin- 
cipal débiteur ,  ne  fera  débitrice  que  de 
la  fomme  de  250  liv.  &C  fi  elle  avoitpayé 
w  celle  de  300  liv,  portée  par  fon  caution^ 


P  A  R  T.  1 1.     C  H  A  P.  V  I.      460 

nement ,  elle  auroit  la  répétition  de  l'ex- 
cédent. 

Le  créancier  peut-il  en  ce  cas  ,  avant 
la  liquidation  de  la  dette  ,  contraindre 
la  caution  au  pavement  de  la  i'omme  de 
300  liv.  par  provifion  ,  nonobliant  qu  el- 
le demande  qu'il  foit  procédé  à  la  liqui- 
dation de  la  dette  qu'elle  foutient  ne  de- 
voir pas  monter  à  fi  grande  fomme  ?  La 
Coutume  de  Bretagne,  art.  189.  décide 
pour  l'affirmative  ;  mais  cette  décision  ne 
doit  pas  être  fuivie  hors  fon  territoire  ; 
car  fuivant  le  principe  que  nous  venons 
d'expofer  ,  la  caution  ne  pouvant  pas 
être  tenue  à  plus  que  le  débiteur  princi- 
pal ,  elle  ne  doit  pas  être  contraignable 
au  payement  de  la  dette  plutôt  que  le 
débiteur  principal,  celui-ci  n'y  étant 
contraignable  qu'après  la  liquidation  de 
la  dette  ,  Ord.  de.  1661.  T.  33.  art.  1.  la 
caution  ne  doit  pas  être  contrainte  au 
payement  plutôt.  D'Argentré  en  fa  note 
fur  l'article  de  la  Coutume  ci-derTus  cité  , 
convient  que  fa  difpofition  eft  contraire 
au  Droit ,  contra  Jus  Romanum  ;  &  dans 
fon  Commentaire  iiir  l'art.  206.  de  l'an- 
cienne Coutume  ,  dont  celui-ci  eft  tiré  y 
il  dit  :  Hkfe  Authores  confuetudinis  pro~ 
dunt  non  Jurifconfultos. 

371.  Suivant  ce  principe,  lorfque  le 
débiteur  principal  s'eft  obligé  purement 


47<>  T  R.     DES    O  B  L  I  G. 

&fimplement,  la  caution  s'oblige  vala- 
blement à  payer  dans  un  certain  terme  , 
ou  fous  une  certaine  condition  ;  mais  au 
contraire  fi  le  débiteur  principal  ne  s'eft 
obligé  que  fous  une  certaine  condition 
qui  foit  encore  pendante  ,  ou  dans  un  cer- 
tain terme  qui  ne  foit  pas  encore  expiré  , 
.le  ridéjufleurne  peut  pas  s'obliger  à  payer 
pour  lui  préfentement,  &  à  la  première 
réquifition    du  créancier»  Dicl*  Leg.  8> 

§•7- 

Obfervez  que  fi  le  cautionnement  n'ex- 
prime rien,  on  y  doit  foufentendre  le 
terme  ou  la  condition  exprimée  dans  l'o- 
bligation principale  ;  de  même  qu'il  eu. 
décidé  enlaloi6i.^  d.  tu.  que  le  lieu 
du  payement  exprimé  dans  l'obligation 
principale  eu  foufentendu  dans  le  caution» 
nement. 

372.  Si  le  principal  débiteur  eft  obli- 
gé de  payer  dans  un  terme  ,  la  caution 
peut  s'obliger  à  payer  dans  le  même  ter- 
me ou  dans  un  terme  plus  long ,  mais  elle 
ne  peut  s'obliger  à  payer  dans  un  terme 
plus  court. 

De  -  là  il  fuit  que  lorfque  le  débiteur 
principal  eu  obligé  de  payer  dans  un  cer- 
tain terme ,  fi  la  caution  s'oblige  fous  une 
certaine  condition  à  payer  auffî-tot  que 
îa  condition  fera  accomplie  ,  ce  caution- 
nement ne  fçra  pas  valable-,  £  la  candi* 


Part.IL    Chap.  VI.    471 

tion  vient  à  s'accomplir  avant  que  le  ter- 
me de  payement  dans  lequel  "le  principal 
débiteur  doit  payer  ,  (bit  expire  ,  L.  16. 
§ .  5 .  ff.  d.  t'u.  car  fi  le  cautionnement 
étoit  valable  ,  la  caution  feroit  obligée 
de  payer  avant  que  la  dette  pût  être  exi- 
gée du  débiteur  principal ,  &  par  confé- 
quent  in  duriorem  caiifam  y  ce  qui  ne  fe 
peut. 

Lorfque  le  débiteur  principal  eft  obligé 
fous  une  condition  ,  la  caution  peut  bien 
s'obliger  fous  la  môme  condition  ?  &t  fous 
une  autre  conjointement  ;  car  en  ce  cas 
la  condition  de  la  caution  eft  meilleure  que 
celle  du  débiteur ,  puifqu'elle  ne  peut  être 
obligée  que  les  deux  conditions  ne  foient 
accomplies  ;  que  fi  la  caution  s'oblige  fous 
l'alternative  de  la  condition  fous  laquelle 
le  débiteur  principal  s'eft  obligé,  &:  d'une 
autre  condition ,  ou  fimplement  fous  une 
condition  différente  ,  le  cautionnement 
fera  valable  fi  la  condition  fous  laquelle 
le  débiteur  principal  s'eft  obligé  arrive 
la  première  ;  massfi  c'eft  l'autre  qui  arrive 
la  première  ,  le  cautionnement  ne  fera 
pas  valable ,  la  caution  ne  pouvant  pas 
être  obligée ,  avant  que  le  débiteur  prin- 
cipal le  Toit  ,  L..yo.pp°.  &  §.  i.ff..de 
fidejuf 

373.  Le  lieu  du  payement  peut  auflt 
rendre  plus  dure  L'obligation  -y  c'eft  pour- 


^72-  T  R.     DES     O  B  L  I  GJ 

quoi  fi  la  caution  promettoit  payer  dans 
un  lieu  plus  éloigné  que  celui  dans  lequel 
le  débiteur  principal  doit  payer  ,  le  cau- 
tionnement ne  feroit  pas  valable  ,  comme 
fait  à  une  condition  plus  dure  que  l'obli- 
gation principale ,  d.  L.  16.  §.  i.  &  2. 

374.  Si  quelqu'un  dans  nos  Colonies 
s'étoit  obligé  envers  un  autre  de  lui  don- 
ner l'un  ou  l'autre  de  deux  certains  Nè- 
gres ,putà Jacques  ou  Jean,  lefquels  fuf- 
fent  à-peu-près  de  même  prix  9  le  caution- 
nement par  lequel  la  caution  s'obligeroit 
pour  le  débiteur  à  donner  Jean  détermi- 
nément ,  feroit-il  valable  ?  la  Loi  3  4.  ff. 
de  Jîdejujf.  décide  qu'il  eft  valable  ,  que 
la  condition  de  la  caution  eft  dans  cette 
efpece  ,  meilleure  que  celle  du  débiteur 
principal,  puifque  la  caution  peut  être 
libérée  par  la  mort  du  feul  Jean ,  au  lieu 
que  le  débiteur  principal  ne  peut  l'être 
que  par  la  mort  de  l'un  &  de  l'autre. 

Contra  fi  le  débiteur  principal  s'étoît 
obligé  à  donner  Jean  déterriiinément ,  le 
cautionnement  par  lequel  la  caution  s'o- 
bligeroit de  donner  Jean  ou  Jacques ,  ne 
feroit  pas  valable  ,  non-feulement  par  la 
raifon  que  nous  avons  dit  ,  que  cette 
obligation  alternative  eft  plus  dure  que 
l'obligation  déterminée  de  Jean ,  mais  en- 
core par  une  autre  raifon  ,  qui  eft  que  fi 
la  caution  choififfoit  de  donner  Jacques, 


Part.  IL  Ch  a  p.  VI.  47) 
il  le  trouverait  devoir  autre  chofe  que  ce 
que  devoit  donner  le  débiteur  principal , 
qui  n'ell  débiteur  que  de  Jean  ;  ce  qui  ne 
le  peut ,  fuprà  n.  36^.  c'efl:  la  décifion  de 
la  loi  %.  §.  8.  ff.  d.  th. 

Cela  n'eit  pas  à  craindre  dans  Pefpece 
précédente,  dans  laquelle  le  débiteur  prin- 
cipal a  promis  Jean  ou  Jacques  ,  ck  la 
caution  Jean  déterminément  ;  car  dans 
cette  efpecefile  débiteur  principal  offre 
Jacques  au  créancier  ,  &c  le  conilitue  en 
demeure  de  le  recevoir,  en  déterminant 
par  ce  choix  fon  obligation  à  l'obligation 
de  donner  Jacques  ,  il  fe  libère  de  l'obli- 
gation de  donner  Jean  ,  &  il  en  libère  par 
conséquent  ion  hdtjuiTeur  ;  nam  rco  libe* 
rato  Liber  uni  ur  fidejujfores.  Le  fidéjufleur 
qui  n'a  voit  accédé  qu'à  l'obligation  de 
donner  Jean  ,  ne  doit  plus  rien  ;  fi  au 
contraire  ce  débiteur  principal  avoit  offert 
Jean  y  il  devrait  la  mémo  chofe  que  fon 
fidéjufieur  ;  il  ne  peut  donc  point  arriver 
dans  cette  eipr.ee  que  le  débiteur  principal 
<k  la  caution  doivent  différentes  chofes. 

Si  le  débiteur  principal  s'étoit  obligé 
à  donner  les  Nègres  Je-An  ou  Jacques 
au  choix  du  créancier  ,  la  caution  s'obli- 
gera valablement  à  donner  l'un  des  deux 
quelU  voudra  ,  d.  L.  8.  §.  10.  car  le 
créancier  confrrvant  toujours  fon  choix 
contre  le  débiteur  principal  jufqu'aupaye- 


474        Tr.    des    Oblig. 

ment ,  le  débiteur  fera  toujours  débiteur 
de  Tune  des  deux  chofes  ,  &c  par  confé- 
quent  de  celle  que  la  caution  voudra. 

$75.  C'efl  une  queflion  ,  fi  le  caution- 
nement eft  entie -3-ment  nul,  lorfque  la 
caution  s'eft  obligée  à  plus  que  le  débi- 
teur principal  ,  ou  s'il  eft  nul  feulement 
en  ce  qu'il  excède  l'obligation  principale. 
Il  paroît  que  les  Jurifconiultes  Romains 
ont  penfé  qu'il  étoit  entièrement  nul,  quoi- 
que Dumoulin  ad  L.  51.  SlÇtipidanti ,  §. 
Sedjî  mihi)  n.  30.  &fiq.  ait  voulu  leur  fai- 
re dire  le  contraire  ;  celaréfulîe  évidem- 
ment de  ces  termes  de  la  Loi  8.  §.  7. 
ci-defïus  citée  ,  placult  eos  omninb  non 
obligari.  Il  en1  vrai  qu'Haloander  dans  fon 
édition  lit,  non  omninb  ;  mais  c'eftde  fon 
autorité  privée  qu'il  a  changé  la  leçon 
contre  la  foi  des  exemplaires  ,  &  contre 
l'autorité  des  Interprètes  Grecs  ,  qui  ont 
traduit  cestermes,omnÎ7zb  /zo/z,par  ifh  5W, 
id  ejl ,  nullo  modo.    C'eft  ce  qui  réfulte 
pareillement  des  autres  textes  ci  -  deffus 
cités.  La  raifon  que  rapporte  Connanus  , 
Comment.  Jur.   n.  68.  de   ce  fentiment 
des  Jurifconfultes  Romains,  efT  qu'un  cau- 
tionnement étant  efTenîiellement  une  obli- 
gation acceffoire  de  l'obligation  princi- 
pale ,  &  étant  de  l'efTence  d'une  obliga- 
tion accefloire  de  ne  rien  contenir  de  plus 
que  la  principale  5  un  cautionnement  par 


Part.II.    Chap.  VI.    475 

lequel  la  caution  s'oblige  à  quelque  chofe 
de  plus  ,  pèche  dans  fa  forme  effentielle 
de  cautionnement,  &l  doit  parconféquent 
être  abiblument  nul.  Ce  raisonnement,  fur 
lequel  il  y  a  lieu  de  penfer  que  les  Jurif- 
coniiiltes  Romains  fe  font  fondés  ,  eft 
plus  fubtil  que  folide.  De  ce  qu'un  cau- 
tionnement cil  un  acceifoire  de  Pobliça- 
tion  principale  ,  il  s'enfuit  feulement  que 
Ion  que  la  caution  s'efl  obligée  à  plus  , 
elle  n'efr.  pas  valablement  obligée  à  ce 
plusj  mais  rien  ne  doit  empêcher  qu'elle 
le  foît  jufqu'à  concurrence  de  ce  à  quoi 
le  débiteur  principal  s'eft.  obligé  ;  car  en 
voulant  s'obliger  à  une  fomme  plus  gran- 
de ,  elle  a  voulu  s'obliger  à  cette  fomme 
à  laquelle  le  débiteur  principal  s'eil  obli- 
gé; c'en1  pourquoi  les  Loix  Romaines  n'é- 
tant fuivies  dans  nos  provinces  qu'autant 
qu'on  les  trouve  conformes  à  l'équité  na- 
turelle ;  je  penfe  qu'on  doit  en  ce  point 
s'en  écarter ,  &  décider  qu'une  caution  , 
qui  s'eft  obligée  à  une  plus  grande  fomme 
que  celle  portée  par  l'obligation  princi- 
pale ,  ou  qui  s'efr.  obligée  de  payer  pré- 
sentement ce  que  le  débiteur  principal  ne 
devoit  qu'au  bout  d'un  certain  terme  ,  ou 
fous  une  certaine  condition  ,  eu  valable- 
ment obligée  à  payer  la  fomme  portée  en 
l'obligation  principale  aux  termes  ck  fous 
les  conditions  y  portées  ;  la  Coutume  de 


476       Tr.   des   Oblig. 
Bretagne ,  art.  1 1 8.  a  fuivi  ce  fentiment } 
&  WifTembach  ad  T.  de  fid.  n.  10.  con- 
vient que  ,  quoique  contraire  aux  textes 
de  droit ,  il  eft  fuivi  dans  la  pratique. 

376.  Le  principe  que  nous  avons  éta- 
bli ,  que  le  fidéjufTeur  ne  peut  s'obliger  à 
des  conditions  plus  dures  que  ne  l'en1  le 
débiteur  principal ,  in  duriorem  caufam  9 
doit  s'entendre  par  rapport  à  ce  qui  eft 
dû  &  à  ce  qui  fait  l'objet  de  l'obligation  ; 
le  fidéiuffeur  ne  peut  pas  à  la  vérité  de- 
voir plus  que  le  débiteur  doit ,  quantjfate9 
die,  loto ,  conditionc ,  modo;  mais,  quant 
à  la  qualité  du  lien ,  il  peut  être  plus 
étroitement  &  plus  durement  obligé. 

Par  exemple ,  i°.  fuivant  les  principes 
du  droit  Romain ,  le  ndéjuiTour  qui  accède 
à  une  obligation  purement  naturelle  eft 
plus  étroitement  obligé  que  le  débiteur 
principal ,  puifqu'il  peut  être  contraint  à 
payer  ,  &  que  le  débiteur  principal  ne  le 
peut  être  ,  le  créancier  n'ayant  point  d'ac- 
tion contre  lui. 

20.  Suivant  les  principes  dumême  droit 
Romain ,  lorfque  quelqu'un  à  cautionné 
un  débiteur  qui  a ,  ce  qu'on  appelle  ex- 
ceptionem  competentiœ;  comme  fi  quelqu'un 
a  cautionné  le  père  envers  le  fils  créancier 
defon  père  ,  le  fidéjufTeur  eft  plus  étroi- 
tement obligé  que  ne  l'eft  le  débiteur  prin- 
cipal ,  puifque  le  fidéjufTeur  peut  être 


P  A  R  T.  1 1.     C  H  A  P.  V  I.       477 

Contraint  dans  toute  la  rigueur  au  paye- 
ment de  toute  la  dette  ;  au  lieu  que  le 

)iteur  principal  ne  le  peut  être  que  juf- 
qif  à  la  concurrence  de  ce  qui  lui  refiera  , 
en  lui  laiflant  ce  qui  lui  cil  nécefTaire  pour 
fa  fubfiitance ,  /,.    173.    ffl  de  reg.  jur. 

3  °.  Le  fidcjufTeur  d'un  mineur  eft  fou- 
vent  plus  étroitement  obligé ,  que  le  dé- 
biteur principal  qui  peut  ,  s'il  a  été  lézé  , 
être  reftitué  contre  fon  obligation  ;  au 
lieu  que  le  fidéjufleur  eft  obligé ,  fans  ef- 
pérance  de  reftitution  ,  Z.  13.  de  minor. 
L.  1.  cod.  defidejuJJ]  minor. 

4V.  Suivant  nos  ufages  une  caution  ju- 
diciaire eft  contraignable  par  corps  ,  quoi- 
que le  débiteur  principal  n'y  foit  pas  fujet 
put  à ,  fi  c'eft  un  prêtre  ,  un  mineur  ,  une 
femme ,  un  feptuagenaire  ;  &  par  confé- 
quentplus  étroitement  & ,  quant  à  la  qua* 
lité  du  lien ,  plus  durement  obligée. 

Corollaire    V. 

377.  Il  réfuite  de  notre  définition ,  que 
le  cautionnement  étant  une  obligation  ac- 
ceffoire  à  celle  du  principal  débiteur,  l'ex- 
tinction de  l'obligation  principale,  entraî- 
ne aufîi  l'extinction  du  cautionnement, 
puifqu'il  eft  de  la  nature  des  chofes  ac- 
cefïbires  de  ne  pouvoir  fubfifler  fans  la 
chofe  principale  t  toutes  les  fois  donc  que 


478  Tr.  des  Oblige 
le  débiteur  principal  eft  libéré  ,  de  quel- 
que manière  que  ce  foit ,  non-feulement 
par  le  payement  réel  qu'il  auroit  fait  de 
la  dette,  ou  par  la  compenfation  de  la 
dette  9  mais  aufîi  par  la  remife  qui  lui  en 
auroit  été  faite  ,  le  fidéjufleur  eft  pareil- 
lement libéré  ;  car  l'eiïence  du  cautionne- 
ment étant  que  le  fidéjufTeur  foit  obligé 
pour  un  principal  débiteur ,  il  ne  peut 
plus  être  obligé  lorfqu'il  n'y  a  plus  de 
principal  débiteur  pour  qui  il  foit  obligé. 

378.  Pareillement  la  caution  eft  libérée 
par  la  novation  qui  eft  faite  de  la  dette  ; 
car  la  caution  ne  peut  plus  être  tenue  de 
la  première  dette  ,  pour  laquelle  elle  a 
été  caution  du  débiteur  ,  puifqu'elle 
ne  fubfifte  plus  ,  ayant  été  éteinte  par  la 
novation  ;  elle  ne  peut  être  tenue  auftl 
de  la  nouvelle  dette  ,  en  laquelle  a  été 
convertie  la  première  9  puifque  cette  nou- 
velle dette  n'eft  pas  celle  à  laquelle  elle  a 
accédé  ;  novatione  légitime  perfictâ  debiti 
in  aliam  fpeciem  tranjlati  ,  prions  con- 
traclus  fidejujfores ,  vel  mandatons  liber atos 
ejfe  non  ambigitur  ,  fi  modb  in  fequenti  fi 
non  obligaverint ,  L.  ^.cod.  de  fidejuf. 

379.  Pareillement  lorfque  le  débiteur 
principal  devient  feul  héritier  pur  &fim- 
ple  du  créancier  ,  aut  vice  versa ,  lorfque 
le  créancier  devient  feul  héritier  pur  & 
fimple  du  débiteur  principal  ,  ou  lorf- 


P  a  r  t.  I  î.  Chap.  VI,  479 
qu'une  même  perfonne  devient  fucceiîi- 
vement  héritière  de  Tune  ou  de  l'autre, 
les  fidéjufleurs  font  libérés  ,  parce  qu'il 
ne  relie  plus  de  débiteur  principal ,  par 
la  confufion  qui  fe  fait  des  qualités  de 
créancier  &£  de  débiteur  ,  lefquelles  fe 
trouvant  réunies  en  une  même  perfonne, 
fe  détruifent  Tune  &  l'autre  ,  perfonne 
ne  pouvant  être  créancier  de  foi-même, 
ni  débiteur  de  foi-même. 

Il  en  feroit  autrement  fi  le  débiteur 
n'étoit  devenu  héritier  du  créancier  que 
fous  bénéfice  d'inventaire ,  autvice versa; 
car  un  des  effets  du  bénéfice  d'inventaire 
étant  d'empêcher  la  confufion  des  quali- 
tés ,  &:  de  diflinguer  la  perfonne  de  l'héri- 
tier ,  de  la  fuccefîlon  bénéficiaire ,  le  dé- 
biteur héritier  bénéficiaire  du  créancier 
demeurant  toujours  débiteur  envers  la 
fucceflion  bénéficiaire  ,  fes  cautions  ne 
font  point  libérées;  car  il  y  a  un  débiteur 
principal. 

Lorfque  le  créancier  fuccede  à  fon  dé- 
biteur ,  non  à  titre  d'héritier  ,  mais  à  ti- 
tre de  donataire  univerfel ,  ou  de  légatai- 
re univerfel ,  ou  de  déshérence  ?  ou  de 
confiscation ,  comme  dans  tous  ces  cas 
il  n'efi:  pas  tenu  des  dettes  indéfiniment, 
mais  feulement  jufqu'à  la  concurrence  de 
la  valeur  des  biens  auxquels  il  fuccede  , 
la  confufion  ne  fe  fait  que  jufqu'à  cette 


r4$0  T  R.     DES     O  B  L  I  G.* 

concurrence  ;  d'où  il  fuit  que  les  cautions 
ne  font  déchargées  que  jufqu'à  cette  con- 
currence ,  &  que  s'il  n'y  a  pas  dans  les 
biens  qu'a  laiiîe  le  débiteur,  de  quoi  ac- 
quitter toute  la  dette ,  les  cautions  font 
obligées  de  payer  le  furplus  ;  mais  le 
créancier  ne  peut  les  pourfuivre  qu'il  ne 
leur  ait  compté  des  biens  du  débiteur  au- 
quel il  a  fuccédé. 

Lorfque  le  débiteur  devient  héritier 
pur  &  fimple  à  la  vérité  du  créancier , 
mais  pour  partie  feulement ,  aut  vice.  versa9 
la  confufion  ne  4e  faifant  que  pour  la  por- 
tion pour  laquelle  il  eu  héritier ,  fes  cau- 
tions ne  font  libérées  que  pour  cette  por- 
tion, 

380.  Lorfque  le  débiteur  principal  n'eft 
pas  libéré  de  plein  droit ,  mais  par  quel- 
que exception  ,  ou  fin  de  non-recevoir, 
qu'il  peut  oppofer  contre  la  demande  du 
créancier  ;  les  fidéjufîeurs  peuvent-ils  op- 
pofer les  mêmes  fins  de  non-recevoir  que 
peut  oppofer  le  débiteur  principal  ?  Il 
faut  à  cet  égard  diftinguer  entre  les  ex- 
ceptions ou  fins  de  non-recevoir  qu'on 
appelle ,  exceptiones  in  perfonam  ,  &  cel- 
les qu'on  appelle  >  exceptioncs  in  rem  :  les 
exceptions  in  perfonam  font  celles  qui  font 
fondées  fur  quelque  raifon  qui  efl  per- 
Tonnelle  au  débiteur  principal  ;  les  ex- 
ceptions in  rem  9  font  celles  qui  font  ainfi 

appellées  ^ 


Part.  II.    Chap.  VI.     481 

appellées  ,  parce  qu'elles  ne  font  pas  fon- 
dées ilir  quelque  raifon  qui  foit  perfon- 
nclle  au  débiteur  principal ,  mais  fur  la 
choie  même  ,  c'efl-à-dire  ,  far  'la  dette 
elle-même. 

Ces  exceptions  ,  in  rem  ,  peuvent  être: 
oppofées  par  les  cautions  ,  aurTi-bien  que 
par  le  débiteur  principal  ;  ni  cohœrentes 
exceptiones  etiam  fidejujforibus  competunt , 
L.  7.  §.  1.  ff.de  except.  &c  c'efl  de  ces  ex- 
ceptions qu'il  faut  entendre  ce  qui  en1  dit 
en  la  loi  19.  ff\  d.  tit.  omnes  exceptiones 
quœ  no  competunt  ^jidejujjori  quoque ,  etiam, 
invito  reo  competunt. 

Telle  eu  l'exception  de  dol  ou  de  vio- 
lence ,  telles  font  aufll  l'exception  de  la 
chofe  >ugée,  ou  du  ferment  décifoire  d. 
L.  7.  §.  1.  car  ces  exceptions  étant  fon- 
dées fur  ce  qu'il  a  été  décidé  par  la  fen- 
tence ,  ou  par  le  ferment  décifoire  ,  que 
la  chofe  n'étoit  pas  due  ,  font  des  excep- 
tions qui  tombent  fur  la  chofe  ,  &£  qui 
ne  font  pas  fondées  fur  quelque  raifon 
qui  foit  perfonnelle  au  principal  débi- 
teur ;  &C  par  conféquent  ce  font  des  ex- 
ceptions qui  ne  font  point  exceptiones  in 
perfonam  ,  mais  exceptiones  in  rem  ,  qui 
peuvent  être  oppofées  par  les  cautions  , 
aufli-bien  que  par  le  débiteur  princi- 
pal avec  qui  la  chofe  a  été  jugée  ,  ou  à 
qui  on  a  déféré  le  ferment  :  nec  objïat  regu- 
Tome  I,  X 


482  Tr.  des  Oblig. 
la  juris ,  que  la  chofe  jugée ,  non  plus 
que  le  ferment  décifoire,  ne  peuvent  ac- 
quérir de  droit  à  des  tiers  qui  n'ont  pas 
été  parties  ,  L,  2.  cod.  Quib.  resjud.  non 
noc.-L.  3.  §.  3.  ff.  de  jurejur.  car  cette 
règle  ne  doit  pas  s'entendre  de  ceux  dont 
le  droit  eft  efïentieliement  lié  avec  celui 
de  la  perfonne  qui  a  été  partie  ,  tels  que 
font  les  cautions  à  l'égard  du  principal 
débiteur. 

Lorfqu'un  débiteur  principal ,  par  une 
tranfa&ion  avec  le  créancier  fur  la  légi- 
timité de  la  dette  ,  eft  convenu  de  la 
payer  ,  mais  à  la  charge  qu'il  auroit  ter- 
me de  trois  ans  ;  l'exception  que  cette 
convention  donne  contre  le  créancier, 
s'il  faifoit  des  pourfuites  avant  le  terme, 
eft  âufïi  une  exception  in  rem ,  car  elle 
eft  fondée  fur  la  chofe  même  ;  elle  eft  fon- 
dée fur  le  doute  qu'il  y  avoit  fur  la  légi- 
timité de  la  dette  ,  fur  lequel  doute  on  a 
tranfigé.  Cette  exception  peut  par  confé- 
quent  être  oppofée  par  les  fldéjufTeurs  , 
amli-bien  que  par  le  débiteur  principal , 
quoiqu'ils  n'ayent  pas  été  parties  en  la 
tranfaclion  ;  de-là  naît  une  queftion  :  on 
demande  fi  le  débiteur  par  une  nouvelle 
convention  avec  le  créancier,  peut  au 
préjudice  des  fldéjufTeurs ,  permettre  au 
créancier  d'exiger  fa  créance  ,  avant  le 
terme  porté  par  la  première  convention  ? 


Part.  II.  Chap.VI.  483 
Paul  en  la  loi  2.7.  §.  2.  ff.  de  pact.  décide 
formellement  qu'il  le  peut  ,  (  quoique 
quelques  interprètes  pour  concilier  ce 
texte  avec  la  loi  fin.  fif.d.  tu.  qui  décide 
le  contraire ,  ayent  donné  la  torture  au 
texte  ,  pour  lui  faire  dire  autre  chofe.  ) 
La  railbn  de  la  décifion  de  Paul  eft  que 
le  droit  qui  réfulte  de  la  première  con- 
vention ayant  été  formé  par  le  concours 
des  feules  volontés  dû  créancier  &  du 
débiteur ,  fans  que  les  fidéjulTeurs  y  foient 
intervenus,  il  peut  fe  détruire  par  un 
confentement  contraire  ;  cum  quœquc  eo- 
dem  modo  dijfolvantur  quo  colligata  funt* 
au  contraire  Furius  Anthianus  décide  que 
la  nouvelle  convention  ne  peut  priver  les 
fidéjufleurs  de  l'exception  qui  leur  a  été 
acquife  par  la  première  ;  L.  fin.  ff.  de 
pacl.  6c  je  penfe  qu'il  faut  s'en  tenir  à  cette 
décifion  ;  la  raifon  alléguée  pour  celle 
de  Paul  ne  peut  avoir  lieu  que  lorfqu'il 
n'y  a  pas  un  droit  acquis  à  un  tiers  ;  quel- 
ques interprètes  ,  dont  j'ai  fuivi  autrefois 
l'opinion,  pour  concilier  Furius  Anthianus 
avec  Paul,  difent  que  la  décifion  de  Fu- 
rius n'a  lieu  que  dans  le  cas  auquel  les  fî- 
déjuiïeurs  ont  ratifié  &  accepté  la  pre- 
mière convention  ;  mais  cette  conciliation 
eft  divinatoire  ;  il  n'eft  pas  dit  dans  cette 
loi  que  les  fidéjurTeurs  avoient  accepté 
la  première  convention  ;  on  ne  peut  pas 

Xij 


484       Tr.    des   Oblig. 
même  le  fuppofer  ;  car  en  le  fuppofant  1 
Furius  auroit  mis  en  queflion  ce  qui  n'au- 
roit  pas  pu  faire  de  queflion. 

Pafïons  maintenant  aux  exceptions  in 
pzrfonam. 

Ces  exceptions  qui  font  fondées  fur  l'in- 
fo lvabilité  ou  le  peu  de  folvabilité  du  dé- 
biteur principal ,  &  fur  le  privilège  per- 
fonnel  qu'il  a  de  ne  pouvoir  être  con- 
traint fur  fon  néceffaire ,  ne  peuvent  être 
oppofées  par  les  cautions  ;   c'eft  ce  que 
nous  aprenons  de  la  loi  j.ff.  de  exccpt.  qui 
enfeigne  que  l'exception  qui  eft  accordée 
àftm  débiteur,  qui  feroitou  le  père  ,  ou 
la  mère ,  ou  le  mari ,  ou  le  patron  ,  ou 
l'aflbcié  du  créancier  pour  ne  pouvoir 
être  contraint  au  payement  fur  fon  nécef- 
faire ,  ne  peut  être  oppofée  par  les  cau- 
tions :  la  raifon  eft  évidente.  L'état  de  pau- 
vreté de  ce  débiteur  principal  ne  le  libère 
pas  de  fon  obligation  ;  &  s'il  venoit  par 
la  fuite  à  avoir  la  commodité  de  payer ,  il 
pourroit  y  être  contraint  ;  en  attendant 
fon  obligation  ne  laiffe  pas  de  fubfifter 
dans  tout  fon  entier ,  &  elle  fert  d'un  fon- 
dement fuffifant  à  celle  de  fes  cautions. Son 
état  de  pauvreté  ne  la  détruit  pas ,  elle  en 
arrête  feulement  l'exécution  par  l'excep- 
tion qu'il  a  de  ne  pouvoir  être  contraint  au 
payement  fur  fon  néceffaire  :  mais  cette 
exception  étant  fondée  fur  fa  qualité  de 


Part.  IL  Chap.  VI.  485 
père  ou  de  mari ,  &c.  qui  lui  eft  perfon- 
nelle  ,  ne  peut  être  oppoice  par  fes  cau- 
tions. 

Il  en  eft  de  même  de  l'exception  qui 
refaite  de  la  cefîion  de  biens  :  lorfque  le 
débiteur  principal  a  fait  une  celîîon  de  fes 
biens,  &  qu'ils  n'ont  pas  fuffi  à  payer  ce 
qu'il  devoit ,  il  n'en1  pas  libéré  du  furplus  , 
L.  1.  cod.  qui  bon»  ced.  &  fon  obligation 
qui  fubfifte  pour  le  furplus ,  eft  un  ronde- 
ment  fufrifant  à  l'obligation  de  fes  cau- 
tions pour  ce  furplus.  Néanmoins  tant 
qu'il  n'a  pas  acquis  de  nouveaux  biens  au- 
delà  de  ce  qui  lui  eft  néceflaire  pour  fa 
fubnftance,il  peut  oppofer  contre  les  pour- 
fuites  que  feroit  contre  lui  un  créancier  , 
une  fin  de  non-recevoir  résultante  de  la 
jceffion  qu'il  a  faite  de  fes  biens ,  L.  3. 
cod.  de.  bon.  author.  Jud.  pojjid.  L.  4.  ffl 
de  cejff.  bonor.  il  en:  évident  que  cette  fin 
de  non-recevoir  eft  fondée  fur  une  rai- 
fonde  faveur  qui  eft  perfonnelle  au  débi- 
teur ,  c'eft  exceptio  in  perfonam  9  que  fes 
cautions  ne  peuvent  oppofer. 

Je  penfe  qu'il  en  eft  de  même  de  l'ex- 
ception qui  naît  d'un  contrat  d'attermoie- 
ment  auquel  un  créancier  auroit  été  obligé 
d'accéder ,  par  lequel  on  accorde  au  dé- 
biteur remiie  d'une  partie  de  la'  dette  ,  Se 
certains  termes  pour  le  payement  du  fur- 
plus  ,  je  crois  que  l'exception  que  donne 

Xiij 


486  Tr.  des  Obug. 
ce  contrat  au  débiteur  principal  contre  la 
demande  qui  feroit  donnée  contre  luiavant 
les  termes  accordés  par  ledit  contrat ,  ou 
contre  la  demande  de  ce  qui  lui  a  été  re- 
mis par  ledit  contrat ,  ne  doit  pas  parler 
aux  fidéjufleurs  ,  &c  qu'ils  peuvent  être 
pourfuivis  incontinent  pour  le  payement 
du  total  de  la  créance  ;  car  il  eil  évident 
que  cette  exception  eu  une  exception  m 
perfonam  ,  qui  n'eft  accordée  au  débiteur 
qu'en  considération  de  fon  état  de  pau- 
vreté ,  qui  lui  eft  perfonnel  ;  les  remifes 
accordées  par  le  contrat  d'attermoiement 
n'ayant  pas  été  accordées  animo  donandl^ 
mais  par  néceiïité ,  l'exception  qui  refaite 
de  ce  contrat ,  ainfi  que  la  précédente  , 
ne  donne  atteinte  qu'à  l'obligation  civile; 
l'obligation  naturelle  ,  pour  ce  qui  rerte 
à  payer,  fubfiftedans  toute  fon  intégrité , 
ck  fert  d'un  fondement  fuffifant  à  l'obliga- 
tion des  fldéjiifTeurs  ;  cette  raifon  fert 
de  réponfe  à  celle  qu'on  allègue  en  pre- 
mier lieu  pour  l'opinion  contraire  ,  qui 
confifle  à  dire  qu'il  eu  de  l'eflence  du  cau- 
tionnement que  le  fidé juffeur  ne  peut  être 
tenu  à  plus  que  n'efl:  tenu  le  débiteur  prin- 
cipal ;  quant  au  fécond  moyen  qu'on  al- 
lègue pour  l'opinion  contraire  ,  qui  con- 
fifte  à  dife ,  que  fi  le  fidéju fleur  ne  pro- 
fitait pas  du  contrat  d'attermoiement ,  & 
pouvoit  être  obligé  de  payer  le  total  de 


Part  II.    Chap.  VI.      487 

la  dette  ,  il  arriveroit  indirectement  que 
le  débiteur  principal  n'en  profiterait 
pas  lui-même  ,  à  caufe  du  recours  que  le 
fidejufTeur  ,  qui  auroit  payé  le  total  , 
auroit  contre  lui  ;  la  réponfe  eft  que  cela 
n'arrivera  pas,  parce  que  Jefidéjuffeur  qui 
a  payé  le  total  eft ,  en  fa  qualité  de  créan- 
cier de  cette  fomme  pour  fon  indemr 
nité ,  obligé  ,  auiïi-bien  que  les  autres 
créanciers ,  d'accéder  au  contrat  d'atter- 
moiement,  &  de  faire  fur  cette  indemni- 
té ,  au  débiteur  principal ,  les  remifes  qui 
font  portées  audit  contrat  :  il  faut  néan- 
moins convenir  que  l'opinion  contraire 
eit  autorifée  par  deux  anciens  Arrêts, 
cités  par  Bafnage  ,  dont  l'un  eil  du  Par- 
lement de  Paris  ,  &  l'autre  du  Parlement 
de  Normandie,  &  eft  le  114.  de  ceux 
rapportés  par  Montholon;  mais  je  ne  penfe 
pas  que  la  décifion  de  ces  Arrêts  doive 
être  fuivie  par  les  raifons  ci-deffus  rap- 
portées :  cette  décifion  paroît  même  ré- 
fifter  à  la  nature  du  cautionnement,  qui 
eft  un  adle  auquel  un  créancier  a  recours 
pour  fa  sûreté  ,  contre  le  rifque  de  Fin- 
folvabilité  du  débiteur  principal  :  or  que 
deviendroit  cette  sûreté  ,  il  le  créancier 
n'a  voit  pas  le  droit  d'exiger  de  la  cau- 
tion ce  que  Pinfolvabilité  du  débiteur 
principal  l'obligeroit  de  remetrre  au  dé- 
biteur principal  :  notre  fentiment  eft  con- 

X  iv 


4$$       Tr.   des   Oblig. 

forme  à  l'article  1 3 .  des  arrêtés  de  M, 

de  Lamoignon  fur  ce  titre. 

Lorfqu'il  y  a  eu  convention  entre  un 
créancier  &  le  débiteur  principal  par  la- 
quelle le  créancier  pour  gratifier  le  dé- 
biteur principal ,  feroit  convenu  avec  lui 
de  ne  lui  pas  demander  le  payement  de 
la  dette  ;  û  le  créancier  par  la  fuite  en  de- 
mandoit  le  payement  aux  cautions  ,  les 
cautions  pouvoient  à  la  vérité  lui  oppo- 
fer  l'exception  qui  réfulte  de  la  conven- 
tion qu'il  a  eue  avec  le  débiteur  prin- 
cipal ,  mais  fuivant  l'ancien  Droit  Ro- 
main ,  les  cautions  n'avoient  ce  droit 
que  parce  que  la  demande  donnée  contre 
les  cautions  refléchifloit  contre  le  débi- 
teur principal  qui  étoit  obligé  de  les  en 
acquitter,  acîione  contraria,  mandati  azit  ne* 
gotiorum  gefîorum  ;  c'en1  pourquoi  dans  le 
cas  auquel  la  demande  donnée  contre  les 
cautions  n'eût  pas  dû  refléchir  contre  le 
débiteur  principal,/»///^  parce  que  ces  cau- 
tions l'auroient  cautionné  donandi  uni" 
mo  avec  proteflation  de  ne  rien  répéter 
contre  le  débiteur  principal  de  ce  qu'ils 
feroient  obligés  de  payer  pour  lui ,  les 
cautions  ne  pouvoient  en  ce  cas ,  fuivant 
les  principes  de  l'ancien  droit,  oppofer 
l'exception  qui  naît  de  la  convention 
intervenue  entre  le  créancier  &  le  débi- 
teur principal ,  parce  que  cette  conven? 


Part.  II.    C  h  a  p.  VI.    489 

tion  &:  l'exception  qui  en  réfulte  étant 
fondées  fur  la  confidération  perfonnelle 
que  le  créancier  a  eu  pour  le  débiteur 
principal  qu'il  a  voulu  gratifier  ,  c'eil  une 
exception  in  perfonam  qui  n'appartient 
point  aux  cautions.  C'eft  ce  que  nous  ap- 
prenons de  la  Loi  32.  ffl  depaci.  où  il  eft 
dit  :  Quod  diclum  efl ,  fi  cum  reo  paclum 
fit  tli  non  petatur  ^  fidej  uffori  quoquc  compe- 
tere  exceptionem  ,  prop 'ter  ni  perfonam  pla- 
cuit  y  ne  mandatijudicio  conveniatur  :  igitur 
fi  mandtiti  aclio  nulla  fît  ,  forte  fi  donandi 
animo  fidej  ufjerit  ;  dicendum  efl  non  pro- 
deffe  exceptionem  fidej  ufjo  ri. 

Quand  même  la  caution  feroit  une 
caution  ordinaire ,  qui  a  recours  contre 
le  débiteur  principal  pour  ce  qu'elle  eil 
obligée  de  payer  pour  lui ,  elle  ne  pour- 
roit  ,  félon  les  principes  du  Droit  Ro- 
main ,  oppofer  l'exception  qui  naît  de  la 
convention  intervenue  entre  le  créancier 
&le  débiteur  principal ,  fi  par  cette  con- 
vention le  créancier ,  en  promettant  de 
ne  pas  demander  le  payement  de  la  dette 
au  débiteur  principal,  s'étoit  expreïfé- 
ment  réfervé  de  pouvoir  le  demander  à 
la  caution.,  débitons  conventio  fidej  uffori-* 
bus  proficiet  ,  nifi  hoc  aclurn  efl  ut  dum- 
taxât ,  à  reo  non  petatur  ,  à  fidej  ufforc 
petatur  :  tune  enim fidej uffor  exceptionz  non. 
Utttur  ?  L.  z  1 .  §♦  i,  in  fin,  L.  22.  ffl  d.  Tu. 

X  v 


490       Tr.    des    Oblig, 

Cujas  dans  Ton  Commentaire  fur  ledit 
§.5.  obferve  fort  bien  qu'en  cela  les  fi- 
déjufTeurs  différoient  de  ceux  qu'on  ap- 
pelle en  Droit  ?  mandatons  pecuniœ  cre- 
dendœ  ;  car  fi  à  votre  requifition  j'avois 
prêté  à  quelqu'un  une  fomme  d'argent , 
je  ne  pouvois  pas  par  la  fuite  ,  en  conve- 
nant avec  le  débiteur  que  je  ne'  lui  de- 
manderais pas  le  payement  de  la  dette  , 
me  referver  valablement  le  pouvoir  de 
vous  le  demander  ;  il  nous  en  donne  cette 
raifon  de  différence  :  lorfqu'à  votre  requi- 
fition j'ai  prêté  une  fomme  d'argent  à 
quelqu'un ,  je  fuis  par  la  nature  du  con- 
trat de  mandat  qui  eu  intervenu  entre 
nous  ,  obligé  de  vous  céder  i'aclion  qiiï 
naît  du  prêt  que  j'ai  fait  en  exécution 
de  votre  mandat  ;  tout  mandataire  étant 
obligé  ?  aciione  mandati  directd ,  à  tenir 
compte  au  mandant  de  tout  ce  qu'il  a 
acquis  en  exécutant  le  mandat  :  donc 
lorîque  par  mon  fait  je  me  fuis  mis  hors 
d'état  de  pouvoir  remplir  mon  obliga- 
tion envers  vous ,  6c  de  pouvoir  vous 
céder  l'action  qui  naît  du  prêt  que  j'ai 
fait  au  débiteur  ,  foit  en  convenant  avec 
le  débiteur  de  ne  lui  rien  demander  , 
foit  en  laiffant ,  par  ma  faute  ,  donner 
congé  de  ma  demande  contre  ce  débi- 
teur ,  foit  de  qrelqu'autre  manière  que 
ce  foit  5  je  ne  dois  plus  être  lecevable  à 


P  A  R  T.  I  I.     C  H  A  P.   V  î.      49I 

répeter  de  vous  ,  actione  mandati  contra- 
ria ,  Ja  ibmme  que  j'ai  prêtée  par  votre 
ordre  à  ce  débiteur  ,  L.  95.  §.  pen.jffl  de 
folut.  car  c'eft  un  principe  commun  à 
tous  les  contrats  fynallagmatiques  que  la 
partie  qui  manque  à  fon obligation,  n'eft 
pas  recevable  à  demander  à  l'autre  partie 
PaccompLiTement  de  la  Tienne. 

Il  n'en  eft  pas  de  même  des  fidéjuffeurs; 
un  créancier  ,  fuivant  les  principes  de 
l'ancien  Droit  Romain  ,  comme  l'obfer- 
ve  Cujas  ad  d.  §.  ne  contracte  aucune 
obligation  envers  les  fidéjufleurs  de  leur 
conserver  fes  actions  contre  le  débiteur 
principal  contre  lequel  ils  en  ont  une  de 
leur  chef;  c'eft  par  une  pure  raifon  d'é- 
quité qu'il  n'en  peut  refufer  la  ceflion  à 
la  caution  lors  du  payement  qu'elle  fait  ; 
mais  il  n'eft  tenu  de  les  céder  que  telles 
qu'il  les  a  ,  &  autant  qu'il  les  a  ;  c'eft 
pourquoi  la  convention  qu'il  a  eu  avec 
le  débiteur,  par  laquelle  il  a  rendu  inef- 
ficaces (es  actions  contre  lui ,  ne  l'exclut 
pas  de  pouvoir  demander  au  fidéjuffeur 
le  payement  de  la  dette. 

Tel  étoit  l'ancien  Droit ,  qui ,  com- 
me l'obferve  Cujas  ad  J.  §,  6.  ne  peut 
gueres  avoir  lieu  depuis  la  Novelle 
de  Juftinien  :  Jure  novo  ,  dit  Cujas  ,  kaud 
faclU  procéder*  poteJl\  car  Juftinien  ayant 
par  la  Novelle  accordé  aux  fi  deju  fours 

Xvj 


49*  Tr.  des  Oblig, 
l'exception  de  difcuffion  ,  beneficlum  or-* 
dinis  ,  qui  confifte  dans  le  droit  qu'il  leur 
donne,  lorsqu'ils  font  pourfuivis  par  le 
créancier ,  à  le  renvoyer  à  fe  pourvoir 
auparavant  contre  le  débiteur  principal , 
&:  à  difcuter  pour  cet  effet  {es  biens ,  il 
eft  évident  que  le  créancier  ne  peut  plus 
aujourd'hui ,  en  convenant  avec  le  débi- 
teur de  ne  lui  pas  demander  le  payement 
de  la  dette  ,  fe  réferver  le  pouvoir  de  le 
demander  aux  fïdéjuffeurs  ;  car  il  ne  peut 
par  fon  fait  les  priver  du  droit  6c  de 
l'exception  que  la  loi  leur  donne. 

Selon  les  principes  du  Droit  François  ," 
outre  cette  raifon  tirée  de  la  Novelle  , 
pour  qu'un  créancier  ne  puiffe  en  conve- 
nant avec  le  débiteur  de  ne  pas  lui  de- 
mander le  payement  de  la  dette  ,  fe  ré- 
ferver le  pouvoir  de  le  demander  aux 
cautions  ;  il  y  en  a  une  autre  qui  n'eft  pas 
moins  décifive  :  elle  fe  tire  de  la  diffé- 
rence des  principes  du  Droit  Romain  , 
6c  des  nôtres  fur  les  fimples  paa.es. 

Selon  les  principes  du  Droit  Romain  y 
il  n'y  avoit  que  les  obligations  qui  avoient 
été  formées  par  lefeul  confentementdes 
parties  qui  pouvoient  fe  détruire  par  un 
confentement  contraire;  à  l'égard  de  tou- 
tes les  autres  ,  lorfque  le  créancier  vou- 
loir en  faire  remife  au  débiteur ,  il  ne 
pou  voit  le  faire  que  par  la  formule  de 


Part.  II.  Chap.  VI.  493' 
Pacceptilation  ou  fimple  ,  ou  Aquilienne  : 
fans  cela  la  convention  qu'il  avoit  eu 
avec  le  debiteur  de  ne  point  exiger  de  lui 
la  dette  ,  ifétoit  qu'un  fimple  pa&  qui  ne 
pou  voit  détruire  l'obligation  du  débiteur; 
car  de  même  qu'un  fimple  pact  ne  peut 
pas  produire  une  obligation  civile  ,  il 
iî£  peut  pas  auffi  la  détruire  ;  il  efr.  vrai 
que  cette  convention  donnoit  au  débiteur 
une  exception  pour  exclure  le  créancier 
de  la  demande  qu'il  auroit  donnée  con- 
tre lui  contre  la  foi  de  la  convention  ; 
mais  le  débiteur  ne  tenoit  cette  excep- 
tion que  de  l'équité  Prétorienne  contre 
la  rigueur  du  droit  ;  l'obligation  qu'il 
avoit  contractée  ne  laiflbit  pas  defubfif- 
ter  ipfo  jure  en  fa  perfonne  ,  &  étoit  iut 
fuffifant  fondement  pour  conferver  celle 
des  fîdéjuffeuvs  qui  y  avoient  accédé. 

Il  en  étoit  de  même  de  la  convention 
par  laquelle  le  créancier  par  libéralité 
auroit  accordé  un  certain  terme  à  fon 
débiteur  qui  avoit  d'abord  contracté  une 
obligation  pure  6c  fimple  &  fans  aucun 
terme  ;  cette  convention  n'étoit  qu'un 
fimple  pact  qui  ne  donnoit  au  débiteur 
qu'une  exception  conrre  la  demande  que 
le  créancier  ,  contre  la  foi  de  la  conven* 
tion  ,  auroit  donné  contre  lui  avant  le 
terme  ;  mais  fi  par  la  convention  le  créan* 
cier  avoit  déclaré  qu'il  n'entendoit  ac- 


494       Tr.    des   Oblig, 
corder  le  terme  qu'au  débiteur,  &  non 
aux  cautions  ,  cette  convention  ,  fuivant 
les  principes  de  l'ancien  Droit,  ne  l'em- 
pêchoit  pas  d'agir  contre    les  cautions 
avant  le  terme  ,  qui  ne  pouvoient  pas 
lui  oppofer  le  principe  de  droit  ,   qu'il 
eft  de  la  nature  6c  de  l'effence  du  cau- 
tionnement que  la  caution  ne  foit  pas 
obligée  à  plus  que  le  débiteur  principal , 
&  qu'elle  ait  les  mêmes  termes  de  paye- 
ment :  car  la  convention  par  laquelle  le 
terme  a  été  accordé  au  débiteur  n'étant 
qu'un  fimple  patl: ,  n'a  pu  donner  attein- 
te à  fon  obligation  ,  ni  la  diminuer  ;  elle 
fubfifte  ipfo  jure  telle  qu'elle  a  été  con- 
tractée ,  comme  obligatiou  pure  &  fim- 
ple &  fans  terme ,  &  elle  laifïe  fubfifter 
de  même  celle  des  cautions.  Si  le  débi- 
teur peut  jouir  du  terme  qui  lui  a  été  ac- 
cordé par  la  convention ,   ce  n'eft  que 
par  une  exception  qu'il  ne  tient  que  de 
l'équité  Prétorienne  contre  la  rigueur  du 
droit,  &£  qui  n'étant  fondée  que  fur  une 
confidération  perfonnelle  pour  le  débi- 
teur ,  ne  paffe  pas  à  fes  cautions. 

Ces  principes  du  Droit  Romain  fur 
l'effet  des  fimples  pacls  ne  font  point 
puifés  dans  le  droit  naturel ,  &  ne  font 
fondés  que  fur  des  flibtiîiîés  très-oppo- 
{ées  à  l'efprit  6c  à  la  fimplicité  de  notre 
Droit  François»    Nous  ne  connoiffons 


Part.  Iî.  Chap.  VI.  495 
point  la  iblemnitéde  l'acceptilation  :  tou- 
tes les  conventions  peuvent  produire 
des  obligations  civiles  ,  les  éteindre  6c 
les  modiner.  Lorfqifun  créancier  a  con- 
vention avec  le  debiteur.de  ne  point  exi» 
g  r  de  lui  la  dette  ,  cette  convention 
félon  la  iimplicité  de  notr?  Droit  Fran- 
çois ,  libère  de  plein  droit  le  débiteur  ; 
c'en1  pourquoi  le  créancier  ne  peut  pas 
valablement  fe  réferverd'en  pouvoir  de- 
mander le  payement  aux  cautions  ,  la  li- 
bération du  débiteur  entraînant  nécessai- 
rement celle  des  cautions. 

Pareillement  dans  notre  Droit  ,  lorf- 
que  depuis  le  contrat,  un  créancier  par 
libéralité  accorde  un  certain  terme  de 
payement  à  fon  débiteur,  il  ne  peut  pas 
valablement  exclure  de  ces  termes  les 
cautions  ;  car  la  convention  ayant  l'effet 
de  modifier  de  plein  droit  l'obligation 
du  débiteur  ,  &  d'une  obligation  pure  ôc 
fimple  d'en  faire  une  obligation  avec 
un  terme  de  payement ,  l'obligation  des 
cautions  reçoit  néceffairement  la  même 
modification  ,  &  a  le  même  terme  de 
payement  qura  l'obligation  du  débiteur 
principal  ;  étant  de  l'erTence  du  caution* 
nement  que  la  caution  ne  foit  obligées 
plus  que  le  débiteur  principal. 

Si  dans  le  cas  d'un  contrat  d'attermoye- 
ment  fait  entre  les  créanciers  &c  le  dé* 


Î49<5       Tr.    des    Oblig; 

biteur,  les  cautions  ne  jouifTent  pas  des 
remifes  &  des  termes  accordés  au  débi- 
teur par  le  contrat ,  comme  nous  l'avons 
décidé  ci-deflus ,  c'eft  que  les  remiles  & 
les  termes  qui  font  accordés  au  débiteur 
par  ce  contrat ,  ne  tombent  que  fur  l'obli- 
gation civile*;   l'obligation  naturelle  de* 
meure  dans  fon  entier  :  en  conféquence 
de  laquelle ,  le  débiteur  lui-même  ^  fi  la 
commodité  de  payer  lui  furvenoit ,  ne 
pourroitdans  le  for  de  la  confcience  jouir 
îles  remifes  ni  des  termes  qui  lui  ont  été 
accordés.  Cette  obligation  naturelle  fuffit, 
comme  nous  l'avons  dit ,  pour  fervir  de 
fondement  à  celle  des  cautions;  maislorf- 
qu'un  créancier  de  fon  bon  gré  &  par 
libéralité  a  déchargé  fon  débiteur  ,  ou 
lui  a  accordé  terme  ,  le  débiteur  n'étant 
plus  obligé,  ni  naturellement,  ni  civile- 
ment ,  de  payer  lafomme  qui  lui  a  été 
remife  ,  n'étant  plus  obligé  ni  naturelle- 
ment ,  ni  civilement  de  payer  avant  le 
terme  ;  c'eft.  une  conféquence  que  les  cau- 
tions ne  le  foient  plus  aufïL 

381.  Lorfque  le  débiteur  principal  fe 
fait  reftituer  contre  fon  obligation  par  des 
lettres  de  refcifion ,  la  refcifion  de  fon 
obligation  entraîne-t-elle  la  refcifion  de 
celles  des  cautions  ?  Il  faut  faire  la  même 
diftin&ion  que  nous  avons  faite  à  l'égard 
4es  exceptions  :  &  la  reftitutioa  eft  fon-? 


Part.  II.  Chap.  VI.  4*97 
dée  (va  quelque  vice  réel  de  l'obligation  , 
comme  iiir  le  dol  ,  la  violence  ,  l'erreur, 
la  leiion  énorme  ;  la  refcifion  de  l'obliga- 
tion principale  entraîne  celle  des  fldéjuf- 
fairs  ;  que  ii  au  contraire  lareftitution  eft 
fondée  fur  des  raifons  qui  foient  perfon- 
nelles  au  débiteur  principal ,  comme  par 
exemple ,  fur  fa  minorité  ;  en  ce  cas  la  ref- 
cifion qu'il  obtient  de  fon  obligation  n'en- 
traîne point  celle  des  fidéjufleurs  ;  ce  dé- 
biteur principal  n'acquiert  par  lareftitu- 
tion qu'une  défenfe  qui  lui  eft  perfonnelle 
contre  fon  obligation ,  laquelle  ,  nonob- 
stant la  refcifion ,  fubfifte  en  quelque  fa- 
çon natitraliur  ,  &  eft  un  fujet  fuffifant 
auquel  l'obligation  des  fidéjufleurs  peut 
accéder;  c'eft  ce  qui  efl  décidé  par  la 
loi  1 3 .  fF.  de  minorib.  &  bien  nettement  par 
la  loi  i.cod.  dejidijiiff.min. 

Il  y  a  néanmoins  un  cas  auquel  la  ref- 
cifion de  l'obligation  principale,  quoique 
pour  feule  caufe  de  minorité ,  entraîne 
celle  des  fidéjufleurs  ;  c'eft  lorfque  le  dé- 
biteur principal  s'efl:  obligé  en  une  qua- 
lité que  la  refcifion  a  détruit;  comme  s'il 
s'étoit  obligé  en  qualité  d'héritier,  &c  qu'il 
fe  fît  reftituer  contre  fon  acceptation*  de 
fucceflion  ;  car  le  débiteur  principal  n'é- 
tant pas  obligé  de  fon  chef,  mais  en  une 
qualité  d'héritier  qu'il  n'a  plus  &C  qu'il 
a  perdue  par  la  refcifion  de  fon  accepta- 


4ç>8        Tr.    des    Oblig. 

tion  de  fuccefîion  ,  il  n'eft  plus  débi- 
teur en  tout  y  même  naturaliser  ;  fon 
obligation  attachée  à  cette  qualité  qui  eu. 
détruite  ,  ne  fubfifîe  plus  :  c'eft  ce  qui 
efl  décidé  en  la  loi  %$•  ff.  de  acquir.  kered. 

382.  La  règle  que  nous  avons  établie 
quel'extin&ion  de  l'obligation  principale, 
entraînoit  celle  du  fidéjuffeur,  fouffre  une 
efpece  d'exception  dans  le  cas  auquel  la 
chofe  due  feroit  périe  par  le  fait  ou  la 
faute  du  fidéjuffeur,  ou  depuis  qu'il  a  été 
confirmé  en  demeure  ;  en  ce  cas,  quoique 
l'obligation  du  débiteur  principal  qui  n'a 
pas  été  conftitué  en  demeure  ,foit  éteinte 
par  l'extinction  de  la  chofe  qui  en  faifoit 
l'objet ,  le  fidéjuffeur  demeure  obligé  ; 
c'efl:  ce  que  décide  la  loi  32.  §.  j.ff.  de 
Ufur.Ji fidej  u(for  folus  moram  fccerit  >  nus 
non  tenetur ,  ficutiji flicham  promijjum  occi- 
dent ,  fed  UTILIS  ACTIO  in  hune  (fîde- 
jujjbrem  )  dabitur. 

Ce  qui  a  été  établi  contre  le  principe 
de  droit ,  qui  ne  permet  pas  que  l'obliga- 
tion du  fidéjuffeur  puiffe  fubfifter  après 
l'extinction  de  l'obligation  principale  ; 
c'eft  ce  que  nous-marque  le  Jurifconfulte 
en  nous  difant  qu'en  ce  cas  l'obligation 
qui  a  lieu  contre  le  fidéjuffeur  eu  une 
action  utile,  acfio  utilis  ,  c'effà-dire ,  qui 
eft  donnée  contra  tenonm  juris  ,  itafua- 
dente  utilitate  &  œquitate  par  forme  de 


Part.  TI.  Chap.  VI.  499 
dommages  6c  intérêts  ,  6c  en  punition 
de  la  faute  ou  demeure  du  fidéjuneur. 

Corollaire    VI. 

3S3.  De  ce  que  le  fidéjuueur  Suivant 
notre  définition  ,  efl  celui  qui  s'oblige 
pour  un  autre  ,  qui  accède  à  l'obligation 
d'un  autre  ,  les  Jurifconfultes  Romains 
avoient  tiré  cette  conféquence ,  que  tou- 
tes les  fois  que  les  deux  qualités  de  débi- 
teur principal  6k  de  fidéjuueur  de  ce  dé- 
biteur fe  trou  voient  concourir  dans  une 
même  perfonne  ,  ce  qui  arrive  lorfque  le 
fidéjuneur  devient  héritier  du  débiteur 
principal  ;  aut  vice  versa ,  lorfque  le  dé- 
biteur principal  devient  héritier  du  fidé- 
jufïeur;  ou  lorfqu'un  tiers  devient  héritier 
de  l'un  6c  de  l'autre  ,  en  tous  ces  cas  la 
qualité  de  débiteur  principal  détruifoit 
celle  de  fidéjuueur  ;  un  fidéjuneur  étant 
euentiellement  celui  qui  efl  obligé  pour 
un  autre ,  6c  ne  pouvant  être  le  fidéjuueur 
de  foi-même  ;  d'où  ils  concluoient  que 
dans  tous  ces  cas ,  l'obligation  du  caution- 
nement étoit  éteinte ,  6c  qu'il  ne  refloit 
plus  que  l'obligation  principale  ,  £.  £3. 
§.  2.  &  fin.  ff.  de  folut.  L.  J.  ffl  d.  fid+ 
L.  24.  cod.  dz  fide/. 

De-là  ils  concluoient  que  fi  le  fidéjuf- 
itur  avoit  lui-même  donné  un  fîdéjiuTeur 


^oo       Tr.    des    Oblïg. 

qui  accédât  à  fon  obligation  ;  en  tous  ces  \  l 
cas  l'obligation  de  ce  fidéjuffeur  du  fidé- 
juffeur étoit  éteinte  par  l'extinfrion  de 
celle  du  fidéjuffeur ,  qui  étoit  comme  une  I 
obligation  principale ,  vis-à-vis  de  celle 
de  ce  fidéjuffeur  du  fidéjuffeur,  L.  38. 
§.  jfo.  ffl  de  folut. 

Selon  nos  ufages  on  n'a  pas  égard  à 
cette  fubtilité  ,  &  un  certificateur  de 
caution  qui  eft  fidejujfor  fidej  ujjoris  n'eft 
pas  déchargé  parce  que  le  fidéjuffeur  qu'il 
a  certifié  eft  devenu  héritier  du  princi- 
pal débiteur  ,  aut  vice  versa  ;  il  y  a  d'au- 
tant plus  lieu  de  le  penfer  que  les  Jurif- 
confiiltes  Romains  avoient  été  partagés 
d'avis  fur  cette  queftion ,  d.  L,  93.  §.fin. 
aufurplus  quand  même  on  décideront  fui- 
vant  le  droit  Romain  qu'il  fe  feroit  dans 
ce  cas  confufion  de  l'obligation  du  fidé- 
juffeur ;  les  hipotheques  données  par  ce 
fidéjuffeur  ne  laiffent  pas  de  fubfifter,  car 
les  hipotheques  ne  s'éteignent  que  par  le 
payement  ;  &  cette  confufion ,  qui  félon 
la  fubtilité  défoblige  le  fidéjuffeur  en  fa 
qualité  de  fidéjuffeur  ,  n'équipolle  pas  à 
un  payement  :  c'eft  ce  qui  eft  décidé  d.  L„ 
38.  §./*. 

Lorfque  la  caution  devient  héritière  de 
fon  cofidéjuffeur ,  il  n'eft  pas  douteux 
qu'il  ne  fe  fait  en  ce  cas  aucune  confufion 
&  que  les  deux  obligations  fubfiftent^ 


Part.  II.    Chap.  VI.     501 

Quoique  réunies  dans  une  même  perfonne, 
L.  1 1.  §.  1 .  ff.  defidej.  de  même  que  lors- 
qu'un débiteur  principal  fuccëde  à  Ton 
codébiteur  principal ,  les  deux  obligations 
iiibii lient ,  L,  <j.  jf.  d.  th. 

384.  De  ce  qu'il  eft  de  TerTence  de 
l'obligation  des  fïdéjuffeurs  d'accéder  k 
l'obligation  d'un  débiteur  principal  ,  il 
n'en  tant  pas  conclure  qu'elle  foit  éteinte, 
lorfque  le  débiteur  principal  eft  mort  fans 
avoir  lahTé  d'héritiers  ;  la  raifon  de  douter 
feroit  qu'il  ne  refte  aucun  débiteur  prin- 
cipal à  l'obligation  duquel  le  fidéjufTeur 
puiffe  paroître  accéder  ;  la  raifon  de  dé- 
cider qui  peut  en  même  temps  fervir  de 
réponfe  à  cette  objection ,  eft  que  la  fuc- 
cefïion  quoique  vacante  de  ce  débiteur 
principal ,  le  repréfente,  &  tient  lieu  de 
fa  perfonne ,  fuivant  la  règle  kereditasja- 
cens  perfonœ  defuncii  vicem  fufiinet ,  &  par 
conféquent  il  refte  au  moins  ficïio  ne  Juris 
un  débiteur  principal ,  à  l'obligation  du-- 
quel  accède  celle  des  fidéjurTeurs. 

Vice  versa,  lorfque  le  créancier  envers 
qui  le  cautionnement  a  été  fubi ,  meurt ,' 
&  laifle  fa  fuccefïïon  vacante  ,  cette  fuc- 
cefîion  le  repréfente ,  &  eft  une  perfon- 
ne fictive  envers  laquelle  le  cautionne- 
ment continue  de  fubfifter. 

385.  Lorfque  le  cautionnement  a  été 
fubi  envers  un  créancier ,  dans  une  çer^ 


5oi        Tr.   des   Oblig. 

taine  qualité  qu'avoit  le  créancier ,  le 
cautionnement  fubfilîe  envers  les  per- 
fonnes  à  qui  cette  qualité  a  pafîe.  Par 
exemple,  fi  j'ai  cautionné  le  débiteur  d'une 
fuccefïïon  ,  envers  l'héritier  en  fa  qualité 
d'héritier,  cet  héritier  ayant  depuis  resti- 
tué la  fuccefïïon  à  un  héritier  fidéi-com- 
miffaire  en  la  perfonne  de  qui  la  qualité 
d'héritier  &  tous  les  droits  héréditaires 
ont  parlé  ,  le  cautionnement  fubfifle  en- 
vers l'héritier  fidéi-commiflaire  ,  L.  xi* 
ff.  de  Jîd. 

Section    II. 

Divljion  des  fidêjujjeurs  ou  cautions» 

386.  Nous  avons  dans  notre  Droit  Fran- 
çois trois  différentes  efpeces  de  cautions 
ou  fidéjufTeurs  ;  les  cautions  purement 
conventionnelles  ,  les  légales  ,  les  judi- 
ciaires. 

Les  conventionnelles  font  celles  qui 
interviennent  par  la  convention  des  par- 
ties ,  dans  les  différens  contrats  ,  comme 
dans  les  contrats  de  prêt  ,  de  vente  ,  de 
louage ,  &  autres  femblables  :  par  exem- 
ple ,  une  perionne  emprunte  de  l'argent , 
&  donne  une  caution  qui  s'oblige  envers 
le  préteur  à  la  reflitution  de  la  chofe  prê- 
tée ,  ou  bien  acheté  une  chofe  >  ou  la 


Part.  II.   Chap.  VI.     505 

prend  à  loyer,  &  donne  une  caution  qui 
s'oblige  avec  lui  au  payement  du  prix  ou 
de  la  ferme  ;  telles  cautions  font  cautions 
conventionnelles  ;  ce  n'eft.  ni  la  loi  ni  le 
Juge  qui  ordonne  ces  cautions  ;  c'eiï  la 
feule  convention  des  parties  qui  les  fait 
intervenir  ,  parce  que  l'emprunteur ,  l'a- 
cheteur ,  le  preneur  font  convenus  avec 
le  prêteur ,  le  vendeur  ,  le  bailleur  ,  de 
donner  caution. 

Les  cautions  légales  font  celles  que  la 
loi  ordonne  de  donner ,  telles  que  celles 
qu'un  donataire  mutuel ,  ou  autre  ufufrui- 
tier,eft  tenu  de  donner,  pour  jouir  des 
biens  dont  on  lui  a  donné  ou  légué  l'ufu-» 
fruit ,  &c. 

Les  cautions  judiciaires  font  celles  qui 
font  ordonnées  par  le  Juge ,  comme  lorf- 
que  le  Juge  ordonne  qu'une  perfonne  tou- 
chera par  provifion  une  fomme ,  en  don- 
nant caution  de  la  rapporter ,  s'il  eft  dit 
que  faire  fe   doive. 


N 


jo4       T r.   des   Oblige 

Section     III. 

Des  qualités  que   doivent  avoir   Us 
cautions* 

$.  i. 

Des  qualités  que  doit  avoir  une  perfonnt 
pour  contracter  un  cautionnement  vala- 
blement. 

387.  Il  faut  avant  toutes  chofes  ,  que 
la  caution  foit  capable  de  contracter,  &C 
de  s'obliger  comme  caution. 

Tous  ceux  qui  font  incapables  de  con- 
tracter ,  tels  que  font  les  fous  ,  les  inter- 
dits ,  les  pupilles  ,    les  femmes  mariées 
lorfqu'elles  ne  font  pas  autorifées  ,  les . 
Religieux,  ne  peuvent  être  cautions. 

388.  Par  le  Droit  Romain  les  femmes 
ne  pouvoient  s'obliger  comme  cautions 
pour  les  affaires  des  autres  ;  le  Senatuf- 
confulte  Velleïen  infirmoit  leur  obliga- 
tion. 

Juftinien  par  fa  Novelle  134.  cap.  8. 
avoit  permis  aux  femmes,  en  s'obligeant , 
de  renoncer  à  l'exception  que  leur  don- 
noit  ce  Senatufconfulte. 

Ge  droit  a  été  autrefois  fuivi  en  Fran- 
ce ;  mais  comme  la  claufe  de  renoncia- 
tion 


Part.  II.  C  h  a  p.  VI.  505 
tlon  au  Senatufconfulte  Velleïen  ,  qui 
ctoit  devenue  de  ilyle  dans  les  acles  des 
Notaires  ,  en  rendoit  l'effet  inutile  ,  &£ 
cu'il  n'en  pouvoir  réfulterqùe  des  pro- 
cès ;  il  a  plu  au  Roi  Henri  IV.  d'abroger 
entierementpar  fonEditde  1606.  ledroit 
du  Senatufconftilte  Velleïen ,  ck  en  confé- 
quence  il  n'a  plus  lieu  dans  tout  le  Ref- 
fort  du  Parlement  de  Paris ,  ou  cet  Edit 
a  été  enregistré. 

En  Normandie  où  il  ne  l'a  point  été  9 
]e  droit  de  Velleïen  y  ert  obiervé  dans 
toute  fa  rigueur  £  tk  la  Novelle  qui  per- 
mettoit  aux  femmes  d'y  renoncer ,  n'y 
eit  pas  fui  vie. 

Dans  cette  diverfité  de  Jurifprudence, 
on  doit  fiiivre  la  loi  du  lieu  du  domicile 
qu'avoit  la  femme  ,  lorfcu'eile  a  con- 
tracté le  cautionnement  ;  car  les  loix  qui 
règlent  les  obligations  des  perfonnes  , 
telle  qu'eft  le  Velleïen  ,  qui  ne  permet 
pas  aux  femmes  de  s'obliger  pour  autrui, 
font  des  ftatuts  perfonneis  qui  exercent 
leur  empire  fur  toutes  les  perfonnes  qui 
y  font  foumifes  par  leur  domicile ,  qu'el- 
les ont  dans  leur  territoire,  en  quelque 
lieu  que  foient  fitués  les  biens  de  ces 
perfonnes  ,  &C  en  quelque  lieu  qu'elles 
contractent  ;  c'efr.  pourquoi  ii  une  fem- 
me domiciliée  en  Normandie  fe  rendoit 
caution  pour  quelqu'un  ?  quoique  l'aftç 
Tome  I,  Y 


<o6        Tr,    des    Oblig. 
du  cautionnement   fût  parle  à  Paris  ou 
le  Velleïen  efl  abrogé  ,  le  cautionnement 
fera  nul. 

Mais  quoiqu'une  femme  ait  été  mariée 
en  Normandie ,  û  fon  mari  a  transféré 
fon  domicile  à  Paris ,  cette  femme  ayant 
ceffé  par  cette  tranflation  de  domicile 
d'être  foumife  aux  Loix  de  Normandie  , 
les  cautionnements  qu'elle  contractera 
depuis  cette  tranflation  de  domicile  feront 
valables. 

L'obligation  perfonnelle  qu'une  Nor- 
mande a  contractée  en  fe  rendant  caution 
étant  nulle ,  c'efl  une  conféquence  que 
l'hypothèque  de  {es  biens  fous  laquelle 
elles'efl:  obligée  ,  foit  pareillement  nulle, 
quoiqu'ils  foient  fitués  à  Paris  ,  l'hypo- 
thèque ne  pouvant  fubMer  fans  l'obli- 
gation perfonnelle  dont  elle  efl  l'accef- 
foire. 

Vice  versa  û  une  Parifienne  s'eft  rendue 
caution  par  un  acle  devant  Notaires  ,  (es 
biens ,  quoique  fitués  en  Normandie  , 
ieront  hypothéqués  ;  cette  hypothèque 
étant  une  fuite  de  l'obligation  qu'elle  a 
contractée  paruna£te  authentique. 

On  fera  peut-être  cette  objection  :  on 
convient,  dira-t-on  ,  que  le  Velleïen  eft 
un  fîatut  perfonnel  quant  à  fa  première 
partie  ,  parlaquelleil  défend auxfemmes 
d'obligé*  leurs  perfonnes  pour  autrui , 


Part.  II.  Chap,  VI,  507 
mais  il  a  unefeconde  partie  par  laquelle  il 
leur  défend  autfi  d'obliger  leurs  biens  pour 
la  dette  d'autrui  ;  le  Velleien  ayant  pour  ob- 
jet de  cette  féconde  partie,  des  chofes  ,  il 
eu  quant  à  cette  féconde  partie  un  ftatut 
réel ,  &:  fuivant  la  nature  des  ftatuts  réels, 
il  exerce  fon  empire  fur  toutes  les  chofes 
fituées  dans  le  territoire  où  il  eft  en  vi- 
gueur, à  quelques  perfonnes  que  ces  cho- 
fes appartiennent  ;  donc  il  annulle  l'obli- 
gation qu'une  femme  ,  quoique  perfonne 
non  foumife  perfonnellement  à  fon  empi- 
re ,  fait  de  fes  biens  finies  en  Norman- 
die ,  pour  la  dette  d'autrui. 

Ma  réponfe  eft  que  cet  argument  prou- 
ve feulement  que  ii  une  Parifienne  fans 
fe  rendre  caution  &  fans  s'obliger  per- 
fonnellement ,  obligeoit  {es  biens  fitués 
en  Normandie  pour  la  dette  d'autrui  , 
cette  obligation  feroit  nulle  ;  parce  que  le 
Velleien  obfervé  en  Normandie  qui  a  em- 
pire fur  les  chofes  qui  y  font  fituées,  en  em- 
pêche l'obligation  pour  la  dette  d'autrui  ; 
mais  lorfque  l'obligationdefditsbiensn'efT: 
qu'une  fuite  de  l'obligation  perfonnelle 
contractée  par  un  a&e  devant  Notaire  par 

*e  Parifienne  :  la  loi  de  Normandie  ne 
peut  l'infirmer  ;  car  cette  loi  n'ayant  au- 
cun empire  fur  l'obligation  perfonnelle 
d'une  Parifienne  ,  n'en  peut  avoir  fur  ce 
qui  n'en  eft  que  l'aççeffoire, 

Yi; 


jfb8       T r.    des    Oblig. 

Le  Velleïen  n'étant  ftatut  perfonneï 
que  quant  à  la  première  partie  ,  &  étant 
ilatut  réel  quant  à  la  féconde  partie ,  il 
s'enfuit  qu'une  femme  Normande  peut 
en  ne  fe  rendant  pas  caution  ,  &  en  ne 
contractant  aucune  obligation  perfonneï- 
le ,  obliger  à  la  dette  d'autrui  lesf  biens 
qu'elle  a,  qui  font  limés  hors  la  Norman- 
die ,  dans  une  Province  où  le  Velleïen 
efî  abrogé  ;  car  les  ftatuts  réels  n'exer- 
cent leur  empire  que  fur  les  chofes  fituées 
dans  leur  territoire. 

389.  Les  mineurs  ?  quoiqu'émancipés  ,' 
ne  s'obligent  pas  valablement  comme 
■cautions  pour  les  affaires  des  autres  ;  car 
l'émancipation  ne  leur  donne  que  le  pou- 
voir d'admininrer  leurs  biens ,  &  il  effc 
évident  que  le  cautionnement  pour  les 
affaires  d'autrui ,  ne  fait  pas  partie  de  cette 
adminiftration. 

Cela  a  lieu ,  même  à  l'égard  d'un  mi- 
neur marchand ,  qui  cautionneroit  un  au- 
tre marchand  ,  pour  une  affaire  de  com- 
merce à  laquelle  il  n'auroît  aucun  intérêt; 
car  fa  qualité  de  marchand  ne  lui  donne 
le  pouvoir  de  contracter  fans  efpérance 
de  renitution  ,  que  pour  les  affaires  de 
fon  commerce  ;  or ,  une  affaire  d'un  autre 
marchand  à  laquelle  il  n'a  aucun  intérêt , 
n'efï  pas  une  affaire  de  fon  commerce* 
Baf nage,  Trahi  des  hypot.  part,  2,  ch.  z*. 
&tjj?cijjcs7   T.  dis  cautions ,  S,  1, 


Part.  1 1.  Chap.  VI.  509 
Par  la  même  raifon  an  mineur  qui ,  par 
difpenfe  du  Prince  ,  exerce  une  charge 
publique  ,  n'en  eft  pas  moins  reûStuable 
contre  un  cautionnement  qu'il  auroit  con- 
tracté ;  car  la  difpenfe  du  Prince  ne  le  fait 
réputer  majeur  ,  que  pour  ce  qui  concer- 
ne la  charge  publique  qu'il  lui  permet  de 
pofîeder  ;  d'où  il  fuit  qu'il  n'y  a  que  les 
ençaçemcns  relatifs  à  Tadmininration  de 
cette  charge  ,  qu'il  puifle  contracter  fans 
efpérance  de  reftitution  ;  ces  principes 
font  certains ,  malgré  un  Arrêt  contraire 
cité  par  DefpeirTes ,  ibid. 

Il  y  a  des  cas  extrêmement  favorables  , 
dans  lefquels  le  cautionnement  d'un  mi- 
neur peut  être  valable.  Par  exemple  i 
on  a  jugé  un  mineur  non  restituable  con- 
tre fon  cautionnement ,  pour  tirer  fon 
père  de  prifon. 

Le  cautionnement  d'un  mineur  fait  pour 
cette  caufe  doit  fur-tout  être  confirmé  , 
lorfque  le  père  n'avoit  pas  la  voie  de 
la  cefîion  de  biens  pour  fortir  de  prifon  , 
&  lorfaue  ce  cautionnement  ne  caufoit 
pas  un  dommage  &  un  dérangement  trop 
notable  dans  la  fortune  du  fils  ;  mais  fi  le 
père  avoit  la  voie  de  la  cefTion  de  biens, 
on  doit  fubvenir  au  fils  mineur  qui  a  eu 
la  facilité  de  fubir  un  cautionnement  con- 
fidérable  pour  fon  père,  lequel  n'étoif. 
pas  néceffaire  ;  on  peut  aurîi  entrer  ea 

Y  iij 


^ïo  Tr.  des  Oblîg; 
confidération  de  l'âge  du  mineur;  celui 
qui  étoit  dans  un  âge  qui  approchoit  de 
ïa  majorité  ,  devant  être  plus  difïkilement 
reftitué  contre  fon  cautionnement  fait 
pour  cette  caufe  ,  que  celui  qui  étoit  dans 
un  âge  moins  avancé  ;  Bafnage  prétend 
que  pour  que  le  cautionnement  d'un  mi- 
neur fut  dans  ce  cas  non  fujet  à  la  refci- 
ûon ,  il  faut  que  le  mineur  eût ,  lorsqu'il 
Ta  fubi ,  au  moins  l'âge  de  dix-huit  ans 
qui  efl  l'âge  de  la  puberté  complette ,  &C 
celui  auquel  par  la  Noveile  115.  cap.  3. 
§.  13.  les  enfans  croient  obligés  fous 
peine  d'exhérédation  de  racheter  leurs 
pères  captifs  ;  il  cite  un  Arrêt  qui  annuité 
un  cautionnement  fait  pour  cette  caufej 
par  un  mineur  de  feize  ans  :  dans  tous  ces 
cas  ,  on  a  beaucoup  d'égard  aux  différen- 
tes circonstances  ;  &  de-là  naît  la  variété 
des  Arrêts  rapportés  par  Brodeau  fur 
Louet.  L.  A.  ch>  9. 

§.  11. 

Des  qualités  requifes  pour  qu'une  perfonnc 
foit  reçue  À  être  caution. 

390.  Lorfqu'un  débiteur  eft  obligé  , 
foit  par  la  loi ,  foit  par  le  Juge  ,  «foit  par 
la  fimple  convention  ,  de  donner  à  fon 
créancier  une  caution  ;  pour  que  la  eau- 


Part.  II.  Chap.  VI.  511 
tion  qu'il  préfente  foit  recevable ,  il  ne 
fuffit  pas  qu'elle  ait  cette  première  qua* 
lite  qui  elt  requife  avant  toutes  chofes  , 
&  q\ii  confifte  à  être  capable  de  s'obliger 
comme  caution  ;  il  faut  outre  cela  i°.  que 
cette  caution  foit  folvable  ,  &  ait  un  bien 
furHfant  pour  répondre  de  l'obligation  à 
laquelle  elle  accède. 

Lorfque  le  créancier  à  qui  la  caution 
eft  préfentée  ,  contefte  fa  folvabiliîé ,  la 
caution  doit  en  juftifier  par  le  rapport  des 
titres  des  biens  immeubles  qu'elle  poffé- 
de ,  fmon  la  caution  doit  être  rejettée. 

Pour  juger  de  la  folvabilité  d'une  cau- 
tion, &  fi  les  biens  font  fuffifans  pour 
répondre  de  la  dette,  on  n'a  pas  ordinai- 
rement égard  à  fes  biens  meubles ,  atten- 
du que  ces  biens  s'aliènent  facilement , 
&  qu'ils  n'ont  pas  de  fuite  par  hypoté- 
quï  ;  néanmoins  lorfque  la  dette  en1  mo- 
dique ,  &  qu'elle  ne  doit  pas  durer  long- 
tems  ,  on  admet  pour  caution  des  mar- 
chands qui  ont  un  commerce  bien  éta- 
bli ,  quoique  leur  fortune  ne  confiée 
qu'en  biens  meubles.  Bafnage,  ibid. 

On  n'a  pas  d'égard  non  plus  aux  biens 
immeubles  qui  font  litigieux,  ni  à  ceux 
qui  font  fitués  dans  un  pays  trop  éloigné, 
la  difcufïïon  en  étant  trop  difficile.  Baf- 
ruge  ,  ibid. 

2°.  La  caution  doit  être  domiciliée  fur 

Yiv 


512         Tr.   des   Oblîg. 

îe  lieu  où  elle  doit  être  donnée  ,  c'eft-à- 
dire ,  dans  l'étendue  du  Bailliage ,  aiin 
que  la  difcuffion  n'en  foit  pas  trop  diffi- 
cile. Fidejujjhr  locupUs  videtur  non  tanîum 
ex  facuUdtlbus ,  fid  ex  convcniendi  fjcili- 
tate.  L.  z.  ff.  Qà  fatlfd.  On  eft  néan- 
moins à  cet  égard  plus  indulgent  envers 
ceux  qui  font  obligés  par  la  loi  ou  par  le 
Jugea  donner  caution,  qu'envers  ceux 
qui  s'y  font  fournis  volontairement  ;  ceux- 
ci  ne  doivent  pas  être  reçus  à  alléguer 
qu'ils  n'en  peuvent  trouver  fur  le  lieu  , 
s'étant  fournis  volontairement  à  en  don- 
nerai imputart  debent  \  on  doit  facile- 
ment admettre  les  autres  à  donner  pour 
cautions,des  perfonnes  de  leur  pays ,  lorf- 
qu'ils  n'en  peuvent  donner  dans  le  lieu  où 
la  caution  doit  être  donnée.  Bafnage  % 
Dcfpeijfcs, 

3°.  Par  la  même  raifon  ,  fi  on  préfen- 
toit  pour  caution  une  perfonne  puiffante  9 
le  créancier  pourroit  la  rejetter  ;  on  pour- 
roit  auffi  rejetter  une  perfonne  qui  par  fon 
droit  de  commitimus  pourroit  traduire 
le  créancier  dans  une  autre  jurifdiclion , 
ou  un  militaire  qui  feroit  dans  le  cas  d'ob- 
tenir des  lettres  d'étato  Foyc^  Bafnage,  tr. 
des  hyp.  p.  i.  ck.  2. 

C'eft  encore  une  qualité  requife  dans  les 
perfonnes  qu'on  préfente  pour  cautions 
judiciaires ,  qu'elles  foient  fujettes  à  la 


Part.  Iî.  Chap,  VI.  513 
Contrainte  par  corps  ;  c'eït.  pourquoi  on 
peut  rejetter  pour  cautions  judiciaires , 
les  femmes ,  les  eccléfiaftiques  qui  font 
dans  les  Ordres  facrés ,  &  les  feptuage- 
naires  ;  parce  que  ces  personnes  ne  font 
pas  fujettes  à  cette  contrainte. 

Sur  la  forme  de  la  réception  des  cau- 
tions :  Voye^  l'Ordonnance  de  1667.  t.  28. 

S-   m- 

Des  cas  auxquels  un  débiteur  ejl  tenu  de. 
donner  une  nouvelle  caution  à  la  place 
de  celle  qui  a  été  reçue. 

391.  Si  la  caution  avoit  les  qualités 
lorfqu'elle  a  été  reçue ,  mais  qu'elle  ait 
cefle  depuis  de  les  avoir,  putà  û  de  fol- 
vable  qu'elle  étoit  ,  elle  eft  devenue  in- 
folvable  ,  le  débiteur  fera-t-il  obligé  d'en 
donner  une  autre  ?  Il  faut  diflinguer  ;  il  y 
fera  obligé,  fi  c'eft  une  caution  légale  oit 
judiciaire,  ficalamitas  injîgnis fidejujfori- 
bus  ,  rel  magna  inopia  accidit ,  ex  intégra- 
fatifdandum  erit.  L.  10.  §.  /.  qlà  fatifd*. 
cog.  L  4.  ff,   de  jlipul.  preut. 

Si  c'eft  une  caution  conventionnelle  9 
il  faut  fous-diftinguer  :  fi  je  me  fuis  obligé 
à  donner  une  caution  indéterminément  7 
&  qu'en  exécution  de  cette  obligation, 
j'en  aye  donné  une  ,  qui  depuis  eft  de- 
venue insolvable; il  faudra  que  j'en  donne 

¥  v, 


514       Tr.    des    Oblige 

une  autre  ;  mais  fi  j'ai  contra&é  d'abord 
fous  la  caution  d'un  tel ,  ou  que  je  me  fois 
obligé  à  donner  un  tel  pour  caution  ,  &C 
qu'il  devienne  enfuite  infolvable ,  je  ne 
peux  être  obligé  à  en  donner  une  autre, 
parce  que  je  n'ai  promis  de  donner  pour 
caution  que  celui  que  j'ai  donné. 

39Z.  IL  nous  refle  la  question  de  fçavoir 
fi  celui  qui  eft  tenu  de  donner  une  caution, 
peut  être  admis  à  donner  à  la  place  ,  des 
gages  fuffif ans  pour  répondre  de  la  dette  } 
Pour  la  négative ,  on  allègue  cette  ma- 
xime de  droit ,  alïudpro  alio  invito  créditer 
rifolvi  non  potejl ,  qui  a  lieu  quand  même 
îa  chofe  qu'on  onriroit  feroit  meilleure  : 
d'où  il  paroît  fuivre  que  le  créancier  à 
qui  on  doit  une  caution ,  n'eft  pas  obligé 
de  recevoir  à  la  place  des  gages  ;  non- 
obstant ces  raifons  ,  l'on  doit  être  facile 
â  permettre  à  celui  qui  doit  une  caution 
de  donner  des  gages  à  la  place ,  lorfqu'il 
ne  peut  donner  de  caution  ;  parce  que 
■celui  à  qui  la  caution  eft  due ,  n'ayant 
d9autre  Intérêt  que  de  fe  procurer  une 
fureté  ;  &:  en  trouvant  dans  des  gages 
autant  &  même  plus  ,  iùm  plus  cautionis 
fit  in  re  quàm  in  perfond  ;  &  tutiùs  fit  pigno- 
ï.î  incumbcrc ,  quàm  in  perfonam  agerc  ,  ce 
feroit  de  fa  part  une  pure  mauvaife  hu- 
meur ,  de  refufer  les  gages  â  la  place  de 
lajcau  tioja  9  fi  ce  qu'on  lui  offre  pour  ga- 


Part.  II.   Chap.  VI.     515 
<;  font  des  choies  qu'il  peut  garder  ians 
aucun  embarras ,  ni  aucun  péril.  Eafnage, 
ibid. 

Section    IV. 

Pour  qui ,  envers  qui ,  pour  quelle  Obliga- 
tion, G*  comment  le  cautionnement  peut- 
il  être  fait, 

$.  1. 

Peur  qui ,  &  envers  quL 

393.  On  peut  fe  rendre  caution  pour 
quelque  débiteur  que  ce  (oit ,  même  pour 
une  fucceflion  vacante,  cùm  perfonœ  vicem 
fuflineat ,  /.  22  .Jf.  defidej.  &C  pareillement 
envers  quelque  créancier  que  ce  foit  de 
celui  pour  qui  on  s'oblige.   On  peut  fe 
rendre  pareillement  caution,  même  pour 
les  impubères  ,  les  fous ,  les  interdits,  pour 
les  caufes  pour  lefquelles  ces  perfonnes 
peuvent  être ,  fans  aucun  fait  de  leur  part , 
valablement  obligées  ;  par  exemple ,  fi  j'ai 
utilement  géré  les  affaires  d'un  impubère, 
ou  d'un  interdit,,  cet  impubère  ou  cet  in- 
terdit étant  en  ce  cas  obligé  envers  moi 
xx  quafe  contraclu  à  me  rendre  les  fommes 
que  j'ai  débourfées  pour  fes  affaires ,  &C 
qui  ont  tourné  à  fon  profit ,  on  peut  fe 
rendre  caution  envers  moi  pour  lui ,  pour 
lefdites  fommes  \  c'eft  en  ce  fens  que  Cujas 

Y  vj 


516        Tr.   des   Oblic; 
enfeigne  qu'on  doit  entendre  la  loi  2, 5^ 
jf.  de  fidejuffor.  qui  dit  fi  qui  s  pro  pupillo 
fine  tutoris  autoritau  obligato ,  prodlgove  , 
yel  furiofo  fidej :ujferit ,  magis  effe  ut  ci  non 
fubveniatur  Cette  explication  fait  difpa- 
roître  la  contrariété  que  Bafnage  trouve 
entre  cette  loi  &  la  loi  6.  ff.  de  verb.  oblige 
qui  dit  ts  cui  bonis  interdiclum  efi ......  . 

non  potefl promittcndo  obligari ,  &  ideb  nec 
fiàejujfor  pro  eo  intervenire  potefl  ;  car  au 
lieu  que  dans  l'efpece  précédente ,  l'in- 
terdit doit  être  fuppofé  valablement  obli- 
gé ;  au  contraire  dans  celle-ci ,  l'interdit 
n'eil  pas  obligé  ,  étant  incapable  de  con- 
tracter; d'où  il  fuit  que  fa  cautionne  l'eft 
pas  ;  ne  pouvant  pas  y  avoir  de  caution- 
nement,  fans  une  obligation  principale,, 
fuprà  n.  366.  Gaius  établit  clairement 
notre  difiin&ion  en  la  loi  70.  §.  4.^  de 
fidej  uff.  fi  à  furiofo  ,  dit -il ,  flipulatus  fut- 
ris  ,  non  pojfe  te  fidej ujjorem  accipere  cer- 
tum  efi quod  fi  pro  furiofo  jure  obli- 
geto  ,  fidej  ufjorem  acceperis  9  tenetur  fide- 
juffor. 

Il  eft  évident  qu'on  ne  peut  fe  rendre 
caution  pour  foi- même ,  /.  21.  §.  i.jfl 
d.  t'a.  ni  envers  foi-même. 

394.  On  ne  peut  fe  rendre  caution  qu'en- 
vers le  créancier  de  celui  qu'on  caution- 
ne ,  le  cautionnement  qu'on  contracleroit 
envers  celui  qui  n'eft  pas  fon  créancier  , 


Part.  II.  Chap.  VI.  517 
mais  qui  a  reniement  pouvoir  de  recevoir 
la  dette ,  ne  feroit  pas  valable,  /.  23.  ffl  d. 

§.  11. 

Pour  quelle  Obligation, 

395.  On  peut  fe  rendre  caution  pour 
quelque  obligation  que  ce  foit  :  fidejuffor 
eccipi potcfl ,  quoties  efi  aliqua  obligatio  ci- 
yilis  vclnaturalis  ,  cui  applicetur.  L,  16.  §. 
Z.ff.d.  tic. 

Obfervez  que  les  obligations  naturelles 
pour  lesquelles  il  eft  dit  dans  ce  texte  > 
que  des  cautions  peuvent  intervenir  , 
font  celles  pour  lefqu elles  la  loi  civile 
n'accordoit  pas  d'a&ion  ,  telles  que 
celles  qui  étoient  formées  par  un  fimple 
pa& ,  qui  étoient  contractées  par  des  en- 
claves ,  Se  qui  n'étoient  pas' d'ailleurs  ré- 
prouvées parles  loix;  mais  une  caution 
ne  peut  pas  utilement  intervenir  pour  des 
obligations  reprouvées  par  les  loix,  quoi- 
qu'elles obligent  dans  le  for  de  la  confeien- 
ce  ,  &  qu'elles  puiffent  en  ce  fens  être  ap- 
pelles obligations  naturelles. 

C'eft  fur  ce  principe  que  les  loix  dé- 
cident qu'une  caution  ne  peut  valable- 
ment accéder  à  l'obligation  d'une  femme 
qui  s'efr.  obligée  contre  la  défenfe  du  Se- 
natufconfulte  Velleïen  ,  L.  16.  §.  i.fflad 


\ 


5 1§  Tr.  des  Oblig, 
S  en.  VelL  L.  14.  cod.  d.  t.  car  quoique 
dans  le  for  de  la  confidence ,  cette  femme 
foit  tenue  de  s'acquitter  de  fon  obligation; 
néanmoins  cette  obligation  ayant  été  con- 
tractée contre  la  défenfe  de  la  loi  ,  elle 
«il  dans  le  for  extérieur  regardée  comme 
nulle ,  &  ne  peut  par  ccnféquent  fervir 
de  fondement  à  l'obligation  d'une  cau- 
tion ;  la  loi ,  en  annuliant  l'obligation  de 
la  femme ,  annulle  tout  ce  qui  en  dépend , 
ôc  par  conféquent  les  cautionnements  qui 
en  font  des  acceflbires  ;  c'eft  le  fens  de 
ces  termes  de  la  loi  16.  §.  1.  quia  totam 
oblïgatiomm  Senatus  improbat. 

Il  me  paroît  qu'on  doit  décider  la  même 
chofe  à  l'égard  d'un  cautionnement  que 
quelqu'un  auroît  fubi  pour  une  femme 
fous  puhTance  de  mari  qui  a  contracté 
quel  qu'obligation  fans  être  authorifée  : 
on  doit  même  le  décider  à  fortiori  ;  car 
la  loi  n'annulloit  que  per  exceptionem  l'o- 
bligation de  la  femme  qui  s'étoit  obligée 
contre  le  Velleïen  ;  mais  on  peut  dire 
<jue  félon  notre  Droit  Coutumier ,  celle 
4e  la  femme  qui  a  contracté  fans  être  au- 
thorifée ,  quoiqu'elle  puifle  être  valable 
dans  le  for  de  la  confcience  ,  eft  nulle 
même  ipfo  jure  dans  le  for  extérieur , 
puifque  nos  Coutumes  la  déclarent  abfo- 
îument  inhabile  à  contracter  &  incapable 
=de  s'obligea  Femme  mariée  NE  SE  PEUT 


Part.  II.   Chap.  VL     519 
tlfigtr,  &c.  Paris,  art.  234.  NE  PEUT 
unement  contracter  9  Orléans,  art.  194. 
Domat.  Tit.  des  cautions  ,  Secî.  1 .  n.  4.  cil 
cTiin  avis  contraire  au  nôtre  ,  &c  Bafnage 
cite  un  Arrêt  du  Parlement  de  Bourgogne 
rapporté  par  Bouvot ,  qui  a  jugé  valable 
un  cautionnement  pour  une  femme  qui 
avoit  contracté    fans    être   authorifée  ; 
mais   je    ne  crois   pas  que  la    décifion 
de  cet  Arrêt  doive  être  fuivie  ;  la  dif- 
tinclion  fur  laquelle  Bafnage  veut  fon- 
der cette  décifion ,  fi  l'obligation  princi- 
pale eft  nulle  ,  ratione  rei  in  obligationem 
deducliZ  ,  ou  fi  elle  l'en1  ratione  perfonœ  5 
ne  me  paroît  pas  folide;  une  obligation 
de  quelque  côté  qu'elle  foit  nulle,  foit 
ratione  rei ,  foit  ratione  perfonœ  n'eft  pas 
une  vraie  obligation ,  &c  il  eft  de  la  nature 
des  cautionnemens  ,   qu'ils  ne  puifïent 
fubfifter  ,  s'il  n'y  a  une  vraie  obligation 
principale  fuprà  n.  366.  on  ne  doit  pas 
comparer    la  femme  fous   puifTance  de 
mari  au  mineur  ;  l'obligation  d'un  mineur 
n'eft  pas  nulle  ,  la  voie  de  la  refritution 
que  les  loix  lui  accordent  contre  fon  obli- 
gation ,  fuppofe  une  obligation  ;  il  y  en 
a  donc  une  ,  à  laquelle  des  cautions  peu- 
vent accéder  ;  mais   l'obligation  d'une 
femme  fous  puifTance  de  mari,  qui  con- 
tracte fans  être  autorifée,  eit  abfolument 
mille  ,  il  n'y  a  aiicune  obligation  à  laquelle 
la  caution  ait  pu  accéder* 


'$2-0      Tr.    des    Oblig; 

Mais  fi  quelqu'un  s'étoit  obligé  con* 
joîntement  avec  une  femme  non  autho- 
rifée  ,  non  comme  caution  de  cette  fem- 
me,  mais  comme  débiteur  principal ,  la 
nullité  de  l'obligation  de  la  femme ,  n'en- 
traîneroit  pas  la  nullité  de  la  fienne.  Par 
exemple  fiunefemme ,  fans  être  authorifée 
&  moi ,  nous  avons  emprunté  de  vous  une 
certaine  fomme  d'argent  qui  a  été  tou- 
chée par  cette  femme ,  6c  que  nous  nous, 
fommes  obligés  folidairement  de  vous 
rendre  ,  la  femme  ne  fera  pas  obligée 
envers  vous ,  fi  elîa  a  diflipé  cette  fomme , 
mais  je  n'en  fuis  pas  moins  obligé  à  vous, 
la  rendre ,  en  étant  moi-môme  débiteur 
principal ,  &  vous  l'ayant  empruntée  ;; 
car  pour  que  j'en  fois  l'emprunteur  y  il 
n'efl  pas  nécefTaire  que  je  Paye  reçue 
moi-même ,  il  fuffit  que  vousd'ayez  réel- 
lement comptée  à  cette  femme  de  mort 
confentement. 

Les  obligations  qui  font  contraires  aux, 
bonnes  mœurs  étant  nulles ,  on  ne  peut 
les  cautionner.  Par  exemple ,  fi  quelqu'un 
en  me  chargeant  de  commettre  un  crime, 
s'étoit  obligé  envers  moi  de  m'indemnifer 
de  toutes  les  fuites  que  ce  crime  pour- 
roit  avoir ,  &  de  me  donner  une  certaine 
récompenfe;  on  ne  pourroit  valablement 
cautionner  une  pareille  obligation ,  qui 
étant  contraire  aux  bonnes  moeurs  f  eîl 


Part.  II.  Chap,  VI.  52* 
ftulle ,  &:  ne  peut  être  par  conféquent  le 
fujet  d'un  cautionnement  ;  c'en1  en  ce  fens 
Cjifon  dit  maUficiorum  fidejnjjorem  acclpi 
non  pojjc  ;  mais  on  peut  valablement  cau- 
tionner celui  qui  a  commis  le  délit ,  pour 
la  réparation  du  tort  qu'il  a  fait,/.  70.  §. 
fin.  ff.  de  fidejujjor. 

396.  On  peut  fe  rendre  caution,  même 
de  l'obligation  d'un  fait  perfonnel  dont  la 
prestation  ne  peut  fe  faire  que  par  le  dé- 
biteur principal,  /.  8.  §.  i.ff.  de  op.  lib, 
car  cette  obligation  fe  convertit  par  fort 
inexécution  ,  en  une  obligation  de  dom- 
mages &  intérêts ,  que  la  caution  peut 
payer  ,  ce  qui  fuffit  pour  que  le  caution* 
ncment  foit  utilement  contracté. 

3  97.  Le  droit  Romain  ne  permettoit  pas 
qu'une  femme  reç/'t  une  caution  de  fon 
mari ,  pour  la  reftitution  de  fa  dot  ;  cette 
défiance  à  l'égard  de  celui  à  qui  elle  con- 
çoit &  foumettoit  fa  perfonne  ,  avoit 
paru  aux  Empereurs  ,  bïeffer  labienféan- 
ce  ,  /.  1.  &  1.  cod.  de  fid.  vel  mand.  dot. 
Ces  !oi?;ne  font  pas  obfervées»parmi  nous. 

3  98.  On  peut  fe  rendre  caution  non-feu- 
lement d'une  obligation  principale ,  mais 
.*  d'un  cautionnement  ;  pro  fidejujfore 
fidej ujforem  accipi  pojje  nequaquam  dubium. 
cji,  l.  8.  §.  12. 

Nos  Certiflcateurs  de  cautions ,  font 
des  efpeces  de  cautions  de  caution. 


fil        Tr.   des   Oblig. 

399.  Enfin  on  peut  fe  rendre  caution i 
non-feulement  d'une  obligation  déjà  con- 
tractée ,  mais  d'une  obligation  qui  doit  fe 
contracter,  quoiqu'elle  ne  le  foit  pas  en- 
core ,  adhiberi  fidejujfor  tam  futurœ  quàm 
prœfenti  obligationi  poujî  ,  /.  6.  §.  fin.  d. 
tit.  de  manière  néanmoins ,  que  l'obliga- 
tion réfukante  de  ce  cautionnement ,  ne 
commencera  à  naître  que  du  jour  que  fe 
contractera  l'obligation  principale  ;  car  il 
eft  de  fon  eflénce  qu'elle  ne  puiffe  fub- 
ûOlqt  fans  une  obligation  principale.  Sui- 
vant ces  principes,  je  peux  bien  dès  au- 
jourd'hui me  rendre  caution  envers  vous 
pour  une  fomme  de  mille  écus  ,  que  vous 
vous  propofez  de  prêter  à  Pierre  ;  mais 
l'obligation  réfultante  de  ce  cautionne- 
ment, ne  commencera  à  avoir  d'effet  , 
que  du  jour  que  vous  aurez  effectivement 
fait  ce  prêt  à  Pierre  ;  tant  que  vous  ne 
l'aurez  pas  encore  fait,  &  que  la  chofe 
fera  entière ,  je  pourrai  changer  de  vo- 
lonté ,  en  vous  dénonçant  que  vous  ne 
fafîiez  pas  le  prêt  à  Pierre  ,  &  que  je 
n'entends  plus  être  caution  pour  lui.  Bafi» 
wage ,  trait,  des  hyp.p,  2.  çhap.  6» 


Part.  IL    Chap.  VI.     515 

S-     U.L 

Comment  fc  contractent  Us  cautionnemenS'i 

400.  Par  le  droit  Romain  ,  le  caution- 
nement ne  fe  contra£toit ,  que  par  la  fti- 
pulation  ;  la  ftipulation  n'en1  point  en  ufage 
parmi  nous;  le  cautionnement  peut  fe 
faire  ,  par  une  convention  (impie ,  foit 
par  acte  devant  Notaire  ,  foit  fous  figna- 
ture  privée ,  foit  même  verbalement ,  fauf 
que  ii  l'objet  eft  de  plus  de  cent  livres  , 
la  preuve  par  témoins  n'eft  pas  reçue  de 
la  convention  verbale. 

40 1 .  Quoique  le  cautionnement  fe  puiffe 
faire  par  une  lettre  mifîiye ,  ou  même 
verbalement ,  il  faut  néanmoins  avoir 
grande  attention  à  ne  pas  prendre  pour 
cautionnement ,  ce  que  dit  ou  écrit  une 
perfonne ,  à  moins  qu'il  n'y  ait  une  in- 
tention bien  marquée  de  cautionner  ;  c'eft 
pourquoi ,  fi  je  vous  ai  dit  ou  écrit  par* 
une  lettre ,  qu'un  homme  qui  vous  de- 
mandoit  de  l'argent  à  emprunter  ,  étoit 
folvable,  on  ne  peut  pas  prendre  cela  pour 
un  cautionnement;  car  j'ai  pu  en  cela  n'a- 
voir d'autre  intention  que  de  vous  cer- 
tifier ce  que  je  croyois ,  &  non  pas  de 
m'obliger  :  fuivant  ces  principes  ,  il  a  été 

:é  par  ua  Arrêt  rapporté  par  Papon  X. 


514  Tr,  des  Oblig, 
4.  12.  que  ces  termes  d'une  lettre  écrite 
à  un  maître  de  penfion,.  un  tel  doit  mettre 
fonfils  en  penfion  che^  vous ,  çefiiin  homme 
de  probité  qui  vous  payera  bien ,  ne  ren- 
fermement aucune  obligation  :  fuivant  le 
même  principe ,  û  j'accompagne  une  per- 
fonne chez  un  marchand ,  pour  acheter 
des  étoffes ,  le  marchand  n'en  doit  pas  non 
plus  conclure  ,  que  j'aie  cautionné  cette 
perfonne. 

Quoiqu'une  perfonne  foit  entrée  en 
payement  pour  un  autre ,  même  pour  fon 
fils ,  en  payant  pour  lui  une  partie  de  fa 
dette ,  on  n'en  peut  pas  conclure  qu'elle 
a  voulu  le  cautionner  pour  le  furplus  de 
la  dette  /.  4.  cod.  ne  uxor ,  pro  maritoy. 
&c. 

S'il  étoit  porté  par  une  obligation,  qu'el- 
le a  été  paffée  en  ma  préfence  ,  &  que  je 
l'eufle  fouferite  ,  on  ne  pourroit  en  con- 
clure que  je  me  fuis  rendu  caution  ;  je 
dois  être  cenfé  en  ce  cas  n'avoir  figné  que 
comme  témoin,  /.  6.  cod.  defidej. 

402.  Lorfque  le  débiteur  eft  obligé  de 
donner  caution  ,  foit  par  la  convention, 
foit  par  la  loi  ;  le  créancier  peut  exiger 
que  la  caution  s'oblige  par  acle  devant 
Notaire. 

Les  cautions  judiciaires  s'obligent  au 
greffe  de  la  juftice  ,  par  un  acte  reçu  par 
le  Greffier» 


Part.  II.    Chap.  VI.      jij 
403. 11  n'importe  que  le  cautionnement 
te  contracte  en  même  temps  que  l'obliga- 
tion principale  ,  eu  en  dirrerens  temps, 
avant  ou  depuis. 

Il  n'elt  pas  nécefTa're  que  celui  que  Ton 
cautionne  y  confente,  /.  ~$o.jff\d+  t'a. 

Section    V. 

Ve  retendue  des  cautionmmens, 

404.  Pour  juger  de  retendue  de  l'obli- 
gation de  la  caution  ,  il  faut  bien  faire 
attention  aux  termes  du  cautionnement. 

Lorfque  la  caution  a  exprimé  pour 
quelle  fomme  ,  pour  quelle  caufe  elle  fe 
rendoit  caution ,  ion  obligation  ne  s'étend 
qu'à  la  fomme  ou  à  la  caufe  qu'elle  a  ex- 
primée :  par  exemple,  û*  quelqu'un  s'eft 
rendu  caution  envers  moi  de  mon  Fermier 
pour  le  payement  de  fes  fermes ,  il  ne 
fera  pas  tenu  des  autres  obligations  du 
bail  9  telles  que.  celles  qui  réfultent  des 
dégradations  qu'auroit  fait  le  Fermier,  du 
rembourfement  des  avances  qui  lui  au- 
roient  été  faites,  &c. 

Si  quelqu'un  s'eiî  rendu  caution  pour  la 
fomme  principale  que  devoit  le  principal 
obligé  ,  il  ne  fera  pas  tenu  des  intérêts 
que  cette  fomme  produit,  /.  68.  §.  1.  ff. 
d.  tit, 


fi6       Tr.    des    Oblig, 

Au  contraire,  lorfque  les  termes  du  cau- 
tionnement font  généraux  &  indéfinis  ,  le 
fidéjurTeur  cft  cenfé  s'être  obligé  à  toutes 
les  obligations  du  principal  débiteur  re- 
fusantes du  contrat  auquel  il  a  accédé; 
il  eft  cenfé  l'avoir  cautionné  in  omnem 
caufam. 

Par  exemple  ,  û  le  cautionnement  par 
lequel  quelqu'un  s'en1  rendu  envers  moi 
caution  pour  mon  Fermier ,  porte  en  ter- 
mes généraux  ,  qu'il  s'eft.  rendu  caution 
du  bail  ;  il  fera  tenu  non-feulement  du 
payement  des  fermes,  mais  généralement 
de  toutes  les  obligations  du  bail  ;  comme 
par  exemple  des  dégradations  ,  de  la  refti- 
tution  des  avances ,  ou  des  meubles  qui 
ont  été  biffés  au  Fermier  pour  l'exploita- 
tion de  la  ferme,  dotes prœdiorum ,  /.  52. 
§.  2.  jf.  d.  tlt.  des  dommages  &  intérêts 
pour  les  anticipations  que  le  Fermier  au- 
roit  laiffé  faire  ,  ckc. 

Celui  qui  fe  rend  caution  en  termes 
généraux ,  efr.  aurli  tenu  non  -  feulement 
du  fort  principal  dû  par  celui  pour  qui  il 
-s'eft.  obligé ,  mais  encore  de  tous  les  in- 
térêts qui  en  feroient  dus,  /.  2.  §.  1 1.  & 
ii.jff.de  adm.  rer.  ad  civit.  pertin.  L  54. 
ff.  locat. 

11  eft  tenu  non-feulement  de  ceux  qui 
font  dûs  ex  ni  naturâ ,  mais  même  de 
ceux  que  produit  la  demeure  en  laquelle 


Part.  II.   Cm  a  p.  VI.      517 

cnMe  principal  débiteur;  Vaidusnf pondit 9 
(i  in  omnem  caufam  condu'dionis  je  obliga~ 
xit ,  eu  m  quoque  exempta  coloni  ,  tardius 
illutarum  ;  er  m  or  uni  coloni  penjionum 
pr^.jiare  debere  u juras ,  d.  L.  54. 

Il  doit  auflî  être  tenu  des  frais  faits  con- 
tre le  principal  obligé  ;  car  ces  frais  font 
un  accefToire  de  la  dette  ;  mais  il  n'en  doit 
être  tenu  que  du  jour  que  les  pourfuites 
lui  ont  été  dénoncées  :  ce  qui  a  été  établi 
pour  empêcher  qu'on  ne  ruine  une  cau- 
tion en  frais  ,  qu'on  feroit  fouvent  à  fora 
infçu  ,  &C  qu  elle  peut  éviter  en  payant  9 
lorsqu'elle  en  eft  avertie  ;  c'eft  pourquoi 
jufqu'à  ce  que  les    pourfuites  lui  foient 
dénoncées  ,  elle  ne  doit  être  tenue  que 
du  premier  commandement  ou  du  premier 
exploit  de  demande. 

40  5 .  Quelqu'étendu  &  général  que  foit 
le  cautionnement  ,  il  ne  s'étend  qu'aux 
obligations  qui  naifTent  du  contrat  même  9 
pour  lequel  la  caution  s'eft  obligée  ;  &: 
non  pas  à  celles  qui  naîtroient  d'une  caufe 
étrangère. 

En  voici  un  exemple  ;  un  créancier 
dans  nos  colonies  a  prêté  de  l'argent  à 
quelqu'un,  &C  pour  plus  grande  fureté, 
le  débiteur  lui  a  donné  en  nantiiTement 
un  nègre  qu'il  favoit  être  voleur  ,  fans 
en  avertir  le  créancier  ;  le  nègre  a  volé 
le  créancier  à  qui  il  a  été  donné  en  nan-. 


518  Tr.  des  Obliô. 
tiffement  ;  le  créancier  peut  agir  en  dom» 
mages  &  intérêts  ,  contraria  pignoratuid 
actions  contre  le  débiteur  qui  ne  l'a  point 
averti ,  mais  le  cautionnement  ne  s'éten- 
dra pas  à  ces  dommages  &  intérêts  ,  qui 
nahTent d'une  caufe  étrangère  au  prêt  pour 
lequel  on  a  cautionné  le  débiteur  ;  ea  aclio 
fidejujjorem  onerare  non  poterit  5  cum  non 
pro  pignon  ?  fed  pro  pecunia  muluâ  fidcm 
fuam  obligée ,  /.   54.  ff.  defidejuff. 

Parla  même  raifon  ,  celui  qui  s'eft  ren- 
du caution  pour  un  adminiftrateur  des  re- 
venus publics  ,  n'eft  obligé  qu'à  la  resti- 
tution des  deniers  publics  ,  àc  non  point 
aux  amendes  auxquelles  cet  adminiflra- 
teur auroit  été  condamné  pour  des  mal- 
verfations  dans  fon  adminiitration;  c'eft 
ce  qui  a  été  décidé  par  l'Empereur  Sévè- 
re ;  fidtjuffores  magijlratuum  in  peenam  vel 
mulcfam  non    conveniri  debere  decrevit.  L 
6$.ff.  d  tit.  &  en  général  en  quelque  cas 
que  ce  foit ,  le  cautionnement  ne  s'étend 
pas  aux  peines  auxquelles  le  débiteur  a 
été  condamné  offîciojudicis ,  propterfuam 
contumaciam  ;  car  c'eft  une  caufe  étran- 
gère au  contrat ,  non  débet  imputait  fide- 
jufjbribus ,  quod  illc  nus  propttr  fuam  pœ- 
nam  pr œf t'ait  ^  L  73.  ffl  d.  tit. 


Section 


P  A  il  T.  IL     ChAP-,   VI.      529 

Section     VI, 

De  quelle  manière  s'éteignent  les  caution- 
nemens ,  &  des  différentes  exceptions  que 
la  loi  accorde  aux  cautions. 

Article    premier. 

De  quelle  manière  s'éteignent  les  caution* 
nemens, 

406.  L'obligation  qui  refaite  du  cau- 
tionnement s'éteint  : 

i°.  De  toutes  les  différentes  manières 
dont  s'éteignent  toutes  les  obligations , 
nous  les  rapporterons,     infrà  part.  3. 

20.  Il  efr.  de  la  nature  des  cautionne- 
cnens  ,  de  même  que  de  toutes  les  obliga- 
tions accerToires  ,  que  l'extin&ion  de 
l'obligation  principale  ,  entraîne  l'extinc- 
tion des  cautionnemens  ,  &t  la  libération 
des  cautions ,  fuprà  n.  377.  &feqq. 

30.  La  caution  eft  déchargée  lorfque 
le  créancier  s'eft  mis  par  fon  fait  hors 
d'état  de  lui  pouvoir  céder  fes  actions, 
contre  quelqu'un  des  débiteurs  principaux 
auxquels  la  caution  avoit  intérêt  d'être 
Subrogée,  infrà  P.  3.  ch.  1   art.  6.  §.  2. 

40.  Lorfque  le  créanciers  reçu  volon- 
tairement du  débiteur  quelque  héritage 
en  payement  d'une  fomme  d'argent  qui  lui 
Tom%  I,  Z 


^o  Tr.  des  Obiig, 
eft  due  ,1a  caution  eil  déchargée,  quoique 
long- temps  après  il  fourrre  éviclion  de 
cet  héritage  ;  la  raifon  de  douter  eft  que 
le  payemerit  en  ce  cas  n'eit  pas  valable , 
n'ayant  pas  transféré  à  celui  à  qui  il  a  été 
fait  la  propriété  de  la  chofe ,  infrà  P.^.ch.  i. 
art.  3.  §•  3.  par  conféquent  l'obligation 
principale  lubfiile  ;  d'où  il  femble  fuivre , 
que  celle  des  cautions  doit  fubfifler  ;  Bajfet 
IV.  22.  5.  rapporte  un  Arrêt  defon  Parle- 
ment qui  l'aainfi  jugé  ;  nonobstant  ces  rai- 
fons  ,  &c  quoiqu'on  ne  puiffe  nier  que  le 
payement  en  ce  cas  n'ed  pas  valable  ,  & 
que  l'obligation  principale  fubfifte ,  il  a  été 
j  ugé  par  des  Arrêts  rapportés  par  Bafnage , 
trait,  des  hypotiques  p.  3.  ch.  fin.  que  le 
créancier  étoit  en  ce  cas  non  recevabîe 
à  agir  contre  les  cautions  ,  û  pendant  ce 
temps ,  le  débiteur  principal  étoit  deve- 
nu infolvable  ;  la  décifion  de  ces  Arrêts 
eft  fondée  fur' cette  règle  d'équité  ,  que 
ntmo  ex  alterius  facto  prœgravari  débet  j 
la  caution  ne  doit  pas  foufFrir  préjudice 
de  l'arrangement  qui  eft  intervenu  entre 
le  créancier  &  le  débiteur  principal  ;  or 
û  dans  cette  efpece  le  créancier  étoit  reçu 
à  agir  contre  la  caution  ,  elle  auroit  fouf- 
fert  préjudice  de  l'arrangement  par  lequel 
le  créancier  a  pris  en  payement  cet  héri- 
tage ;  le  créancier  par  cet  arrangement 
ayant  ôté  le  moyen  à  la  caution ,  de  pou- 


P  A  Tl  T.   1 1.     C  U  A  P.    V  I.       531 

Toir ,  en  payant  le  créancier  pendant  que 
le  débiteur  étoit  iblvable  ,  répéter  de  ce 
débiteur  lafomme  pour  laquelle  elle  avoit 
répondu. 

Qjùd ,  fi  le  créancier  avoit  Amplement 
accordé  au  débiteur  une  prorogation  de 
terme  pour  le  payement ,  6c  que  pendant 
le  temps  de  cette  prorogation ,  le  débiteur 
'fût  devenu  inlblvable  ,  la  caution  pourra- 
t-elle  fe  défendre  de  payer  ?  Vlnnius  Q. 
illujîr.  1 1.  42.  tient  la  négative  ;  cette  ef- 
efpece-ci  eit  bien  différente  de  la  précé- 
dente ;  dans  l'efpece  précédente  la  dation 
de  cet  héritage  donné  en  payement  ayant 
jufqu'au  temps  de  l'évicuon  fait  paroître 
la  dette  acquittée  ,  un  tel  arrangement  a 
ôté  tout  moyen  à  la  caution  de  pourvoir 
à  l'indemnité  de  fon  cautionnement ,  mê- 
me dans  le  cas  auquel  elle  fe  feroit  apper- 
çue  que  la  fortune  du  débiteur  qu'il  a  cau- 
tionné ,  commençoit  à  fe  déranger  ;  car 
elle  ne  pouvoit  demander  à  ce  débiteur 
qu'il  la  déchargeât  de  fon  cautionnement,  * 
qui  paroiflbit  acquitté  aufTi  bien  que  la 
dette  principale  ;  mais  la  fimple  proroga- 
tion de  terme  accordée  par  le  créancier 
au  débiteur  ne  faifantpasparoitrela  dette 
acquittée ,  n'ôte  pas  à  la  caution  le  moyen 
de  pourvoir  à  fon  indemnité ,  &  d'agir 
contre  le  débiteur  principal ,  fi  on  s'apper* 
çoit  que  fa  fortune  commence  à  fe  déran- 

Zij 


Ç32-        T  R«    DES    Oblig. 

ger ,  fi  bona  dilapidure  cœperit  ,  L.  IOV 
cod.  mand.  elle  ne  peut  donc  pas  préten- 
dre que  cette  prorogation  de  terme  ac- 
cordée au  débiteur  ,  lui  faffe  tort ,  puif- 
qu'au  contraire  elle-même  en  profite. 

L'obligation  du  cautionnement  s'étei- 
gnoit  aufti  fuivant  les  principes  du  droit 
Romain  ,  par  la  confufion  dont  on  a  parlé 
J'uprà  n.  383.  ce  qui  n'a  pas  lieu  parmi 
nous. 

Les  pduriuites  faites  par  le  créancier 
contre  le  débiteur  principal  ne  libèrent 
pas  la  caution  qui  demeure  toujours  obli- 
gée jusqu'au  payement  ,  L.  28.  cod.  de 
fidej.  C'eft  pourquoi  le  créancier  peut 
abandonner  les  pourfuites  commencées 
contre  le  débiteur  principal ,  pour  pour- 
iuivre  la  caution  ;  mais  ordinairement  elle 
peut  lui  oppofer  l'exception  de  difeuffion 
dont  nous  allons  traiter  en  l'article  fui* 
vant. 

Article    IL 

De  V exception  de  difcujjîon» 

S-  1 

Origine  de  ce  droit, 

407.  Suivant  le  droit  qui  étoit  en  ufag< 
avant  la  Nov.  4.  de  Ju.ftinien,  le  créanciei 


IPart.  TI.  Chap,  VI.  533 
pouvoit  exiger  des  cautions  le  payement 
de  ce  qu":  lui  étoit  dû  avant  que  de  s'adref- 
fer  au  débiteur  principal  :  Jure  no(iro ,  dit 
Antonin  Caracalla  en  la  loi  5.  cod.  defidej. 
efl  potcjLis  creditori  ,  rcliclo  rco  ,  el'igendi 
fidejafjorcs  ,  nifi  inter  contraluntes  aliud 
ptacitûm  douatur  ;  Les  Empereurs  Dio- 
cleticn  &  Maximien  décident  la  même 
choie-  en  la  loi  19.  cod.  d,  tit.  Juftinien  , 
d.  Nov.  cap.  1.  a  accordé  aux  fuléjuifeurs 
l'exception  qu'on  appelle  de  difcxffîon  ou* 
exception  d'ordre  ,  ceft-à-dire  par  laquelle 
ils  peuvent  renvoyer  le  créancier  qui  leur* 
demande  le  payement  de  fa  dette ,  à  dif- 
cuter  auparavant  les  biens  du  débiteur' 
principal  ;  ce  droit  de  la  Novelle  efl. fui vi 
parmi  nous ,  mais  non  pas  à  l'égard  de 
toutes  les  cautions,  ni  dans  tous- les- cas* 

$.11. 

Quelles  cautions  peuvent  oppofir  V exception 
de  difcuffîon. 

408.  Les  cautions  judiciaires  ne  peu- 
vent oppofer  cette  exception.  Louet ,  /. 

/  13. 

Les  cautions  pour  les  fermes  du  Roi 
ne  font  pas  non  plus  aujourd'hui  reçues  à 
oppofer  cette  exception  ,  quoique  l'Or- 
donnance de  Louis  XII.  de  l'an  1513.  la 

Z  iij 


T34  Tr.  des  Qblïg; 
leur  eût  accordée.  La  jurifprudence  er\ 
étoit  introduite  dèsle  temp  s  de  M.  le  Bret  r 
qui  en  rapporte  cette  raifon,  que  ces  cau- 
tions font  préfumées  être  fecrettement  les 
affociés  du  fermier  débiteur  principal,  Le 
Bret,  Plaid,  42.  in  fin. 

Enfin  ks  cautions  qui  par  leur  caution- 
nement ,  ont  renoncé  à  cette  exception 
ne  peuvent  pas  l'oppofer ,  unie  nique  enirn 
lic+t  juri  in  favorem  fuum  introduclo  re- 
nunciare. 

La  caution  eft-elle  cenfée  avoir  renon- 
cé à  cette  exception  ,  lorfqu'il  eil  dit  par 
le  cautionnement  qu'elle  s'oblige  comme 
débiteur  principal}  Les  Auteurs  paroifTent 
partagés  fur  cette  qneilion  ;  on  rapporte . 
des  anciens  Arrêts  du  Parlement  de  Paris  , 
qui  ont  jugé  que  cela  ne  fiiffifoit  pas  ,  & 
que  la  renonciation  à  cette  exception  doit 
être.  expreiTe  ;  Bafnage  en  fon  traité  des 
hypoteques  dit  que  la  jurifprudence  de 
Normandie ,  eli  que  ces  termes  fumYent 
pour  conftater  la  renonciation  à  l'excep- 
tion de  difcufïion  ,  &  qu'on  ne  doit  pas 
croire  qu'on  ait  employé  ces  termes  pour 
qu'ils  ne  fignifiafTent  rien  :  cela  ell  con- 
forme aux  règles  de  l'interprétation  des 
conventions  ,fuprà  n.  92. 

La  renonciation  aux  exceptions  de  dif- 
cufïion &  de  divifion  ne  doit  pas  s'inférer 
de  ces  termes  qui  le  trouveroientà  la  .fin  de 


Part.  IL  Chap.  VI.  535 
l'aftc  de  cautionnement ,  promettant ,  obli- 
geant &  renonceant ,  &c.  cd  terme  renon- 
ctdnt  vague  &C  indéterminé  ,  fans  qu'on 
exprime  à  quoi  les  parties  renoncent  ne 
peut  être  regarde  que  comme  un  pur 
ilile  ,  qui  ne  fignifie  rien ,  ea  quœ  funt 
flyli  non  operantur.  Cette  décision  a  lieu, 
quand  même  dans  la  groffe  le  Notaire  au- 
roit  étendu  cette  claufe  de  renonuant ,  &cm 
&  y  auroit  exprimé  la  renonciation  aux 
exceptions  de  divifion  &  de  difcuflion  , 
Dumoulin  tr.  ufur.  quœjl.  y.  in  fin.  dit 
l'avoir  fait  juger  ainfi  par  Arrêt;  laraifoa 
cft  que  le  Notaire  ne  peut  pas  ,  par  ce  qu'il 
ajoute  dans  la  groffe  ,  augmenter  l'obliga- 
tion des  parties,  infra  p.  4.  ch-,  I.  art*  3* 
au  commencement. 

§.   m. 

En  quel  cas  le  créancier  efl-il  obligé  à  la 
difcuffion  ,  &  quand  l'exception  de  dif- 
cuffion doit  -  elle  être  cppofcc. 

409.  Le  créancier  n'en1  pas  obligé  à  îa 
difcuffion  en  tous  cas  ,  &  on  peut  à  cet 
égard  établir  pour  principe  que  le  créan- 
cier n'eit  pas  obligé  à  une  difcuffion  qui 
feroit  trop  difficile. 

Ceft  pour  cette  raifort  que  îa  Novelle 
en  accordant  aux  fidéjiuTeurs  le  bénéfice 

Z  iv 


$y6  Tr.  des  Oblig. 
de  difcufîion ,  en  excepte  le  cas  auquel  lé 
débiteur  principal  feroit  abfent ,  à  moins 
que  le  fidéjuffeur  n'offrît  de  le  repréfen- 
ter  dans  un  bref  délai  qui  lui  feroit  imparti 
par  le  juge. 

Cette  exception  que  la  Noyelle  met 
au  bénéfice  de  difcufîion  ,  n'a  pas  lieu 
parmi  nous  ,  comme  le  remarque  fort 
bien  Loyfeau  ;  les  raifons  fur  lefquelles 
elle  eft  fondée  font  tirées  de  la  difficulté 
qu'il  y  avoit  félon  la  procédure  des  Ro* 
mains,  à  difcuter  un  abfent;  elles  n?ont 
parmi  nous  aucune  application  ;  les  afïi- 
gnations  &C  fignifications  à  domicile  qui 
félon  notre  procédure ,  ont  le  même  effet 
que  fi  elles  étoient  faites  à  la  perfonne 
même,  rendent  la  difcufîion  du  débiteur 
principal ,  lorfqu'il  efl  abfent ,  auffi  facile 
que  s'il  étoit  préfent. 

410.  Le  créancier  n'efl  obligé  à  difcn- 
ter  le  principal  débiteur  avant  le  fidéjuf- 
feur,  que  Iorfque  le  fidéjufTeur  le  deman- 
de ,  6c  oppofe  l'exception  de  difcufîion  ; 
c'efl  pourquoi ,  quoique  le  créancier  n'ait 
pas  difcuté  le  débiteur  principal ,  fa  de- 
mande &  les-  pourfuites  contre  le  fidéjuf- 
feur font  bien  faites ,  jufqu'à  ce  que  le  fî- 
déjufïeur  ait  oppofé  l'exception  de  dif- 
cufîion-. 

C'efl  en  conféquence  dé  ces  principes 
qu'il  a  été  jugé  par  Arrêt  du  premier  Sep- 


P  art.  II.  Chap.  VI.  537 
tembre  1705.  cite  par  Brctonnier  fur  Hen- 
rvs,  que  le  juge  ne  pouvoir,  d'office  or- 
donner cette  diicuiîlon. 

Cette  exception  de  difeuffion  eft  du 
nombre  des  exceptions  dilatoires  ,  puis- 
qu'elle ne  tend  qu'à  différer  l'a&ion  du 
créancier  contre  le  fîdéjiuTeur  jufqu'après 
le  temps  de  la  difeuflion ,  &c  non  à  l'ex- 
clure entièrement  ;  c'eft  pourquoi  félon 
la  règle  commune  aux  exceptions  dila- 
toires ,  L.  il.  cod.  de  except.  elle  doit 
être  oppofée  avant  la  conteftation  en 
caufe  ;  fi  le  fidéjiuTeur  a  contefté  au  fond  9 
fans  l'oppofer,  il  n'y  eft  pas  recevable  , 
étant  cenfé  en  défendant  au  fond  avoir 
tacitement  renoncé  à  ces  exceptions  ; 
Guy  Pape  &  les  DD.  par  lui  cités  q.  ^00 
il  pourroit  néanmoins  y  être  reçu  en  un 
cas ,  fçavoir  fi  les  biens  dont  il  demande 
la  difeuftion  n'étoient  échus  au  débiteur 
principal  que  depuis  la  conteftation  en 
caufe  ;  putà  ,  par  une  fuccefliort  qui  lui 
feroit  échue  depuis  ;  car  la  règle  que  les  ex- 
ceptions dilatoires  doivent  être  oppofées- 
avant  la  conteftation  en  caufe  ,  ne  peut 
avoir  lieu  qu'à  l'égard  des  exceptions  déjà 
nées ,  &-  non  à  l'égard  de  celles  qui  ne 
font  nées  que  depuis  ;  le  défendeur  na' 
pouvant  pas  être  cenfé ,  lorfqu'il  a  dé-- 
fendu  au  fond,  avoir  renoncé  à  des  ex-~ 
eepûonsqui  m  (ont  nées  que  depuis.  Gu- 

7â  y- 


fj8        Tr.   des   Obéi  g. 

thierés  &  /es  DD.  par  lui  cités  ?  tracé,  de 
contr.  jurât,  xxij  1 8. 

$.  iv. 

Quels  biens  le  créancier  eji-il  obligé  dt 
difcuter. 

41 1.  Lorfque  la  difcuflion  eftoppofée .,'. 
le  créancier,  s'il  n'a  pas  de  titre  exécutoire 
contre  le  débiteur  principal ,  doit  l'affigner 
&  obtenir  fentence  de  condamnation  con- 
tre lui  ;  en  vertu  de  cette  fentence  ,  ou 
fans  afîignation  ,  en  vertu  de  fon.  titre 
exécutoire ,  lorfqu'il  en  a  un,  il  doit  pro- 
céder par  commandement  contre  le  débi- 
teur principal  ,  &c  faifir  &  exécuter  les 
meubles  qui  font  en  la  maifon  dudit  dé- 
biteur. 

S'il  n'y  en  a  point  fin*  lefquels  onpuirTe. 
affeoir  une  exécution  ,  l'Huifïier  doit  le 
conftater  par  un  procès-verbal  de  carence 
de  meubles ,  &:  ce  procès-verbal  tient  lieu 
de  difcwiïion  mobiliaire. 

A  l'égard  des  autres  biens  meubles  &£ 
immeubles  ,  que  pourroit  avoir  le  débi- 
teur principal ,  le  créancier  n'étant  pas 
obligé  de  les  connoître,  n'efr.  pas  obligé 
de  les  difcuter  ,  s'ils  ne  lui  font  indiqué*, 
par  la  caution.  Cette  indication  doit  fe 
iaire  en  une  fois;  on  y  doit  comprendre- 


Part.  II.  Ch  a  p.  VI.      539 

tous  les  biens  du  débiteur  qu'on  veut  que 
le  créancier  diieute  ;  on  ne  f eroit  pas  re- 
cevable ,  après  la  difcufîion  de  ceux  qu'on 
a  indiqués,  à  en  indiquer  d'autres  ;  arrê-* 
tés  de  Lamoignon  ,  /.  des  difcujfions ,  art. 
9.  Arrêt  du  20.  Janvier  1701.  rapporté 
par  BretonnierfurHenrys,  tom.  iv.  34. 

412.  La  difeuffion  ne  devant  pas  être 
trop  difficile,  le  créancier  ne  peut  être 
obligé  à  la  difcufîion  des  biens  du  débi- 
teur qui  font  hors  du  royaume.  M.  DE 
Lamoignon  vouloit  qu'il  ne  put  même 
être  obligé  à  la  difcufîion  de  ceux  finies 
dans  le  refîbrt  d'un  autre  parlement  ;  ar- 
rêtés de  Lamoignon,  ibid. 

Le  créancier  n'efl  pas  non  plus  obligé  à 
la  diicufïïon  des  biens  du  débiteur  qui  font, 
litigieux;  car  il  n'en1  pas  obligé  à  foutenir 
des  procès  ,  ni  à  en  attendre  l'événement 
pour  être  payé;  c'en1  encore  une  fuite  du 
même  principe  ,  que  la  difeuffion  ne  doit 
pas  être  trop  longue  ,  ni  trop  difficile. 

Par  la  même  raifon ,  il  n'eft  pas  obli- 
gé de  difeuter  les  biens  hypotequés  par 
le  principal  débiteur ,  lorfque  le  princi- 
pal débiteur  les  a  aliénés ,  &  qu'ils  font 
poiTédés  par  des  tiers  ;  ce  font  au  contraire 
ces  tiers  détempteurs,  qui  ont  le  droit  de 
renvoyer  à  la  difcufîion  du  débiteur  prin- 
cipal 6c  de  fes  cautions  les  créanciers  qui 

Z  vj 


54û     T  r.    bes   Oblig; 

donneroient  contr'eux  l'action  hypoté~ 
Caire.  D.  Nov.  cap.  1. 

II  n'en  eft  pas  de  même  de  ceux  qui  ont 
fuccedé  à  titre  univerfel  aux  biens  du  dé- 
biteur principal ,  tels  que  font  des  dona- 
taires ck  légataires  univerfels ,  même  le: 
fifc ,  lorfqu'il  a  fuccedé  au  débiteur  prin- 
cipal à  titre  de  déshérence  ou  de  confifca- 
tion  ;  ces  fucceffeurs  univerfels  funt  loca 
heredis  :  ils  tiennent  lieu  d'héritiers  du 
débiteur  principal ,  &£  ils  le  repréfentent  ; 
ils  doivent  par  conféquent  être  difcutés* 
de  même  qu'auroit  dû  l'être  le  débiteur 
principal ,  jufqu'à  concurrence  de  ce  dont 
ils  font  tenus  de  fes  dettes. 

Lorfque  plusieurs  débiteurs  principaux, 
ont  contracté  une  obligation  folidaire ,  8c 
que  l'un  d'entr'eux  a  donné  un  tiers  pour 
caution ,  on  demande  û  cette  caution' 
peut  obliger  le  créancier  à  difcuter ,  non^- 
îéulement  celui  des  débiteurs  pour  qui  el- 
le s'efl  rendue  caution,  mais  pareillement 
tous  les  autres  débiteurs  principaux?  Je 
penfe  qu'elle  le  peut  ;  il  fuffit  pour  s'en  con- 
vaincre d'examiner  quelle  eft  la  raifon  fur 
laquelle  eft.  fondée  l'exception  de  diicuf- 
fion  ;  ce  n'efl  point  que  l'on  préfume  que 
la  caution  n'ait  eu  intention  de  s'obliger 
qu'au  défaut ,  &  en  cas  d'infolvabilité  de- 
celui  pour  qui  elle  a  répondu;  cette  inten- 
tion doit  être  exprimée  ;  lorfc^u'elle  ne- 


Part.  IL  Chap.  VI.  541 
Peft  pas  ,  elle  ne  fe  préfume  pas ,  Se 
l'obligation  eft  pure  6c  fimplc  ;  fi  cette 
prétbmption  avoit  lieu  clans  les  caution- 
nemens  ordinaires  ,  le  droit  qu  auroit  la 
caution  de  renvoyer  le  créancier  à  la  dif- 
cuiîion  du  débiteur  principal ,  ieroit  un 
droit  que  la  caution  auroit  en  rigueur  de 
juilice ,  le  créancier  n'auroit  pas  d'a£tion 
contre  la  caution  avant  que  l'infolvabilité 
du  débiteur  principal  eût  été  conftatée  par 
la  diicufïion  ;  or  tous  conviennent  que 
l'exception  de  difcuftlon  que  la  loi  accor-- 
de  à  la  caution  ne  lui  eft  accordée  que 
comme  une  pure  grâce ,  ckque la  demande 
du  créancier  contre  la  caution  procède  en 
rigueur,  &c  eftbien  fondée,  quoique  le. 
principal  débiteur  foit  folvable  ,  &  n'ait 
pas  été  difcuté.;  il  faut  donc  chercher  une 
autre  raifon  de  cette  exception  de  difcuP 
fion  ,  &  il  n'y  en  a  pas  d'autre,  que  celle- 
ci  ,  fçavoir  qu'il  eft  équitable  qu'autant 
que  faire  £b  peut ,  une  dette  foit  payée  , 
plutôt  par  ceux  qui  en  font  les  véritables 
débiteurs ,  ck'qui  ont  profité  du  contrat  5 
que  par  ceux  qui  en  font  débiteurs  pour 
autrui;  qu'il  y  a  toujours  du  défagrément 
dé  payer  pour  autrui  ;  c'ëft  pourquoi  it 
eft  de  l'humanité ,  que  le  créancier  ,  lorf- 
que  cela  lui  eft'  à  peu  près  indifférent  ,. 
épargne  ce  défagrément  à  la  caution ,  8c 
fefcdîe  payer  plutôt  par  fes.  véritables. dér 


j4%         Tr.  des  Oblig.j 

biteurs  ,  que  par  elle  ;  c'eft  la  raifon  que 
Quintiiien,  déclam.  17  3.  rend  du  bénéfice 
de  difcufîion  ;  après  avoir  dit  que  c'eft 
une  chofe  facheufe  pour  une  caution' que 
d'être  obligé   de  payer  pour  un  autre  , 
mifaabih  c/i ,  il  en  conclud  qu'un  créan- 
cier n'a  pas  bonne  grâce  à  caufer  ce  dé~ 
{agrément  à  la  caution,  tant  qu'il  peut 
fe  faire  payer  par  le  véritable  débiteur  ; 
nom  aliter  falvo  pudore^  ad  Jponforern  ve- 
nu creditor  9  quam  fi  ruiperc  à  debitore  notz 
poffit  ;  or  il  en1  évident  que  ces  raifons 
militent ,  pour  obliger  le  créancier  ,  à  la 
difcufïïon,  non-feulement  de  celui  des  dé- 
biteurs folidaires  pour  qui  la  caution  ax': 
répondu  ,  mais  à  celle  de  tous  les  codé- 
biteur principaux  ;  donc' la  caution  eft 
bien  fondée  à  demander  la  difcufîion  ,- 
non -feulement  de  celui  des  débiteurs, 
pour  lequel  elle  s'eft  rendue  caution  ,  mais 
même  celle  des  autres  débiteurs  princi- 
paux; on  peut  même  dire  que  celui  qui 
/eft  rendu  caution  pour  l'un  d'entre  plu- 
fïéurs  débiteurs  folidaires  ,  eft  auffi  en 
quelque  façon  caution  des   autres  ;  car 
l'obligation  de  tous  ces  débiteurs  n'étant 
qu'une  même  obligation,  en  accédant  à 
l'obligation  de  celui  pour  qui  il  s'eft  rendu 
caution.,,  il  a  accédé  à  celle-de  tous. 


Part.  II  Chap.  VI.       Ï4i 
S-  V 

Aux  dépens  de  qui  doit  fe  faire  lu 
Hifcuffion. 

413.  La  difcufîion  fe  fait  aux  rifques* 
&T  périls  du  fidéjulTeur  qui  a  demandé 
qu'elle  fût  faite ,  &  comme  celle  des  biens 
immeubles  ne  fe  peut  faire  fans  de  grands- 
frais  ,  le  créancier  peut  demander  que  ce 
fidéjulTeur  lui  fournifle  des  deniers  pour 
la  faire.  C'eft  une  règle  générale  pour 
tous  les  cas  auxquels  l'exception  de  dif- 
cufîion cil  oppofée.  Journal  des  Audien* 
ces  ,  tom.  1.  /.  ^.  ck,  25,  &  c'elîune  fuite 
de  notre  principe. 

s-  v  1. 

Le  créancier  qui  a  manque  a  faire  ta  dif" 
cujjîon  9  ejl  -  il  tenu  de  Cinfolvabilitè 
du  débiteur, 

414.  Il  nous  refte  une  queftion  ;  le 
créancier  à  qui  le  fidéjulTeur  a  oppofé: 
l'exception  de  difcufîion,  n'a  point  jugé, 
à  propos  de  la  faire  aufïi-tôt ,  &  a  laifTé 
pafTer  plufieurs  années  pendant  lefquelles- 
le  débiteur  efl  devenu  infolvable,  pourra- 
t-il ,  en  le  difeutant  depuis  qu'il  eft  devenu 
infolvable  r revenir  contre  le  fidéjiifleur?l: 
Je  crois  le  créancier  bien  fondé,  &  que 
la. caution  ne  peut  lui  oppofer  aucune  fin 


J44         Tr.  DES  Oblig; 

de  non  recevoir  fous  le  prétexte  qui! 
n'a  pas  fait  afTez  à  temps  la  difcuffion 
des  biens  du  débiteur  principal  à  laquelle 
il  a  été  renvoyé  :  la  raiion  eft  que  le 
.  droit  que  donne  aux  cautions  l'exception 
de  difcuffion  qui  leur  eft.  accordée  par  la 
Noveile ,  fe  borne  à  arrêter  les  pourfui- 
tes  du  créancier  contr'elles,  tant  qu'il  ne 
s'eïl  pas  encore  pourvu  contre  le  débi- 
teur principal  ,  ck  qu'il  n'a  pas  difcuté 
fes  biens  ;  le  bénéfice  de  cette  Novelle 
fe  borne  à  ce  que  comme  il  y  efl  dit  r 
Crcditor  non  primùm  ad  fidcjujforem  aut- 
fponforem  accédât  ;  mais  pourvu  que  le. 
créancier  ne  pourfuive  pas  les  cautions 
avant  que  d'avoir  pourfuivi  le  débiteur 
principal,.  &  difcuté  fesbiens  ,  le  créan- 
cier ne  peut  être  obligé  à  le  pourfuivra 
que  quand  bon  lui  femblera  :  la  Loi 
avant  fixe  le  temps  dans  lequel  un  créan- 
cier peut  exercer  fes  actions  ,  le  fidéjuf- 
feur  ne  peut  lui  en  fixer  un  plus  court 
que  celui  que  la  Loi  lui  accorde  ;  Sema 
i  \  i  itus  agerc  ccmpcllitur  toto  tit.  cod.  ut 
ntmo  invitas  ,  &c.  crcditor  ad  pttitionemr 
dtbiti  urgeri  minime  pote  fi  l.  20.  cod.  de 
pign.  Donc  fi  le  débiteur  principal  à  la  dif- 
cuffion duquel  le  créancier  a  été  renvo- 
-  :  par  la  fuite  devenu  insolvable,  la  cau- 
tion ne  doit  pas  s'en  prendre  au  créancier 
q-dine  Ta  pas  pourfuivi  pendant  qu'il  étoit 


Part.  II.  Chap.  VI.  545 
folvable  ;  le  créancier  n'y  étoit  pas  obligé , 
&  la  caution ,  ii  elle  appréhendoit  le  cas 
cTinlblvabilité  qui  eft  arrivé  ,  pouvoit  ob- 
vier à  cela  ,  en  pourfuivant  elle-même  le 
débiteur  principal ,  comme  elle  en  a  le 
droit ,  auuî-tôt  qu'elle  a  été  afîignée  ,  infrœ 
num.  440.  Henry  s  ,  Tom.  If,  Liv.  If^* 
art.  .34.  e(l  de  notre  fentiment  ;  il  l'an-- 
thorife  par  un  Arrêt  rendu  dans  une  ef- 
pece  approchante  y  &  il  attefte  que  c'é- 
toit  de  fon  temps  l'opinion  commune  du 
Barreau  de  Paris.  La  Coutume  de  Breta- 
gne,^. 191.  a  une  difpofitïon  contraire; 
je  crois  qu'elle  doit  être  reftrainte  à  fou 
territoire  ;  D'argentré  fur  cet  article ,  dit 
que  cette  difpontion  tirée  de  l'ancienne 
Coutume  ,  a  été  confervée  lors  de  la  ré- 
formation contre  fon  avis. 

Nous  n'avons  traité  la  queftion  qu'à  l'é- 
gard des  fidéjuneurs  ordinaires  ;  mais  fi  le 
fidéjurTeur  s'étoit  feulement  obligé  à  payer 
ce  que  le  créancier  ne  pourroit  retirer  du 
débiteur  principal  ,  in  id  quod  fervari  non 
pourit;  le  créancier  qui  auroit  eu  le  moyen 
pendant  un  temps  confidérable,  de  fe  faire 
payer ,  ne  feroit  pas  admis  facilement , 
après  que  le  débiteur ,  au  bout  d'un  temps 
confidérable  feroit  devenu  infolvable  ,  à 
donner  demande  contre  ce  ndéjuneur  , 
h.  ^i.jT.d.  th.  parce  que  ce  fidéjiuTeur 
qui  ne  s'eft  obligé  qu'à  ce  que  le  créan^ 


546        Tr.   des  Ob  lig, 

cier  ne  pourroit  retirer ,  lui  oppoferoit  qu'il 
a  pu  très  facilement  retirer  ce  qui  lui  étoit 
dû  du  débiteur  principal  r  &  qu'en  con- 
féquence  il  ne  lui  doit  rien ,  L.  4i>ff*  d,  t* 

Article    III. 

De  r  exception  de  divijion* 

Origine  de  ce  droit, 

415.  Lorfque  plufienrs  perfonnes  fé 
rendent  cautions  d'un  débiteur  principal  , 
pour  la  même  dette ,  elles  font  cenfées 
s'obliger  chacune  à  toute  la  dette  ^Jîplures 
Jint  fidejujjbres  ,  quotquot  erunt  numéro  9 
Jinguli  in  folidum  tenentur,  Injiit.  tit.  dt 
fidej.  §.  4. 

En  cela  plufieurs  fidéjufTeurs  font  difFé- 
rens  de  pluûeurs  débiteurs  principaux  ,, 
lefquels  ne  font  cenfés  s'obliger  chacun 
que  pour  leur  part ,  à  ce  qu'ils  promet- 
tent conjointement ,  fi  la;  folidité  n'eflr 
point  exprimée;  la  raifon  de  la  différen- 
ce »  eft  qu'il  eft  de  la  nature  du  caution- 
nement, de  s'obliger  à  tout  ce  que  doit 
le  débiteur  principal ,  &  par  conféquent 
chacun  de  ceux  qui  le  cautionnent  v  eft 
cenfé  contracter  cet  engagement ,  à  moins 
qu'il  ne  déclare  expreffément  qu'il  ne  s'o- 
blige que  pour  partie  :  c'eft  la  raifon  qu'en 
rapporte  Vinnius  >  feleci.  quœjl.  lib.  1  u 
cap,  40, 


Part.  II.  Chap.  VI.        747 

L'Empereur  Adrien  a  apporté  une  mo- 
dification à  cette  folidité ,  par  l'exception 
de  divifion  ,  qu'il  a  accordé  aux  fidé- 
jutîeurs  ;  le  fidéjufTeur  à  qui  le  créancier 
demande  toute  la  dette  ,  obtient  par  cet- 
te exception ,  que  le  créancier  foit  tenu 
de  diviler  &c  partager  fa  demande  entre 
lui  &  l'es  cofidéjurTeurs ,  lorfqu'ils  font 
folvables,  &  qu'en  conféquence  il  foit 
reçu  à  payer  au  créancier  fa  portion  P 
faut  au  créancier  à  fe  pourvoir  pour  le 
furplus  contre  les  autres  ;  ce  droit  a  été 
adopté  dans  notre  pratique  Françoife. 

§.  1 1. 

Qui  font  ceux  qui  peuvent  ou  non  oppofefi 
Cexctption  de  divifion. 

416.  Il  y  a  quelques  cautions,  qui 
ne  peuvent  pas  oppofer  cette  exception  ; 
telles  font  les  cautions  pour  les  deniers 
royaux.  Voye^  le  Bret ,  plaid.  42.  in  fin» 

On  en  exclud  aum*  les  cautions  judi- 
ciaires ;  c'eft  le  fentiment  de  Bafnage. 
Les  cautions  qui  par  leurs  cautionnemens 
ont  renoncé  à  cette  exception ,  ne  l'ont 
pas. 

Lorfqu'il  eft  porté  par  le  cautionne- 
ment ,  que  les  cautions  (e  font  obligées 
folidairement  &  comme  débiteurs  princi^ 
p.iux  y  cette  claufe  eft-elle  cenfée  renfer- 


54?  Tr.  des  Oblig. 
mer  une  renonciation  à  l'exception  de*  di- 
vifion ?  Ceux  qui  penlent  que  cette claufe 
ne  renferme  pas  une  renonciation  à  l'ex- 
ception de  diicuiïion  ,  doivent  aufîî  pen- 
fer  qu'elle  n'en  renferme  pas  une  ,  à  celle 
de  divifion;  mais  les  railons  qui  nous  ont 
porté  à  croire  qu'elle  renfermoit  une 
renonciation  à  l'exception  de  difcufïion , 
&:  que  nous  avons  rapportées,/*//?/^  n.  408  -. 
nous  portent  aufîi  a  croire,  qu'elle  em- 
porte la  renonciation  à  celle  de  divifion,  I 

Enfin  les  loix  refufent  l'exception  de  ! 
divifion  aux  .cautions  qui  ont  commencé! 
par  dénier  de  mauvaife  foi  leur  cautionne- 
ment. Inficiantibîis aux'tlîum  diyijionis  non 
cft  indulgendum  >  L.  10.   §.    i.jf*  de  fi  de/. 

41  j.  Non-feulement  les  cautions  elles6- 
mêmes ,  mais  leurs  héritiers,  peuvent  ufer 
de  cetre  exception. 

Le  certificateur  de  la  caution  ,  qui  efl 
fidejujjbr  fidej.ujjorls ,  peut  aufïi  oppoier 
tes  mêmes  exceptions  qu'auroit  pu  oppo- 
fer  la  caution  qu'il  a  certifié  ,  &  par  con- 
féquent  il  peut  oppofer  cette  exception  , 
&  demander  la  divifion  de  la  dette  entre 
fui  &  les  GofidéJLifTeurs  de  celui  qu'il  a  cer- 
tifié. 

s-  r ÎL. 

Qui  font  ceux  entre  qui  la  dette  doit 

être  divifée. 
418.  Le  fidéjuffeur  peut  demander  h 


Part.  Il  Chap.  VI.  549 
Jîvifion  de  l'a&ion  entre  lui  &:  les  autres 
fi  lé  tiffeurs,  qui  l'ont  également  fidéjuf- 
feurs  principaux  ;  il  ne  pourroit  pas  de- 
mander qu'elle  fût  divifée  entre  lui  & 
fon  certrficateur  ;  car  il  eft  lui-même  un 
débiteur  principal  vis-à-vis  de  cecertifi- 
cateur  ,  L.  27.  §.  4.  ff.  defid. 

419.  Il  faut  aufli  que  ceux  avec  qui 
k  fidéjulTeur  demande  que  l'avion  du 
créancier  foit  divilée  ,  foient  fidéjufTetirs 
du  même  débiteur  ;  que  fi  deux  débiteurs 
folidaires  d'une  même  dette  avoient  don- 
né chacun  un  fidéjivffeur  ,  le  fidéjulTeur  de 
l'un  de  ces  débiteurs  ne  pourroit  pas  de- 
mander que  l'a&ion  fût  divifée  entre  lui 
&c  le  fidéjulTeur  de  l'autre  débiteur  foli- 
daire  ;  car  quoiqu'ils  foient  fidéjinTeurs 
d'une  même  dette ,  n'étant  pas  fidéjufleurs 
d'un  même  débiteur,  ils  ne  font  pas  pro>- 
prement  cofidéjulTeurs  :  c'eft  la  décifion 
des  loix  43.  51.  §.  2.  ff.  d.  tit. 

420.  Enfin  il  faut  que  les  cofidéjulTeurs 
avec  lefquels  le  fidéjulTeur  demande  que 
l'action  foit  divifée  ,  foient  folvables  ;  Se 
ils  font  cenfés  l'être ,  fi  ne  l'étant  pas  par 
eux-mêmes ,  ils  le  font  par  leurs  certifi- 
cateurs  :  c'eft  ce  que  décide  la  loi  27. 
§.  2.  Si  quœratur  an  folvcndo  fit  princl- 
•palis  fidijuffor ,  etiam  vires  fequentis  fide* 
jujjoris  ,   ci  aggregand'JR  funt. 

Au  refte  fi  mon  cofidéjiuTeur  étoit  fol- 


550  Tr.  des  Oblig, 
vable  lors  de  la  conteffaiion  en  caufe,  & 
qu'en  conséquence  Faction  du  créancier 
a  été  divifée  entre  lui  &  moi  ;  quoique 
par  la  fuite  depuis  la  conteftation  en  cau- 
fe ,  il  foit  devenu  infolvable ,  le  créan- 
cier ne  pourra  plus  revenir  contre  moi  ,, 
pour  fa  part  :  c'eft  la  décifion  de  Papinien, 
X.  5  i.  §.  4.  & L.  52.  §.  1. 

En  cela  l'exception  de  divifion  diffère 
de  celle  de  difcuffion;  la  raifon  de  dif- 
férence, vient  de  la  différente  nature  de 
ces  exceptions  ;  celle  de  difcuffion  n'eft 
que  dilatoire ,  elle  ne  fait  que  différer  l'ac- 
tion du  créancier  contre  le  fidéjuffeur  , 
après  que  le  créancier  aura  difcuté  le  dé- 
biteur principal  ;  au  lieu  que  l'exception 
de  divifion  tient  de  la  nature  des  excep- 
tions péremptoires  ;  elle  périme  entière- 
ment ,  lorsqu'elle  a  lieu ,  l'action  du  créan- 
cier contre  le  fidéjuffeur  qui  l'a  oppofée  , 
pour  la  part  de  fes  cofidéjuffeurs ,  avec 
lefquels  la  divifion  lui  eft  accordée  ;  & 
c'eft  pour  cela  que  le  créancier  ne  peut 
plus  revenir  contre  lui ,  quand  même  les 
cofidéjuffeurs  par  la  fuite  déviendroient 
infolvables. 

Il  y  a  plus ,  quand  même  lors  de  la  de- 
mande du  créancier  ,  mon  cofidéjuffeur 
auroit  déjà  été  infolvable ,  fi  le  créancier 
a  volontairement  divifé  fon  action ,  en 
lipus  demandant  à  chacun  notre  part ,  il 


#  ART.  IL  CHAP.  VI.  55I 
ne  pourra  plus  me  demander  la  part  de 
rmon  cofidéjuffeur  infolvable  :  c'eft.  la  dé- 
cilion  de  Gordien  en  la  loi  16.  cod.  d.  t. 

421.  Pourvu  que  mon  cofidéjuffeur 
foit  folvable  ,  quoique  le  terme  ou  la 
condition  fous  laquelle  il  s'eft  obligé,  ne 
foit  pas  encore  échue,  je  peux  néanmoins 
demander  que  l'aclion  foit  par  proviiion 
divifée  entre  lui  &c  moi ,  fauf  au  créan- 
cier à  revenir  contre  moi  pour  la  part  de 
ce  fidéjuffeur ,  fi  à  l'échéance  du  terme  ou 
delà  condition  il  n'étoit  pas  folvable  ,  L. 
27-  jff-  d-efid.  &  à  plus  forte  raifon  fi  la 
condition,  fous  laquelle  il  s'eft  obligé, 
venoit  à  défaillir. 

422.  La  demande  du  créancier  ne  de- 
vant être  divifée ,  que  lorfque  les  cofidé- 
juffeurs font  folvables,  s'il  y  a  contefta- 
tion  entre  le  créancier  &  le  fidéjuffeur 
cjui  demande  la  divifion  ,  fur  le  fait  de  la 
folvabilité  des  cofidéjuffeurs ,  le  fidéjuf- 
feur  eft  reçu ,  en  offrant  de  payer  fa  part , 
à  demander  qu'avant  de  faire  droit  fur  le 
furplus  ,  à  fes  rifques  ,  le  créancier  foit 
tenu  de  difeuter  les  cofidéjuffeurs  ,  £.  10. 
ff,  d.  tic. 

423.  Je  ne  peux  pas  oppofer  l'excep- 
tion de  divifion  fi  mon  cofidéjuffeur  efl 
demeurant  hors  le  royaume  ;  car  cette 
exception  ,  eft.  une  grâce  que  la  loi  n'ac- 
corde --qu'autant  que  le  créancier  n'en 


|5*         Tr.  des  Ob  ltg. 
fouffriroit  pas  trop  d'incommodité ,  Pi& 
pon  X.  4,  25.. 

$.  I  V. 

Un  cautionnement  peut-il  fe  divifer  avec 
une  caution  qui  na  pas  valablement 
contracté ,  &  avec  une  caution  mineure. 

424.  Lorfque  je  me  fuis  obligé  comme 
caution  pour  quelqu'un  ,  avec  une  per- 
sonne qui  étoit  incapable  de  contracter 
une  pareille  obligation ,  telles  qu'étoienîi 
chez  les  Romains  toutes  les  femmes ,  je 
ne  peux  éviter  de  payer  le  total  de  la 
dette  au  créancier  ,  comme  fi  j'étois  feul 
fidéjuffeur  ;  la  perfonne  incapable  qui 
s'eit  rendue  caution  avec  moi ,  ne  de- 
vant point  être  confidérée.  On  ne  distin- 
gue point  en  ce  cas  ,  fi  j'ai  contracté  mon 
cautionnement  avant  celui  de  cette  per- 
fonne incapable ,  ou  fi  je  l'ai  contracté  con- 
jointement ou  depuis. 

Il  n'en  elt  pas  de  même ,  fvfcvant  le  droit 
Romain  ,  lorfque  je  me  fuis  rendu  eau-  ! 
don  avec  un  mineur  qui  fe  fait  par  la 
fuite  reftituer  contre  fon  obligation;  je 
ne  fuis  tenu  du  total  de  la  dette ,  qu'au 
cas  auquel  j'aurois  d'abord  feul  fubi  le 
cautionnement  fans  compter  furie  mineur 
qui  ne  s'eft  rendu  caution  que  depuis , 
pour  la  même  perfonne  que  moi  ;  mais  û 
bous  nous  fommes rendus  cautions  enfem- 

Ue, 


Pau  t.  II.  Chap.  VI.  553; 
Lie  ,  la  reftitution  qu'il  obtient  contre  fou. 
obligation ,  ne  doit  pas ,  fuivant  le  droit! 
Romain,  me  charger  feul  de  la  dette  ,  que 
je  m'étois  attendu  qu'il  payeroit  avec  moi; 
L.  48.  pp.  &  §.  i.ff.  dejidej. 

Papinien  rapporte  à  cet  égard  cette  rai- 
fon  de  différence  entre  une  femme  ck.  un 
mineur  ;  celui  qui  fe  rend  caution  con- 
jointement avec  une  femme,  n'a  pas  du 
compter   fur  la  femme  ,  pour  partager 
avec   elle  l'obligation ,  puifqu'il   devoit 
içavoir  qu'elle  en  étoit  incapable  ,  cum 
ignorare  non  dtbucrït ,  muliefemfrujirà  in- 
ureederf  ;  mais  il  n'en  eft  pas  de  même  de- 
celui  qui  s'eft  rendu  caution  arec  un  mi- 
fleur  ;  propter ,  dit  Papinien  ,  inceftum  œia- 
tis   &  rejlitutionis  ,  parce    qu'il  pouvoir, 
ignorer  qu'il  fut  mineur  ,  ou  efpérer  qu'il 
ne  reviendroit  pas  contre  fon  obligation  ; 
c'étoit  au  créancier  plus  qu'à  lui  à  s^qh 
informer  ,  lorfqu'il  l'a  admis   pour  cau- 
tion ,  &:  c'eft.  le  créancier  plutôt  que  lui , 
qui  doit  foufFrir  de  la  restitution  que  le 
mineur  a  obtenu  contre  fon  obligation , 
d.  L.  48.  pp.  &  §.  1. 

Quelque  refpe£t  que  j'aye  pour  les  dé- 
,  cifions  du  grand  Papinien ,  celle-ci  me 
paroît  foufFrir  difficulté  ;  plufieurs  fidéjuf- 
feurs  étant ,  comme  nous  l'avons  dit  ci- 
defïïis  ,  débiteurs  de  toute  la  dette  ,  la 
divifion  qu'en  accorde  la  conftitution 
Tom%  I,  A  a     - 


554       Tr.    des    Ob  l  i  g. 

d'Adrien  ,  lorfqu'ils  font  tous  folvables  ," 
n'efl  qu'une  grâce  qui  ne  doit  pas  leur 
être  accordée ,  au  préjudice  du  créancier. 
Cette  raiion  qui  fait  qu'on  me  refufe  la 
divifion  de  la  dette  avec  mon  cofldéjuf- 
feur ,  lorfqu'il  efl  devenu  infolvable  ,  doit 
la  faire  refufer  avec  mon  cofidejurleur , 
qui  s'eft  fait  reflituer  contre  fon  caution- 
nement ;  il  n'y  a  pas  plus  de  raifon  de 
l'accorder  avec  l'un  qu'avec  l'autre  ;  je 
n'ai  pas  dû  compter  plus  fur  l'un  que  fur 
l'autre  ;  fi  j'ai  pu  prévoir  Pinfolvabiiité  , 
j'ai  pu  encore  plus  facilement  prévoir  la 
reftitution.  On  ne  peut  pas  direrque  le 
créancier  a  bien  voulu'  fe  charger  de  ce 
rifque  en  acceptant  le  cautionnemen 
d'un  mineur  ;  car  ne  s'étant  pas  conten 
té  du  cautionnement  de  ce  mineur ,  & 
ayant  exigé  qu'on  lui  joignît  une  autre 
caution ,  c'eft  au  contraire  une  preuve 
qu'il  a  cherché  fes  fûretés  contre  la  ref? 
titution ,  &:  qu'il  n'a  pas  voulu  fe  char-» 
ger  de  ce  rifque. 

Ces  raifons  me  paroifTent  fuffifantes 
pour  décider  indiftin&ement, contre  l'au- 
torité de  la  loi  Romaine,  que  la  reftitution 
obtenue  pour  çaufe  de  minorité  ?  par  mon 
cofidéjuffeur ,  doit ,  de  même  que  fon  in- 
solvabilité 5  me  charger  du  total  de  la  dette. 

Il  y  a  plus  :  fi  avant  que  mon  cofidéjufc 
fëur  niineur  fe  fût  pourvu  contre  fon  çau«! 


Part.  II.  Chap.  VI.  55$; 
tîonnement ,  j'étois  pourfuivi  par  le  créan- 
cier ,  &  que  je  lui  oppofaffe  l'exception 
de  diviiion  ,  je  penfe.  qu'il  feroit  équita- 
ble qu'il  ne  put  être  obligé  de  divifer  fon 
action  entre  ion  cofidéjuffeur  mineur  & 
moi ,  que  fous  la  réferve  de  revenir  con- 
tre moi ,  dans  le  cas  auquel  ce  mineur 
fe  feroit  reftituer  contre  fon  cautionne- 
ment. 

Mais  fi  le  créancier  avoit  confenti  à  la 
divifion  de  fon  action  ,  fans  aucune  ré- 
ferve ;  il  y  a  lieu  de  penfer ,  qu'en  ce  cas 
il  auroit  pris  fur  lui  le  rifque  de  la  resti- 
tution du  mineur,  &  qu'il  n'auroit  aucun 
recours  contre  moi. 

§.  v. 

Quand  l 'exception  de  divifion  peut- elle 
être  oppofée, 

415.  On  a  fait  une  queftibn,de  fça- 
voir  fi  l'exception  de  diviiion  ne  pour  oit 
être  oppofée,  qu'avant  la  conteftation 
en  caufe  ?  Quelques  anciens  Docteurs  , 
comme  Pierre  de  Belleperche  ,  Cynus  &c 
autres ,  étoient  dans  ce  fentiment  ;  mais 
le  fentiment  contraire ,  qui  eft  fuivi  par 
Vinnius,/c/.  quœjl.  n.  40.  eft  le  plus 
véritable ,  il  eft  fondé  fur  le  texte  formel 
de  la  loi  10.  §.  1.  cod,  h,  tit.  ut .  ,  ,  .  ,  , 

A  a  ij 


5<f6*         Tr.  des  Oblig. 

dividatur  actio  inter  eos  qui  folvendo  funt , 
anu  condemnation&m  ex  ordine  folct  poJÎU" 
lari.  Il  fufrit  aux  termes  de  cette  loi  ,  de 
demander  la  divifion  de  l'a&ion  ,  avant  la 
fentence,  &  par  conséquent  on  le  peut 
après  la  conteflation  en  caufe  ;  en  effet 
cette  exception  tient  plus  des  exceptions 
péremptoires ,  que  des  dilatoires  ,  puif- 
qu'elle  tend  à  exclure  entièrement  l'a£tion 
du  créancier  contre  celui  qui  l'oppofe  , 
pour  les  parts  de  {es  cofldéjufTeurs  ;  le 
texte  des  inftituts  ,  tit.  dcfid.  §.  4.  fur  le- 
quel fe  fondent  ceux  de  Fautre  fentiment ,' 
ne  prouve  rien  ;  il  dit  bien  que  tous  les 
fîdéjuffeurs  doivent  être  folvables  lors  de 
la  conteftation  en  caufe  ,  pour  qu'il  y  ait 
lieu  à  la  divifion  de  l'action  ;  mais  il  ne 
fuit  pas  de-là ,  que  cette  divifion  ne  puhTe 
être  demandée  depuis. 

La  loi  10.  §.  i.jf.  defid.  où  il  efl  dit 
que  îa  caution  qui  a  dénié  ion  cautionne- 
ment n'en1  pas  recevable  à  oppofer  l'ex- 
ception de  divifion,  n'eH  pas  contraire 
à  notre  décifion;  car  c'eft.  cette  dénégation 
faite  de  mauvaife  foi ,  qui  le  rend  indigne 
de  cette  grâce ,  &£  non  recevable  dans 
cette  exception,  &c  non  la  litis-contefta- 
tion  ;  la  litis-conteftation  intervenue  entre 
le  créancier  &  la  caution,  ne  fuppoie  pas 
que  la  caution  ait  dénié  fon  cautionne- 
ment, elle  a  pu  intervenir  fur  toute  autre. 


Part.  II.  Chap.  VI.  557 
chofe ,  puta  fur  ce  que  la  caution  a  fou- 
tenu  la  dette  acquittée ,  ou  qu'il  y  avoit 
quelque  fin  de  non  recevoir  ,  qui  rendoit 
le  créancier  non  recevable  en  fa  demande. 
Quelques  Docteurs  ont  donné  dans  l'ex- 
cès oppofé  en  décidant  que  l'exception 
de  diviiion  peut  être  oppofée  même  après 
le  jugement  de  condamnation,  à  l'exemple 
de  l'exception  cedendariwi  aclionum ,  &£ 
des  exceptions  Scti  Macedoniani  &  Scti 
VdUiani  ;  cette  opinion  efl  démentie  par 
la  loi  10.  §.  1.  cod.  defid.  où  il  eftdit  que 
les  cautions  peuvent  propofer  l'exception 
de  divifion  ,  avant  le  jugement  de  con- 
damnation ,  ante  condemnationem  ;  donc 
ils  ne  le  peuvent  pas  après  ;  à  l'égard  des 
exemples  qu'on  apporte  des  exceptions 
qui  peuvent  s'oppofer  même  après  le  ju- 
gement ,  la  réponfe  eu ,  qu'il  y  a  une 
grande  différence  entre  l'exception  de  di- 
vifion ,  &  l'exception  cedendarwn  acîio- 
num ;  celle-ci  n'attaque  pas  la  fentence , 
ni  le  droit  acquis  par  cette  fentence  au 
créancier ,  qui  n'a  aucun  intérêt ,  à  refufer 
la  cefïïon  de  fes  actions ,  à  la  caution  qui 
a  été  condamnée  envers  lui ,  lorfqu'elle 
le  paye  ;  au  lieu  que  l'exception  de  divi- 
fion, fi  on  la  propofoit  après  le  jugement 
de  condamnation  ,  attaque  ce  jugement , 
&  le  droit  acquis  par  ce  jugement  au 
créancier,  puifqu'elle  tend  à  reftraindre  a 

A  a  iij 


55S  Tr.  des  Oblig. 
une  portion ,  le  droit  qui  eft  acquis  atî 
créancier  par  ce  jugement ,  d'exiger  le 
total  de  la  dette  ,  de  la  caution  qui  a  été 
condamnée  envers  lui  ;  quant  à  ce  qui  eft 
décidé  pour  les  exceptions  Scti  Macedo- 
niani  ,  Scti  Velkiani  ;  o'eft  un  droit  fin- 
gulier  fondé  fur  la  faveur  de  ces  excep- 
tions, ck  fur  une  efpece  d'intérêt  public, 
ad  coercendos  fœneratores  &  ad  fubvenien- 
dum  fexul  muliebri  ;  ce  droit  fingulier  ne 
peut  être  tiré  à  conféquence ,  &  ne  peut 
être  étendu  à  l'exception  de  divifion  , 
ni  aux  autres  exceptions  peremptoires  y 
Vin.  ibid. 

Lorfque  le  jugement  de  condamnation 
eft  fufpendu  par  un  appel ,  on  peut  dire 
qu'il  n'y  a  pas  de  condamnation  ,  jufqu'à 
ce  qu'il  intervienne  un  Arrêt  définitif; 
d'où  il  fuit  que  la  caution  peut  être  admi- 
fe  en  caufe  d'appel ,  à  oppofer  l'exception 
de  divifion;  c'eft  l'avis  des  Docteurs  cités 
par  Bruneman  ad  L  io.  cod.  de  Jid.  c'eft 
aufîi  l'avis  de  Vinnius. 

$.  VI. 

De  r  effet  de  F  exception  de  Divifion» 

426.  L'effet  de  l'exception  de  divifion 
eft  de  faire  prononcer  par  le  juge  ,  la  di- 
vifion de  la  dette  entre  les  fidéjuffeurs 


Part.  II.  C  h  ap.  VI.       559 

qui  font  iblvables  ,  Se  de  reftiaindre  par 
ce  moyen  la  demande  qui  a  été  donnée 
contre  le  fidéjuffeur  qui  a  oppofé  la  divi- 
iion  ,  à  la  part  feulement. 

Avant  que  cette  divilîon  de  la  dette 
ait  été  prononcée  par  le  juge  fur  l'ex- 
ception de  divifion  ,  ou  qu'elle  ait  été  faite 
volontairement  parle  créancier  par  la  de- 
mande qu'il  auroit  donné  contre  chacun 
des  fidéjuffeurs  pour  fa  part,  /.  1 6.  cod.  de 
Jïd.  chacun  des  fidéjuffeurs  eff  véritable- 
ment débiteur  du  total  de  la  dette  ;  c'efl 
pourquoi ,  fi  l'un  d'eux  a  payé  le  total , 
il  ne  peut  avoir  contre  le  créancier  aucune 
repétition  des  parts  de  fes  cofidéjuffeurs  , 
/.  49  §.  i.f.defid.  car  il  de  voit  vérita- 
blement le  total  qu'il  a  payé  ;  en  n'ufant 
pas  de  l'exception  de  divifion  dont  il 
pouvoir,  ufer  ,  plenius  fidem  exfolvit,  Mais 
depuis  que  la  divifion  de  la  dette  a  été 
prononcée,  la  dette  efî:  tellement  divifée, 
que  quand  même  l'un  des  fidéjuffeurs  en- 
tre qui  la  dette  a  été  divifée  deviendroit 
depuis  infolvable ,  le  créancier  n'auroit 
aucun  recours  contre  les  autres  ,  pour  la 
part  de  cet  infolvable,  /.  51.  §.  4.  ff.  de 
fidej. 

Il  refte  une  queftion ,  fi  le  fidéjuffeur 
qui  demande  la  divifion  de  l'action  du 
créancier  entre  lui  &  fon  cofidejuffeur, 
avoit  payé  auparavant  une  partie  de  la 

A  a  iv 


560  Tr.  des  Oblig. 
dette  ,  doit-il  payer  la  moitié  de  ce  qui 
refte  du  ,  fans  rien  imputer  de  ce  qu'il  a 
payé  ?  Papinien  l'avoit  décidé  ainfi ,  eam 
&nim  quanti  ta  te  m  inter  cos  convenu  dividi , 
quam  l'uis  tempore  debent.  Cette  décifion 
quoique  conforme  à  la  rigueur  du  prin- 
cipe ,  n9a  pas  été  fui  vie  ,  &  il  a  été  trouvé 
plus  équitable  d'accorder  au  fidéjuflfeur 
la  faculté  d'imputer  fur  la  part  dont  il  efl 
tenu  de  la  dette ,  ce  qu'il  a  déjà  payé , 
Se  de  ne  l'obliger  à  payer  que  le  furplus 
de  fa  part  du  total  de  la  dette ,  &  charger 
de  l'autre  en  entier  fon  cofxdéjufleur,  fed 
humanius  efl ,  dit  l'annotateur  ,  fi  &  alter 
folvendo  fit ,  per  exeeptionem  ei  qui  folvit 
fuccurri  ?  d.  Il  5  i .  §.  i . 

Article     IV. 

De  la  cefjlon  d? actions  oufubrogation  que  le 
Créancier  ejl  tenu  d'accorder  aujidéjujfeur 
qui  le  paye, 

427.  Un  troifiéme  bénéfice  que  les  loix 
accordent  au  fidéjuffeur,  c'eft  que  lori- 
qu'il  paye,  il  peut  requérir  le  créancier 
de  le  fubroger  à  tous  les  droits  ,  :a£tions 
&  hypotéques  ,  tant  contre  le  débiteur 
principal  qu'il  a  cautionné  ,  que  contre 
toutes  les  autres  perfonnes  qui  font  tenues 
fie  cette  dette  ;  c'en:  ce  qui  réfulte  de  la 


Part.  II.  Chap.  VI.  561 
loi  17.  ff.  de  fid.  /.il,  cod.  d.  tlt.  Se  de 
quantité  d'autres  textes.  Voyez  fur  cette 
ceiîion  d'actions  ,  6\l  fur  l'exception  qu'a 
le  fîdéjuffeur  qui  s'eft  par  fon  fait  mis  hors 
de  les  céder  ,  infrà  p.  3.  ck.  1 .  art.  6.  §.  2. 

Section     VII. 

Du  droit  qua  la  caution  contre  h  principal 
débiteur  &  contre  fes  cofidéjuffeurs. 

41 8 .  La  caution  a  recours  contre  le  débi- 
teur principal  après  qu'elle  a  payé ,  nous 
traiterons  de  ce  recours  dans  un  premier 
article  ;  il  y  a  même  des  cas  auxquels  la 
caution  a  action  contre  le  débiteur  prin- 
cipal ,  même  avant  qu'elle  ait  payé ,  dont 
nous  parlerons  dans  le  fécond  article  ; 
nous  traiterons  dans  un  troifiéme  de  la 
queftion  particulière  ,  fi  la  caution  d'une 
rente  conftituée  peut  obliger  au  bout  d'un 
certain  temps ,  le  débiteur  au  rachat  delà 
rente  ;  nous  traiterons  dans  le  quatrième 
du  droit  de  la  caution  contre  fes  cofidé- 
jufîeurs. 


^1% 


À  a  v 


56Z        Tr.    des   Cblïg. 

Article    L 

Du  recours  de  la  cauion  contre  le  débiteur 
principal  après  quelle  a  payé» 

S-  ï* 

Quelles  font  les  acîions  qua  la  caution 
contre  le  débiteur  principal  après  quelle 
a  payé, 

429.  Après  que  la  caution  a  payé  ,  ii 
elle  s'eft  fait  fubroger  aux  droits  &  a&ions 
du  créancier ,  elle  peut  les  exercer  contre 
le  débiteur  comme  le  créancier  auroit  pu 
faire  lui-même  ;  fi  elle  a  négligé  d'acqué- 
rir cette  fubrogation  ,  elle  ne  lahTe  pas 
d'avoir  de  fon  chef  une  action  contre  le 
débiteur  principal ,  pourfe  faire  rembour- 
fer  de  ce  qu'elle  a  payé  pour  lui. 

Cette  action  eft  l'action  mandati  con- 
traria ,  û  c'efî.  au  fçu  tk.  au  gré  du  prin- 
cipal débiteur  qu'elle  l'a  cautionné  ;  car 
ce  confentement  du  débiteur  principal  y 
renferme  un  contrat  tacite  de  mandat  > 
fuivant  cette  règle  de  Droit  ,femperquinon 
prohibet  profe  intervenire,  mandare  creditur* 
L  60.  ffl  de  R.  J.  Si  la  caution  s'eft  obligée 
pour  le  débiteur  principal  fans  fa  connoif- 
iance  y  elle  ne  peut  pas  avoir  contre  lui 


Part.   II    Chap.  VI.       533 

l'action  mandati ,  mais  elle  a  contre  lui  l'ac- 
tion contraria  negoùorum  gejlorum  ,  qui  a  le 
même  effet. 

s-   IL 

Quel  payement  donne  lieu  à  ces  actions, 

430.  Il  n'importe  que  la  caution  ait 
payé  en  conséquence  d'une  fentence  de 
condamnation, ou  volontairement  &  fans 
fentence  ;  car  en  l'un  &  l'autre  cas  militer 
d.bitoris  negotium  geffit ,  elle  lui  a  procuré 
la  libération  de  fa  dette ,  &  par  conséquent 
il  doit  la  rembourser  de  ce  qu'il  lui -en  a 
coûté  pour  la  lui  procurer. 

Il  n'importe  que  le  payement  ait  été 
un  payement  réel,  ou  une  compenfation , 
ou  une  novation  ;  en  tous  ces  cas ,  elle 
a  droit  de  demander  que  le  débiteur  prin- 
cipal la  remboufe  ,  foit  de  la  fomme  qu'el- 
le a  payée ,  foit  de  celle  qu'elle  a  com- 
penfée  ,  foit  de  celle  qu'elle  s'eft  obligée 
de  payer  pour  éteindre  l'obligation  du 
principal  débiteur. 

43 1.  Que  fi  le  créancier  en  confidéra- 
tion  de  la  caution  ,  a  fait  remife  de  la  dette 
à  titre  purement  gratuit ,  la  caution  ne 
peut  rien  demander  au  principal  débiteur, 
qui  a  profité  de  cette  remife ,  parce  qu'il 
n'en  a  rien  coûté  à  la  caution  ;  que  fi  la 

A  a  vj 


564  Tr.  des  Oblig. 
remife  étoit  faite  pour  la  récompenfe  des 
fervices  que  la  caution  a  rendus  au  créan- 
cier ,  la  caution  pourroit  fe  faire  rembour- 
fer  de  cette  fomme  par  le  débiteur  prin- 
cipal ;  car  en  ce  cas ,  il  en  a  coûté  à  la  cau- 
tion la  récompenfe  qu'elle  auroit  pu  efpé- 
rer  de fes fervices, dont  elle  fouffre la  com- 
penfation  pour  la  dette  de  ce  débiteur 
principal ,  à  laquelle  elle  a  accédé  comme 
caution;  c'eft  la  difpofition  de  la  loi  12. 
ff.  mandat.  &  cela  eft  conforme  à  cette 
maxime  de  la  loi  26.  ^.^.ff.d.  tit.fcknium 
eji  non  plus  fidejujjhrem  confequi  debere- 
mandati  judicio  ?  quàm  quodfolverit, 

$■  m. 

Trois  conditions  pour  que  le  payement  fait 
parla  caution  donne  lieu  à  P  action  contre 
le  débiteur  principal,. 

432.  Pour  que  le  payement  fait  par  la 
caution  donne  lieu  à  ces  actions ,  il  faut 
i°.  que  la  caution  n'ait  pas  par  fa  faute 
négligé  quelque  fin  de  non  recevoir  qu'elle 
eut  pu  oppofer  au  créancier. 

2°.  Que  le  payement  ait  été  valable , 
&  ait  libéré  le  débiteur  principal. 

30.  Que  le  débiteur  principal  n'ait  pas 
payé  une  féconde  fois  par  la  faute  de  la 
caution. 


Part.  II.    Chap.  VI.      565 

Première   Condition. 

433.  Pour  que  la  caution  qui  a  payé 
ait  recours  contre  le  débiteur  principal , 
il  faut  qu'elle  n'ait  pas  négligé  par  fa  faute 
d'oppoferles  fins  de  non  recevoir  ,  fi  elle 
en  avoit  quelques-unes  à  oppofer  contre 
le  créancier  ;  par  exemple  ,  fi  quelqu'un 
m'a  cautionné  pour  le  prix  d'un  héritage 
que  j'ai  acheté,  &  qu'ayant  connoiffance 
que  cet  héritage  m'a  été  évincé  ,  il  paye 
néanmoins  le  prix  à  mon  vendeur ,  envers 
qui  il  s'efl  rendu  caution  pour  moi  ,  il 
n'aura  aucun  recours  contre  moi ,  parce 
qu'il  pouvoit  fe  difpenfer  de  payer ,  en 
oppoiant  au  vendeur  l'exception  réfultan- 
te  de  Téviclion  que  j'avois  foufFerte  ;  que 
fi  la  caution  avoit  ignoré  l'évi&ion ,  & 
par  conféquent  l'exception  qui  en  réfulte 
contre  la  demande  du  prix  que  lui  a  fait 
le  vendeur ,  je  ferai  obligé  de  lui  rendre 
ce  qu'il  a  payé  ,  fauf  mon  recours  contre 
mon  vendeur ,  car  il  n'eft  pas  en  faute  de 
n'avoir  pas  oppofé  une  exception  dont  il 
n'avoit  pas  de  connoiffance,  &  c'eft  moi 
qui  fuis  en  faute  au  contraire  de  ne  l'en» 
avoir  pas  averti.  La  loi  29.^  mand.  éta- 
blit ces  principes  dans  une  efpece  affez 
refîemblante;  au  reftei!  n'y  a  que  l'igno- 
rance de  fait ,  qui  peut  en  ce  cas  exeufer 
la  caution  ;  il  en  fer  oit  autrement  de  l'igno* 


5<S6  Tr.  des  Oblige 
rance  de  droit;  finge  j'ai  acheté  fous  votre 
cautionnement  une  maifon  queje  croyois 
fubfifter ,  &  qui  a  voit  été  entièrement 
brûlée  avant  le  contrat  ;  quoique  vous 
eufîiez  depuis  appris  l'incendie ,  vous  avez 
payé  le  prix  que  vous  croyez  par  erreur 
de  droit  être  dû  ;  vous  ne  devez  avoir  au- 
cun recours  contre  moi ,  d.  L  29.  §.  1. 

434.  Si  la  caution  avoit  une  fin  de  non 
recevoir  à  oppofer  contre  le  créancier  , 
mais  qui  fut  telle  qu'elle  ne  pût  l'oppofer 
honorablement ,  en  ce  cas  la  caution  n'en1: 
pas  à  la  vérité  obligée  à  l'oppofer  ;  mais 
elle  ne  doit  pas  priver  le  débiteur  de 
la  faculté  de  l'oppofer  ;  c'eft  pourquoi 
elle  doit  fe  laifler  afîigner  pour  le  paye- 
ment ,  &  appeller  en  çaufe  le  débiteur 
principal,  afin  qu'il puhTe  l'oppofer  fi  bon 
lui  femble  ;  faute  de  le  faire  ,  la  caution 
n'aura  aucun  recours  contre  le  débiteur 
principal ,  de  ce  qu'elle  aura  payé  ;  c'eft 
ce  qui  réfulte  des  loix  48.  ff.  mand.  &  L 
10.  §.  11.  d.  tit. 

On  peut  apporter  pour  exemple  de  ces 
fins  de  non  recevoir  ,  qu'on  ne  peut  ho- 
norablement oppofer ,  celle  qu'on  peut 
oppofer  au  créancier  de  rente  cqnftituée 
qui  a  laiffé  accumuler  plus  de  cinq  années, 

435.  La  règle  que  nous  avons  établie 
que  la  caution ,  pour  avoir  recours  contre 
îe  débiteur  principal  3  doit  n'avoir  pas 


Part.  IL  Chap.  VI.  567 
bbmis  par  fa  faute  ,  d'oppofer  les  fins  de 
non  recevoir  qu'elle  avoit  à  oppofer  ? 
fouffre  exception ,  lorfque  ces  fins  de  non 
recevoir  lui  étoient  perfonnelles  ,  &  ne 
pouvoient  être  oppofées  par  le  débiteur 
principal  ;  par  exemple ,  fi  la  caution  qui 
m'a  cautionné  jufqu'à  un  certain  temps  , 
paye  pour  moi  après  ce  temps  ;  quoiqu'el- 
le eût  pu  fe  difp enfer  de  payer ,  elle  ne 
laifTera  pas  d'avoir  recours  contre  moi  , 
parce  qu'elle  a  payé  pour  moi  ce  que  je 
n'aurois  pu  éviter  de  payer  ;  c'eft.  la  dé- 
cifion  de  la  loi  29.  §.  6.  ff.  mand.  quam* 
quant  enimjam  liberatus  folvcrit ,  fidem  im» 
pievity  &  debitorem  liberavit.  Il  fuffit  qu'elle 
m'ait  procuré  à  fes  dépens  la  libération  , 
pour  que  je  doive  l'en  indemnifer  ;  autre- 
ment je  m'enrichirois  à  fes  dépens ,  ce  que 
l'équité  ne  permet  pas  ,  neminem  aqiuim 
ejl  cum  alurius  detrimento  locupletari* 

Deuxième  Condition. 

436.  Il  faut ,  pour  que  la  caution  ait 
un  recours  contre  le  débiteur  principal, 
que  le  payement  qu'elle  a  fait ,  foit  va- 
lable ;  c'eft  pourquoi  fi  celui  qui  me  doit 
un  cheval  indéterminément  ,  m'a  donné 
une  caution ,  &  que  cette  caution  par  la 
fuite  m'en  fournifTe  un  qui  fe  trouve  ne 
lui  pas  appartenir,  la  caution  n'aura  point 
de  recours  contre  le  débiteur  principal, 


568       Tr.    des    Oblig: 
parce  que  le  payement  qu'elle  a  fait  n'efl 
pas  valable ,  6c  n'a  point  procuré  au  prin- 
cipal débiteur  fa  libération. 

437.  Cette  règle  fouffre  exception  dans 
le  cas  auquel  la  caution  pourfuivie  par  le 
créancier ,  payeroit  dans  l'ignorance  où 
elle  feroit  que  le  débiteur  principal  a  déjà 
payé  ;  car  quoique  ce  payement  fait  par  la 
caution  ,  étant  le  payement  d'une  fomme 
qui  avoit  ceffé  d'être  due,  ne  foit  pas  un 
payement  valable  ;  néanmoins  la  caution 
ne  biffera  pas  d'avoir  recours  acîionc  man- 
dati  contraria ,  contre  le  débiteur  princi- 
pal ,  pour  être  rembourfée  de  la  fomme 
qu'elle  a  payée  ,  à  la  charge  feulement 
par  la  caution  de  fubroger  le  débiteur 
principal  en  fon  action  de  répétition  con- 
tre*le  créancier  qui  peut  être  infolvable , 
pour  par  le  débiteur  principal  s'en  faire 
payer  comme  il  pourra  :  c'eft  la  décifion 
de  la  loi  29.  §.  z.  ff.  mand.  Le  débiteur 
principal  eft  en  faute  de  n'avoir  pas  averti 
la  caution ,  qu'il  avoit  payé. 

Cette  décifion  ne  doit  pas  avoir  lieu  , 
lorfque  la  caution  a  cautionné  le  débiteur 
principal  a  à  fon  infçu;  car  en  ce  cas,  le 
débiteur  principal  n'eit  pas  en  faute  de 
n'avoir  pas  averti  du  payement,  cette 
caution  qu'il  ne  connohToit  pas, 


Part  II.   C  h  a  p.  VI.     569 

Troifîéme  Condition, 


438.  Un  troifîéme  cas,  auquel  la  eau- 
ion  qui  a  payé  ,  n'a  pas  de  recours  pour 
a  iumme  qu'elle  a  payée ,  contre  le  débi- 
eur  principal ,  c'eft  lorfque  faute  par  elle 
l'avoir  averti  le  débiteur  principal  ,  ce 

débiteur  a  payé  une  féconde  fois  au  créan- 
cier ;  mais  au  moins  elle  peut  demander 
que  le  débiteur  lui  cède  fon  action  pour 
répéter  contre  le  créancier  qui  a  reçu ,  ce 
qui  ne  lui  étoit  plus  dû  ;  c'eft  la  décifion 
de  la  loi  29.  g.  3 .  ff.  mand. 

Selon  nos  ufages  ces  cefîions  fe  fup- 
pléent ,  &  on  permettroit  en  ce  cas-ci ,  à 
la  caution  de  répéter  reclâviâ  du  créancier, 
ce  qu'il  auroit  reçu  une  féconde  fois. 

§.  1  v. 

Quand  la  caution  qui  a  payé  peut  -  eîl$ 
exercer  fon  recours . 

439.  Régulièrement  la  caution  qui  a 
payé  ,  peut  agir  en  recours  contre  le  dé- 
biteur principal  ,  auffi-tôt  qu'elle  a  payé 
pour  lui  ;  mais  fi  elle  avoit  payé  avant  que 
le  terme  fût  échu  ,  elle  ne  pourroit  agir  en 
recours  contre  lui ,  qu'après  l'expiration  du 
terme  ;  car  elle  ne  doit  pas  par  fon  fait  le 


57o        Tr.    des    Oblig, 

priver  du  terme  dont  il  a  droit  de  jouir  ^ 

/.  22.  §.  1.7.  ji.  ff.  mand, 

%.   Y. 

Lorfqiilly  aplujieurs  débiteurs  principaux ," 
l(i  caution  a-t-elU  action  contre  chacun 
d'eux  ,  &  pour  combien . 

440.  La  caution  peut  par  l'aûion  contra~t 
fia  mandati ,  ou  par  l'avion  contraria  nego^ 
tiorum  gejlorum ,  agir  contre  chacun  des 
débiteurs  principaux  quelle  a  cautionné  » 
pour  la  répétition  du  total  de  ce  qu'elle; 
a  payé  ;  car  chacun  de  ces  débiteurs  prin- 
cipaux, étant  débiteur  du  total  delà  dette 
envers  le  créancier,  la  caution  en  fe  ren- 
dant caution  pour  chacun  d'eux  ,  &  en, 
payant ,  a  libéré  chacun  d'eux  du  total, 
&  par  conféquent  elle  a  droit  de  conclure 
folidairement  contre  chacun  d'eux  ,  au 
rembourfement  du  total  de  ce  qu  elle  a 
payé  ,  &  aux  intérêts  du  jour  de  fa  de- 
mande. 

Si  dans  ce  que  la  caution  a  payé  ,  il  y 
avoit  des  intérêts  &  des  arrérages  ;  ces 
intérêts  &  ces  arrérages  forment  un  capi- 
tal ,  à  l'égard  de  la  caution  qui  les  a  payés , 
vis  -  à  -  vis  le  débiteur  pour  qui  elle  les  a 
payés,  &C  les  intérêts  en  font  dûs  à  la 
caution  du  jour  de  fa  demande.  Arrêt 
rapporté  par  Papon  x.  4.  20. 


Part. II.    Chap.  VI.   .571 
Obicrvez  néanmoins ,  que  pour  ldfom- 
mc  qu'elle  a  payée  pour  ces  intérêts  &C 
arrérages  ,  la  caution  qui  s'eft  fait  fubro- 
ger  auxdroitsducréancier,feracolloquée 
fur  les  biens  du  débiteur,  contre  qui  elle 
exerce  fon  recours ,  dans  le  môme  rang 
qu'y  feroit  colloque  le  créancier ,  s'il  n'é- 
toit  pas  payé  ;  mais  à  l'égard  des  intérêts 
de  cette  fomme  ,  que  nous  difons  lui  être 
dus  du  jour  de  fa  demande;  comme  ce 
n'eft  que  de  fon  chef,  qu'elle  a  droit  de 
les  prétendre  ,  elle  ne  fera  colloquée  que 
du  jour  de  l'a£te  d'indemnité ,  pafTé  devant 
Notaire  fi  le  débiteur  lui  en  a  pafle ,  ou 
s'il  n'y  en  a  point ,  du  jour  de  la  con- 
damnation qu'elle  aura  obtenue  contrelui. 
La  caution  qui  exige  de  l'un  des  dé- 
biteurs principaux  qu'elle  a  cautionné ,  le 
total  de  la  dette  qu'elle  a  acquittée  ,  doit 
cédera  ce  débiteur  non-feulement  fes  ac- 
ti  ons  qu'elle  a  de  fon  chef  contre  les  autres 
débiteurs ,  mais  auiîi  les  actions  du  créan- 
cier auxquelles  elle  a  dû  fe  faire  fubroger 
en  le  payant  ;  fi  la  caution  en  payant  le 
créancier  a  négligé  de  requérir  cette  fu* 
brogation ,  &  qu'elle  fe  foit  par-là  mife 
hors  d'état  d'en  pouvoir  procurer  la  fubro- 
gation  ,  à  celui  des  débiteurs  principaux 
de  qui  elle  exige  le  total  de  la  dette  , 
qu'elle  a  acquittée  ;  ce  débiteur  pourra  , 
en  offrant  de  la  rembourfer  pour  fa  part  , 


$7*        Tr.   bes    Obli». 
obtenir  per  oppojitam  exceptionem  cedenda- 
ram  aciionum  le  congé  de  la  demande  de 
la  caution ,  pour  les  parts  des  autres  dé- 
biteurs principaux. 

Cela  a  lieu  fi  le  débiteur  avoit  effecti- 
vement intérêt  à  avoir  la  fubrogation  aux 
actions  du  créancier;  mais  s'il  n'y  avoit  au- 
cun intérêt  à  cette  fubrogation  ,  û  la  fu- 
brogation aux  actions  que  la  caution  a  de 
fon  chef,  lui  donne  le  même  avantage  fur 
les  biens  de  fes  codébiteurs ,  que  la  fubro- 
gation aux  actions  du  créancier;  en  ce  cas 
il  n'eft.  pas  recevable  à  fe  plaindre  que  la 
caution  n'ait  pas  requis  en  payant ,  la  fu- 
brogation aux  actions  du  créancier ,  &  ne 
puiffe  la  lui  procurer  ;  il  eft  par  conféquent 
non  recevable  dans  l'exception  adenda- 
rum  aciionum, 

C'eft  ce  qui  paroîtra  par  l'exemple  fui- 
xa.nt;jînge:  plufieurs  débiteurs  ont  em- 
prunté folidairement  une  fomme  d'un 
créancier  fous  mon  cautionnement,  &ils 
m'ont  donné  chacun  un  acte  d'indemnité 
devant  Notaire  de  même  datte  que  l'obli- 
gation qu'ils  ont  contractée,  envers  le 
créancier  ;  j'ai  acquitté  cette  dette  fans  re- 
quérir la  fubrogation  aux  actions  du  créan- 
cier ,  j'en  demande  le  rembourfement  pour 
le  total  à  l'un  des  débiteurs  :  il  eft  évident 
qu'il  ne  peut  pas  fe  plaindre  de  ce  que  je 
ne  peux  lui  procurer  la  fubrogation  aux 


P  A  R  T.  I  I.      C  H  A  P.    V  I.       573 

acYions  du  créancier  ;  car  l'aclion  que  j'ai 
de  mon  chef  contre  les  codébiteurs  \  &C  à 
laquelle  je  luis  prêt  de  le  fubroger ,  ayant 
une  hypotéque  résultante  de  l'acte  d'in- 
demnité de  même  datte  ,  que  l'hypotéque 
des  actions  du  créancier  ;  la  Subrogation 
à  cette  aclion  que  je  lui  offre ,  lui  procure 
le  même  avantage  fur  les  biens  de  (es  co- 
débiteurs, eue  lui  auroit  procuré  la  fubro- 
gation à  celles  du  créancier,  &  par  confé- 
quent  le  rend  fans  intérêt ,  ck  non  rece- 
vable  à  fe  plaindre  de  ce  que  je  ne  la  lui 
ai  pas  pu  procurer. 

Lorique  la  caution  ne  s'eft  rendue  cau- 
tion que  pour  l'un  des  débiteurs  folidaires, 
&:  non  pas  pour  les  autres  ;  elle  n'a ,  après 
qu'elle  a  acquitté  la  dette,  d'a&ion directe 
que  contre  celui  qu'elle  a  cautionné  ;  elle 
peutfeulement ,  commeexerçant  lesdroits 
&  actions  de  fon  débiteur ,  exercer  celles 
que  ce  débiteur  ,  en  acquittant  la  dette  , 
auroit  pu  exercer  contr'eux ,  &  de  la  mê- 
me manière  qu'il  les  auroit  exercées.  Sur 
quoi  voy^fuprà  n.  28 1 . 

Article    II. 

Des  cas  auxquels  la  caution  a  aclion  contre, 
le  débiteur  principal ,  même  avant  quelU 
ait  payé, 

441,  La  loi  iQtCod^and,  ne  reconnaît 


574  •  T r.  des  Oblig.' 
que  trois  cas  dans  lefquels  une  caution  puif- 
fe  avant  qu'elle  ait  acquitté  la  dette ,  agir 
contre  le  débiteur  qu'elle  acautionné ,  pour 
en  être  par  lui  indemnifée.  Sipro  eâ  contra 
quamfiipplicasfidtjufflorfe.il  mandator  inter- 
cefjlfii^  &  neque  condcmnatus  es  ;  neque  bona 
fua  eam  dilapidarc  pojleà  cœpîjje  comprobare 
pofjis  9  ut  tibi  jufiam  metuendi  caufamprœ- 
beat  ;  neque  ab  înitio  ita  te  obligationem 
fufcepiffe^  ut  eam  pojjis  &  antè  folutionem 
convenire  ;  nullâ  ratione ,  antequam  fatis 
creditori  pro  eâfeceris  ?  eam  ad  folutionem 
urgeri  certum  ejl ,  d.  1.   10. 

Le  premier  cas  rapporté  dans  cette  loi 
eft  lorfque  la  caution  a  été  condamnée  à 
payer  9  fi  neque  condemnatus  es. 

Selon  notre  pratique  Françoife ,  la  cau- 
tion n'eft  pas  obligée  d'attendre  qu'elle 
ait  été  condamnée  ;  aufîi-tôt  qu'elle  eft 
pourfuivie  par  le  créancier  ,  elle  peut 
afîigner  le  débiteur  principal ,  comme  fon 
garant,  pour  qu'il  foit  tenu  de  l'acquitter  ; 
elle  doit  même  le  faire ,  faute  dequoi  le 
débiteur  n'eit  point  tenu  d'acquitter  la  cau- 
tion ,  des  frais  faits  avant  qu'il  ait  été  ap- 
pelle en  caufe ,  mais  feulement  de  l'exploit 
de  la  demande  originaire ,  &  des  frais  faits 
depuis  qu'il  a  été  mis  en  caufe. 

Le  débiteur  que  la  caution  n'a  pas  ap- 
pelle ,  peut  même  quelquefois  fe  défendre 
de  l'acquitter  du  principal ,  au  payement 


Part.  II.  Chap.  VI.  575 
duquel  la  caution  a  été  condamnée,  lors- 
qu'il avoit  de  bons  moyens  de  défenfe 
contre  la  demande  du  créancier  qu'il  eut 
pu  oppoler ,  s'il  eût  été  appelle  en  caufe  , 
fuprà,n.  432. 

Le  fécond  cas  eft ,  lorfque  le  débiteur 
principal  eft  en  déroute ,  neque pojîeà  bona 
fua  dilapidarc  comprobarc  pojjis  '9  en  ce  cas 
la  caution ,  quoiqu'elle  n'ait  pas  encore 
payé ,  peut  faire  arrêt  fur  les  biens  du  dé- 
biteur principal ,  pour  répondre  du  cau- 
tionnement qu'elle  a  fubi  pour  lui. 

Le  troifiéme  cas  exprimé  par  cette  loi ,' 
eft  lorfque  le  débiteur  s'eft  obligé  à  rap- 
porter à  la  caution  ,  la  décharge  de  fon 
cautionnement  dans  un  certain  temps  ; 
en  ce  cas ,  après  le  temps  expiré  ,  la  cau- 
tion peut  agir  contre  le  débiteur  principal, 
pour  qu'il  lui  rapporte  cette  décharge  , 
ou  deniers  à  fuffire  pour  payer  lç  créan- 
cier. 

La  loi  dit ,  neque  ab  mitio  ,  parce  que 
fuivant  les  principes  du  Droit  Romain  , 
cette  convention  devoit  intervenir  dès 
le  temps  du  mandat  ;  les  conventions  qui 
n'interviennent  que  depuis  le  contrat  , 
n'étant  que  de  (impies  pa&s  qui  félon  la 
fubtilité  du  Droit  Romain  ne  pouvoient 
pas  produire  d'action.  Voye^  in  Pand. 
Jujlin.  ta.  de pacîis  ,  n.  34.  Ces  fubtilités 
p'ayant  point  été  reçues  dans  notre  Droit, 


576        Tr.    des    Oblig.' 

il  n'importe  que  la  convention  foit  inter- 
venue dès  le  temps  du  contrat  ou  depuis.' 

La  loi  3  8.  §.  1 .  mand,  rapporte  un  qua- 
trième cas ,  ji  dià  rcus  infolutinnz  ceffavit  : 
fuivant  cette  loi ,  quoiqu'il  n'y  ait  aucune 
claufe  ,  par  laquelle  le  débiteur  principal 
feroit  obligé  à  faire  décharger  la  caution 
de  ion  cautionnement  ,  dans  un  certain 
temps  ;  néanmoins  la  caution  dont  l'obli- 
gation dure  depuis  un  temps  confidéra- 
ble  ,  peut  afïigner  le  débiteur  principal 
à  lui  en  procurer  la  décharge.  La  loi  par 
ce  terme  dià  défigne  un  temps  confidé- 
rable  ;  mais  elle  ne  le  détermine  pas  pré- 
cifément  :  Barthole  l'arbitre  à  deux  ou 
trois  ans  ;  plufieurs  l'arbitrent  au  temps 
de  dix  ans  depuis  la  datte  du  cautionne- 
ment ;  on  ne  peut  rien  définir  à  cet  égard , 
cela  doit  dépendre  des  circonstances  ,  & 
être  laifTé  à  l'arbitrage  du  juge ,  gl.  ad 
d.  L  38. 

442.  Lorfque  l'obligation  à  laquelle  une 
caution  a  accédé ,  doit  par  fa  nature  durer 
un  certain  temps;  quelque  long  qu'il  foit , 
la  caution  ne  peut  demander  pendant  tout 
ce  temps ,  que  le  débiteur  principal  l'en 
fafTe  décharger  ;  car  ayant  connu ,  ou  du 
connoître  la  nature  de  l'obligation  à  la- 
quelle elle  accédoit  ,  elle  a  dû  compter 
qu'elle  demeureroit  obligée  pendant  tout 
ce  temps;  c'eft  pourquoi  celui  qui  s'efl: 

rendu 


Part.  IL  Chap.  VI.        577 

rendu  caution  d'un  tuteur  pour  la  geftion 
de  la  tutelle ,  ne  peut  demander  au  tuteur, 
tant  que  fa  tutelle  durera ,  qu'il  le  falTe 
décharger  de  fon  cautionnement;  parce 
que  l'obligation  qui  réfulte  de  l'admininra- 
tion  de  fa  tutelle ,  ne  peut  finir  avant  la  fin 
de  la  tutelle  ;  par  la  même  raifon  celui  qui 
s'eft  rendu  caution  pour  un  mari  envers 
fa  femme ,  de  la  reftitution  de  fa  dot ,  ne 
peut  demander  à  ce  mari ,  tant  que  le  ma- 
riage dure ,  à  être  déchargé  de  fon  cau- 
tionnement ;  parce  que  l'obligation  de  la 
reftitution  de  la  dot ,  eft  de  nature  à  ne 
pouvoir  s'acquitter ,  qu'après  la  diflblution 
du  mariage. 

Article    II  L 

Si  la  caution  d'une  rente  peut  obliger  le 
débiteur  au  rachat, 

443 .  Ou  il  y  a  eu  une  convention  entre 
la  caution  &  le  débiteur  principal ,  que  le 
débiteur  feroit  obligé  de  la  décharger  de 
fon  cautionnement ,  au  bout  d'un  certain 
temps  convenu  entre  les  parties  ;  ou  il  n'y 
a  eu  à  cet  égard  aucune  convention  :  Le 
premier  cas  fait  moins  de  difficulté  ,  il  ne 
laifTe  pas  néanmoins  d'avoir  quelque  diffi- 
culté apparente  ;  on  peut  dire  qu'une  telle 
convention  ,  n'eftpas  valable  comme  con* 

Tome  I%  B  b 


578  Tr.  des  Oblig. 

traire  à  la  nature  des  rentes  conflituées ,' 
de  Pefience  deiquelles  il  efl  que  le  débi- 
teur ne  piiifTe  jamais  être  forcé  de  les  ra- 
cheter ;  on  ajoute  que  de  telles  conven- 
tions ,  il  elles  étoient  perrnifes ,  ouvri- 
roient  la  voie  aux  fraudes  des  créanciers , 
qui  pour  ie  ménager  le  pouvoir  de  forcer 
au  rachat  les  débiteurs  des  rentes  qu'on 
leur  conflitueroit ,  n'acquéreroientla  ren- 
te que  fous  la  condition  fecrette  qu'on 
feroit  intervenir  une  caution  à  eux  affidée , 
avec  qui   le  débiteur  auroit  convention 
de  racheter  la  rente  au  bout  d'un  certain 
temps;  &  par  ce  moyen  ces  créanciers 
fe  feroientindiflin&ement  des  rentes  ufu- 
raires  ,  fans  aliéner  leur  fond  &  leur  prin- 
cipal :  nonobstant  ces  raifons  ,  Dumoulin 
tr.  de  ufur.  Q.  30.  décide  que  cette  con- 
vention eft  valable  ,  que  la  caution  peut 
au  bout  du  temps  convenu ,  exiger  du 
débiteur  principal  qu'il  la  falTe  décharger 
de  fon  cautionnement ,  &  que  pour  cet 
effet  il  foit  tenu  de  rembourfer  la  rente  : 
û  on  oppofe  contre  cette  convention  ,. 
qu'il  efr  de  l'effence  des  rentes  conflituées. 
que  le  débiteur  ne  puiffe  être  forcé  à  les 
racheter  :  la  réponfe  efl  qu'il  efl  vrai ,  qu'il 
efl  de  IV  encè  de  ces  rentes ,  que  le  débi- 
teur ne  puifle  être  forcé  par  le  créancier  à 
les  rembourfer;  mais  rien  n'empêche  qu'il 
puifle  y  être  forcé  par  un  tiers  :  c'eflla  par- 


Part.  II.  C  h  a  p.  VI.       579 

faite  aliénation  du  (brt  principal  que  le 
créancier  a  payé  pour  l'acquifition  de  la 
rente  ,  qui  fa  t  Peffence  de  la  rente  confti- 
tuée  ;  mais  il  iuffit  pour  cette  aliénation  , 
que  le  créancier  de  la  rente  ne  fe  foit  pas 
retenu  le  droit  de  pou  voir  l'exiger,  &  qu'il 
n'y  puiffe  jamais  obliger  le  débiteur  ;  il  eft: 
indifférent ,  que  le  débiteur  puifTe  y  être 
obligé  par  un  tiers.  Quant  à  la  féconde 
objeclion  tirée  de  la  fraude ,  la  réponfe 
eft  ,  qu'elle  ne  fe  préfume  pas  ;  il  efl  vrai 
que  la  permifîion  de  cette  convention , 
peut  donner  quelquefois  occafion  à  l'ef- 
pece  de  fraude  ci  deflus  mentionnée  ,  &c 
c'eftun  inconvénient  ;  mais  fi  fous  le  pré- 
texte de  cet  inconvénient ,  cette  conven- 
tion qui  en  elle  -  même  n'a  rien  que  de 
très-licite  ,  étoit  défendue  ,  il  en  réfulte- 
roit  un  plus  grand  ,  qui  eft  que  fouvent 
des  perfonnes  ne  trouverolent  pas  l'ar- 
gent dont  elles  ont  befoin  pour  leurs 
affaires  ,  faute  de  trouver  des  cautions 
qui  vouluflent  contracter  une  obligation , 
dont  la  durée  ne  feroit  pas  limitée. 

Le  fécond  cas  qui  eft  celui  auquel  il  n'y 
a  eu  aucune  convention  entre  le  débiteur 
principal  &  la  caution  ,  fouffre  plus  de 
difficulté  ;  Dumoulin  ibid,  décide  qu'en 
ce  cas ,  la  caution  ne  peut  au  bout  de  quel- 
que long  temps  que  ce  foit ,  obliger  le 
débiteur  principal  à  rembourfer  la  rsnte  f 

Bbij 


5S0  Tr.  des  Oblig. 
pour  la  décharger  de  fon  cautionnement  ; 
parce  que  la  nature  de  la  rente  étant  de 
durer  perpétuellement ,  jufqu'à  ce  qu'il 
plaife  au  débiteur  de  la  racheter  >  la  caution 
qui  en  a  connu  la  nature,  &  qui  a  bien 
voulu  la  cautionner ,  s'eft  foumife  à  con- 
tracter une  obligation  perpétuelle  ,  ainfi 
que  l'eft  la  rente.  Non  obflat^âït  -  il,  quod 
dm  vel  perpétua  remanebit  in  obligatione  , 
quia  hoc  ejl  de  naturâ  obligationis  9  &  Jîc 
prœvifumfuit ,  &  tamen  fidejujjît ,  &  fe per- 
pétua obligavit  ;  Jimplex  autem  promiffio 
indemnitatis  ,  intelligitur  Jecundùm  natu- 
ram  obligationis  principales .  Ainfî ,  ajoute^- 
t-il ,  celui  qui  le  rend  caution  pour  celui 
qui  a  pris  à  bail  un  héritage  pour  le  temps 
de  quatre-vingt  ans ,  contracte  un  cau- 
tionnement de  pareille  durée  ;  ainfi  les 
cautions  d'une  tutelle ,  ainfi  les  cautions 
d'un  mari  pour  la  reftitution  de  la  dot , 
contractent  des  cautionnemens  qui  doi*- 
vent  durer  autant  que  la  tutelle  ou  le  ma- 
riage ,  &:  dont  ils  ne  peuvent  être  déchar- 
gés plutôt  :  c'eft  la  Jurifprudence  du  Par- 
lement de  Touloufe  atteftée  par  Catelan, 
t.  1. 1.  5.  ch.  ii.  Nonobftantcesraifbns, 
on  tient  au  Palais  que ,  même  dans  ce  cas 
auquel  il  n'y  a  eu  aucune  convention  en- 
tre le  principal  débiteur  &  la  caution  , 
lorfque  la  caution  s'eft  obligée  à  la  prière 
du  débiteur  ,  &  que  fon  cautionnement 


Part.  IL  Chap.  VI.        581 
Aire  depuis  un  temps  très-confidérabîe 
comme  de  dix  ans  au  moins ,  la  caution 
eft  bien  fondée  à  demander  au  débiteur 
principal  qu'il  l'en  décharge  en  rembour- 
fant la  rente  dans  un  certain  temps  qui 
lui  fera   limité  par  le  Juge;  la  raifon  eft 
que  fi  une  rente  eft  de  nature  à  toujours 
durer ,  jufqu'à  ce  qu'elle  foit  remboursée , 
elle  eft  aufîi  de  nature  à  pouvoir  toujours 
être  rembourfée  ;  û  la  caution  d'un  pre- 
neur par  bail   à   longues  années  ,  d'un 
tuteur,  ou  d'un  mari ,  pour  la  reftitution 
de  la  dot,  ne  peut  être  déchargée  qu'après 
l'expiration  du  bail ,  ou  après  l'expiration 
du  temps  de  la  tutelle  ou  du  mariage  , 
c'eft  qu'il  eft  de  la  nature  de  ces  obliga- 
tions de  ne  pouvoir  finir  plutôt  ;  c'eft 
pourquoi  celui  qui  s'eft  rendu  caution  par 
ces  efpeces  d'obligations  ,  a  dû  compter 
aue  l'obligation  de  fon  cautionnement 
ne  nniroit  pas  plutôt  ;  mais  les  rentes 
conftituées  pouvant  être  rembourfées  , 
&  fe  rembourfant   très  -  fréquemment , 
celui  qui  s'eft  rendu  caution  pour  le  dé- 
biteur a  compté  que  le  débiteur  la  rem- 
bourferoit  ,  &C  que  fon  cautionnement 
ne  feroit  pas  éternel  ;  c'eft  pourquoi , 
lorfqu'il  dure  trop  long -temps,  il  doit 
être  reçu  à  demander  que  le  débiteur  le 
décharge  en  rembourfant  la  rente  :  c'eft 

B  b  iij 


5?i  Tr.  des  Oblig; 

l'avis  de  Bafnage,  /?.  2.  ch.  5.  Lacombe 

cite  un  Arrêt  qui  l'a  jugé. 

Le  droit  qui  réfulte  de  la  convention , 
que  le  débiteur  fera  tenu  de  rembourfer 
la  rente  dans  un  certain  temps  convenu , 
pour  décharger  la  caution  ?  ne  s'exerce 
pas  à  la  rigueur  ;  c\ft  pourquoi  fi  la  eau* 
tion  après  l'expiration  du  temps  conve- 
nu ,  pourfuit  le  débiteur  pour  faire  ce 
remboursement  ,  le  Juge  doit  être  facile 
à  accorder  au  débiteur  une  prorogation 
de  temps  pour  fatisfaire  à  cette  obliga- 
tion ,  lorfç£L£~le  débiteur  n'a  pas  la  com- 
modité de  le  faire  incontinent.  Mo/in.  ibid. 

444.  Lorfque  le  fidéjuffeur  qui  eit  con- 
venu avec  le  débiteur  principal,  qu'il  rem- 
bourferoit  la  rente  dans  un  certain  temps  , 
elî  devenu  l'unique  héritier  du  créancier 
de  la  rente  ,  ou  lorfqu'en  étant  devenu 
héritier  pour  partie  ,  la  rente  eft  tombée 
par  le  partage  en  fon  lot  ;  il  eft  év'dent 
qu'il  ne  peut  plus  exiger  du  débiteur 
principal ,  le  rembourfement  de  la  rente; 
car  fon  cautionnement  fe  trouve  en  ce 
cas  éteint ,  ne  pouvant  pas  être  caution 
envers  lui-même  ;  il  ne  peut  donc  plus 
être  recevable ,  à  demander  que  le  débi- 
teur le  décharge  d'un  cautionnement  qui 
ne  fubfifte  plus ,  &:  dont  il  fe  trouve  libéré. 

Quid ,  Si  la  rente  pour  laquelle  il  s'eft 
rendu  caution  envers  le  défunt,  efttom- 


Part.  IL  Chap.  VI.        583 

bée  an  lot  de  Ion  cohéritier ,  ou  que  le 
partage  ne  foit  pas  encore  fait  ?  Dumou- 
lin ,  ibid.  décide  que  fi  la  caution  n'efl 
devenue  héritière  du  créancier ,  que  pour 
une  petite  portion ,  elle  peut  en  l'un  & 
l'autre  cas  exercer  le  droit ,  qu'elle  a  de 
l'on  chef,  d'obliger  le  débiteur  à  lui  pro- 
curer la  décharge  de  fon  cautionnement 
en  rembourfant  la  rente  ;  mais  que  fi  elle 
eft.  devenue  héritière  du  créancier ,  pour 
une  portion  confidérable  ,  comme  pour 
une  moitié  ,  ou  pour  un  tiers  ,  elle  ne 
peut  ni  dans  l'un  ni  dans  l'autre  cas ,  exi- 
ger du  débiteur  cette  décharge  ;  la  raifon 
qu'il  en  apporte  eft ,  que  la  caution  ,  en 
devenant  héritière  pour  une  portion  con- 
fidérable de  la  rente  ,  eft  devenue  créaia- 
ciere  de  cette  rente  pour  une  portion  con- 
fidérable ,  &C  que  cette  qualité  de  créan* 
cier  pour  une  portion  confidérable  de  la 
rente  qu'elle  a ,  ou  qu'elle  a  eu  avant  le 
partage ,  réfifte  au  droit  d'en  exiger  du  dé- 
biteur le  rembourfement ,  pour  fe  procurer 
la  décharge  de  fon  cautionnement  ;  d'au- 
tant plus  qu'il  lui  eft,  ou  qu'il  lui  a  été  fa- 
cile ,  de  fe  procurer  d'un  autre  manière 
cette  décharge ,  en  faifant  tomber  par  le 
partage  cette  rente  dans  fon  lot. 

J'aurois  de  la  peine  à  me  rendre  à  cette 
déciiion  de  Dumoulin  ,  furtout  dans  le 
cas  auquel  la  rente  eft  échue  en  entier  en 

Bb  iv 


584        Tr.  des  Gblig. 

partage  au  cohéritier  de  la  caution  "9  car 
îuivant  les  principes  de  notre  Jurifpru- 
dence  fur  l'effet  déclaratif  &  rétroactif 
des  partages  ,  qui  n'étoient  pas  fi  bien 
établis  au  temps  de  Dumoulin  qu'ils  le 
font  aujourd'hui ,  un  héritier  n'eft.  cenfé 
avoir  fuccedé  au  défunt ,  qu'aux  effets 
qui  lui  font  échus  dans  fon  lot  par  le  par- 
tage ;  la  caution  efl  donc  cenfée  n'avoir 
jamais  fuccedé  à  la  rente  pour  laquelle 
elle  s'eft  rendue  caution  envers  le  défunt, 
cette  rente  étant  tombée  en  entier  dans 
le  lot  de  fon  cohéritier  ;  elle  n'a  donc  ,  & 
eit  cenfée  n'avoir  jamais  eu ,  pour  aucune 
portion,  la  qualité  de  créancier  de  cette 
rente  ;   rien   ne  peut  donc  l'empêcher 
d'exercer  le  droit  oifelle  a  de  fon  chef, 
d'exiger  du  débiteur ,  qu'il  la  rembourfe , 
pour  lui  procurer  la  décharge  de  fon  cau- 
tionnement ;  quant  à  ce  qu'ajoute  Du- 
moulin ,  qu'il  a  été  facile  à  la  caution  de 
fe  procurer  d'une  autre   manière  la  dé- 
charge de  fon  cautionnement,  en  faifant 
tomber  la  rente  dans  fon  lot  ;  je  réponds 
i°.  que  cela  ne  dépendoit  pas  entière- 
ment de  la  caution  ;  fon  cohéritier  à  qui 
cette  rente  pouvoit  faire  plus  de  plaifir  , 
que  des  fonds  d'héritages,  ayant  pu  exiger 
que  le  fort  en  décidât  ;  ±°.  quand  cela 
auroit  dépendu  de  la  caution  ,  je  ne  vois 
pas  qu'elle  fût  obligée,  pour  faire  plaifir 
au  débiteur,  de  prendre  cette  rente,  plu- 


Part.  II.  Chap.  VI.       585 

tôt  que  d'autres  effets  de  la  fucceffion  qui 
pourvoient  lui  faire  plus  de  plaiiir ,  &  lui 
être  plus  avantageux. 

Le  cas  auquel  le  partage  n'eft  pas  fait, 
a  plus  de  difficulté  ;  je  penferois  qu'en  ce 
cas ,  fur  la  demande  que  donneroit  la  cau- 
tion contre  le  débiteur,  pour  le  rembour- 
fement de  la  rente ,  on  devroit  furfeoir 
jusqu'après  le  partage  ;  car  il  n'eft  pas 
équitable  que  la  caution  pourfuive  le  dé- 
biteur pour  le  rembourfement ,  lorfqu'elle 
a  efpérance  d'acquérir  la  décharge  de  fou 
cautionnement  par  le  partage  par  lequel 
il  peut  arriver  que  cette  rente  tombe 
dans  ion  lot. 

Qjàd ,  Si  le  partage  étoit  fait,  Se  que 
la  rente  fut  demeurée  en  commun  entre 
la  caution  &  fon  cohéritier  ?  Je  conviens 
qu'en  ce  cas  ,•  la  qualité  qu'a  la  caution 
de  créancier  pour  une  portion  de  cette 
rente ,  l'empêche  de  pouvoir  exiger  du 
débiteur  qu'il  faffe  le  rembourfement  du 
total  de  cette  rente;  mais  pourquoi  ne 
pourroit-elle  pas,  en  lui  déclarant  qu'elle 
confent  qu'il  la  lui  continue  pour  la  por-^ 
tionquilui  efl  tombée  en  partage,  exiger 
qu'il  la  lui  rembourfe  pour  la  portion  qui 
appartient  à  fon  cohéritier ,  pour  la  dé- 
charger envers  lui  de  fon  cautionnement } 
Je  ne  vois  rien  qui  l'en  doive  empêcher. 

La  caution  cefTe  d'avoir  le  droit  d'exi- 

Bbv 


586         Tr.  ©e  s  Oblïg. 

ger  que  le  débiteur  principal  fafTe  le  ra- 
chat de  la  rente ,  non-feulement  lorfque 
c'eft  à  titre  d'héritier  ,  qu'elle  devient 
propriétaire  &  créancière  de  la  rente  , 
mais  aufli  lorfqu'elle  le  devient  à  quel- 
que titre  que  ce  foit ,  foit  univeriel,  foit 
particulier  ,  put  à  fi  elle  devient  donata're 
ou  légataire  univerfelle  du  créancier  de 
la  rente  ,  ou  donataire  ou  légataire  par- 
ticulière de  la  rente  ;  car  elle  n'a  droit 
d'e.i  demander  le  rachat  que  pour  être 
déchargée  de  fon  cautionnement ,  -&  elle 
n'a  plus  befoin  d'en  être  déchargée  ,  lorf- 
qu'elle eft  devenue  propriétaire  de  la 
rente ,  à  quelque  titre  que  ce  foit  ;  puif- 
que  dès  lors  fon  cautionnement  eft  éteint, 
perfonne  ne  pouvant  être  caution  envers 
foi- même. 

Si  le  droit  de  propriété  de  la  rente ,  que 
la  caution  a  acquis ,  n'étoit  qu'un  droit  re* 
foluble  ,  puta  fi  elle  étoit  donataire  ou  lé- 
gataire de  cette  rente  ,  à  la  charge  de 
fubftitution ,  l'obligation  de  fon  caution- 
nement feroit  en  ce  cas  plutôt  fufpendue  r 
qu'éteinte  :  elle  revivroit  lorfque  fon  droit 
de  propriété  viendroit  à  fe  réfoudre ,  putk 
par  l'ouverture  de  la  fubftitution;  -c'efl 
pourquoi  la  caution  ne  pourroit  pas  à  la 
vérité  exiger  le  rachat  de  la  rente ,  pen- 
dant le  temps  qu'elle  en  feroit  proprié- 
taire ;  ïnais  fon  droit  de  propriété  venant 


Part.  II.  Chap.  VI.  587 
à  fe  refoudre  ,  &  en  conséquence  l'obli- 
ion  de  Ion  cautionnement  venant  à  re- 
vivre envers  celui  à  qui  la  propriété  de  la 
rente  a  pafîe  ,  le  droit  de  demander  au 
principal  débiteur,  qu'il  racheté  la  rente, 
pour  qu'elle  foit  déchargée  de  fon  caution- 
nement ,  doit  pareillement  revivre ,  & 
le  temps  dans  lequel  il  s'efr.  obligé  de 
faire  ce  rachat  qui  a  voit  cefle  de  courir 
pendant  que  la  caution  étoit  propriétaire 
de  la  rente  ,  recommencera  à  courir. 

Mais  fi  la  caution  qui  eft  devenue  pro- 
priétaire de  la  rente  ,  cefle  d'en  être  pro- 
priétaire ,  par  une  aliénation  volontaire 
qu'elle  en  a  fait ,  Si  non  par  la  réfolution 
de  fon  droit  ;  l'obligation  de  fon  caution- 
nement ne  revit  pas  ,  ni  par  conféquent 
le  droit  d'exiger  du  débiteur  le  rachat  de 
la  rente.  Molïn.  ibid.  Quœjl.  29.  n.  246. 

Si  la  caution  avoit  elle-même  fait  le 
rachat  de  la  rente  ,  quqjiju'elle  fe  fût  fait 
fubroger  aux  droits  du  cTOncier ,  &  qu'au 
moyen  de  cette  fubrogation,  elle  pût  îa 
faire  revivre  contre  le  débiteur,  néan- 
moins elle  pourra ,  en  ne  faifant  pas  nfage 
de  cette  fubrogation ,  répéter  du  débiteur 
jl'incipal ,  la  fomme  qu'elle  a  payée  pour 
ce  rachat;  la  raifon  eft  qu'un  mandataire 
peut  répéter  aciione  mandati  cont'ariâ  , 
tout  ^e  nue  l'affaire  dont  il  s'eft  change  Ya. 
obligé  de  débourfer  7  quidquid  $x  musa 

Bb  vj 


588       Tr.   des  Oblig; 

mandati  ipji  inculpabiliter  abeji  (  v.  Pand, 
Jujîin.  tit.  mand.  «.53.  &/^»)  or,  c'eft 
le  cautionnement  que  la  caution  a  fubi  à 
la  prière  du  débiteur  ,  qui  l'a  obligé  à 
faire  ce  rachat ,  pour  mettre  fin  à  fou 
obligation  ;  donc  cette  fomme  ipji  abejl 
ex  causa  mandati  ;  &  quidem  intulpahili- 
ter ,  car  le  débiteur  principal  ne  peut  dé- 
faprouver  cette  dépenfe ,  puifqu'il  s'éîoit 
obligé  lui-même  à  faire  le  rachat ,  pour 
mettre  fin  à  l'obligation  de  la  caution  fon 
mandataire,  fi  la  caution  ne  l'eût  fait  elle- 
même  ;  donc  ce  débiteur  principal  ne  peut 
fe  défendre  de  la  répétition  de  cette  fom- 
me. Molin.  ibid.  Quœjî.  30. 

Soit  que  la  caution  ait  donné  des  de- 
niers pour  le  rachat  de  la  rente ,  foit 
que  du  confentement  du  créancier  ,  elle 
lui  ait  donné  quelque  chofe  équivalente 
à  la  fomme  dont  elle  étoit  rachetable  9 
elle  a  la  répétitif  de  cette  fomme  contre 
le  débiteur  principal  ;  car  en  l'un  &c  l'autre 
cas  ,  ipji  ex  causa  mandati  abejl, 

Obfervez  que  fi  la  caution  avoit  fait  le 
rachat  de  la  rente  avant  l'expiration  du 
temps  dans  lequel  le  débiteur  s'étoit  obligé 
de  la  racheter,  elle  n'en  pourroit  avoir 
la  répétition  qu'après  l'expiration  de  ce 
temps  ;  même  après  ce  temps  ,  cette 
répétition  ne  doit  pas  s'exercer  avec  ri- 
gueur 9  &  lorfqu'elle  eft  demandée ,  le 


Part.  IL  Chap.  VI.  589' 
Juge  doit  être  facile  à  accorder  terme  au 
débiteur  pour  trouver  de  l'argent. 

Nous  avons  dit  que  la  caution  qui  a 
racheté  la  rente  ,  ne  pouvoit  avoir  la  ré- 
pétition des  deniers  du  rachat  contre  le 
débiteur  principal  qu'elle  a  cautionné  , 
qu'autant  qu'elle  n'uferoit  pas  de  lafubro- 
gation  à  elle  accordée  pour  faire  revivre 
la  rente  :  Pourquoi  cela  ?  11  fembleroit  au 
contraire  que  la  caution  ayant  deux  qua- 
lités duarum  perfonarum  vices  fujlintns  9 
pourroit  exercer  tout  à  la  fois  les  droits 
différens  qui  réfultent  de  ces  deux  qua- 
lités ;  fça\oir ,  celui  d'exiger  la  continua- 
tion de  la  rente ,  comme  fubrogée  aux 
droits  du  créancier ,  &  celui  qu'elle  a  de 
fon  chef ,  d'exiger  que  le  débiteur  princi- 
pal racheté  la  rente  ;  il  femble  qu'elle 
le  peut  d'autant  plus ,  que  le  débiteur 
principal  paroît  ne  fourTrir  en  cela  aucun 
préjudice  ;  puifque  fi  la  caution  n'avoît 
pas  fait  le  rachat ,  la  caution  pourroit  exi- 
ger de  lui ,  qu'il  le  fît ,  &t  nonobstant  cette 
demande  de  la  caution,  il  ne  lairTeroit  pas 
d'être  tenu  de  payer  les  arrérages  au  créan- 
cier ,  jufqu'à  ce  qu'il  l'eût  fait  ;  or ,  il  lui 
efl  indifférent  de  les  payer  à  la  caution 
fubrogée  aux  droits  du  créancier ,  ou  au 
créancier  :  nonobiaint  ces  raifons  ,  Du- 
moulin quœft.  29.  d/cide  q  ie  la  caution 
qui  veut  uiér  du  droit  de  Subrogation  , 


590         Tr.  des  Oblig. 

&  fe  faire  fervir  de  la  rente  ,  ne  peut 
plus  dès- lors  ufer  du  droit  qu'elle  avoit 
d'en  exiger  le  rachat ,  parce  que  ce  font 
deux  droits  abfolument  incompatibles  ;  le 
créancier  d'une  rente  conflituée,  &  celui 
qui  en  veut  exercer  les  droits ,  eft  par  cette 
qualité  obligé  de  procurer  au  débiteur  la 
libre  jouiffance  du  fort  principal  de  la 
rente  ,  aufîi  long  temps  qu'il  lui  plaira  , 
ce  qui  efl  contradictoire  avec  le  droit 
d'exiger  le  fort  principal. 

Dumoulin  ,  qur.fl.  30.  n.  2.49.  appor- 
te ce  tempéramment  à  fa  décifîon  ,  que 
fi  la  caution  dans  l'ignorance  de  droit  011 
elle  étoit ,  qu'elle  ne  pouvoit  pas  cumu- 
ler le  droit  de  faire  revivre  à  fon  profit 
la  rente ,  &  celui  d'en  exiger  le  rachat  ,- 
en  avoit  reçu  une  année  ou  deux  d'arré- 
rages, elle  ne  îaifleroit  pas  de  pouvoir 
être  reçue  à  en  exiger  le  rachat ,  en  offrant 
de  renoncer  à  la  fubrogation  aux  droits 
du  créancier,  &  d'imputer  en  conféquen- 
ce  furie  principal ,  les  arrérages  qu'elle  a 
reçus. 

Article    IV. 

Des  actions  de   la  caution  contre  fes 
cojidéjujjeurs, 

445.  Une  caution  peut  bien  exercer 
contre  fes  cofidéjuiTeurs  ?  les  i.Ûions  du 


Part.  II.  Chap.  VL  591 
créancicrjorf qu'elle  a  eu  la  précaution  de 
s'y  faire  lubroger  ;  mais  lui  vaut  les  loix 
Romaines  ,  elle  n'a  de  Ion  chef  aucune 
action  contr'eux  ,  même  dans  le  cas  au- 
quel elle  auroit  payé  la  dette  :  c'eft  la 
déciiion  de  la  loi  39.  ff.  de  Jid.  L.  11. 
cod.  d.  tit. 

Le  principe  fur  lequel  les  Jurifconfuîtes 
Romains  fe  font  fondés  eft ,  que  lorfque 
plufieurs  perfonnes  fe  rendent  cautions 
pour  un  même  débiteur  ,  elles  ne  con- 
tractent entr'elles  aucune  obligation  ;  cha- 
cune d'elle  n'a  d'autre  intention  ,  que 
d'obliger  le  débiteur  principal  ;  chacune 
d'elles  ne  fe  propofe  de  faire  l'affaire  que 
du  débiteur  principal ,  &  non  celle  de 
fes  cofidéjufïeurs  ,  folius  Rei  principalis 
mgotium  gerit  9  non  alur  altcrius  mgotium 
gerit. 

Ce  principe  eft  vrai ,  Se  on  peut  mê- 
me dire  évident  ;  mais  la  conféquence  que 
les  Jurifconfuîtes  Romains  en  ont  tirée  , 
qu'un  fïdéju fleur  ne  peut  jamais  fans  fu- 
brogation  d'aclions ,  avoir  aucune  aclion 
de  recours  contre  fes  cofidéjufleurs,même 
lorfqu'il  a  payé  la  dette  entière  ,  dont  ils 
étoient  tous  tenus  ,  efl  une  conféquence 
trop  dure,  &  que  nous  n'avons  pas  ad- 
mife  dans  notre  Jurifprudence  ;  au  con- 
traire nos  Jurifconfuîtes  François  ont  pen- 
fé  que  la  caution  qui  a  payé  toute  îa  det- 


59*  Tr.-  des  Ob  lig. 

te ,  peut  fans  fubrogation  d*aclions  ,  en 
répéter  une  part  de  chacun  de  fes  cofldé- 
jufieurs  ;  c'étoit  l'avis  de  Dargentré  fur 
l'art.  2i3.de  l'ancienne  Coutume  de  Bre- 
tagne &  on  en  a  fait  une  difpofition  lors 
de  la  reformation,  art,  194. 

Cette  aclion  ne  naît  pas  du  cautionne- 
ment que  ce  fidéjufleur  a  fubi  avec  (es 
cofîdéjuffeurs ,  puifquepar  ce  cautionne* 
ment  ils  n'ont  contracté  aucune  obligation 
entr'eux,  fuivantîe  principe  ci-deffus  éta- 
bli :  elle  ne  naît  que  du  payement  que 
ce  fidéjuffeur  a  fait  de  toute  la  dette ,  &C 
de  l'équité  qui  ne  permet  pas,  que  fes 
cofîdéjuffeurs ,  qui  étoient  tenus  comme 
lui  de  la  dette  ,  profitent  à  fes  dépens  du 
payement  qu'il  en  a  fait  ;  cette  aclion 
n'eft  pas  la  vraie  aclion  negotiorum  gejlo~ 
rum  ;  ce  fidéjufleur  qui  a  payé  la  dette  en- 
tière ,.  ayant  payé  ce  qu'il  devoit  effecti- 
vement ,  s'étant  acquitté  de  fa  propre 
obligation  ^  proprium  mgotium  gejjit , . ma*- 
gis  quàm  confidejujjbrum  ;  mais  cette  ac- 
tion efl  une  aclion  ut'dis  negotiorum geflo* 
rum  y.quce  non  ex  fubtili  juris  ratio  ne ,  fed 
ex  fold  utUitads  &  œquitatis  rat  10 ne  pro~ 
ficijçitur;  parce  que,  quoique  ce  fîdéjuf- 
feur ipjîus  infpecîo  propojïto  ,  en  payant  la 
dette  entière  ,  fît  plutôt  fa  propre  affaire  , 
que  ele  de  fes  cofîdéjuffeurs;  néanmoins 
tfficlu  infpecïo ,  ayant ,  quant  à  l'effet ,  fait 


Part.  IL  Chap.  VI.       pi 

l'affaire  de  fes  cofidéjufleurs ,  en  même 
temps  qu'il  faifoit  la  fienne ,  les  ayant, 
par  le  payement  qu'il  a  fait ,  libéré  d'une 
dette  qui  leur  étoit  commune  avec  lui; 
l'équité  exige  qu'ils  portent  leur  part  de 
ce  payement ,  dont  ils  ont  profité  autant 
que  lui. 

Il  y  a  quelques  Auteurs  qui  ont  été  bien 
plus  loin ,  &  qui  ont  foutenu  que  dans  le 
cas  de  l'infolvabilité  du  débiteur  princi- 
pal ,  un  fidéjufleur  avoit  a&ion  de  fon 
chef,  contre  fes  cofidéiiiffeurs ,  non-feu- 
lement après  qu'il  avoit  payé  le  créancier , 
pour  répeter  d'eux  leurs  parts  de  ce  qu'ils 
auroient  été  tenus  comme  lui  de  payer  au 
créancier,mais  que  même  avant  que  d'avoir 
payé  ,  chacun  des  nVléjiuTeurs  avoit  aftion 
contre  fes  cofîdéjufTeurSjpour  qu'ils  contri- 
buent avec  lui  au  payement  de  la  fomme 
qu'ils  doivent  tous  au  créancier  ;  ils  ont 
été  mêmejufqu'à  dire,  que  dans  le  cas 
de  rinfolvabilité  d'un  débiteur  de  rente 
conftituée,  un  fidéjiifTeur  qui  fe  trouvoit 
depuis  un  temps  confidérable  caution  de 
cette  rente ,  avoit  action  contre  (os  co- 
fîdé  uffeurs  ,  pour  qu'ils  fuffent  tenus  de 
contribuer  avec  lui  au  rachat  de  cette 
rente  :  V.  Bafnage  ,  Tr,  des  hypoteq.  p.  2. 
ck.6.  qui  cite  quelques  Arrêts  du  Par- 
lement de  Normandie  ,  qui  l'ont  jugé 
ninfi ,  &  Brodeau  fur  Louct ,.  lettre  F*  qK 


594  T R«  DES  Oblig, 
27.  qui  cite  aufli  un  Arrêt  du  Parlement 
de  Paris  ;  mais  je  penfe  que  ces  Auteurs 
ont  été  trop  loin.  J'accorde  que  lorfque 
l'un  des  fidéjufleurs  eft  pourfuivi  par  le 
créancier ,  ce  fidéjiuTeur  pourfuivi  a  ac- 
tion contre  fes  cofidéju fleurs  ,  pour  qu'ils 
ayent  à  fournir  chacun  leur  part  de  la 
fomme  demandée ,  dont  le  payement  doit 
faire  cefltr  les  pourfuîtes  ,  &  qu'à  faute 
de  ce  faire  ,  ils  feront  tenus  chacun  pour 
leur  part  d^s  frais  faits  depuis  que  les 
pourfuîtes  leur  auroient  été  dénoncées  ; 
cette  action  naît  des  pourfuîtes  faites  con- 
tre ce  fidéjufleur ,  &  de  l'équité  qui  ne 
permet  pas  qu'entre  plufieurs  qui  font  te- 
nus également  d'une  même  dette,  l'un  en 
foit  plus  pourfuivi  que  les  autres  ;  c'eft  fur* 
cette  raifon  d'équité  ,  qu'a  été  établi  le 
bénéfice  de  divifion  entre  les  cofidéjuf- 
feurs  :  cette  même  raifon  d'équité  ,  qui 
fait  admettre  un  fïdéjufleur  pourfuivi  pour 
le  payement ,  à  demander  au  créancier  , 
qu'il  partage  fon  action  &c  (es  pourfuîtes 
entre  tous  les  fidéjufleurs ,  le  doit  pareil- 
lement faire  admettre  à  demander  à  hs 
cofidéjuffeurs ,  qu'ils  contribuent ,  chacun 
pour  leur  part ,  au  payement  de  la  dette , 
6c  faute  de  ce  ,  au  payement  des  frais 
faits  depuis  que  les  pourfuîtes  leur  font 
dénoncées.  Il  -doit  être  admis  à  cette  de- 
mande ,  même  lorfqu  il  a  renoncé  au  bé~ 


Part.  II.  Chap.  VI.      59Ç 

néfice  de  divifion  ,  ou  qu'il  en  eft  exclus 
par  la  nature  de  la  dette  cautionnée  ;  cette 
renonciation  6c  cette  exclufion  n'ayant 
lieu  qu'en  faveur  du  créancier. 

Mais  tant  que  le  fidéjufTeur  n'en1  pas 
pourfuivi  pour  le  payement ,  il  n'a  au- 
cune aclion  contre  fes  cofidéjurTeurs  pour 
les  obliger  à  contribuer  avec  lui  au  paye- 
ment de  la  dette  ;  car  les  cofidéjurTeurs  , 
fuivant  le  principe  établi  ci-defTus,  n'ayant 
pas  entendu  contracter  entr'eux  aucune 
obligation  ,  celle  d'où  naît  Ta£tion  que 
l'un  d'eux  a  contre  fes  cofidéjurTeurs, 
lorfqu'il  eu  pourfuivi ,  n'efr.  fondée  que 
fur  une  raifon  d'équité  ,  qui  naît  de  la 
pouriuite  même  qui  efr.  faite  contre  lui  ; 
d'où  il  fuit  qu'il  n'en  peut  avoir  aucune 
tant  qu'il  n'efr.  pas  pourfuivi  ;  à  plus  forte 
raifon  le  fidéjufTeur  d'une  rente  ne  peut 
pas,  en  cas  d'infolvabilité  du  débiteur  prin- 
cipal, avoir  aclion  contre  (es  cofidéjuf- 
feurs ,  pour  les  obliger  à  contribuer  avec 
lui  au  rachat  de  la  rente  ;  car  de  quelle 
obligation  oourroit  naître  cette  aciion  > 
Lorfque  le  fidéjufTeur  l'a  rachetée ,  il  ne 
peut  non  plus  demander  autre  chofe  à  (es 
cofidéjurTeurs  ,  que  la  continuation  de  la 
rente ,  chacun  pour*leur  part  ;  car  l'aclion 
qu'il  a  contr'eux  ne  pouva  ntnaître  que 
de  la  règle  d'équité ,  qui  ne  permet  pas 
que  (es  fîdéjufTeurs  profitent  de  ce  rachat 


yç6  Tr.  des  Oblig. 

à  fes  dépens  ,  cfes  cofidéjiuTeurs  ne  reti- 
rant de  ce  rachat  d'autre  profit  que  la  li- 
bération de  la  prestation  d'une  rente  ,  ils 
ne  peuvent  être  tenus  à  autre  chofe ,  qu'à 
lui  continuer  ,  chacun  pour  leur  part , 
une  rente  pareille  à  celle  dont  le  rachat 
les  a  libérés  envers  le  créancier. 

Une  caution  qui  a  payé  une  dette  exi- 
gible ,  ou  racheté  une  rente  ,  a  aQion 
contre  l^s  autres  cautions  principales ,  & 
en  cas  d'infolvabilité  de  quelques-unes 
d'entr'elles  ,  contre  les  certificateurs  de 
cette  caution  infolvable  ,  qui  à  cet  égard 
la  représentent  ;  mais  elle  n'a  aucune  ac- 
tion contre  fes  propres  certificateurs  qui 
l'ont  certifiée  elle-même  ;  car  le  certifi- 
cateur  eft  le  fidéjiiffeur  de  la  caution  qu'il 
certifie,  ejl  fidtjuQor  JidejuJJoris  ;  la  cau- 
tion vis-à-vis  de  fes  propres  certificateurs 
tient  lieu  d'un  débiteur  principal ,  ejl  inf- 
tar  Rel  principalis. 

Par  la  même  raifon ,  lorfque  le  certi- 
fie ateur  a  payé  ,  il  a  recours  pour  le 
total  contre  la  caution  qu'il  a  certifié. 


Part.  Iï.  Chap.  VI.      597 

Section     VIII. 

De  plufuurs  autres  efpcces  d'Obligations 
acccjjoircs. 

Article    Premier. 

De  F  Obligation  de  ceux  quon  appelle  en 
Droit  Mandatores. 

446.  Celui  par  l'ordre  duquel  j'ai  prêté 
de  l'argent  à  quelqu'un  eft,  ce  qu'on  ap- 
pelle en  Dr oit  Madator  pecuniœ  credendœ , 
toto  tit,  ff.  de  Fidej.  &  Mand. 

Lorfque  vous  me  donnez  l'ordre  de  prê- 
ter une  certaine  fomme  d'argent  à  Pierre , 
cet  ordre  que  je  me  charge  d'exécuter, 
renferme  un  contrat  de  mandat  qui  inter- 
vient entre  nous. 

Suivant  les  principes  du  contrat  <le 
mandat ,  le  mandataire  étant  obligé  envers 
le  mandant  àcllone  mandati  direeld  ,  à  lui 
tenir  compte  de  tout  ce  qu'il  a  ex  causa 
mandati ,  je  fuis  par  ce  contrat  en  ma 
qualité  de  mandataire ,  obligé  aclione  man- 
dati direeld  envers  vous  qui  êtes  le  man- 
dant ,  à  vous  céder  l'action  qui  naît  du 
prêt  de  la  fomme  d'argent  que  j'ai  fait  en 
exécution  de  votre  mandat  ,  &  que  j'ai 
par  conféquent  ex  caufd  mandata 


598  Tr.  dès  Ob  li  g. 

De  votre  côté  vous  êtes  obligé  envers 
moi  acilone  mandait  contraria,  de  me  rem- 
bourfer  &  indemnifer  de  la  fomme  que 
j'ai  débourfée  ,  pour  exécuter  votre  man- 
dat ,  en  la  prêtant  par  votre  ordre  à  Pierre. 
Par  cette  obligation  vous  de  venez  envers 
moi  le  répondant  de  Pie.re ,  pour  la  dette 
qu'il  a  contractée  envers  moi  par  le  prêt 
que  je  lui  ai  fait. 

En  cela  les  mandatons  pecuniœ  creden- 
dœ  conviennent  avec  les  fidéjufTeurs. 

Il  ne  faut  pas  néanmoins  les  confon- 
dre ,  &  il  y  a  une  différence  efTentielle 
entre  les  uns  &  les  autres. 

L'obligation  d'un  fidéjuffeur,  n'eft  au- 
tre chofe  qu'une  fimple  accefîion  à  l'obli- 
gation du  débiteur  principal ,  qui  a  pour 
caufe  ,  celle  de  l'obligation  du  débiteur 
principal.  Par  exemple ,  lorl'que  vous  vous 
rendez  caution  envers  moi  ,  pour  une 
fomme  d'argent  que  j'ai  prêtée  à  Pierre  , 
ou  pour  une  fomme  d'argent  que  Pierre 
me  doit  pour  le  prix  d'une  chofe  que  je 
lui  ai  vendue ,  le  cautionnement  que  vous 
contractez  ,  n'eft  qu'une  fimple  accefîion 
à  l'obligation  de  Pierre  ;  la  caufe  de  votre 
obligation,  auiTi-bien  que  de  celle  de 
Pierre,  à  laquelle  vous  avez  accédé,  efl 
la  vente  ou  le  prêt  que  j'ai  fait  à  Pierr/e. 

11  n'en  efr.  pas  de  même  de  l'obligation 
que  vous  contractez  envers  moi*   par 


Part.  II  Chap.  VI.  59? 
Tordre  eue  vous  me  donnez  de  prêter 
une  certaine  lomme  à  Pierre;  il  eft  vrai 
qu'elle  a  le  même  objet  que  celle  que 
Pierre  contracte  envers  moi  par  le  prêt 
que  je  lui  tais  par  votre  ordre.  La  fom- 
ine  d'argent  que  vous  me  deve^z  rembour- 
ier  iiaicnc  mandati  contraria  ,  n'en1  pas 
une  pareille  lomme  ,  mais  e(t  préciiément 
la  même  ibmme  qui  m'eft  due  par  Pierre , 
6v  il  ne  m'eft  pas  permis  de  la  recevoir 
de  vous  &  de  lui ,  fuivant  la  règle  bona 
fides  non  patiturut  idem  bis  exigatur.  L.  57. 
ff.  de  R.J.  Mais  quoique  votre  obligation 
ait  le  même  objet  que  celle  de  Pierre, 
quoique  la  fomme  qui  m'en1  due  par  vous 
&C  par  lui ,  foit  une  feule  &  même  chofe 
dont  Pierre  eft  le  débiteur  le  plus  princi- 
pal ,  puisqu'il  en  eft  le  débiteur  pour  lui- 
même  absolument ,  &  que  vous  en  êtes 
débiteur  plutôt  pour  lui  que  pour  vous  ; 
néanmoins  votre  obligation  n'eft  pas  une 
pure  acceftion  à  celle  de  Pierre,  elle  a 
une  caufe  différente  de  celle  de  i'obliga- 
tion  de  Pierre ,  qui  eu  le  contrat  de  man- 
dat intervenu  entre  nous  :  ce  contrat  n'en1: 
pas  un  fimple  contrat  acceflbire ,  tel  qu'eft 
un  cautionnement ,  c'eft  un  contrat  prin- 
cipal :  votre  obligation  qui  naît  de  ce 
contrat  ,  oui  eft  une  obligation  ex  causa 
mandati ,  a  donc  une  cauie  diftinguée  de 
celle  de  l'obligation  de  Pierre,  qui  m'eft 
débiteur  ex  causa  mutui  } 


600         T r.  des  Oblic. 

De  ces  principes  fur  la  différence  de 
l'obligation  d'un  mandator  pccuniœ  creden- 
dce ,  &  de  celle  d'un  fimple  fidejufleur , 
fuit  cette  différence  entre  l'un  &  l'autre , 
que  lorfqu'un  fimple  fidéjuffeur  a  payé 
la  dette  ppur  laquelle  il  s'eft  rendu  cau- 
tion ,  fans  requérir ,  en  faifant  le  paye- 
ment ,  la  ceiîîon  des  actions  du  créancier 
contre  le  débiteur  principal ,  il  éteint  par 
ce  payement  la  dette  du  débiteur  princi- 
pal ,  &  il  ne  peut  plus  par  la  fuite  ie 
faire  céder  les  actions  du  créancier  con- 
tre le  débiteur  principal,  qui  ont  été  étein- 
tes par  ce  payement  :  car  fa  dette  n'étant 
pas  feulement  une  dette  de  la  même  chofe, 
mais  étant  précisément  la  même  dette  que 
celle  du  débiteur  principal,  à  laquelle  il 
n'a  fait  qu'accéder  ,  le  payement  qu'il  a 
fait ,  a  éteint  la  dette  du  débiteur  prin- 
cipal. 

Au  contraire ,  lorfqu'un  mandator  pecu- 
niœ  credendr ,  par  l'ordre  de  qui  j'ai  prêté 
une  certaine  fomme  à  un  tiers,  puta  à 
Pierre  ,  me  rembourfe  de  cette  fomme  ; 
quoiqu'il  n'ait  pas  requis  la  cefîion  de  mes 
actions  contre  Pierre ,  le  payement  qu'il 
me  fait  n'éteint  que  fon  obligation ,  & 
celle  de  Pierre  n'eft  pas  éteinte ,  je  de- 
meure nonobftant  ce  payement  créancier 
de  Pierre  ex  causa  mutul  ,  non  pas  à  l'ef- 
fet que  je  puiffe  exiger  à  mon  profit  la 

fomme 


Part.  II.  Chap.  VI.  601 
fomme  qui  m'eft  due  par  Pierre  ex  causa 
mutui ,  en  ayant  déjà  été  payé  ex  causa 
mandatai  mais  j'en  demeure  créancier , 
à  l'effet  que  je  puiife  céder  les  droits  de 
cette  créance  à  mon  mandant  lorsqu'il  le 
requerra,  comme  j'y  fuis  obligé  enve/s  lui 
ob/igatione  mandat!  directâ.  C'efr.  ce  que 
nous  apprenons  de  la  loi  28.  ff.  mand. 
P  apinianus  ait  mandatorcm  débitons  jol~ 
ventera  ipfo  jure  reum  non  liber  are  ;  propter 
enim  mandiitum  fuum  folvit  &  fuo  nomine  ; 
idebque  mandatori  aciiones  putat  adversùs 
reum  cedi  debere  ;  quoiqu'il  ne  l'ait  pas  re- 
quife  lors  du  payement. 

A  ces  différences  près  les  mandatons 
pecuniez  credejidz  conviennent  avec  les 
cautions  ou  fidéjuffeurs  :  quoique  l'obli- 
gation contraria  mandati ,  qu'ils  contrac- 
tent envers  celui  qui  a  prêté  à  quelqu'un 
une  fomme  d'argent  par  leur  ordre ,  ne 
foit  pas  tout-à-fait  comme  l'eft  un  caution- 
nement ,  une  pure  acceffion  à  l'obligation 
du  débiteur  à  qui  la  fomme  a  été  prêtée  par 
leur  ordre ,  fk.  qu'elle  ait  propriam  caujam^ 
elle  eft  néanmoins ,  ainfi  que  celle  des  cau- 
tions ,  acceffoire  à  l'obligation  de  ce  débi- 
teur ,  &  elle  en  dépend  ;  elle  n'eft  valable 
qu'autant  que  l'obligation  de  ce  débiteur, 
eft  valable;  les  mandatons  ,  de  même  que 
les  cautions  peuvent  oppofer  toutes  les 
Tome  L  Ce 


6oi  T  r.  des  Oblig. 
exceptions  in  rem  que  le  débiteur  ,  à  qui 
la  chofe  a  été  prêtée  par  leur  ordre  , 
pourroit  oppofer.  L.  32.  ff]  de  Jlde;\ 
L'extinfrion  de  l'obligation  de  ce  dé- 
biteur ,  de  quelque  manière  qu'elle  fe 
fafie  ,  foit  par  le  payement  réel  de  la 
fomme  prêtée  ,  foit  par  la  compenfation  9 
la  novation  ,  la  remife  ,  la  confufion  , 
éteint  l'obligation  de  ces  mandatons ,  de 
même  que  celle  des  cautions.  La  Novelle 
4.  §.  1.  leur  a  donné  de  même  qu'aux  cau- 
tions l'exception  de  difeuflion.  Tout  ce 
que  nous  avons  dit  de  cette  exception, 
fuprà ,  feft.  6.  art.  2.  s'applique  aux  rnan* 
datons ,  de  même  qu'aux  fidéjuffeurs. 

Pour  que  quelqu'un  foit  réputé  manda-* 
tor  pecuniœ  endendee  ,  &  refponfable  par 
conféquent  envers  moi  de  la  fomme  d'ar- 
gent que  j'ai  prêté  à  un  tiers  par  fon  or- 
dre ,  il  faut  que  ce  qu'il  m'a  dit  ou  écrit 
renferme  un  vrai  mandat ,  par  lequel  il 
m'a  chargé  de  prêter  la  fomme  à  cette 
perfonne  ,  avec  intention  de  m'en  indem* 
nifer  :  mais  fi  dans  une  converfation  vous 
ayant  dit  que  j'avois  une  fomme  de  mille 
écus  à  placer  à  constitution  de  rente ,  vous 
m'avez  dit  que  Pierre  cherchoit  à  prendre 
de  l'argent  à  conititution  ,  &  que  vous 
croyiez  l'emploi  bon  :  ces  termes  n'expri- 
ment pas  un  mandat ,  mais  un  {Impie  con- 
feil  qui  ne  vous  fait  contracter  envers 


Part.  II.   C  h  a  p.  VI.     605 

moi  aucune  obligation  ,  félon  cette  règle 
de  Droit ,  confilii  non  frauduhnti  nul/a  ejl 
obligatio  nifi  do/us  interve/tcrit.  L.  47.  ffi 
de  Aeç.  Jur. 

-  Obiervez  néanmoins  que  pour  qu'un 
confeil  n'oblige  pas  celui  qui  l'a  donné , 
il  faut  qu'il  ait  été  donné  de  bonne  foi , 
c'efl  pourquoi  la  loi  ajoute  niji  dolus  in- 
ttrveaeru  ;  car  û  vous  aviez  connoiflanec 
de  la  mauvaife  fituation  des  affaires  de 
Pierre  ,  lorfque  vous  m'avez  confeiilé  de 
lui  donner  mon  argent ,  ce  feroit  un  dol 
de  votre  part,  qui  vous  obligeroit  au 
moins  dans  le  for  de  la  conicience  dem'in- 
demnifer  de  ce  que  je  perdrois  par  l'in- 
iolvabilité  de  Pierre. 

Vous  pourriez  même  en  être  tenu  dans 
le  for  extérieur  fi  j'avois  une  preuve  bien 
évidente  que  vous  en  aviez  connoiffance. 
Pareillement  il  ne  faut  pas  prendre  pour 
un  mandatum  credendœ  pecunite  ,  ce  qui 
n'eft.  qu'une  fimple  recommandation.  Par 
exemple ,  li  vous  avez  dit  ;  Pierre  notre 
ami  commun  a  befoin  que  vous  lui  prê- 
tiez dixpifloles ,  je  vous  le  recommande  ; 
ce  difeours  ne  renferme  pas  un  mandat , 
mais  une  fimple  recommandation  qui  n'eft 
pas  obligatoire.  L.  12.  §.  12.  ff.  mandat. 

Il  en  feroit  autrement  fi  je  vous  avois 
dit  ;  Pierre  a  befoin  de  dix  piftoles  ;  je  n'ai 
pas  pour  le  préfent  la  commodité  de  les 

C  c  ij 


604        Tr.   des    Oblig. 

lui  prêter  ,  je  vous  prie  de  lui  prêter  cette 
fomme  à  ma  place  ;  c'eft  un  vrai  mandat. 

Pour  qu'un  mandator  pecuniœ  credend.r. , 
(bit  obligé  de  vous  indemnifer  de  l'argent 
que  vous  avez  prêté  à  un  tiers  par  fon  or- 
dre ,  il  faut  que  vous  vous  foyez  renfermé 
exactement  dans  les  termes  de  fon  man- 
dat ,  diligenter  enim  fines  mandati  cujlo- 
diendi  j'unt ,  L.  <j.  fif.  mand.  Si  donc  vous 
avez  fait  autre  chofe  que  ce  qui  eft  porté 
par  mon  mandat  ;  put  à  ,  ii  vous  ayant 
donné  ordre  de  prêter  une  certaine  fom- 
me d'argent  à  Pierre ,  vous  la  lui  avez  don- 
née à  conftitution  de  rente ,  aut  vice  versa 
fi  vous  ayant  donné  ordre  de  la  lui  don- 
ner à  conftitution  de  rente  ,  vous  lui  avez 
donnée  à  titre  de  prêt ,  je  ne  ferai  point 
obligé  envers  vous ,  car  une  constitution 
de  rente  &  un  prêt  étant  chofes  différen- 
tes 9  on  ne  peut  pas  dire  que  vous  ayez 
fait  ce  qui  etoit  porté  par  mon  mandat. 

Si  je  vousavois  donné  ordre  de  prêter 
une  certaine  fomme  à  Pierre,  putà  500. 
liv.  &c  que  vous  lui  en  ayiez  prêté  600. 
liv.  la  fomme  de  500.  liv.  portée  par 
mon  mandat ,  étant  contenue  dans  celle 
de  600.  liv.  que  vous  lui  avez  prêtée, 
fuivant  cette  règle  de  Droit ,  in  eo  quod 
plus  fit  femper  inefi  &  minus  9  L.  1 10.  fil 
de  R.  J.  il  eft  vrai  de  dire  que  vous^avez 
fait  ce  qui  étoit  porté  par  mon  mandat  % 


Part  II.  Ciup.VI.  605 
e\:  en  conféquencejefuisobligé  envers  vons 
cbligatione  mandata,  contraria  pour  Pierre, 
julqiwi  concurrence  de  cette  fomme  de 
500.  liv.  à  l'égard  des  100.  liv.  de  fur- 
plus  ,  ayant ,  quant  à  cet  excédent ,  parlé 
les  bornes  de  mon  mandat,  je  ne  fuis  pas 
obligé  envers  vous  à  cet  excédent. 

Vice  versa  ,  fi  vous  avez  prêté  à  Pierre 
une  fomme  moindre  que  celle  portée  par 
mon  mandat,  je  fuis  obligé  envers  vous 
pour  Pierre ,  car  vous  avez  exécuté  mon 
mandat  pour  partie. 

Si  vous  avez  fait  ce  qui  étoit  à  la  vé- 
rité porté  par  mon  mandat ,  mais  que 
vous  ne  l'aviez  pas  fait  de  la  manière  qui 
y  étoit  prefcrite  ,  je  ne  ferai  point  obli- 
gé envers  vous.  Par  exemple ,  fi  l'or- 
dre que  je  vous  ai  donné  de  prêter  une 
certaine  fomme  à  Pierre ,  portoit  que 
vous  tirerez  de  lui  des  effets  en  nantiffe- 
ment  de  cette  fomme  ,  &  que  vous  n'en 
ayez  point  tiré  ;  ou  s'il  portoit ,  que  vous 
lui  feriez  parler  une  obligation  devant 
Notaire  ,  à  l'effet  d'acquérir  une  hypote- 
que  fur  fes  biens ,  &  que  vous  vous  foyez 
contenté  de  fon  billet  ;  dans  tous  ces  cas 
&c  autres  femblables ,  je  ne  ferai  pas  obli- 
gé envers  vous,  parce  que  vous  n'avez 
pas  fuivi  ce  qui  étoit  porté  par  l'ordre 
que  je  vous  ai  donné  ,  L.  7.  cod.  defidej. 

Contra  vice  versa ,  fi  je  vousavois  don- 

C  c  iij 


6o6        Tr.    des   O  b  li  g; 

né  ordre  de  prêter  à  Pierre  une  certaine 
fomme  ,  &  de  vous  contenter  de  fon 
iirnple  billet  fans  exiger  de  lui  ni  gages,  ni 
cautions,  ôc  que  vous  lui  ayez  fait  pafler 
une  obligation  pardevant  Notaires  de  la 
fomme  que  vous  lui  avez  prêtée  par  mon 
ordre ,  &C  que  vous  ayez  même  exigé  enco- 
re de  lui  gage  ou  caution  ,  je  ne  peux  en  ce 
cas  meplaindrequevousne  vous foyez  pas 
renfermé  dans  les  termes  de  mon  man- 
dat ;  car  vous  avez  fait  ce  qui  y  étoit  ren- 
fermé ,  en  faifant  à  Pierre  le  prêt  de  la 
fomme  que  je  vous  avois  donné  ordre 
de  lui  faire  ,  &  ce  que  vous  avez  fait 
de  plus  ,  ne  pouvant  m'être  qu'avanta- 
geux ,  je  ne  peux  pas  m'en  plaindre. 

Si  je  vous  ai  donné  ordre  de  prêter 
une  certaine  fomme  à  Pierre  purement 
&  fimplement  ;  &  qu'en  la  lui  prêtant^ 
vous  lui  ayez  accordé  un  terme  pour  le 
payement  ou  la  faculté  de  payer  quel- 
qu'autre  chofe  à  la  place ,  je  ne  contrac- 
terai aucune  obligation  envers  vous  ;  car 
en  lui  accordant  cela ,  vous  avez  pafîe 
les  bornes  de  mon  mandat  ;  je  ne  me  fuis 
obligé  obligationc  mandat!  contraria ,  à 
vous  rembourfer  la  fomme  que  je  vous 
ai  donné  ordre  de  lui  prêter ,  qu'autant  que 
vous  auriez  été  en  état  de  me  céder  après  i 
que  je  vous  aurois  rembourfé  cette  fom* 
me ,  des  aâions  contre  Pierre  par  lefr 


Par  t.  II.  Chap.  VI.  607 
quelles  j'enfle  pû,auffi-tôt  que  je  l'enfle 
voulu ,  exiger  cette  ibmme  de  Pierre ,  fans 
qu'il  pût  me  donner  autre  choie  à  la  pla- 
ce ;  vous  étant ,  par  les  termes  &:  facultés 
que  vous  avez  accordé  à  Pierre,  mis  hors 
d'état  de  pouvoir  me  céder  ces  actions  , 
je  ne  fuis  point  tenu  envers  vous  du  prêt 
que  vous  avez  fait  à  Pierre. 

Au  contraire  ,  fi  je  vous  avois  donné 
ordre  de  prêter  à  Pierre  une  certaine 
fomme  >  &c  de  lui  accorder  un  certain  ter- 
me ,  &  que  vous  la  lui  enfliez  prêtée  fans 
lui  accorder  de  terme ,  je  ferai  oblige 
envers  vous  pour  cette  fomme  ,  mais  fans 
que  vous  puiffiez  l'exiger  de  moi  qu'après 
l'expiration  du  terme  porté  par  mon  man- 
dat ;  au  refïeje  ne  peux  me  plaindre  que 
vous  n"ayez  pas  accordé  à  Pierre  le  ter- 
me porté  par  mon  mandat  ;  car  pourvu 
que  vous  ne  puifliez  exiger  de  moi  la  fomme 
qu'après  l'expiration  ê/à.  ce  terme ,  il  m'efi 
indifférent  que  vous  puifliez  l'exiger  plu- 
tôt du  débiteur  principal. 

Article    II. 

De  U Obligation  des  Commettants. 

Nous  verrons  fur  cette  matière,  i°.  en 
quel  fens  les  commettants  accèdent  aux 
obligations  des  contrats  de  leurs  prépo- 

C  c  iv 


6o8  Tr.  des  Obiig. 
fés  ,  &  en  quoi  ils  différent  des  autres 
débiteurs  acceffoires  ;  2°.  en  quels  cas  il 
y  a  lieu  à  cette  obligation  des  commet- 
tants ;  3Q.  de  l'effet  de  cette  obligation  ; 
4°.  de  l'obligation  aeceffoire  des  com- 
mettants à  celles  qui  aaiffent  des  délits 
de  leurs  prépofés. 

s-  i. 

En  quelfens  les  Commettants  accèdent  aux 
obligations  des  Contrats  de  leurs  prépofés  9 
&  en  quoi  ils  différent  des  autres  débiteurs 
acceffoires. 

447.  Lorfqii'un  Négociant  a  commis 
quelqu'un  à  une  mai  fon  de  commerce ,  ou 
au  gouvernement  d'un  vaiffeau marchand, 
&C  pareillement  lorfque  des  fermiers  du 
Roi  ont  prépofé  quelqu'un  à  la  direction 
d'un  Bureau  ;  dans  tous  les  engagemens 
que  ce  prépofé  contracte  ,  quoiqu'en  fon 
propre  nom  ,  pour  les  affaires  auxquelles 
il  elt  prépofé,  il  s'oblige  comme  débiteur 
principal ,  &  il  oblige  en  même  temps 
fon  commettant ,  comme  débiteur  accef- 
foire  ;  car  ce  commettant  efl  cenfé  ,  par 
la  commifîion  qu'il  lui  a  donnée  ,  avoir 
confenti  par  avance  à  tous  les  engagemens 
qu'il  contra&eroit  pour  toutes  les  affaires 
auxquelles  il  l'a  prépofé  ,  ôc  s'en  être 
Kendu  refponfable. 


1 


Part.  II.    Chap.  VI.     609 

Ces  commettants  font  des  débiteurs 
accelloires  d'une  cfpece  différente  des 
cautions  6c  des  mandatons  pccunia  creden- 
dx  ;  ceux-ci  ordinairement ,  en  accédant 
à  l'obligation  du  débiteur  principal,  s'obli- 
gent pour  l'affaire  du  débiteur  principal,  & 
non  pour  leur  propre  affaire  ;  au  contraire 
le  commettant  en  accédant  aux  contrats 
de  les  prépofés ,  fait  fa  propre  affaire  plu- 
tôt que  celle  de  fes  prépofés.  Si  dans  le 
contrat  du  prépofé ,  le  prépofé  par  rap- 
port aux  engagemens  qu'il  y  contracte, 
eit  regardé  comme  le  débiteur  principal, 
&  le  commettant  comme  un  débiteur  ac- 
ceffoire  ;  ce  n'eff  que  parce  que  c'eff  avec 
le  prépaie  que  le  contrat  fe  parle  ;  le 
commettant  qui  fouvent  n'a  pas  môme 
connoiffance  du  contrat ,  ne  fait  qu'y  ac- 
céder par  une  adhéfion  générale  qu'il  eft 
cenfé  avoir  faite  d'avance  aux  contrats 
que  feroit  fon  prépofé  ,  lorfqu'il  l'a  pré- 
pofé à  fes  affaires  ;  mais  ces  contrats  que 
fait  le  prépofé  font  plutôt  l'affaire  du  com- 
mettant que  de  fon  prépofé  ;  &  au  lieu 
que  les  fidéjufTeurs  &  les  mandatons  pe- 
cuniœ  crcdendœ  doivent  être  indemnifés 
par  le  débiteur  principal  des  obligations 
qu'ils  contractent  :  c'efl:  au  contraire  le 
commettant  qui  doit  indemnifer  fon  pré- 
pofé, ^ 

C  c  v 


fcio       Te.    des   Oblig. 

§.   IL 

En  quels  cas  y  a-t-il  lieu  à  Vobllgation 
accejfoire  des  commettants. 

448.  Pour  qu'il  y  ait  lieu  à  cette  obli- 
gation accefïbire  du  commettant  y  il  faut 
que  le  prépofé  ait  contracté  en  (on  pro- 
pre nom ,  quoique  pour  les  affaires  du 
commettant; mais  lorfqu'il contracte  dans 
la  qualité  de  fadeur  ou  de  fondé  de  pro- 
curation de  fon  commettant ,  ce  n'eft  pas 
lui  qui  contracte  ,  c'eft  fon  commettant 
qui  contracte  par  fon  miniftere  r  fuprà 
72.  74.  le  prépofé  en  ce  cas  ne  s'oblige 
pas  ;  c'efl  le  commettant  feu!  qui  par  le 
miniftere  de  fon  prépofé  contracte  une 
obliga  ion  principale. 

Lorfque  le  prépofé  contracte  en  font 
propre  nom  ,  pour  qu'il  oblige  fon  com- 
mettant <>  il  faut  que  le  contrat  concerne 
les  affaires  auxquelles  il  eft  prépofé  ?  & 
que  le  prépofé  n'ait  pas  excédé  les  bornes 
de  fa  commifïion ,.  L.  1.  §.  y^&  ix.  dt 
ixerc.  acl. 

Tels  font  les  contrats  de  vente  &  d'a- 
chat de  marchandifes  >.  que  fait  un  prépofé 
à  une  maifon  de  commerce  ,  les  achats 
que  fait  un  capitaine  prépofé  à  la  con- 
duite d'un  vaiffeau  marchand  y  des  chofes 


Part.  II.   Chap.  VI.     611 

nécefiaires  pour  équiper  ou  radouber  fon 
vaisfeau,  &c. 

Les  emprunts  de  deniers  faits  par  un 
prépofé  ,  font  aufîi  cenfés  faits  pour  les 
affaires  auxquelles  il  eft  prépofé ,  &C  obli- 
gent enconféquence  le  commettant,  lorf- 
que  le  contrat  d'emprunt  contient  une  dé- 
claration de  la  caufe  pour  laquelle  l'em- 
prunt eft  fait ,  &  que  cette  caufe  con- 
cerne effectivement  les  affaires  auxquelles 
l'emprunteur  eft  prépofé. 

Par  exemple  ,  fi  un  prépofé  à  la  con- 
duite d'unvaifleau marchand,  après  avoir 
eftuyé  une  tempête  ,  ou  un  combat  qui  a 
fort  maltraité  fon  vaiffeau  ,  relâche  à  iiri 
port ,  &  y  fait  un  emprunt  d'une  fomme 
d'argent  avec  déclaration  que  c'eft  pour 
radouber  fon  vaiiTeau ,  le  Négociant  qui 
l'a  prépofé,  fera  obligé  à  cet  emprunt. 

On  décide  même  que  le  commettant 
eft  en  ce  cas  obligé  ,  quand  même  le 
prépofé  auroit  diverti  les  deniers  ,  & 
n'auroit  point  fait  cet  emploi ,  pourvu 
que  la  déclaration  faite  par  le  contrat 
d'emprunt  fût  vraifemblable ,  &  que  ta 
fomme  empruntée  n'excédât  pas  de  beau- 
coup ce  qui  eft  néceflaire  à  l'affaire  pour 
laquelle  on  a  déclaré  devoir  l'employer  , 
L.  i.  §.  8.  &  9.  L.  7.  prtncip.  &  §.  i„ 
ff,  de  exerc.  acî. 

Les   prépofés    obligent    leurs    eom- 

C  c  vj 


612       Tr.    des    Oblig. 
mettants ,  tant  que  leur  commiffion  dure^ 
&  elle  eft.  toujours  cenfée  durer  ,  jufqu'à 
ce  qu'ils  ayent  été  révoqués ,  &  que  la 
révocation  ait  été  connue  dans  le  public 

Quoique  régulièrement  tout  mandat  û- 
nifTe  par  la  mort  du  mandant;  néanmoins 
l'utilité  du  commerce  a  établi  que  la  com- 
miffion de  ces  perfonnes  durât  même  après 
la  mort  du  Négociant  qui  les  a  prépofés, 
jufqu'à  ce  qu'ils  foient  révoqués  par  l'hé- 
ritier ou  autre  fucceffeur ,  &C  en  contrac- 
tant pour  les  affaires  auxquelles  ils  font 
prépofés ,  ils  obligent  l'héritier  du  Négo- 
ciant qui  les  a  prépofés  ,  ou  fa  fucceffion 
vacante  ,  s'il  n'en  a  point  lahTé ,  JL.  17.  §. 
2.  &  3.  L.  1  i.ff.  inflit.  a&. 

Par  la  même  raifon ,  le  commis  de  la 
direction  d'un  Bureau  de  Finance  ,  oblige 
Iqs  iuccefTeurs  des  fermiers  qui  l'ont  pré- 
pôle ,  tant  qu'il  n'efl  pas  révoqué. 

§•  m. 

De  Pejfet  des  obligations  accejjbires  des 
Commettants, 

449.  Cette  obligation  s'étend  à  tout  a 
que  renferme  l'obligation  du  prépofé  ;  ell< 
en  dépend,  de  même  que  toutes  les  obli- 
gations accefïbires  dépendent  de  l'obliga- 
tion principale  à  laquelle  elles  accèdent  ; 


Part.  II.  Chap.  VI.  613 
c'eft  pourquoi  cette  obligation  du  com- 
mettant s'éteint,  lorfque  celle  du  prépo- 
fé  s'éteint ,  loit  par  le  payement ,  ioit  par 
la  novation  ,  Z.  13.  §.  1.  jf.  de  injl  act. 
ou  de  quelqu'autre  manière  que  ce  foit  ; 
le  commettant  peut  oppofer  toutes  les 
exceptions  in  rem  &:  fins  de  non  recevoir 
que  peut  oppofer  le  prépofé.  Il  ne  peut 
pas  oppofer  le  vice  de  l'obligation  de 
fon  prépofé  qui  naîtroit  de  quelque  in- 
capacité perfonnelle  de  ce  prépofé;  car 
le  commettant  qui  Ta  prépofé  ne  peut 
pas  arguer  fon  propre  fait  &  le  choix 
qu'il  en  a  fait  ;  c'eft  pourquoi ,  quoiqu'un 
impubère  en  contractant  ne  s'oblige  pas 
valablement ,  ne  quidem  naturaliter  (  a  )  9 
û  ce  n'eu  quateniis  locupletior ,  faclus  ejl y 
ÔC  qu'en  conféquence,  des  cautions  ne 


(  a  )  La  Loi  59.  ff.  de  obi.  &  afl.  le  dit  for- 
mellement :  je  fçais  néanmoins  que  la  queftion 
eft  controveriee  :  nous  avons  futvi  le  fentiment 
de  Cujas.  Voyez  in  Pand.  Jujlin.  un  fcholie 
après  le  numcro  17.  du  titre  de  obi.  &  att.  où 
nous  avons  rapporte  fort  au  long  les  raifons 
fur  lefquelles  ce  fentiment  eft  établi,  &  les  ob- 
jections. Par  obligation  naturelle  ,  nous  enten- 
dons celle  qui  dans  le  for  extérieur  eft  recon- 
nue comme  obligation  naturelle  &  a  j u ris  effec- 
tua ;  car  nous  ne  dïfconvenons  pas  qu'un  impu- 
bère pubertati  proximus  ,  s'il  entend  affez  ce 
qu'il  fait ,  puiffe  s'obliger,  dans  le  for  de  la  cons- 
cience* 


6i4       Tr.    des    Oblig; 

puiirent  intervenir  (  b  )  pour  lui  ;  néan- 
moins lorfqu  un  Marchand  a  prépofé  à 
fon  commerce  un  impubère  ,.  il  eft  tenu 
injîitorid  actione  des  obligations  qui  naif- 
fent  des  marchés  faits  par  cet  impubère  , 
fans  pouvoir  oppofer  le  défaut  d'âge 
de  celui  qui  les  a  fait  ;  pupillus  inflitor 
obligat  eum  qui  eum  prœpofuit  infiitorid 
aclione  ,  quoniam  Jibi  imputare  dtbet  qui 
eum  prœpofuit,  L.  7.  §.  fin.  ff\  de  injl.aci. 

450.  En  ce  qui  concerne  f  exécution  de 
Faction  inflltoria  qui  naît  de  l'obligation 
acceiToire  des  commettants  ,  il  y  a  quel- 
ques différences  àobferverentr'eux  aies 
fïdéjufteurs. 

Lorfque  plufieurs  Négociants  ou  plu- 
fieurs  fermiers  du  Prince  ont  commis 
quelqu'un  à  leur  commerce,  à  la  conduite 
de  leur  vahTeau  ,  ou  à  la  direction  d'un 
Bureau ,  ils  font  tenus  folidairement  des 
obligations  de  leur  prépofé  ,  L.  1.  $.fin. 
&  L.  2.  ff.  de  exerc.  acl.  &  ils  n'ont  pas  le 
bénéfice  de  divifion  entr'eux ,  qui  eft  ac- 
cordé aux  fidéjuffeurs  :  cela  doit  d'autant 
plus  avoir  lieu  parmi  nous  ,  que  félon 
notre  Jurifprudence  ,  les  affoeiés  font  te- 
nus folidairement  de  tous  les  engagemens 
relatifs  à  leur  focieté. 

(  b  )  Cujas  dit  que  îa  Loi  127.  ff.  de  verb.  ob. 
qui  dit  le  contraire ,  doit  s'entendre  du  cas  au- 
quel l'impubère  a  profité  du  contrat» 


Part.  IL   Chap.  VI.     615 
t  .  Lci  -  feurs ,  Se  même  les  man- 

dai  très  pecunix  trùienJfé  ont  le  bénéfice 
de  difcufîion  qui  leur  a  été  accordé  par 
la  NoveUe  dv'  Juitinien  ,  tk.  dont  nous 
avons  traité  fupràfcct* 6.  art.  2.  parce  qu'ils 
ont  contracté  leur  obligation  plutôt  pour 
les  affaires  du  débiteur  principal  que  pour 
leurs  propres  affaires  ;  mais  l'obligation 
qu'un  commettant  contracte  ex  contracta, 
injlitoris  étant  une  obligation  que  ce  com- 
mettant contracte  pour  fes  propres  affai- 
res ,  il  n'a  pas  ce  bénéfice  de  diicuiîion , 
quand  même  il  auroit  déjà  indemnifé  fon 
prépofé,  Se"  lui  auroit  remis  des  fonds 
pour  payer  ;  mais  en  ce  cas  le  créancier 
doit ,  s'il  en  ert  requis  lors  du  payement , 
lui  accorder  la  certion  de  fes  aclions. 

L'Ordonnance  de  la  Marine  ,  tit.  8. 
art.  2.  accorde  un  bénéfice  particulier 
aux  armateurs ,  qui  efl  de  pouvoir  fe 
décharger  des  engagemens  contractés  par 
le  Capitaine  qu'ils  ont  prépofé  à  la  con- 
duite de  leur  vaifTeau ,  en  abandonnant 
aux  créanciers  le  bâtiment  &  le  fret  (  a  )» 

{a)  Tout  ce  qui  étoît  dans  la  première  Editioo 
au  nombre  452.  a  été  porté  dans  celle-ci  au 
commencement  de  ce  paragraphe  :  c'eft  pourquoi 
nous  avons  fupprimé  ce  nombre^ 


616       Te.   des    ObliG. 
S-     IV. 

De  l'Obligation  acceffbire  des  Commettants 
qui  naît  des  délits  de  leurs  prèpofés. 

453.  Ce  n'eft  pas  feulement  en  con- 
tractant que  les  prèpofés  obligent  leurs 
commettants  :  quiconque  a  commis  quel- 
qu'un à  quelque  fonction ,  efr.  refponfable 
des  délits  &C  quafi-délits  que  fon  prépofé 
a  commis  dans  l'exercice  des  fonctions 
auxquelles  il  étoit  prépofé  ,  L.  5.  §.  8. 
ff.  de  infl.  acl.  &  s'ils  font  plufieurs  qui 
l'ont  prépofé ,  ils  en  font  tous  tenus  foli- 
dairement  fans  aucune  exception  de  di- 
vifion  ni  de  difcuffion  :  par  exemple  fi  un 
Commis  aux  Aydes  en  faifant  fon  exercice 
chez  un  cabaretier  ,  a  maltraité  ce  caba- 
retier  ,  ou  lui  a  caufé  quelque  dommage 
dans  fes  effets  ,  les  Fermiers  du  Prince , 
qui  l'ont  prépofé  ,  font  reiponfables  de 
ce  délit  ,  &  obligés  au  payement  des 
dommages  &  intérêts  auxquels  leur  Com- 
mis fera  condamné  ,  fauf  leur  recours 
contre  lui;  parce  que  le  Commis  a  com- 
mis le  délit  dans  fes  fonctions.  Que  fi  le 
Commisavoit  maltraité  ou  volé  quelqu'un 
hors  de  fes  fonctions ,  ils  n'en  feroient  pas 
tenus. 

Cette  obligation  du  commettant  efl  une 


Part.  II.  Chap.  VI.  617 
obligation  acccflbire  à  l'obligation  princi- 
pale du  Commis  qui  a  commis  le  délit. 
Elle  s'étend  à  tout  ce  que  l'obligation 
principale  renferme  pour  les  dommages 
cV  intérêts  dûs  à  celui  envers  qui  le  délit 
a  été  commis  ;  mais  le  commettant  n'en 
elt  tenu  que  civilement ,  quoique  celui 
qui  a  commis  le  délit  en  foit  tenu  par 
corps  :  les  commettants  ne  peuvent  op- 
poler  contre  l'a&ion  qui  en  naît ,  ni  l'ex- 
ception de  divifion ,  ni  celle  de  difeuffion  ; 
ils  peuvent  feulement  requérir  ,  en  payant, 
la  cefîion  des  actions  du  créancier. 

s-  v. 

Des  Pères  de  famille  &  des  Maîtres. 

454.  Une  autre  efpece  d'obligation  ac- 
cefloire  eft  celle  des  pères  de  famille  qui 
font  refponfables  des  délits  de  leurs  en- 
fans  mineurs ,  &  de  leurs  femmes  ,  lors- 
qu'ils ne  les  ont  pas  empêchés  ,  ayant  été 
en  leur  pouvoir  de  le  faire. 

Ils  font  préfumés  avoir  pu  empêcher 
le  délit ,  lorfqu'il  a  été  fait  en  leur  pré- 
fence  ;  lorfqu'il  a  été  fait  en  leur  abfence  , 
il  faut  juger  par  les  circonstances ,  fi  le 
père  a  pu  empêcher  le  délit:  par  exem- 
ple, fi  un  enfant  a  eu  une  querelle  avec 
fon  camarade,  &  l'a  bleffé  d'un  coup 


t£i8  Tr.  des  Oblig, 
d'épée  ,  quoique  hors  de  la  préfence  de 
fon  père  ,  le  père  peut  être  tenu  de  ce 
délit ,  comme  ayant  pu  l'empêcher ,  ce 
qu'il  pouvoit  faire  en  ne  permettant  pas 
à  fon  fils  de  porter  l'épée ,  fur-tout  s'il 
étoit  naturellement  querelleur. 

455.  Ce  que  nous  difons  des  pères 
s'applique  aux  mères ,  lorfqu'après  la  mort 
de  leurs  maris  ,  elles  ont  leurs  enfans  fous 
leur  puifTance  ;  cela  peut  s'appliquer  pa- 
reillement aux  précepteurs,  pédagogues  , 
&  à  tous  ceux  qui  ont  des  enfans  fous 
leur  conduite. 

456.  Les  maîtres  font  atffîi  tenus  des 
délies  de  leurs  domefïiques,  lorfqu'ils  ne 
les  ont  pas  empêchés  ayant  pu  le  faire. 

Ils  font  même  tenus  de  ceux  qu'ils  n'ont 
pu  empêcher ,  lorfque  les  domeftiques  les 
ont  commis  dans  les  fondions  auxquelles 
ils  étoient  prépofés  ;  par  exemple  ,  fi 
votre  cocher  en  conduifant  votre  car- 
rofTe  a ,  par  brutalité  ou  par  impéritie  9 
caufé  quelque  dommage  ,  vous  en  êtes 
civilement  refponfable  ,  fauf  votre  re- 
cours contre  lui ,  qui  eft  le  débiteur  prin- 
cipal. 

Les  pères  &  les  maîtres  ne  font  pas 
tenus  des  engagemens  que  contractent 
leurs  enfans  ou  leurs  domeftiques  ,  en 
contractant  ,  à  moins  qu'il  ne  foit  jufti^- 
fié  qu'ils  les  avoient  prépofé  à  quelquti 


Part.  ïî.    Chap.  VI.     619 

adminiftration  à  laquelle  ces  engagerons 
contractés  par  les  enfans  ou  domeftiques 
ont  rapport. 

Par  exemple  ,  s'il  ctoit  jurtifié  que  j'é- 
tois  dans  l'ufage  de  payer  aux  marchands 
les  fournitures  qu'ils  faiioient  à  ma  fille, 
ou  à  ma  cuifiniere  pour  l'approvifionne- 
ment  de  ma  maiibn  ;  un  marchand  fera 
bien  fondé  à  me  demander  le  payement 
de  ce  que  madite  fille,  ou  madite  domef- 
tique  a  acheté  chez  lui  en  mon  nom ,  à 
moins  que  ie  ne  prouvafTe  que  je  l'ai  averti 
de  ne  plus  lui  en  fournir  ;  ou  à  moins  eue 
ce  qu'il  a  fourni  n'excédât  de  beaucoup  ce 
qu'il  faut  pour  la  provifion  de  ma  maifon  : 
faute  par  le  marchand  de  prouver  cet  ufa- 
ge  ,  je  dois  avoir  congé  de  fa  demande ,  en 
affirmant  que  lorfque  j'ai  envoyé  ma  fille  > 
ou  ma  cuifiniere  acheter  des  provifîons  , 
je  lui  ai  donné  de  l'argent  pour  les  payer» 
Arrêt  au  Journal  des  Audiences  ,  tom.  5, 


6io        Tr.   des   Oblig. 

Section       dernière 
Ajoutée  dans  cette  nouvelle  Edition  *. 

Du  Paci  conflitutœ  pecuniœ. 

On  a  omis  dans  "la  première  Edition 
de  cet  Ouvrage  de  parler  du  pac~t  conjli- 
tutœ  pecuniœ  ,  6c  de  l'obligation  qui  en 
naît ,  qui  eft  en  quelque  façon  une  efpece 
d'obligation  accefToire ,  puifqu'elle  efl: 
ajoutée  à  une  première  obligation  ,  & 
qu'elle  n'en1  contractée  que  pour  la  corro- 
borer. Nous  en  dirons  ici  quelque  chofe. 

i.  Le  pa£t  conjlitutœ  pecuniœ  chez  les 
Romains  étoit  une  convention  par  la- 
quelle quelqu'un  aiîignoit  à  un  créancier 
un  certain  jour  ou  un  certain  temps  dans 
lequel  il  promettoit  de  le  payer.  Diern 
folvendœ  pecuniœ  conjlituebat  :  c'efl  ce  qui 
réfulte  des  termes  de  l'Edit  de  conjiitutâ 
pecuniâ. 

Le  mot  pccunia ,  dans  cet  Edit  comme 
dans  dans  la  Loi  des  1 2  Tables  &  dans 
les  autres  Edits  des  Prêteurs  ,  fe  prend 
pour  toutes  les  chofes  tant  corporelles 
qu'incorporelles  qui  compofent  les  biens 
des   Particuliers  ,    &C  qui  peuvent  être 

*  Nous  avons  numéroté  cette  Section  fépa- 
rément  afin  que  les  nombres  du  fécond  Volume 
fe  trouvent  conformes  à  la  première  Edition. 


Part.  IL  Chap.  VI.  6ir 
l'objet  des  obligations.  Pecuniœ  nomint 
non  folum  numcr..t:;  pecunia  ,  fed  omncs 
res  turii  joli  quam  mobiles  &  tam  corpora. 
quant  jura  continentur ,  L.  222.  ff.  de  Z7". 
S.  Pecuniœ  appellatione  rem  fîgnificari  % 
Proculus  ait ,  /.  4.  ff.  d.  lit. 

Selon  nos  ulages ,  le  pa£t  conflitutœ 
pecuniœ  peut  le  dciinir  tout  fimplement, 
une  convention  par  laquelle  quelqu'un 
promet  à  un  créancier  de  le  payer. 

2.  On  peut  faire  cette  promeffe  à  Ton 
propre  créancier  ,  ou  au  créancier  d'un 
dutre. 

Lorfque  quelqu'un  par  ce  pact  pro- 
met à  ion  propre  créancier  de  le  payer, 
il  naît  une  nouvelle  obligation  qui  ne 
détruit  pas  la  première  dont  il  étoit  déjà 
tenu  ,  mais  qui  y  accède  ;  &  par  cette 
multiplication  d'obligations  ,  le  droit  du 
créancier  fe  trouve  fortifié. 

En  cela  le  droit  de  créance  perfon- 
nelle  eft  différent  du  droit  de  domaine 
&C  de  propriété  ;  lorfque  j'ai ,  en  vertu 
de  quelque  titre  ,  le  domaine  &  la  pleine 
propriété  d'une  certaine  chofe  ,  je  ne 
peux  plus  acquérir  ce  domaine  en  vertu 
d'aucun  autre  titre  ,dominium  non potejl 
ni  fi.  ex  unâ  causa  contingere.  L.  3 .  §.4. 
ff,  de  acq.  poJJ'. 

Au  contraire ,  quoique  je  fois  déjà 
créancier  d'une  chofe  en  vertu  d'un  titre 


#22        Tr.    des    Ob'lig. 
je  peux  encore  par  îa  fuite  devenir  créan- 
cier de  la  même  chofe  ,  (bit   du  même 
débiteur  qui  s'obligera   de  nouveau  de 
me  la  donner,  foit  d'autres  débiteurs. 

Paul  en  la  Loi  159.  ff.  de  Reg.  Jur, 
obferve  cette  différence  entre  le  droit  de 
domaine  ck  le  droit  de  créance  person- 
nelle, non  ,ut  ex pluribus  caujis  idem  nois 
deberi  potejl  ,  ha  ex  pluribus  caujis  jde/n 
potejl  nojirum  effe. 

3.  A  quoi ,  dira-t-on ,  peut  être  utile  au 
créancier  la  nouvelle  obligation  que  con- 
tracte envers  lui  fon  débiteur  par  le  pael: 
conjlitutœ  pecuniœ  ?  elle  lui  eft  utile  dans 
l'un  &:  l'autre  for.  En  ce  qui  concerne 
le  for  intérieur  ;  plus  les  obligations  du 
débiteur  font  multipliées,  plus  il  y  auroit 
d'infidélité  de  fa  part  de  ne  les  pas  ac- 
quitter ,  ô£  par  conféquent  le  droit  qu'a 
le  créancier  d'en  attendre  l'exécution  efl 
d'autant  plus  fort.  A  l'égard  du  for  exté- 
rieur ,  lorfque  l'obligation  du  débiteur 
qui ,  par  ce  pael ,  avoit  promis  à  fon  créan- 
cier de  le  payer  ,  étoit  une  obligation 
purement  naturelle ,  telles  qu'étoient  chez 
les  Romains  toutes  celles  qui  n'étoient 
formées  que  par  de  fimples  pacls  non  re- 
vêtus de  la  ftipulation  :  il  eft  évident  en 
ce  cas  que  l'obligation  que  le  débiteur 
contracloit  par  le  pael:  conjlitutœ  pecuniœ 
étoit  tfès-utile  au  créancier  ?  puifqu'elle 


Part.   II.  Chap,  VI.      623 

lui  donnoit  une  action  que  ne  lui  don- 
nent pas  la  première.  Le  degré  d'infidé- 
lité qu'il  y  a  à  manquer  à  des  obligations 
réitérées ,  avoit  porté  le  Prêteur  à  don- 
ner une  adtion  contre  le  débiteur ,  pour 
le  contraindre  à  accomplir  l'obligation 
qui  naiiîoit  de  ce  pael:  :  quoniam  grave  eji 
fidem  falUre    L.  i.  ff.  de  pec.  conft. 

Lorfque  l'obligation  du  débiteur  qui 
par  ce  pacl  avoit  promis  à  fon  créancier 
de  le  payer ,  étoit  une  obligation  civile 
qui  lui  donnoit  une  a&ion  ;  l'obligation 
&c  l'action  qui  naiflent  de  ce  pa<S,  ne 
lui  étoient  pas  à  la  vérité  nécefïaires  ;  le 
pact  n'étoit  pas  néanmoins  inutile  ,  &c  il 
paroît  qu'on  l'interpofoit  à  l'égard  des 
obligations  civiles  aufîi  bien  qu'à  l'égard 
des  obligations  naturelles  :  Debltum  ex 
qudeumque  causa  conjlituti  poteji ,  ex  quo* 
cumque  contracta  ,  &c  L.  i.  §.  6.  &  feqq. 
de  conft.  pec.  Ce  pa&  fervoit  fur-tout  à 
déterminer  le  temps  dans  lequel  le  paye- 
ment devroit  le  faire  ,  lorfqu'on  ne  s'en 
étoit  pas  expliqué  par  le  contrat  ;  &  cette 
détermination  fervoit ,  félon  les  princi- 
pes du  Droit  Romain  ,  à  mettre  de  plein 
droit  par  le  feul  laps  de  ce  temps  le  dé- 
biteur en  demeure  ,  lorfqu'il  n'avoit  pas 
fatisfait  à  fon  obligation  ;  au  lieu  que 
lorfqu'on  n'avoit  déterminé  aucun  temps, 
le  débiteur  ne  pouvoit  être  mis  en  de- 
meure que  par  la  litis-conteftation. 


624      T r.  des  Oblige 

4.  Même  dans  le  cas  auquel  le  créancier 
n'auroit  pas  eu  befoin  du  pact  cnnjlituta 
pecuniœ  ,  pour  fixer  le  temps  du  paye- 
ment qui  fe  trou  voit  déjà  fixé  &  déter- 
miné par  le  contrat,  Ulpien  décide  que 
le  pacl  peut  encore  avoir  quelque  utilité  : 
Si  is  qui  &  jure,  civili  &  prœtorio  debebat 
in  diem  jît  obligatus ,  an  confîituendo  te- 

neatur habet  utilitatem  ,   ut  ex  die 

obligatus  conjlituendo  fe  eadem  die  folutu- 
rum  ter.eatur.  L.  3.  §.   2.  ff.  d.  tit. 

Pour  comprendre  en  quoi  pouvoit 
confifter  cette  utilité  ,  il  faut  faire  atten- 
tion que  félon  les  principes  de  l'ancien 
Droit  Romain ,  les  actions  dépendoient  de 
formules  embarrafTantes ,  dont  la  moindre 
inobfervation  faifoit  décheoir  le  créan- 
cier de  fon  droit  d'action  ;  il  étoit  par 
conféquent  utile  d'avoir  plufieurs  actions 
pour  la  créance  d'une  même  choie  ,  afin 
que  fi  par  défaut  de  forme  on  venoit  à 
décheoir  d'une ,  on  pût  avoir  recours  à 
l'autre  :  c'eft  pourquoi,  quoique  l'obli- 
gation fût  une  obligation  civile  qui  don- 
noit  une  action  au  créancier  ,  le  pact 
con/iitutœ  pecuniœ  qui  donnoit  une  nou- 
velle action ,  n'étoit  pas  tout- à-fait  inu- 
tile. 

5 .  Les  pacts  conjlitutv pecuniœ  qui  avoient 
pour  objet  de  déterminer  un  certain  jour 
ou  un  certain  terme  dans  lequel  quelqu'un 

s'obligeoit 


Part.  Iï.   Chap.  VI.      615 

s'obligeoit    envers   un  créancier  de  lui 
payer  ce  qui  étoit  du  ,   ne  font  guéres  en 
uiage  parmi  nous  ;  car  cette  détermina- 
tion du  temps  ,  dans  lequel  le  payement 
doit  fe  faire  ,  qui ,  félon  les  principes  du 
Droit  Romain ,  étoit  utile  au  créancier 
pour  que  le  débiteur  fût  plus  facilement 
conftitué  en  demeure ,  n'eft  ordinairement 
félonies  principes  de  notre  Droit  François 
d'aucune  utilité  au  créancier  ;  puifque 
félon  les  principes  de  notre  Droit  Fran- 
çois ,  foit  qu'il  y  ait  un  certain  terme 
de  payement ,  foit  qu'il  n'y  en  ait  pas  , 
le  débiteur  ne  peut  ordinairement  être 
conftitué  en  demeure  que  par  une  inter- 
pellation judiciaire  ,  c'eft-à-dire  ,  par  un 
exploit  de  demande  ,  ou  lorfqu'il  y  a  un 
titre  exécutoire  de  créance ,  par  un  com- 
mandement* 

Nous  avons  néanmoins  parmi  nous  des 
conventions  qu'on  peut  aufli  appeller  des 
pa&s  conjîitutœ  pecuniœ ,  par  lesquelles  on 
promet  a  un  créancier  de  lui  payer  ce 
qui  lui  eft  dû  ;  telles  font  celles  par  lef- 
quelles  les  héritiers  d'un  débiteur  parlent 
un  titre  nouvel  au  créancier,  6c  s'obli- 
gent de  lui  payer  ce  qu'ils  lui  doivent  en 
leur  qualité  d'héritiers  ;  la  nouvelle  obli- 
gation qui  en  réfulte  ,  ôc  qui  eft  ajoutée 
à  celle  contractée  par  le  défunt ,  à  laquelle 
4Ces  héritiers  ont  fuccédé,çft  utile  air  créant 
Jomc  U  D  d 


616        Tr.   des  Oblig. 
cier ,  puifqu'elle  lui  donne  le  droit  d'exé- 
cution que  ne  lui  donnoit  plus  celle  con- 
tractée par  le  défunt 

Nous  verrons  fur  ce  pacl ,  i°.  Ce  qui 
eft  néceflaire  pour  fa  validité.  2°.  S'il  ren- 
ferme nécessairement  un  terme  dans  le- 
quel le  payement  doit  fe  faire.  30.  Si  par 
ce  pacl  on  peut  s'obliger  à  plus ,  ou  à  autre 
chofe ,  ou  différemment  que  par  la  pre- 
mière obligation.  40.  Quelle  eft  la  nature 
de  l'obligation  qui  naît  de  ce  pa£t.  Nous 
dirons  quelque  chofe  dans  un  5  e.  §.du  pact 
par  lequel  on  promet  à  un  créancier  de 
lui  donner  certaines  sûretés. 

§.  1. 

De  ce  qui  efl  nèceffaire  pour  la  validité 
du  Pacl  conftitutae  pecuniae. 

6.  Il  réfulte  de  la  définition  aue  nous 
avons  donnée  du  pacl:  conjlitutœ  pecuniœ , 
qu'il  fuppofe  la  préexiftence  d'une  dette 
qu'on  promet  de  payer  à  celui  qui  en  eft 
le  créancier.  C'eft  pourquoi ,  fi  par  er- 
reur je  fuis  convenu  avec  vous  de  vous 
payer  une  certaine  fomme  que  je  croyois 
vous  être  due  par  moi  ou  par  un 
<  utre ,  l'erreur  ayant  été  depuis  décou- 
verte, vous  ne  pouvez  pas  en  exiger  le 
payement ,  le  pacl  étant  nul  faute  d'une 
c  ette  qui  en  ait  été  le  fondement  :  Haclenus 
Cù-njtitutuîh  valcbit  jjl  quod  conjîituitur  de- 
litwnju,  L,  n.tf.  ue  conft.  pec, 


Part.  II.  Chap.  VI.  6ij 
QuiJ ,  ii  je  vous  ai  promis  de  vous 
payer  une  lomme  que  j'ai  déclaré  vous 
devoir ,  quoique  dès  lors  j'eiuTe  connoif- 
jfance  que  je  ne  vous  la  devois  pas  ?  cette 
convention  ne  peut  pas  être  valable  com- 
me pacl  conflitutœ  pccuniœ ,  faute  d'une 
dette  qui  en  doit  être  le  fondement  ;  elle 
renferme  en  ce  cas  une  donation  que  je 
vous  ai  voulu  faire  ,  &  elle  ne  peut  être 
valable ,  fi  elle  n'eil  revêtue  des  formes 
que  la  Loi  civile  requiert  pour  la  validité 
des  donations. 

7.  Lorfque  la  dette  qu'on  a  promis  parle 
pact  conftïtutœ pecuniœ  de  payer,  étoitfuf- 
pendue  par  une  condition  fous  laquelle 
elle  avoit  été  contractée ,  &:  qui  n'ctoit 
pas- encore  accomplie  ;  quoiqu'il  n'y  eût 
pas  encore  alors  de  dette  ,  néanmoins 
ii  par  la  fuite  la  condition  s'accomplit , 
le  pact  fera  valable  ;  car  les  conditions 
lorsqu'elles  font  accomplies  ayant  un  effet 
rétroactif  au  temps  du  contrat ,  la  dette 
fera  cenfée  avoir  exïfté  dès  le  tems  qu'elle 
a  été  contractée  ,  &:  par  conféquent  dès 
le  temps  du  pacl  oonflitutœ  pecunix  qui 
n'eu  intervenu  que  depuis.  L.  19.  fF.  d.  tité 
Mais  fi  la  condition  vient  à  défaillir, 
le  pacl  ne  fera  pas  valable  ,  il  renferme 
néceffairement  la  condition  fous  laquelle 
la  dette  étoit  due,  quoique  les  parties  ne 
s'en  foient  pas  expliquées. 

Dd  ij 


6iS      Tr.    des    O  b  l  i  g. 

Qiùâ ,  fi  j'avois  promis  exprelîément 
de  payer  même  dans  le  cas  auquel  la  con- 
dition viendroit  à  défaillir  ?  La  promerTe 
de  payer  en  ce  cas  ne  peut  pas  valoir 
comme  pa£t  conjîituœ  pccunia ,  faute  d'une 
dette  qui  y  ferve  de  fondement  ;  elle 
renferme  pour  le  cas  de  la  défaillance  de 
îa  condition ,  une  donation  qui  ne  peut 
être  valable  û  l'acle  n'eit  revêtu  des  for- 
mes des  donations  entre-vifs. 

8.  Il  n'importe  de  quelle  manière  foit 
dû  ce  qu'on  promet  de  payer  par  le  pacl 
conftitutœ pîcuniœ  ;  carde  quelque  manière 
que  vous  foit  dû  ce  que  je  promets  de 
vous  payer  ,  ne  fut-ce  que  par  une  obli- 
gation purement  naturelle ,  ce  n'efl:  pas 
une  donation  que  je  vous  fais ,  c'efï  un 
payement  que  je  promets  de  vous  faire  , 
&:  par  conféquent  c'eft  la  vraie  efpecc  du 
pacl  conjïitutœ  pecuniœ. 

Quid ,  fi  la  dette  étoit  de  celles  qui 
font  expreflément  reprouvées  par  la  loi 
civile ,  le  pacl  c  onjli  tut  œ  pecuniœ  par  lequel 
on  fe  feroit  obligé  à  la  payer  feroit-il 
valable  ?  Je  penfe ,  que  û  cette  dette  étoit 
reprouvée  par  la  loi  civile  ?  non  par  un 
vice  de  la  caufe  d'où  elle  éroit  née  ,  mais 
par  une  incapacité  de  la  perfonne  qui  l'a; 
contractée ,  à  qui  la  loi  civile  défendoit 
de  la  contraôer ,  6c  que  cette  incapacité 
ne  -  Mi  fiât  plus  lors  du  pacl:,  le  paft  ne 
hifferoit  pas  d'être  valable. 


Part.  II.  Chap.  VI.  629, 
Par  exemple ,  lorfqu'une  femme  étant 
fous  puiiîance  de  mari ,  a  emprunté  une 
fomme  qui  n'a  pas  tourné  à  fon  profit ,  je 
penfe  qu'étant  devenue  veuve  elle  peut 
valablement  s'obliger  par  ce  pa&  à  la 
payer;  car  quoique  cette  dette  foit  re- 
prouvée par  la  loi  civile  qui  la  déclare 
nulle  ,  il  fuffit  qu'elle  foit  due  dans  le  for 
de  la  conscience  ,  pour  que  le  payement 
qui  en  feroit  fait  par  cette  femme  ,  fût 
un  vrai  payement  ôc  non  une  donation  ; 
d'où  il  fuit  que  la  convention  par  laquelle 
elle  a  promis  de  la  payer ,  ne  renferme 
pas  une  donation ,  mais  une  promefTe  de 
payer,  &  par  conféquent  eft  un  vérita- 
ble pa&  conjiitutœ pecunicz ,  que  cette  fem- 
me a  pu  valablement  faire  ,  puifqu'elle 
étoit  alors  libre  Se  capable  de  s'obliger. 
On  oppofera  que  nous  avons  déciàéfuprà 
/?.  395.  que  cette  obligation  ne  peut  pasfer- 
vir  de  fondement  à  un  cautionnement. 
Donc ,  dira-t-Of! ,  il  ne  peut  pas  par  la 
même  raifon  fervir  de  fondement  au  pacl: 
conflitutœ  pecuniœ. 

Je  réponds  qu'il  y  a  une  grande  dif- 
férence entre  l'un  &  l'autre  :  un  caution- 
nement n'en1  qu'une  fimple  adhéfion  à 
l'obligation  du  débiteur  principal,  l'obli- 
gation d'un  cautionnement  ne  peut  fub- 
fifter feule  par  elle-même  ;  il  faut  qu'il  y 
ait  une  obligation  principale  dont  elle 

Ddiij 


630        Tr.    des    Oblïg; 
foit  FaccefToire.  Or,  une  obligation  que? 
la  loi  civile  réprouve  &  qu'elle  déclare 
abfolument  nulle  ,   n'eft  pas  fiifceptible 
d'acceftbires ,  &c  ne  peut  par  conféquent 
fervir  de  matière  à  un  cautionnement. 
Le  droit  que  j'acquiers  contre  vous  lorf- 
que  vous  vous  rendez  caution  envers  moi 
pour  quelqu'un  ?  n'étant  qu'une  extenlion 
du  droit  que  j'ai  contre  celui  que  vous 
cautionnez  ;  û  je  n'en  ai  aucun  contre  lui , 
la  loi  déclarant  fon  obligation  abfolument 
nulle  ,  je  n'en  peux  avoir  contre  vous  : 
il  n'en  eft  pas  de  même  du  pa&  conjîitutœ 
pecuniœ.  Si  on  dit ,  que  l'obligation  qui 
en  naît  eft  acceffoire  à  l'obligation  prin- 
cipale qu'on  s'oblige  par  ce  pa&  d'acquit- 
ter ,  on  ne  le  dit  qu'en  ce  fens  qu'elle  eft 
ajoutée   à   cette  obligation  principale  ; 
mais  on  ne  le  dit  pas  dans  le  même  fens 
qu'on  le  dit  d'un  cautionnement  ;  ce  n'eft 
pas  une  obligation ,  qui  ne  foit  comme 
l'eft  un  cautionnement ,   qu'une   fnnple 
adhéfion  à  l'obligation  principale  ;  c'eft 
une  obligation  qui  fubfifte  par  elle-même , 
proprlis  viribus  ,   &   même   quelquefois 
après  que  l'obligation  principale  a  cefTé 
d'exifter  ,  comme  nous  le  verrons  infrà 
par  la  loi  1 8.  §.  1.  ff.  d.  th. 

S'il  eft  de  FefTence  du  pa£t  conflit  utx 
pecunix  qu'il  préexifte  une  dette  ,  ce  n'eft 
que  parce  qu'il  doit  avoir  pour  objet  \m 


Part.  II.   Chap.  VI.     631 

payement,  fans  quoi  il  renfermèrent  une 
donation  :  or ,  pour  que  ce  pael  ne  ren- 
ferme pas  une  donation ,  &C  qu'il  ait  pour 
objet  un  payement,  il  fuffit  que  la  dette 
qu'on  promet  payer  par  ce  pael ,  foit  due 
au  moins  dans  le  for  de  îa  coniciencé  ^ 
&  qu'il  y  ait  en  conféquence  un  jufle  fu- 
jet  d'en  faire  le  payement,  quoiqu'elle 
foit  pour  le  for  extérieur  déclarée  nulle 
parla  loi  civile. 

9.  Obfervez  néanmoins  que  pour  que  le 
pael  conjlitutœ  pecuniœ  ,  pour  lequel  on  a 
promis  de  payer  quelqu'une  de  ces  dettes 
que  la  loi  civile  reprouve  &C  déclare  nul- 
les ,  foit  valable  ,  il  faut  que  cette  dette 
ne  foit  pas  réprouvée  par  un  vice  de  la 
caufe  d'où  elle  eftnée,  mais  feulement  par 
une  incapacité  civile  de  la  contracter 
dans  la  perfonne  qui  l'a  contractée  ,  & 
que  cette  incapacité  ne  fubfifte  plus  dans 
cette  perfonne  lors  du  pael:  par  lequel 
elle  promet  de  la  payer  ;  telle  qû'étoit 
celle  dont  nous  venons  de  rapporter  l'e- 
xemple ;  mais  li  la  dette  qu'on  a  promis 
payer  par  le  pael:  conjlitutœ  pecuniœ,  étoit 
une  dette  que  la  loi  civile  reprouve 
pour  un  vice  de  la  caufe  d'où  elle  eft  née. 
Putà ,  fi  c'eft  une  dette  pour  dépenfçs 
faites  par  un  domicilié  au  cabaret;  quoi- 
qu'elle foit  due  dans  le  for  de  la  confeien- 
ce ,  &  que  le  payement  qui  en  feroit  fait 

Dd  iv 


<G3"i  Tr.  des  Obiig,' 
fat  valable,  néanmoins  le  pa& par  lequel 
on  promettroit  au  cabaretier  de  la  payer  , 
rie  feroit  pas  valable  ,  &  il  ne  feroit  pas 
écouté  à  en  demander  le  payement  ;  la 
raifon  eftque  le  vice  de  la  caufe  de  cette 
dette  fnf^^  -     •  ;  •  ,       ;  •  ■ 

— «i4Aic  toujours  :  ioit  que  le  caba- 
retier en  demande  le  payement ,  en  vertu 
de  la  première  obligation  qu'a  contractée 
celui  qui  a  fait  la  dépenfe  dans  fon  caba- 
ret 5  foit  qu'il  le  demande  en  vertu  de  ce 
pacl ,  c'elt  toujours  la  demande  d'une 
dette  de  cabaret ,  qui  n'eft  pas  écoutée 
en  Juftice. 

î  o.  Lorfque  îa  dette  n'eft  dette  que  félon 
la  fubtilité  du  droit  ,   telle  qu'eft  celle 
£[ui  réfulteroit  d'une  promeffe  que  vous 
auriez  extorquée  fans  caufe  &  par  violen- 
ce ,  dont  je  ne  fuis  tenu  ni  dans  le  for 
extérieur  au  moyen  de  l'exception  par 
laquelle  je  peux  m'en  défendre ,  ni  dans 
le  for  de  la  confcience ,  elle  ne  peut  fer- 
vir  de  fondement  au  pacl:  conflitutœ  pecu- 
ni  ce  :  Si  quis  conflituerit  quod  jure  civili  de~ 
bebat ,  jure  pmtorio  non  debebat  id  ejî  per 
■exceptionem  ;  an  conflituendo  teneatur  }  El 
ejl  verum  non  teneri ,  quia  débita  juribus  * 
non ejl pecunia  quœ  conjlitutaejl.  L.  3.  §.  t. 
ff.  de  pec,  conft.  La  raifon  eft  qu'étant 

*  îd  efl  nec  jure  naluraîl ,  nec  quoad  ejfeflum 
jure  çivili}  propter  €Xceptionem% 


Part.  IL   Chàp.  Vî.     63} 

de  l'efTence  du  pael  conjlitutœ  pecuniœ  , 
qu'il  ait  pour  objet  le  payement  d'une 
dette  ,  une  telle  dette ,  dont  il  ne  peut 
fe  faire  un  payement  valable  ,  ne  peut 
fervir  de  fondement  à  ce  pa£t.  ;  car ,  ou 
le  payement  s'en  fait  par  erreur  ,  &C  il 
li'eft  Das  valable  puifqu'il  y  a  lieu  à  la 
répétition  de  la  choie  payée  ,  L.  26.  §. 
3.  ff.  dt  cond.  ind.  ou  le  payement  s'en 
fait  avec  connoiiTance  du  vice  de  la  dette , 
ck  en  ce  cas  c'eit  plutôt  une  donation 
qu'un  payement  ,  fuivant  cette  règle  : 
Cujus  per  errorem  dati  condiciio  ejl  9  ejus 
per  errorem  dati  donatio  ejï.  L.  53.  ff.  de 
R.  J.  Or,  une  donation  ne  peut  être  l'ob- 
jet du  paft  conjlitutx  pecuniœ ,  ce  ne  peut 
être  que  le  payement  d'une  dette. 

1 1.  Il  eu  à  la  vérité  néceffaire,  comme 
nous  l'avons  vu  jufqu'à  préfent  5  pour  que 
le  pael:  conjlitutœ  pecuniœ  foit  valable, 
que  lors  de  ce  pael  il  exifle  une  dette  , 
qu'on  promette  par  ce  pael  de  payer; 
mais  il  n'eft  pas  de  même  toujours  nécef- 
faire  que  la  chofe  qu'on  promet  par  ce  pael 
le  payer  exifte  ;  car  fi  cettec  hofe  étoit  pè- 
le par  le  fait  ou  la  faute  de  celui  qui  en  étoit 
le  débiteur ,  ou  depuis  qu'il  a  été  conf- 
ritué  en  demeure ,  la  chofe  continueroit 
?n  ce  cas  d'être  due  ,  quoiqu'elle  ait  cefTé 
l'exifter  ,  comme  nous  le  verrons  infrci  , 
?art,  3.  ck,  6.  art,  3,  ce  qui  fuffit  pour 

Dd  v 


<^3 4  Tr.  des  O b lï g, 
que  le  pacl  conjiitutœ  pecuniœ  par  lequcf 
on  promet  de  payer  cette  chofe ,  quoi- 
qu'elle n'exiftât  plus  lors  du  paft  ,  foit 
valable  &  oblige  celui  qui  a  fait  la  pror 
méfie ,  à  payer  le  prix  de  cette  chofe  ; 
c'eft  ce  que  décide  Julien  :  promijjbr  ho- 
minis  ,  homine  tnortuo  quum  per  tum  (lard 
quominks  traderetur  ?  Ji  kominem  daturum 
fe  conjlitucrit ,  de '  conjiitutd  pecunid  tenebi- 
tur  ut  pruium  ejus  folvat.  L.  23.  fF.  cl.  tit*. 

12.  Pourvu  que  lors  du  pa£t,  il  exiite 
une  dette ,  dont  le  payement  en  fafTe 
l'objet  ,  il  n'importe  pour  la  validité  du 
pacl: ,  que  ce  foit  le  débiteur  qui  pro- 
mette de  la  payer ,  ou  que  ce  foit  une  autre 
perfonne  qui  promette  de  la  payer  pour 
lui  ;  &  quod  ego  debeo  tu  conftitu&ndo.^ 
teneberis.  L.  5.  §.  2.  d.  tit. 

Il  n'eft  pas  même  néceffaire  que  le 
confentement  du  débiteur  intervienne , 
lorfqu'un  autre  s'oblige  par  ce  pa£l  de 
payer  pour  lui  ce  qu'il  doit  ;  on  pour- 
roit  même  faire  ce  pael  malgré  lui  ;  car 
de  même  qu'on  peut  payer  pour  quel- 
qu'un fans  fon.  confentement  &  même 
malgré  lui ,  Z.  5  2,  ff.  defolut.  de  même  on 
peut  s'obliger  de  payer  pour  quelqu'un 
fans  fon  confentement  &  même  malgré 
lui  :  c'eft  ce  qu'enfeigne  Ulpien  utrùm 
prœfcntc  dcbïtorc  an  abfente  conjïituat  quis 
parvi  rtfert  :  Hoc  amplius  ctiam  invito , .  » 


Part.   II.   Chap.   VI.     635 

\.v  falfam  putat  opinioncm  Labeonis  exi- 
jiimantis  ,  fi  poflquam  quis  conflituit  pro 
alio  ,  dominus  eï  denuntiet  ne  folvat ,  ex- 
ttptiontm  dandam  :  Kec  immeritb  ;  ncwi 
curn  fcnul  fît  obligatus  qui  conflituit ,  fac- 
tu  m  débitons  non  débet  euni  exeufare.  L.  2.7. 
ff.  d.  t  t. 

Je  peux  à  la  vérité  par  le  pa&  confil- 
tut»  pecun'ue  promettre  de  payer  ce  qui 
eft  dû  par  un  autre  ;  mais  il  faut  pour 
que  le  pa&  foit  valable  ,  que  je  promette 
de  le  payer  comme  chofe  due  par  celui 
qui  en  eft  effectivement  le  débiteur  ;  que 
fi  je  promettois  de  le  payer,  comme 
m'en  croyant  le  débiteur ,  le  pa£t  ne  feroit 
pas  valable  ,  fi  je  n'étois  pas  le  débiteur» 
X.  1 1 .  ff.  d.  tit. 

1 3 .  De  même  qu'un  payement  eft  vala- 
ble ,  non- feulement  lorfqu'il  eft  fait  au 
créancier ,  mais  lorfqu'il  eft  fait  à  un  autre 
de  fon  ordre  ou  de  fon  confentement  ;  de 
même  ce  pac~t  eft  valable  ,  foit  que  ce  foit 
au  créancier  lui-même  à  qui  on  promette 
<le  payer,  foit  que  ce  foità  un  autre , pourvu 
que  ce  foit  de  fon  confentement;  c'eftainft 
qu'il  faut  entendre  ce  que  dit  Ulpien  9 
quod  conftituitur  y  in  rem  exaclum  efi  ,  non 
utique  ut  iscui  confiituitur  creditor fit  ;  nam 
quod  tibi  debetur  ,  fi  mihi  confiituatur^  de" 
betur.  L.  5.  §.  2.  pourvu,  comme  noirs 
venons  de  le  dire  ,  que  ce  foit  du  con;-:- 

D  d  vjj 


£-$6         Tr.  des  Oblig. 

fenîement  du  créancier  ;  mais  fi  on  pro* 
îiietîoit  de  payer  à  un  autre  qu'au  créan- 
cier fans  fon  confentement ,  le  pacl:  ne 
ieroit  pas  valable ,  quand  même  ce  feroit 
à  celui  à  qui  on  eût  pu  valablement  payer  : 
c'eft  ce  qu'enfeigne  Ulpien  :  Si  mïhi  aut 
Titlo  JlipuUr  ;  Titio  conjlittd  /ko  nomlnt 
non  pojfe  J ulianus  ait  \  quia  non  habet  pe- 
tiiionem^  tametfi  à  folvi  poffitt  L.  7.  §»  I. 
ff.  d.  tli. 

%.  11. 

Si  le  pacl  conflitutae  pecuniae  renferme 
nécejfairement  un  terme  dans  lequel  on 
promet  payer, 

14.  Chez  les  Romains ,  comme  nous  l'a- 
vons déjà  obfervé  ci-deflus ,  le  pacl:  con- 
Jlitutce  pecuniœ  renfermoit  ordinairement 
un  certain  jour  ou  un  certain  terme  dans 
lequel  on  promettoit  de  payer.  Ce  mot 
confiitutum  paroirToit  tellement  renfermer 
l'idée  d'un  terme  de  payement  qu'on 
avoit  douté  fi  le  pacl:  conjlitutœ  pecuniez 
pouvoit  être  valable  ,  lorfqu'il  n'y  en 
avoit  aucun  d'exprimé  ;  c'eft.  ce  que  nous 
apprenons  d'Ulpien ,  qui  penfe  néanmoins 
que  le  pacl  en  ce  cas  ne  lahTe  pas  d'être 
valable  ,  mais  qu'on  doit  y  fous-entendre 
un  terme  au  moins  de  huit  jours,  £.  2,1, 
§,  i,  ff,  d>  t'a. 


Part.  II.  Chap.  VI.  637 
Cette  décifion  ne  doit  à  mon  avis 
avoir  lieu  eue  lorfque  les  parties  ne  s'é- 
toient  pas  plus  expliquées  fur  le  temps 
du  payement  par  le  contrat  par  lequel  la 
dette  avoit  été  contractée  ,  que  par  le 
pacl  conjiitutœ pecuniœ  par  lequel  on  s'eft 
obligé  de  la  payer  ;  mais  fi  le  contrat 
portoit  le  temps  dans  lequel  elle  devoit 
être  payée  ,  je  penfe  que  les  parties  qui 
ne  s'en  font  pas  expliquées  par  le  pacfc 
conjîituta  pecuniœ  doivent  être  préfumées 
être  convenues  du  même  temps  qui  efl 
porté  par  le  contrat. 

Ce  principe  du  Droit  Romain  ,  que 
le  pact  conftitutœ  pecuniœ  doit  toujours 
contenir  un  certain  terme  exprès  ou  ta- 
cite dans  lequel  devra  fe  faire  le  paye- 
ment qu'on  promet  par  ce  paû  défaire  9 
n'a  pas  lieu  parmi  nous  ,  fuivant  ce  que 
nous  avons  obfervé  au  commencement 
de  cette  Section, 

§.  m. 

Si  on  peut  par  le  pael  conftitutae  pecunîae 
s*  obliger  à  plus  que  ce  qui  ejl  dû  ,  ou  a 
autre  ckcfe  que  ce  qui  eji  dû  ,  on  iy 
obliger  l'une  différente  manière* 

1 5 .  Il  n'eft  pas  nécefîaire  pour  la  validité 
*lu  pa&  conflituta  pecunia  que   ce  fait 


6  3 S  Tr.  des  Oblig, 
précifément  la  même  fomme  qui  eft  due 
qu'on  promette  par  ce  pacl  de  payer  ; 
ce  peut  être  une  fomme  moindre  ;  fi  quis 
viginti  debens ,  dccan  confiituit  fe foluturuni^ 
tenebitur.  L.  ly.  ffl  de  pcc.  confï.  Obfervez 
que  dans  ce  cas  ,  quoique  le  débiteur 
ne  foit  tenu  ex  pacto  conflittitœ  pecunia 
que  in  dccem ,  il  ne  laifTe  pas  de  demeu- 
rer débiteur  de  la  fomme  entière  ,  e£ 
prijlind  obligatione  ,  le  pacl  confiante  pe- 
cuniœ  ne  détruifant  point  la  première  obli- 
gation ,  &  ne  faifant  qu'y  accéder, 

i6,On  peut  bien  promettre  valablement 
par  le  pacl:  conjîïtutœ  peciwm  de  payer 
une  fomme  moindre  que  celle  qui  eft  due5 
mais  on  ne  peut  pas  valablement  promet- 
tre une  plus  grande  fomme  ,  &  ii  on. l'a 
fait ,  le  pacl  ne  fera  valable  que  jufqu'à 
la  concurrence  de  la  fomme  due  v.  g.  Si 
quis  centum  aurcos  debens,  ducentos  conflit 
tuât,  in  centum  tantummodo  tenetut,  L.  1 1. 
§.   i.ff.  d.  t. 

La  raifon  eil ,  que  ce  qui  feroit  donné 
de  plus  que  la  fomme  due  ne  feroit  pas 
un  payement  ,  mais  une  donation  ;  or 
comme  nous  l'avons  déjà  dit  plusieurs 
fois ,  le  pacl  conjlitutce  pecuniœ  ne  peut 
être  valable  que  comme  promefTe  de 
payer ,  &  non  comme  donation. 

Par  la  même  raii'on ,  fi  quelqu'un  avoir 
promis   par  ce  pacl   de  payer  avec  ia. 


Part.  îï.  Chap.  VI.      6yy 

fomme  qu'il  doit  une  autre  choie ,  le  pact 
ne  i croit  valable  que  pour  la  fomme,/* 
decem  debtantury  &  dece/n  &  Stichum  con~ 
Jîituut ,  potcjl  d'ici  deeem  tantummodo  no~ 
mine  teneri.    L.    12. 

1 6.  ïl  n'efl  pas  néanmoins  nécefTaire  pour 
la  validité  du  patt  conjlitutx  pecuniœ ,  qu'on 
s'oblige  de  payer  précifément  la  même 
choie  qui  eft  due ,  on  peut  promettre  vala- 
blement de  payer  une  autre  choie,  non  pas 
outre  celle  qui  eft  due,  mais  à  fa  place  ; 
car  le  payement  qui  eft  fait  d'une  autre 
choie  à  la  place  de  celle  qui  eft  due  ,  étant 
valable  ,  lorfque  le  créancier  y  confent , 
comme  nous  le  verrons  infrà  part*  3, 
n.  49^.  la  convention  de  payer  autre 
chofe  que  celle  qui  eft  due  doit  pareille- 
ment être  valable  :  c'eft  ce  qu'enfeigne 
Ulpien  :  An  poteji  conjiitui  aiiud  quàm 
quod  debetur  quœftum  ejl  ?  fed  ciim  jam 
p  lacet  rem  pro  rc  folvi  pojfc  ,  nihil  prohi- 
bée &  aliud  pro~dïbito  conjiitui.  L.  1.  §.  ?, 
d.  th. 

1 7.  Ce  pa£t  de  payer  une  autre  chofe  que 
celle  qui  eft  due ,  peut  fe  faire  valable- 
ment non-feulemen:  pas  le  débiteur,  mais 
par  un  tiers  qui.  promet  de  payer  cette 
autre  chofe  pour  le  débiteur;  car  de  même 
qu'un  tiers  peut  valablement  payer  pour 
le  débiteur  une  autre  chofe  à.  la  place 
de  celle  qui  eft  due ,  lorfque  le  créancier 


640  Tr.  des  Oblig. 
y  confent  ;  il  peut  aufli  promettre  vala- 
blement par  ce  pacl  de  faire  ce  payement» 
En  cela ,  ce  pacl  eft  différent  du  cau- 
tionnement ;  car  y  comme  nous  l'avons 
vu  fuprà  y  n.  368.  une  caution  ne  peut 
valablement  s'obliger  à  une  autre  çhofe 
qu'à  celle  qui  eft  due  par  le  débiteur  prin- 
cipal in  aliam  rem  quàm  quœ  crédita  eft. 
jidtjuffor  obligari  non  potefl.  L,  42.  ff.  dt 
fidej.  La  raifon  de  différence  eft  qu'un 
cautionnement  n'eft  qu'une  fimple  adhé- 
fion de  la  caution  à  l'obligation  du  dé- 
biteur principal  ;  elle  ne  peut  donc  avoir 
un  objet  différent  :  au  contraire ,  le  pacl 
confiitutœ  pecwiiœ  fuppofe  à  la  vérité  la 
préexiftence  d'une  dette  ,  ayant  pour 
objet  le  payement  de  cette  dette  ;  mais 
il  n'eft  pas  pour  cela  une  fimple  adhéfion 
à  l'obligation  principale  ;  il  peut  avoir  un 
objet  différent  de  celui  de  l'obligation 
principale  ;  car  le  payement  de  la  dette 
principale  qui  eft  l'objet  de  ce  pacl ,  pou- 
vant fe  faire  du  confentement  du  créan- 
cier en  une  autre  chofe  que  celle  qui 
eft  due  ;  on  peut  promettre  par  ce  pacl 
de  payer  une  autre  chofe  que  celle  qui 
eft  due  ,  auquel  cas  le  pacl  a  un  autre 
objet  que  celui  de  l'obligation  principale. 
Une  autre  preuve  que  le  pacl  confii- 
tutœ pecunicz  n'eft  pas  une  fimple  adhéfion 
à  l'obligation  principale,  eft  que  l'obli- 


Part.  II.  Chap.  VI.  €42 
Ration  qui  naît  de  ce  paft  fubfifte  quel- 
quefois après  que  l'obligation  principale 
cil  éteinte  ,  comme  nous  le  verrons  au 
paragraphe  fuivant. 

18.  On peuts'obligerpar cepaft différem- 
ment que  par  l'obligation  principale  ;  par 
exemple  ,  on  peut  par  ce  pacl  s'obliger  de 
payer  dans  un  autre  lieu  que  celui  porté  par 
l'obligation  principale.  Eum  qui  Epheji 
promijlt  fc  foluturum  9Jî  conjiituit  alio  loco 
fe  foluturum  ,  teneri  confiât,  L,  5.  ff.  de 
pec.  confl. 

On  peut  même  par  ce  pa&  ,  s'obliger 
de  payer  dans  un  terme  plus  court  que 
celui  porté  par  l'obligation  principale  ; 
fed  &Jî  citeriore  die  conftituat  fe foluturum  , 
f militer  tenetur,  L.  4.  #.  d.  tit. 

Ce  padl  par  lequel  on  promet  de  payer 
dans  un  terme  plus  court  eu  valable  9 
foit  qu'il  foit  interpofé  par  h  débiteur/ 
{bit  qu'il  foit  interpofé  par  un  tiers  qui 
promet  de  payer  pour  lui  ,  comme  l'a  fort 
bien  remarqué  Àcurfe  en  fa  glofe  fur 
cette  loi. 

Cela  n'eft  pas  contraire  au  principe 
de  Droit  que  nous  avons  rapporté  fuprà 
n.  370.  îllud  commune  e/l  in  univerfs  qui 
pro  aliis  obligantur ,  quod  Ji  fuerint  in  du- 
riorem  caufam  adhïbiti ,  placuiteos  omninb 
non  obligari.  L.  8.  §.  7.  ff.  de  fidej.  car 
ce  principe  n'a  lieu  qu'à  l'égard  de  çeu* 


642       Tr.   des   Oblig. 

dont  l'obligation  n'eïl:  qu'une  pure  adhé* 
fion  à  celle  du  débiteur  principal ,  tels 
que  font  des  fidéjuffeurs  ;  mais  l'obliga- 
tion qu'on  contracte  par  le  pacl  conftï- 
tutœ  pecunix  ,  quoiqu'elle  doive  avoir 
pour  objet  le  payement  d'une  obligation 
préexiftente  ,  n'eft  pas  comme  nous  l'a- 
vons déjà  remarqué ,  une  pure  adhéfion 
à  cette  obligation  ,  puifque  comme  nous 
l'avons  déjà  vu ,  on  peut  s'obliger  par 
ce  pacl:  à  donner  une  autre  choie  que 
celle  qui  eft  due ,  pourvu  que  ce  foit 
en  payement  &  à  la  place  de  celle  qui 
eft  due  qu'on  promette  de  la  donner, 
pareillement  pourvu  que  le  pacl  n'ait 
d'autre  objet  que  le  payement  de  la  dette , 
on  peut  par  ce  pa&  s'obliger  plus  du- 
rement à  faire  ce  payement  -,  que  ne 
s'y  étoit  obligé  le  débiteur  par  l'obli- 
gation principale  ,  &:  par  conféquent 
à  le  faire  dans  un  terme  plus  court  : 
Acurfe  obferve  fort  bien  fur  cette  Loi 
que  celui  qui  s'oblige  par  ce  pacl  qu'il 
appelle  Reus  conflitutez  pecunice ,  efl  en 
cela  différent  du  fidéjuffeur. 

Je  ne  peux  approuver  le  fentiment 
de  Cujas  qui  dans  fon  commentaire  fur 
Paul  ad  Ed.  fur  cette  Loi,  reprend  Acurfe 
d'avoir  diltingué  le  Reus  conjîitutœ  pecu- 
nlce  du  fidéjuffeur ,  &  foutient  que  le  fidé- 
juffeur peut  auiîi-bien  que  le  Reus  con~ 


Part.  II.  Chap.  VI.      543 

fil  tut  x  pccunhz  s'obliger  à  payer  dans  un 
plus  court  terme  que  n'y  eft  obligé  le 
débiteur  principal ,  &  qu'on  ne  trouvera 
nulle  part  dans  les  loix  qu'il  ne  le  puifte 
pas  :  je  répons  qu'il  fuffit  que  les  loix 
diient  en  général  que  les  fïdéjuffeurs  ne 
peuvent  pas  s'obliger  in  duriorcm  caufam 
pour  qu'on  en  puirTe  conclure  qu'ils  ne 
peuvent  s'obliger  à  payer  dans  un  terme 
plus  court  que  ne  l'eft  le  débiteur  prin- 
cipal ;  car  il  eft  clair  ,  que  la  condition 
de  celui  qui  eft  obligé  à  payer  hic  &  nurre 
&  fans  terme  ,  eft  plus  dure  que  celle 
de  celui  qui  as  un  terme  ;  6c  il  eft  vrai 
de  dire  qu'il  eft  obligé  à  plus  ,  puifque 
le  plus  s'eftime  nonfulùm  quantitate  ,  mais 
DIE  conditions  loco  ,  &c.  Il  y  a  plus  9 
la  Loi  16.  §.  5.  ff.  de  fidej.  décide  ex- 
preiTément  que  fi  quelqu'un  a  cautionné 
fous  une  certaine  condition  ,  un  débiteur 
principal  qui  étoit  obligé  de  payeraubout 
d'un  certain  terme  ,  6c  que  la  condition 
s'accomplirTe  avant  le  terme  ,  la  caution 
ne  fera  pas  obligée  :  N'eft-ce  pas  dire 
bien  exprefTément  qu'une  caution  ne  peut 
être  obligée  à  payer  fans  terme  ,  lorfque 
le  débiteur  principal  a  un  terme. 

19.  La  Loi  8.  fF.  depec.  conjî.  nous  four- 
nit un  autre  exemple  du  principe  qu'on 
peut  s'obliger  différemment  &:  plus  dure- 
ment par  le  paer.  canjiitiuœ  pecunix  que 


é44        Tr.  des  Oblig, 

par  l'obligation  principale  :  elle  décide 
que  je  peux  valablement  convenir  par 
ce  pael  qu'on  me  payera  à  moi  feul  ce 
qui  ,  par  l'obligation  principale  ,  étoit 
payable  ou  à  moi  ou  es  mains  d'une 
autre  perfonne  ;  ce  qui  ne  fe  pourroit  pas 
par  un  cautionnement ,  la  condition  de  la 
caution  qu'on  prive  de  la  faculté  qu'a  le 
débiteur  de  payer  entre  les  mains  d'une 
autre  perfonne  étant  plus  dure  que  celle 
du  débiteur  principal.  L.  34.  fF.  defidej* 

Cujas  dans  le  même  Ouvrage  ad  /eg. 
ïo.  &  13.  dit  que  cette  loi  doit  être  res- 
treinte dansfon  cas,  c'enV à-dire ,  lorfque 
c'eft  le  débiteur  lui-même  qui  me  promet 
par  ce  pa&  de  me  payer  à  moi  feul  ce 
qui  étoit  payable  à  moi  ou  entre  les  mains 
d'une  autre  perfonne ,  &  qu'un  tiers  ne 
pourroit  pas  faire  ce  paér ,  parce  qu'il 
jne  peut  pas  plus  qu'un  fidéjimeur  s'obli- 
ger in  duriorcm  caufam  ;  je  penfe  au  COî> 
traire  que  ce  pael:  n'étant  pas  une  pure 
adhéfion  à  l'obligation  principale  ,  un 
tiers  peut  par  ce  pa&  s'obliger  in  durionm 
caufam  ,  comme  nous  l'avons  vu  ci- 
deffus. 

20.  Il  nous  refle  à  obferver  que  dans  les 
titres  nouvels  que  pafTent  des  héritiers 
par  lefquels  ils  s'obligent  au,  payement 
<le  ce  qui  étoit  dû  par  le  défunt  ,  ils 
peuvent  bien  à  la  vérité  ,  félon  les  prin* 


Part.IL  Chap.  Vï.  645: 
cîpes  que  nous  venons  de  rapporter, 
?ppofer  pour  ce  payement  des  claufes 
différentes  que  celles  portées  par  le  titre 
primordial  ;  mais  il  faut  pour  cela  qu'ils 
déclarent  qu'ils  entendent  en  cela  inno- 
ver au  titre  primordial  ;  autrement  tout 
ce  qui  fe  trouve  dans  les  ades  de  diffé- 
rent de  ce  qui  eft  porté  par  le  titre  pri- 
mordial ,  eft  préiumé  s'y  être  gliiTé  par 
erreur  &  n'eft  pas  valable  ,  la  préemp- 
tion étant  que  l'intention  de  ceux  qui 
paiTent  ces  actes  ,  efr.  de  reconnoître  &  de 
confirmer  ce  qui  eu  porté  par  le  titre 
primordial ,  &  non  d'y  rien  innover,  V. 
infrà  n.  744. 

§.  iv. 

De  r effet  du  Pacî  conftitutae  pecuniae , 
&  de  C obligation  qui  en  naît. 

Premier    Principe. 

1 1 .  Le  pact.  conjlitutœ pecuniœ ,  qui  a  pouf 
objet  le  payement  d'une  obligation  pré- 
exiftente ,  ne  renferme  aucune  novation  "9 
il  produit  une  nouvelle  obligation  qui 
n'éteint  pas  la  première ,  mais  qui  y  ac- 
cède. 

Second    Principe* 

.  Quoique  le  paû  conjlitutœ  pecuniœ  n'é-** 


64S  T  R.   DES   OblIG; 

teigne  pas  la  première  obligation  ,  il  y 
apporte  quelquefois  quelques  change- 
mens  ou  modifications  ;  ce  qui  néan- 
moins ,  félon  la  fubtilité  des  principes  du 
Droit  Romain  ,  ne  fe  faifoit  pas  ipfojure.  y 
maisper  exceptionem. 

Troisième    Principe. 

Quoique  l'obligation  qui  naît  du  pacl: 
conflit  ut  œ  pecuniœ  accède  à  la  première  , 
elle  n'eft  pas  néanmoins  une  pure  adhé- 
fion  à  la  première  obligation  ;  elle  fub- 
fifle  par  elle-même  ,  6c  même  quelque- 
fois elle  continue  de  fubfifter ,  après  l'ex- 
tinction de  la  première. 

Quatrième    Principe. 

Le  payement  de  l'une  de  ces  obliga- 
tions éteint  &  acquitte  les  deux. 

21.  Le  premier  de  nos  principes  n'a  pas 
befoin  d'explication. 

Le  fécond  s'éclaircira  par  des  exem- 
ples. 

Premier   Exemple. 

Nous  avons  vu  en  l'article  précédent, 
qu'on  pouvoit  par  le  pa£t  conjlitutœ  p:cu- 
mœ ,  promettre  de  payer  à  la  place  de  la 


Part.  I T.  Chap,  VI.  647 
Ibmme,  ou  de  la  :hofë  qui  e i\  due, une 
autre  chof  '  qui  eft  due.   Sup- 

putons que  mon  d  eur  d'une  fomme 
de  trente  t^  îs  ,  m'a  promis  de  me 
donner  à  la  j  ouiTaint  fix  poinçons  du 
vin  cic  fa  récolte,  en  payement  delà 
fomme  de  trente  pifloles  qu'il  me  doit  ; 
ce  p;  v  •  d  '  ruit  point  la  première  obli- 
ga  ion  :  je  peux  en  vertu  de  la  première 
obligatio  -  mander  à  mon  débiteur  les 
trente  piilol  s,  6c  ma  demande  procède 
if  fo  jure  ;  mais  comme  par  le  pa£t  je  fuis 
convenu  qu'il  pourroit  me  payer  ,  à  la 
piace  de  cette  fomme  ,  fix  pièces  du  vin 
qu'il  auroit  recueilli,  il  peut  per  excep- 
tioncm  pacii ,  en  offrant  lefdites  fix  pie- 
ces  de  vin  ,  demander  à  être  renvoyé  de 
ma  demande  des  trente  piftoles.  Au 
moyen  de  cette  exception  qu'il  peut 
m'oppofer  ,  fa  première  obligation  qui 
étoit  une  obligation  pure  ck  fimple  de  me 
payer  préclfement  la  fomme  de  trente 
piftoles  ,  reçoit  par  le  pa£r.  une  modifica- 
tion ,  ôc  devient  une  obligation  de  tren- 
te piftoles  ,  avec  la  faculté  de  payer  les 
fix  pièces  de  vin  à  la  place. 

Le  créancier  etrmt  créancier  des  tren- 
te piftoles ,  en  vertu  de  la  première  obli- 
gation ,  &  créancier  des  fix  pièces  de 
\in  en  vertu  de  celle  qui  naît  du  paft 
conjluutœ  pecuniœ  y  il  peut  9  ïi   bon  lui 


g48  Tr.  des  Oblig, 
iemble  ,  intenter  l'a&ion  qui  naît  du  padt 
ôc  demander  les  fix  pièces  de  vin  :  mais 
fi  le  débiteur  aimoit  mieux  payer  les 
trente  piftoles  ,  il  pourroit  en  offrant  le 
payement  des  trente  piftoles ,  faire  ceffer 
la  demande  des  fix  pièces  de  vin  ,  parce 
que  fuivant  le  quatrième  de  nos  princi- 
pes ,  le  payement  des  trente  piftoles  qui 
acquitte  la  première  obligation,  acquitte 
les  deux. 

Second  Exemple. 

3.3.  Si  étant  votre  débiteur  d'une 
fomme  qui  étoit  payable  à  vous  feul 
en  votre  domicile  ,  je  vous  ai  pro- 
mis par  le  pact  conjiitutœ  pecuniœ  de  la 
payer  ou  entre  vos  mains,  ou  entre  celles 
de  votre  correfpondant  ,  dans  un  lieu 
moins  éloigné,  ce  pacl:  apporte  en  ma 
faveur  une  modification  à  mon  obliga* 
tion ,  en  ce  qu'au  lieu  que  j'étois  obligé 
précifement  de  payer  entre  vos  mains  &C 
au  lieu  de  votre  domicile  ,  j'acquiers  par 
ce  pa£t  la  faculté  de  pouvoir  payer  entre 
les  mains  de  votre  correfpondant ,  &  dans 
un  lieu  qui  m'efl  plus  commode  ;  ce  qui 
ne  fe  faifoit  néanmoins  félon  la  fubtilité 
du  Droit  Romain  que  per  exceptionem.  Si 
guis  ptGuniam  conjiituerit  tibi  aut  Titio  ; 


Part.  II.   Chap.  VI.     64$ 

\tlî  ftriclojure ,  priori  *  aclione  ,  pecunioe 
conjîitutœ  manet  obtlgatus  ,   cùamfi  Titlo 
folverit ,  tamen  pcr  exceptioncm  adjuvatur  , 
L.  30.  fF.  de  pec.  conft. 

Troijieme  Exemple, 

24.  Lorfque  par  le  pa&côhjiituiœ pecunict 
mon  débiteur  a  promis  de  me  payer  dans 
un  certain  terme  la  fomme  qu'il  me  devoit 
fans  terme ,  ou  dans  un  terme  plus  court  :  ce 
padt  apporte  une  modification  à  fa  premiè- 
re obligation ,  &  la  rend  payable  au  terme 
porté  par  cepacl;  car  je  fuis  cenfé  lui 
avoir  accordé  par  ce  pacl:  le  terme  dans 
lequel  il  a  promis  de  me  payer  ;  ce  qui 
doit  me  rendre  non-recevable  à  le  de- 
mander plutôt  ,  même  par  l'action  qui 
naît  de  la  première  obligation. 

Il  en  feroit  autrement  û  c'étoit  un  tiers 

Îui  m'eût  promis  de  payer  pour  vous 
ans  un  certain  terme  ,  ce  que  vous  me 


1 


*  Cujas  a  fubftîtué  ce  mot  priori  au  mot  pro- 
■pria ,  qui  n'a  pas  de  fens  ;  au  moyen  de  cette 
correction,  le  fens  de  ce  texte  eft  clair;  quoique 
le  débiteur  qui  a  payé  entre  les  mains  de  Titius 
demeure  toujours  jl riElo  jure  débiteur  de  la  pre- 
mière obligation ,  qui  n'eft  payable  qu'entre  les 
mainsdu  créancier  ;  néanmoins  ce  payement  le  dé- 
charge per  exceptionem  doli  aut  patfi  ;  parce  qu'il 
peut  oppofer  au  créancier,  qu'il  l'a  fait  en  vertu 
de  la  permiffion  qu'il  lui  en  a  accordé  par  le  pa&. 
Tome  I.  E  e 


&ç6      Tr.'    dés    Oblige 

devez  fans  terme  ou  dans  un  terme  plitS 
court;  ce  pacl:  ne  fait  aucun  changement  à 
votre  obligation,  &  ne  m'empêche  pas  de 
vous  demander  avant  le  terme  porté  par  ce 
pacl:  ce  que  vous  me  devez  ;  car  ce  n'eft 
pas  à  vous  à  qui  j'ai  accordé  le  terme  porté 
par  ce  pacl:  où  vous  n'étiez  pas  partie. 

2  5 .  11  y  a  néanmoins  des  cas  auxquels 
vous  pouvez  profiter  indirectement  du 
pacl:  par  lequel  un  tiers  a  promis  de 
payer  pour  vous  :  tel  eft  le  cas  auquel  le 
tiers  auroit  promis  de  payer  pour  vous  une 
certaine  fomme  à  la  place  de  la  chofe  que 
vous  devez;  vous  acquérez  indirectement 
par  ce  pacl: ,  quoique  vous  n'y  foyez  pas 
partie  ,  la  faculté  de  vous  libérer  de  vo- 
tre obligation  par  le  payement  de  cette 
fomme  ;  car  étant  permis  à  toutes  perfon- 
nes  de  faire  au  nom  du  débiteur  le  paye- 
ment de  ce  qui  eft  dû  par  un  autre ,  lorf- 
qu'elles  ont  quelqu'intérêt  à  faire  ce 
payement ,  il  fuffit  que  vous  ayez  intérêt 
au  payement  de  la  fomme  que  le  tiers  s'eft 
obligé  par  le  pacl:  conjiitutœ  puuniœ  de 
payer  à  la  place  de  la  chofe  que  vousde  vez, 
pour  que  vous  deviez  être  reçu  à  faire 
au  nom  de  ce  tiers  le  payement  de  cette 
fomme  ;  &  en  la  payant  pour  ce  tiers  &C 
&  l'acquittant  de  fon  obligation  ,  vous 
vous  acquittez  auffi  de  la  vôtre  :  car  fui- 


PartJ  IL  Chap,  VL  fcj£ 
Vânt  le  quatrième  de  nos  principes  ,  le 
payement  de  l'une  des  obligations  éteint 
les  deux. 

Par  la  même  raifon  ,  fi  un  tiers  a  pro- 
mis par  ce  pacl  de  payer  dans  un  autre 
lieu  que  celui  où  le  débiteur  étoit  obligé 
de  payer  ;  ou  s'il  a  promis  de  payer  au 
créancier ,  ou  entre  les  mains  d'une  au- 
tre perfonne  ,  ce  que  le  débiteur  ne  pou- 
voit  payer  qu'entre  les  mains  du  créan- 
cier ;  le  débiteur  peut  profiter  indirec- 
tement de  ce  pacl: ,  en  faifant  au  nom  de 
ce  tiers  le  payement  aat  lieu  où  il  lui  eu. 
permis  par  le  pacl  conjlitutœ  ptçuniœ  de 
le  faire  ,  &  entre  les  mains  de  la  perfon- 
ne à  laquelle  il  lui  efl  permis  de  payer  ; 
&  en  faifant  ce  payement  pour  ce  tiers  , 
vous  vous  acquittez  de  votre  obligation 
par  laquelle  vous  étiez  tenu  de  payer 
précifement  entre  les  mains  du  créancier  ,' 
ou  dans  un  autre  lieu  ;  car  fuivant  le 
quatrième  de  notre  principe ,  le  paye- 
ment de  l'obligation  qui  naît  du  pa& 
conjlitutœ  pecuniœ  ?  éteint  la  première  ,  & 
vice  versa. 

26.  Nous  avons  rapporté  des  exemples 
des  changemens  &  modifications  ,  que  la 
première  obligation  pouvoit  recevoir  par 
le  pact  conjlitutœ  pecuniœ  au  profit  du  dé- 
biteur ;  elle  en  peut  recevoir  aufîi  au  pro- 
fit du  créancier. 

Eeij 


£jî         Tr.  des  Oblig.4 

En  voici  un  exemple  :  lorfque  celui 
qui  m'étoit  débiteur  d'une  fomme  paya- 
ble à  moi  ,  ou  entre  les  mains  d'une 
autre  perfonne ,  me  promet  par  le  pacl 
conjlitutœ  pccuniœ  de  me  la  payer  à  moi- 
même  ;  la  première  obligation  reçoit  par 
ce  pacl  un  changement  au  profit  du  créan- 
cier ;  car  au  lieu  que  c'étoit  une  obli- 
gation avec  la  faculté  de  payer  entre 
les  mains  d'une  autre  perfonne  ,  elle 
devient  par  ce  pacl:  une  obligation  qui 
n'eft  plus  payable  qu'à  moi-même.  Si 
(  mihi  aut  Titio  dare  obligatus  )  pojîeà 
quàm  foli  mihi  te  foluturum  conjiituijli  9 
Jolveris  Titio  ,  nihilominus  mihi  teneberis  9 
L.  8.  ff.  de  conji.  pecun.  car  parce  pacl, 
vous  êtes  cenfé  avoir  renoncé  à  la  fa- 
culté que  vous  vous  étiez  réfervé  par 
votre  première  obligation  de  payer  en- 
tre les  mains  de  Titius  ,  c'eft  pourquoi  le 
payement  que  vous  lui  avez  fait  n'eft 
pas  valable. 

Il  en  feroit  autrement  fi  c'étoit  un  tiers 
qui  m'eût  promis  de  me  faire  ce  paye- 
ment pour  vous  ;  car  ce  pacl:  oii  vous 
n'étiez  pas  partie  n'a  pu  vous  ôter  la  fa- 
culté que  vous  aviez  de  payer  entre  les 
mains  de  Titius. 

27.  Voici  un  cas  où  le  pacl  conjlitutœ  pé- 
tunia apporte  des  changemens  à  la  pre- 
mière obligation ,  tant  de  la  part  du  créan- 


Part.   Iî.  Chai».  VT.     G^f 

cler  que  de  celui  du  débiteur  ;  c'eft  lorf- 
que  celui  qui  m'étoit  débiteur  de  deux 
choies  fous  une  alternative  m'a  promis 
de  me  payer  déterminément  l'une  des 
deux  ;  ce  pacl:  apporte  par  rapport  au 
créancier  un  changement  à  la  première 
obligation  ,  en  ce  que  la  déterminant* 
d'alternativeq  u'elle  étoit ,  à  la  chofe  qu'il 
a  promis  de  payer  ,  elle  doane  au  créan- 
cier le  droit  d'exiger  cette  chofe  déter- 
minément ,  fans  que  le  débiteur  puifle 
avoir  dorénavant  le  choix  de  payer  l'au- 
tre :  c'eft  ce  qu'enfeigne  Papinien  :  illud 
aut  illud  dcbuit ,  &  conflituit  alutum  ;  an 
vcl  alurum  quod  non  conjliluitfolvere  pof- 
Jit  quœjitum  eji  ?  Dixi  ,  non  ejfc  audlcn- 
duni  ^Jivelit  hodiefidem  conjlitutx  rei  fran- 
gcre  ,  L.  25.  ff.  d.  T. 

La  première  obligation  reçoit  auffi  err 
ce  cas  un  changement  par  raport  au  débi- 
teur ;  car  étant  par  ce  pacl:  déterminée  à 
la  fewle  chofe  que  le  débiteur  a  promis  de» 
payer ,  le  débiteur  pourra  acquérir  la  li- 
bération de  fon  obligation  ,  par  l'extinc- 
tion de  cette  chofe  furvenue  fans  fa  faute 
avant  fa  demeure  ;  au  lieu  qu'auparavant 
ce  pacl: ,  fon  obligation  n'auroit  pu  s'étein- 
dre que  par  l'extin&ion  des  deux  cho- 
fes. 

j£.  Notre troifieme  principe  ,querobli* 
gation  qui  naît  du  pa&  conjlitutœ  pecunicç 

Ee  iij 


ïyl  TrJ  Ses  OBtirf 
n'eft  pas  une  pure  adhéfion  à  la  première  J 
refaite  affez  de  ce  que  nous  avons  dir 
dans  les  articles précedens  ;  qu'elle  pour- 
roit  avoir  un  objet  différent  ,-  comme 
lorfqu'on  promet  par  ce  paft  de  payer 
Une  autre  chofe  à  la  place  de  celle  qui  eft 
due  parla  première  obligation. 

Cela  refaite  aufîî  de  ce  qu'elle  peut 
être  contractée  fous  des  conditions  plus 
dures  ;  comme  lorfqu'on  promet  de  payer 
dans  un  terme  plus  court  que  celui  porté 
par  la  première  obligation,  fuprà,  n.  i8„ 

Ce  qui  prouve  encore  plus  évidem- 
ment que  l'obligation  qui  naît  du  pact  r 
n'eft.  pas  une  fimple  adhéfion  à  la  pre- 
mière obligation  qu'on  s'eft.  obligé  par  ce 
pacl:  de  payer  ,  &  qu'elle  fubfifte  par 
elle-même  ;  c'en1  qu'elle  peut  continuer 
de  fubfifter  après  l'extinction  de  cette 
première  obligation. 

C'eft  ce  qu'enfeigne  Ulpien.  Si  quid 
debitum  tune  fuit  quum  conflituetetur ,  nunc 
non  Ht ,  nïhilominus  tenet  conflitutum  ;  quia 
retrorfum  fe  aclio  refert  :  proinde  temporali 
actions  obligatum  ,  confituendo  Ce/Jus  & 
Julianus  teneri  debere  >  lieu  pofl  conflitu- 
tum dits  temporali  s  aclio  ni  s  exierit.  Quarc 
€tjl  pofl  tempus  obligationis  fe  foluturunt 
confinait ,  adhuc  idem  Julianus  putat ,  quo- 
niam  eo  tempore  conflituit  quo  erat  obligàtio^ 
lieet  in  id  tempus  quo  non  tenebatur.  Lu.  iS, 
§,  i.  C  depec.  confh 


Part.  IL  Chap:  VI.  fcjj 
La  GlofTe  apporte  pour  exemple  de 
cette  décifion  ,  le  cas  auquel  un  vendeur 
auroit  par  un  pa&  conjlitutœ  ptcuniœ.  pro- 
mis à  l'acheteur  de  lui  payer  une  certai- 
ne fomme  pour  le  dédommagement  d'un 
vice  de  la  chofe  vendue  ,  dont  il  étoit 
tenu  envers  lui ,  aclione  œjlimatoriâ  :  fui- 
vant  la  décifion  de  cette  Loi ,  l'obligation 
qui  naît  de  ce  pa£t  de  payer  cette  fomme 
dure  même  après  le  temps  de  fix  mois 
que  duroit  l'aclion  œjlimatoriâ  ,  &  on  au- 
roit même  pu  par  le  pacl:  afligner  pour  le 
payement  de  la  fomme  un  jour  qui  n'au- 
roit  du  arriver  qu'après  l'expiration  du 
terme  de  fix  mois  de  l'a&ion  œjlimato- 
ria. 

Dans  l'exemple  qu'apporte  la  Glofle  ; 
on  peut  dire  que  quoique  l'action  œjli- 
matoriâ foit  éteinte  par  l'expiration  du 
temps  de  fjx  mois,  il  refte  néanmoins  après 
ce  tems  une  obligation  naturelle  de  dé- 
dommager l'acheteur ,  laquelle  peut  être 
la  matière  du  payement  que  le  vendeur  a 
promis  faire  par  le  pa£t  conjlitutœ  peca- 
niœ. 

Quid  ,  fi  la  dette  pour  le  payement  de 
laquelle  eft.  intervenu  le  pacl  conjlitutœ 
pecuniœ  ,  &  qui  e-xiffoit  au  temps  dudit 
pact ,  a  été  depuis  éteinte  autrement  que 
par  un  payement  réel  ou  fictif,  de  ma- 
nière qu'il  ne  fubfifte  plus  aucune  obliga- 

E  e  iv 


#5<5        Tr;  des   Oblige 

tion  ni  naturelle  ni  civile  ,  Pobligatïoiï 
contra&ée  par  le  pacl:  confiitutœ  pecuniœ. 
pour  le  payement  de  cette  dette  ,  conti- 
nuera-t- elle  de  fubfifter?  Oui.  C'eft 
ce  que  décide  Paul  en  la  Loi  19,  §.  2, 
ff,  de  pec.  conjî,  où  il  dit  que  fi  un  père 
débiteur  de  la  fomme  qui  fe  trouvoit 
alors  dans  le  pécule  de  fon  fils  envers 
le  créancier  de  fon  fils  ,  lui  a  promis 
par  ce  pacl:  de  lui  payer  cette  fomme ,  il 
continue  de  la  devoir  en  vertu  de  ce  pacl:  9 
quoique  ne  fe  trouvant  plus  rien  dans  le 
pécule  de  fon  fils  ,  l'obligation  de  pecu- 
lio  dont  il  étoit  tenu ,  &  en  payement  de 
laquelle  il  a  promis  de  payer  cette  fom- 
me ,  {bit  éteinte  ;  licet  inurierit peculium  , 
non  tamen  liberatur. 

Voici  d'autres  exemples  plus  confort 
mes  à  nos  ufagès. 

Fingc  :  je  me  fuis  rendu  caution  envers 
vous  pour  Pierre  pour  une  fomme  de 
mille  livres  qu'il  vous  devoit ,  à  la  charge 
que  l'obligation  de  mon  cautionnement 
ne  dureroit  que  pendant  le  temps  de  deux 
ans ,  au  bout  duquel  j'en  ferois  déchargé  : 
avant  l'expiration  des  deux  ans  ,  &  par 
conféquent  pendant  que  mon  obligation 
fubfiftoit ,  Jacques  vous  a  promis  de  vous 
payer  pour  moi  cette  fomme  ;  il  vous  a 
même  afligné  pour  le  payement  de  cette 
fomme  5  un  terme  qui  tombe  après  le 


Part.  IL   Chap.  VI.    657 

•temps  de  deux  ans  :  Jacques  après  l'expi- 
ration des  deux  ans  fera-t-il  obligé  parle 
pad  confîitutœ  pccunix  de  vous  payer.  La 
raifon  de  douter  ,  eft  que  ne  m'étant  obli- 
gé qu'à  la  charge  que  mon  obligation  ne 
dureroit  que  deux  ans  ,  &  que  j'en  ferois 
déchargé  après  ce  temps  ,  il  ne  fubfiiîe 
plus  en  ma  perfonne  de  dette  ni  naturel- 
le ni  civile  qui  puifîe  fervir  de  matière  au 
payementqu'il  a  promis  de  faire  pour  moi. 
La  raifon  de  décider  que  quoique  ma  det- 
te ,  en  payement  de  laquelle  Jacques  a 
promis  de  vous  donner  la  fomme  de  mille 
livres  ,  foit  éteinte  ,  l'obligation  de  Jac- 
ques continue  de  fubfifter  ,  eu  que  c'efl: 
au  temps  qu'eft  interpofé  le  pacl:  confîitu- 
tœ pecuniœ  qu'il  faut  confidérer  fi  la  dette 
pour  le  payement  de  laquelle  il  eft  inter- 
pofé exiftoit  ;  fi  au  temps  qu'il  a  été  inter- 
pofé ,  je  vous  devois  véritablement  la 
fomme  de  mille  livres  ,  en  payement  de 
laquelle  Jacques  vous  a  promis  de  vous 
payer  mille  livres  ,  le  pacl  a  été  valable- 
ment interpofé  :  Jacques  a  valablement 
contracté  l'obligation  de  vous  payer  cet- 
te fomme.  Il  n'importe  que  depuis  ma 
dette  ait  été  éteinte  ;  celle  qu'il  a  con- 
tractée fubfifte  :  fi  quid  debitum  tune  fuit 
quum  conftitueretur^  nunc  non  fit  ?  tenct  conf- 
titutum\  QUIA    RETRORSUM   SE    ACTIO 

refert,  On  objectera  ;  il  s'eft  obligé  de 


&5&        Tr;  ses  OblïgJ 

payer  ma  dette;  ilnepeutpluslapayerj 
îorfqu'elle  eft  éteinte  ;  fon  obligation  ne 
peut  donc  plus  fubfifter  ;  elle  eft  réduite 
à  quelque  chofe  d'impofïibJe.  Je  réponds 
que  c'eft  à  la  vérité  en  payement  de  ma 
dette  qu'il  s'eft  obligé  de  vous  paye» 
mille  livres  ,  &:  il  étoit  nécefTaire  pou* 
cela  que  je  vous  les  dufle  alors  :  mais 
après  qu'il  en  a  contracté  l'obligation ,  le 
payement  qu'il  doit  faire  &  qu'il  fait  de 
cette  fomme  ,  eft  le  payement  de  fa  pro- 
pre dette  ;  ce  n'eft  qu'indirectement  que 
ce  feroit  aufli  le  payement  de  la  mienne  , 
li  elle  fubfiftoit  encore. 

Voici  un  autre  exemple.  Un  tiers  s'eft 
obligé  de  vous  payer  pour  moi  trente 
piftoles  à  la  place  d'un  certain  cheval  que 
je  vous  de  vois  ,  quoique  depuis  mon 
obligation  ait  été  éteinte  par  la  mort  du 
cheval  ,  celle  de  ce  tiers  doit  fub(lfter« 

Ce  cas  eft  bien  différent  de  celui  d'une 
perfonne  qui  feroit  débiteur  d'un  certain 
cheval ,  fi  mieux  il  n'aimoit  donner  trenn 
te  piftoles  à  la  place.  En  ce  cas  ,  la  mort 
du  cheval  le  libère  entièrement  de  fon 
obligation  ,  parce  qu'en  ce  cas  il  n'y  a 
que  le  cheval  de  dû  ,  les  trente  piftoles 
ne  {ontapiinfaculatefolutionis.  Mais  dans 
notre  cas  ,  le  tiers  étoit  véritablement 
débiteur  des  trente  piftoles  ;  ce  n'étoit 
pas  même  du  cheval ',  ce  n'étoit  que  d$ 


Part.  IL  Chap.  VI.  6j$ 
cette  fomme  dont  il  étoit  débiteur  :  c'eft 
pourquoi  la  mort  du  cheval  qui  éteint 
mon  obligation  ,  n'éteint  pas  la  fienrue. 

29.  L'obligation  qui  naît  du  pa£t  confli- 
tutx  pccuniœ  peut  bien  continuer  après 
l'extinclion  de  l'obligation  principale  pour 
le  payement  de  laquelle  le  pact  a  été  inter- 
polé ;  mais  il  faut  pour  cela ,  comme  nous 
l'avons  déjà  obiervé,  qu'elle  ait  été  éteinte 
autrement  que  par  un  payement  réel  ou 
fï&if  ;  car  fuivant  le  quatrième  de  nos 
principes,  le  payement  de  l'une  des  deux 
obligations ,  foit  de  l'obligation  princi- 
pale ,  foit  de  celle  du  paft ,  éteint  les 
deux. 

30.  La  raifon  de  ce  quatrième  principe 
eft  évidente  :  ce  qui  eft  promis  par  le 
pacl  confiitutx  pccuniœ  étant  promis  en 
payement  de  l'obligation  principale  :  cette 
promefTe ,  lorfqu'elle  eft  effectuée  par  le 
payement  qui  eft  fait ,  renferme  un  paye- 
ment de  l'obligation  principale  ;  le  paye* 
ment  de  ce  qui  a  été  promis  par  le  pacl ," 
eft  donc  un  payement  des  deux  obli- 
gations, &  les  éteint  par  conféquent  l'une 
&  l'autre. 

Vice  versâ,  le  payement  de  l'obliga- 
tion principale  éteint  celle  du  pa£t,  en 
rendant  le  créancier  non  recevable  à  en 
demander  le  payement  ;  car  ce  oui  lut 
a  été  promis  par  ce  pact  ne  lui  ayant  été 


666  Tr.  des  Oblige 
promis  &  ne  lui  étant  dit  que .  pour  lé 
payer  de  l'obligation  principale  ,  ii  après 
avoir  été  payé  d'ailleurs  de  l'obliga- 
tion principale  >  il  fe  faifoit  payer  en- 
core de  ce  qui  lui  a  été  promis  par  le 
pa&  conflitum  pecuniœ.  ,  il  fe  feroit  payer 
deux  fois  de  l'obligation  principale  ;  ce 
que  la  bonne  foi  ne  permet  pas.  Bona 
fides  nonpatiturut  bis  idem  exigatur.  L.  57. 
ff,  de  R.  J.  on  ne  peut  pas  fe  faire  payer 
deux  fois  d'une  même  dette. 

31. Ce  principe  que  le  payement  de  Tune 
des  deux  obligations  éteint  les  deux ,  eft 
vrai ,  non  -  feulement  à  l'égard  du  paye- 
ment réel  ;  il  l'efl  pareillement  à  l'égard 
des  payemens  fî&ifs,  tels  que  font  la 
compenfation  ,  la  novation  &  même  la 
remife.  Le  créancier  acquérant  par  la  com- 
penfation de  pareille  fomme  qu'il  devoit 
la  libération  de  cette  fomme  >  fe  trouve 
par  cette  libération  payé  de  celle  qui  lui 
étoit  due  ;  le  créancier  dans  le  cas  de  la 
novation  ,  fe  trouve  payé  de  la  dette  dont 
il  a  fait  novation  par  la  nouvelle  qui  eft 
contractée  envers  lui  ;  il  ne  peut  donc 
dans  ces  cas  demander  à  être  payé  de  ce 
qui  lui  a  été  promis  par  le  pa£t.  confiitutiz 
pecuniœ  ?  puifque  ce  feroit  demander  à 
être  payé  deux  fois. 

Il  en  eft  de  même  du  cas  de  la  remife;  car; 
quoique  dans  ce  cas  il  n'ait  rien  reçu  x  i\ 


Part.  II.   Chap.  Vl.     €6i 

fuffit  que  par  cette  remife,  il  fe  fbîttenu 
pour  payé  de  l'obligation  principale ,  pour 
qu'il  nepuiffe  être  recevable  à  demander 
à  en  être  payé  une  féconde  fois. 

3  2.  Notre  principe  que  le  payement  de 
Tune  des  deux  obligations  éteint  les  deux, 
a  lieu ,  lorfque  ce  qui  a  été  promis  par 
le  pacî  conjlitutœ  pecunix  a  été  promis 
pour  le  payement  de  tout  ce  qui  étoit 
du  par  l'obligation  principale  :  lorfqifon 
n'a  promis  d'en  payer  qu'une  partie  ,  le 
payement  de  ce  qui  a  été  promis  par  le 
pacl ,  n'éteint  l'obligation  principale  que 
pour  cette  partie  :  par  exemple ,  fi  étant 
votre  débiteur  de  vingt  piftoles ,  j'ai  pro- 
mis ,  ou  un  autre  a  promis  d'en  payer 
quinze  dans  un  certain  temps ,  le  paye- 
ment des  quinze  piftoles  promifes  par  le 
pacl:  ,  n'éteindra  l'obligation  principale 
que  jufquà  concurrence  de  quinze  plf- 
loles. 

3  3 .  11  nous  refte  à  obferver  à  l'égard  de 
l'obligation  conjlitutœ  pecunics.  que  ,  fui- 
vant  la  loi  16.  ff.  de  pec.  conjl.  lorfque 
deux  perfonnes  ont  promis  de  payer  ce 
qui  eft  du  par  un  tiers ,  elles  en  font  te- 
nues chacune  folidairement,  en  quoi  elles 
refTemblent  aux  fidéjufleurs ,  fuprà  tf .  5  1 5. 
mais  elles  ont  de  même  que  les  fidéjufTeurs 
Texception  de  divifion ,  lorfqu'elles  font 
folYables.  L.fin.  cod,  de  pec.  conflit. 


66z       Tr.    des    Oblige 

Haloander  a  penfé  que  ceux  qui  OÀÏ 
promis  par  le  pacl:  conjlitutœ  pecuniœ  de 
payer  ce  qui  eil  dû  par  un  tiers ,  ont  auffi, 
de  même  que  les  fidéjuffeurs,  l'exception 
de  difcuflion  ,  lorsqu'ils  font  pourfuivis 
pour  avoir  manqué  de  payer  au  jour  nom- 
mé ,  &  qu'ils  font  compris  dans  la  dif- 
|)ofition  de  la  Novelle  4.  ch.  1.  fous  le 
rerme  av-nça-v*™  qu'il  traduit  par  conjiitutœ 
pecuniœ  nus. 

$  v. 

De  Cefpece  de  P a  cl  par  lequel  on  promet 
Hu  créancier  de  lui  donner  certaines  sûretés. 

34.  C'cft  une  efpece  de  pacl:  conjiitutœ* 
pecuniœ  ,  lorfqu'on  promet  au  créancier  , 
non  de  le  payer ,  mais  de  lui  donner  dans 
un  certain  terme  certaines  sûretés ,  com- 
me gage  ,  hypothèque  ,  caution  :  Si  quis 
conjlituerit  Je  pignus  daturum  ,  débet  hoc 
conjlitutum  admitti.  L.  14.  §.  1.  ff.  de 
pec.  confl. 

L'effet  de  ce  pa£t,  eft  que  celui  qui  a 
promis  par  ce  pafr  de  donner  certaines 
sûretés ,  peut  y  faute  par  lui  de  les  don- 
ner ,  être  contraint  au  payement  de  la 
dette  même  avant  le  terme  dans  lequel 
elle  eft  payable  ;  &  fi  c'eft  une  rente  ,  il 
peut  être  contraint  au  renibourfement  du 
principal 


Part:  II.  Chap;  VI.    'CSj 

5 5. [Celui  qui  a  promis  par  ce  pa£t,  de 
Sonner  pour  caution  une  certaine  per- 
fonne ,  eft  déchargé  de  fon  obligation , 
fi  avant  que  d'y  avoir  fatisfait ,  6v  d'a- 
voir été  en  demeure  d'y  fatisfaire ,  la 
perfonne  qu'il  a  promis  de  donner  pour 
caution,  vient  à  mourir,  d.  L,  14.  §.  2. 
la  raifon  eu  que  fon  obligation  devient 
impoiïible  par  la  mort  de  cette  perfonne 
qui  ne  peut  plus  fe  rendre  caution. 

11  en  feroit  autrement ,  fi  la  perfonne 
qu'il  a  promis  de  donner  pour  caution , 
réfufoit  de  fubir  le  cautionnement  :  Si 
nolitfidcjubere  ,puto  teneri  eum  qui  conjlituit^ 
niji  aliud  aclum  eji ,  d.  §.  La  raifon  eft 
que  pour  que  mon  obligation  foit  valable, 
il  fuffit  que  le  cautionnement  de  cette  per- 
fonne ,  que  j'ai  promis ,  foit  un  fait  pof- 
fible  en  foi ,  quoiqu'il  ne  me  foit  pas  pof- 
fible  par  le  refus  que  fait  cette  perfonne , 
de  fubir  le  cautionnement  ;  c'efî:  ma  faute 
d'avoir  promis  ce  que  je  ne  pou  vois  pas 
tenir  :  cela  eft  conforme  aux  principes 
établis  au  N.  136. 


fin  du  premier  Volume^ 


\ 


APPROBATION. 

J'Ai  lu  par  ordre  de  M.  le  Chancelier  un 
Manufcrit  comprenant  divers  Traités  de 
Droit ,  &  notamment  le  Traité  des  Obligations  , 
par  M.  Pothter  ;  je  n'y  ai  rien  trouvé  qui  en 
puifle  empêcher  l'impreiîion  ,  &  je  ne  doute 
pas  que  ceux  qui  s'appliquent  à  l'étude  des 
Loixck  des  principes  du  Droit  ne  s'emprefTent 
de  profiter  des  remarques  &  des  recherches 
d'un  Jurifconfulte  fi  éclairé.  A  Paris  ce  5  Mars 
1761.  Signé 3  GIBERT. 


PRIVILEGE    DU    ROY. 

LOUIS,  par  la  grâce  de  Dieu  ,  Roi  de  France  &  de 
Navarre  :  A  nos  arnés  Se  féaux  Confeillers  les  Gens 
tenans  nos  Cour*  de  Pa  lement  ,  Maîtres  des  Requêtes 
ordinaires  de  notre  Hôtel,  Grand  Confcil,  Prévôt  de 
Paris  ,  Baillifs,  Sénéchaux  ,  leurs  Lieutenans  Civls,  &  au- 
tres nos  Jufticiers  qu'il  appartiendra ,  S  A  L  U  T.  Notre  amé 
Jean  Debure,  Nous  a  fait  expoier  qu'il  défireroit  faire 
imprimer  &  donner  au  Public  un  Ouvrage  qui  a  pour  titre 
Divers  Traités  de  Droit  par  M.  POTHÎEl^  ,  s'il  nous  plai- 
foit  lui  accorder  nos  Lettres  de  Privilège  pour  ce  néceflaires. 
A  Cts  CAUsts,  voulant  favorablement  traiter  l'Expofant, 
Nous  lui  avons  permis  cV  permettons  par  ces  Préfentes 
de  faire  imprimer  ledit  Ouvrage  autant  de  fois  que  boa 
lui  femblera  ,  &  de  le  faire  vendre  &  débiter  par  tout  notre 
Royaume  pendant  le  rems  de  dix  années  confécutives  ,  à 
compter  du  jour  de  la  date  des  Préfentes.  Faifons  défenfea 
à  tous  Imprimeurs  ,  Libraires  cV  autres  perfonnes  de  quelque 
qualité  &  condition  qu'elles  foient,  d'en  introduire  d'im- 
preffion  étraneere  dans  aucun  lieu  de  notre  obéilîànce  ; 
comme  aufTi  d'imprimer  ou  faire  imprimer,  vendre ,  faire 
vendre,  débiter  ni  contrefaire  ledit  Ouvrage,  ni  d'en  faire 
aucuns  extraits  ,  fous  quelque  prétexte  que  ce  puifle  être, 
fans  la  permiffion  exprefle  Se  par  écrit  dudit  Expofant ,  ou 
de  ceux  qui  auront  droit  de  lui  ,  à  peine  de  confiscation 
des  Exemplaires  contrefaits,  de  trois  mille  livres  d'amende 
contre  chacun  des  contrevenans  ,  dont  un  tiers  à  Nous, 
*•  tiers  a  l'Hôtel  -  Pieu  de  Paris  ,  &  l'autre  tiers  audit 


Bxpofant ,  ou  h  celui  qui  aura  droit  de  lui,  à  peine  de  rotSs 
dépens ,  dommages  &  intérêts ,  à  la  charge  que  ces  Préfentes 
feront  enregistrées  tout  au  long  fur  le  regiftre  de  la  Com- 
munauté des  Libiaires  &  Imprimeurs  de  Paris,  cV  ce  dans 
trois  mois  de  la  date  d'icelles  ;  que  l'imprelTion  dudit 
Ouvrage  fera  faite  dans  notre  Royaume ,  &  non  ailleurs 
en  bon  papier  &  en  beaux  caractères,  conformément  à  la- 
Feuille  imprimée  &  attachée  pour  modèle  fous  le  contre- 
fcel  des  Préfentes  5  que  l'impétrant  fe  conformera  en  tout 
aux  Réglemens  de  la  Librairie  ,  &  notamment  à  celui  du 
10.  Avril  172  s.  qu'avant. de  l'expofer  en  vente,  le  ma- 
nufcrit  qui  aura  fervi  de  copie  à  l'impreffion  dudit  Ouvra- 
ge ,  fera  remis  dans  le  même  état  où  l'approbation  y  aura 
été  donnée  ,  es  mains  de  notre  très-cher  &  féal  Chevalier ., 
Chancelier  de  France  le  fieur  Delamoignon;  &  qu'il  en 
fera  enfuite  remis  $eux  Exemplaires  dans  nor-re Bibliothèque 
publique ,  un  dan&  celle  de  notre  Château  du  Louvre  ,  & 
un  dans  celle  de  notre  très-cher  &  féal  Chevalier ,  Chan- 
celier de  France ,  le  tout  à  peine  de  nullité  des  Prefentes. 
Du  contenu,  defquelles  vous  mandons  &  enjoignons  de 
faire  jouir  ledit  Expofant  &  fes  ayans  caufe ,  pleinement 
&  paisiblement ,  fans  fouffrir  qu'il  leur  foi*  fait  aucun  trou- 
ble ou  empêchement.  Voulons  que  la  copie  defdites  Pré- 
fentes ,  qui  fera  imprimée  tout  au  long ,  au  commence- 
ment ou  à  la  fin  dudit  Ouvrage ,  foit  tenue  pour  duement 
fïgniflée  ,  &  qu'aux  copies  collationneés  par  l'un  de  «os- 
âmes &  féaux  Confeillers  Secrétaire ,  foi  foit  ajoutée  comme 
à  l'Original.  Commandons  au  premier  notre  Huiflîer  ou. 
Sergent  fur  ce  requis  ,  de  faire  pour  l'exécution  d'icelles 
tous  aétes  requis  &  néceflàires  ,  fans  demander  autre  per- 
miffion  ,  &  nonobftant  Clameur  de  Haro,  Charte  Nor- 
mande, &  Lettres  à  ce  contraires  :  Car  tel  eit  notre  plaifir* 
DONNE'  à  Marly  le  vingt- neuvième  jour  du  mois  de 
Mai  l'an  de  grâce  mil  fept  cent  foixante-un  3  &  de  notre 
Règne  le  quarante-lîxieme.  Par  le   Roi  en  fon  ConfeiL 

LE  BEGUE. 

Je  foufligné ,  reconnois  avoir  cédé  &  tranfportè 
à  M.  Jean  Rouzeau -Montaut  ,  Libraire 
d'Orléans ,  la  moitié  du  préfent  Privilège  pour 
en  jouir  comme  à  lui  appartenant ,  fuivant  les 
conventions  faites  entre  nous.  A  Paris,  ce  ia 
Juin  1761. 

JEAN  DEBURE. 


Regifiréenfemble  le  prèfentPrlvilêge^&  la  cejjlon 
cl- jointe  ,  fur  le  Regijlre  de  la  Chambre  Royale 
&  Syndicale  des  Libraires  &  Imprimeurs  de  Paris* 
«°.  279.  fol.  184.  conformément  au  Règlement  de 
1723.  A  Paris 3  ce  15.  Juin  1761. 

G,  SAU6RAINt 


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